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Classiques Garnier

La voix des évêques dans la littérature pastorale Le cas de l’affaire du quiétisme en France

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
    2019, n° 10
    . varia
  • Auteur : Morimoto (Norihiro)
  • Résumé : Dans ses écrits pastoraux composés au moment de la révocation de l’édit de Nantes, Bossuet utilise le style oratoire. Si, dans l’affaire du quiétisme, Harlay et Noailles restent fidèles à la tradition des ordonnances, Bossuet et Godet des Marais s’efforcent de persuader les fidèles en transmettant par écrit leur parole, voire leur voix. Cette diversité stylistique permet à leur adversaire Fénelon d’élaborer son Instruction pastorale de 1697, qui préfigure son usage du dialogue en 1714.
  • Pages : 51 à 68
  • Revue : Revue Bossuet
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406097983
  • ISBN : 978-2-406-09798-3
  • ISSN : 2494-5102
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09798-3.p.0051
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/10/2019
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Fénelon, Bossuet, Harlay, Noailles, Godet des Marais, instruction pastorale
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LA VOIX DES ÉVÊQUES
DANS LA LITTÉRATURE PASTORALE

Le cas de laffaire du quiétisme en France

Le concile de Trente définissait la prédication comme la « fonction principale » des évêques1. Les décrets des conciles provinciaux à la fin du xvie et au début du xviie siècles, inspirés de ceux de Charles Borromée, insistaient sur la réforme de la prédication2. Confrontés à des situations récurrentes de controverse entre catholiques et protestants, les évêques de France ont senti davantage limportance de la prédication, puisque ladministration du diocèse consistait en partie dans la transmission de la parole de Dieu, de la tête aux membres de lÉglise. À cette fin, léducation rhétorique et la formation sacerdotale ont conduit les jeunes prédicateurs à apprendre léloquence aussi bien que la doctrine, et à lire sous un double point de vue des modèles tels les Pères de lÉglise ; cest dans cette lignée que Bossuet a écrit vers 1