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Classiques Garnier

Résumés et présentations des auteurs

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Résumés et présentations
des auteurs

Jean-Pierre Sirois-Trahan, « Un spectre passa… Marcel Proust retrouvé »

Jean-Pierre Sirois-Trahan est professeur de cinéma au département des littératures de luniversité Laval depuis 2003. Il a codirigé louvrage Le Montage des identités (Laval, 2008) et a codirigé plusieurs numéros de revue. Théoricien et historien, il travaille sur le découpage et le cinéma de Georges Méliès dont il a établi lautobiographie : La Vie et lœuvre dun pionnier du cinéma (Paris, 2012).

Dans un film de la famille Greffulhe daté de 1904, réalisé à loccasion du mariage dArmand de Guiche, un ami cher à Marcel Proust, et dElaine Greffulhe, la fille du comte Henry Greffulhe, on nous fait admirer laristocratie du faubourg Saint-Germain. Nous sommes dans le monde des Guermantes, univers fait dapparat et de richesse. Un homme, à laccoutrement original, dévale le tapis rouge. Ce texte montre que ce spectre nest autre que Proust et quil sagit du premier film dans lequel on le voit apparaître.

In a film from the Greffulhe family dating from 1904, created on the occasion of the marriage of Armand de Guiche, a close friend of Marcel Proust, and Elaine Greffulhe, the daughter of the Count Henry Greffulhe, we are led to admire the aristocracy of the Saint-Germain district. We are in the world of the Guermantes, a realm of pomp and wealth. A man in an original outfit moves down the red carpet. This text shows that this specter is none other than Proust and this film is the first in which he appears.

Patrick Désile, « Figures, figurants, figurines »

Patrick Désile est docteur en arts et sciences de lart de luniversité de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheur associé au CNRS. Ses travaux portent sur lhistoire des images et des spectacles aux xviiie et xixe siècles, et sur lémergence du cinéma. Sur ces questions, il anime, à lInstitut national dhistoire de lart, un séminaire de recherche (en 2016-2017, « Littérature et spectacles de curiosité »).

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À partir dune confrontation entre le diorama La Grande Semaine – représentation, par les dessinateurs Sem et Roubille, des personnalités du Tout-Paris sous forme de figurines, dont lexposition se conclut en 1910 par une conférence de Robert de Montesquiou – et À la recherche du temps perdu, ce texte révèle la présence, dans lœuvre de Proust, dune part dune culture ordinaire de leffigie (caricatures, statuettes, découpures, marionnettes, théâtre dombres) et dautre part du dispositif panoramique.

Based on a comparison of the diorama of La Grande Semaine—a depiction by the designers Sem and Roubille of characters from Parisian high society as figurines, an exposition that ends in 1910 with a lecture by Robert de Montesquiou—and À la recherche du temps perdu, this text reveals in Prousts work the presence on the one hand of an everyday culture of representing people in the form of physical objects (caricatures, statuettes, cut-outs, marionettes, shadow theater), and the panoramic apparatus on the other hand.

Giusy Pisano, « À lécoute de À la recherche du temps perdu. Bruits, sons et voix dans le roman proustien »

Giusy Pisano est professeure à lENS Louis-Lumière, Associate Professor, au Center of Korean History, directrice de recherche à luniversité Sorbonne nouvelle – Paris 3 et membre de lIRCAV. Elle a publié de nombreux ouvrages, dont Une archéologie du cinéma sonore (Paris, 2004). Actuellement elle codirige avec Jean-Marc Larrue le projet international « Les arts trompeurs. Machines, magie, médias ».

Les références très importantes à la peinture, à la photographie, aux boîtes doptique et aux spectacles visuels ont souvent été soulignées. Néanmoins, le héros de À la recherche du temps perdu considère les images reproduites comme un instrument utilitaire destiné à nourrir la mémoire volontaire. Ce texte étudie les bruits du dehors entendus de lintérieur, les voix-corps en contrepoint aux voix-chorales et la mémoire des sons mécaniques permettant daccéder à la mémoire involontaire, si chère au narrateur.

The extremely important references to painting, photography, optical boxes, and visual spectacles have often been underscored. Nevertheless, the hero of À la recherche du temps perdu considers reproduced images as a utilitarian instrument intended to stimulate voluntary memory. This text studies the external noises heard within, the body-voices in counterpoint to choral-voices, and the memory of mechanical sounds that make it possible to access the involuntary memory that is so precious to the narrator.

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Frank Kessler, « Changements à vue. Proust et la féerie »

Frank Kessler est professeur en histoire des médias à luniversité dUtrecht où il dirige en ce moment lInstituut voor Cultuurwetenschappelijk Onderzoek (ICON). Ancien président de DOMITOR et cofondateur avec Sabine Lenk et Martin Loiperdinger de KINtop. Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films, ses travaux portent notamment sur le cinéma des débuts. Il a publié un ouvrage qui sintitule Mise en scène (Utrecht, 2014).

Cette contribution étudie la manière dont le personnage de la fée ainsi que le spectacle de la féerie théâtrale apparaissent dans la Recherche de Proust. Évoquant non seulement le monde des contes fantastiques, mais beaucoup plus encore une réalité féerique dont les apparences peuvent changer à tout moment grâce à des artifices, la féerie devient un point de référence important pour Proust afin de décrire les caractéristiques du monde social qui lentoure.

This contribution studies the way the character of the fairy as well as the spectacle of a theatrical fairyland appear in Prousts Recherche. Evoking not only the world of fantastic stories, but also, even more so, an otherworldly reality whose appearances can change by artifice at any moment, fairyland becomes an important reference point for Proust as he attempts to describe the characteristics of the social world that surrounds him.

Stéphane Tralongo, « Du côté de Cythère. Le “demi-monde” des actrices de Marcel Proust »

Stéphane Tralongo est premier assistant à la section dhistoire et esthétique du cinéma de luniversité de Lausanne. Membre affilié du GRAFICS, il a publié plusieurs recherches sur lémergence du cinéma dans le contexte du spectacle de scène. Parmi ses travaux récents mettant en relation littérature et spectacle, il a rédigé un article intitulé « Des passages aux cinémas. Le music-hall comme espace de mobilité ».

Cette étude suggère de relier les personnages de demi-mondaines qui peuplent la Recherche à ces courtisanes que lon surnommait au début du xxe siècle les « théâtreuses ». En suivant les trajectoires de femmes galantes, la contribution démontre une connexité entre music-hall et demi-monde que viennent appuyer les figures dOdette et de Rachel. Une fois ces liens établis, il sagit de saisir une hybridité entre prostitution et spectacle qui va de larchitecture des salles jusquaux attractions quon y présente.

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This study suggests connecting the disreputable female characters who populate Recherche with those prostitutes who were called, at the beginning of the twentieth century, théâtreuses. By following the trajectories of courtesans, this contribution shows a connection between the music hall and the demi-monde, with evidence provided by the figures of Odette and Rachel. Once these links are established, we can grasp a hybrid form combining prostitution and spectacle that stretches from the architecture of venues all the way to the attractions that are being presented there.

Robert Lévesque, « Une heure nest pas quune heure »

Robert Lévesque a été critique de cinéma et directeur des pages culturelles de Québec-Presse de 1971 à 1975, puis critique dramatique, chroniqueur littéraire et directeur des pages culturelles du quotidien Le Devoir de 1981 à 1996. Il a publié plusieurs essais dont Un siècle en pièces (Montréal, 2000), LAllié de personne (Montréal, 2003), Déraillements (Montréal, 2011) et Digressions (Montréal, 2013).

Cet article sattarde sur ce soir de septembre 1908 où, dans la salle de lancien casino du Grand-Hôtel de Cabourg, Marcel Proust assista à une séance de projection de vues animées avec un jeune ami de dix-neuf ans, Marcel Plantevignes. Dans ses mémoires, Plantevignes se rappelle cette lettre de Proust où il évoque « ce triste soir de septembre à Cabourg ». Proust assis sur une chaise droite assistait-il à ce quil qualifia de « guignol cinématographique » dans une lettre à ce jeune ami qui laccompagnait ? 

This article focuses on that evening in September 1908 when, in the viewing hall of the old casino of the Grand-Hotel in Cabourg, Marcel Proust attended a showing of moving pictures with a young, nineteen-year-old friend, Marcel Plantevignes. In his memoirs, Plantevignes recalls that letter from Proust where he mentions “that sad September evening in Cabourg.” Did Proust, seated in a straight-backed chair attend what he described as “cinematic Grand-Guignol” in a letter to this young friend who joined him?

Alain Carou, « “Cinéphobie” et “cinéphilie” dans les milieux littéraires de la Belle Époque »

Alain Carou est conservateur des collections dimages en mouvement de la Bibliothèque nationale de France. Chercheur sur lhistoire du cinéma des premiers temps, il a publié notamment Le Cinéma français et les écrivains : histoire dune rencontre (1906-1914) (Paris, 2002) et Cinéma premiers crimes (Paris, 2015). Il a dirigé plusieurs numéros de la revue 1895 et de la Revue de la BNF.

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Le spectacle cinématographique, à ses débuts, nest pas uniformément livré à lhostilité ou à lindifférence des gens de lettres. Avant 1912, il serait très hasardeux de qualifier un écrivain de « cinéphile » ou de « cinéphobe ». Que le cinéma soit perçu comme un spectacle forain lui attire la sympathie de lettrés. Cest son accession au statut de spectacle de masse qui lui fournit ses premiers adversaires. Larticle souligne les ambivalences de la notion de « vision cinématographique » invoquée par Proust.

In its earliest days, cinema did not uniformly encounter hostility or indifference from people of letters. Before 1912, it would be quite risky to describe a writer as a “cinephile” or “cinephobe.” The perception that the cinema could be a sort of carnival sideshow attracts the sympathy of literary people. Its rise to the status of mass spectacle is what provides it with its first enemies. This article underscores the ambivalence of the notion of “cinematic vision” invoked by Proust.

Jean-Pierre Sirois-Trahan, « Le plus beau film du monde. Marcel Proust et le cinématographe »

En 1923, le critique dart Paul Fierens, dans un hommage à lécrivain, imagina les rapports analogues entre lœuvre de Proust et le cinéma naissant. Cet article tente de cerner les rapports multiples entre lécrivain et le cinématographe, des premiers temps de linvention jusquà son avènement comme art pendant la Grande Guerre. À linverse didées reçues, le cinéma définit, en creux, lun des projets de la Recherche. Lécrivain se trouve à être lui-même un personnage plongé dans lhistoire du cinéma.

In 1923, the art critic Paul Fierens, in an homage to the writer, evoked the analogies between Prousts work and the nascent cinema. This article tries to capture the multiple relations that connect the writer and the cinema, from the earliest days of its invention until its emergence as an art during the Great War. Contrary to popular belief, the cinema implicitly defines one of the aims of the Recherche. The writer is himself a character immersed in the history of the cinema.

Thomas Carrier-Lafleur et Guillaume Lavoie, « Les dispositifs retrouvés. Images et objets techniques dans Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz »

Thomas Carrier-Lafleur est stagiaire postdoctoral et chargé de cours au département dhistoire de lart et détudes cinématographiques de lUniversité de Montréal. Il a publié Une Philosophie du « temps à létat pur ». LAutofiction chez Proust et Jutra 364(Québec, 2010). Il vient de publier son deuxième ouvrage Lœil cinématographique de Proust (Paris, 2015).

Guillaume Lavoie est doctorant en études cinématographiques et littéraires à luniversité Laval. Il est lauteur de plusieurs articles portant sur les adaptations cinématographiques de lœuvre proustienne. Il est auxiliaire denseignement au département des littératures de luniversité Laval et secrétaire de rédaction pour la revue sur le cinéma québécois Nouvelles Vues.

Délaissant le temps du cinématographe pour plonger dans celui propre au cinéma baroque de Raoul Ruiz, cet article sintéresse à ladaptation du Temps retrouvé qua proposée le réalisateur chilien en 1999. Afin de faire ressortir la manière par laquelle Ruiz transpose par des moyens proprement cinématographiques lesthétique proustienne de lomnitemporalité, létude sintéresse à lentremêlement des différents objets et dispositifs techniques qui accompagnent les révélations de Marcel dans son parcours initiatique.

Leaving behind the time of the cinematograph to plunge into the time peculiar to the baroque cinema of Raoul Ruiz, this article focuses on the adaptation of Le Temps retrouvé created by the Chilean director in 1999. In order to bring to light the way Ruiz uses specifically cinematic methods to transpose the Proustian aesthetic of omnitemporality, this study is interested in the mixture of different objects and technical devices that accompany Marcels revelations on his initiatory journey.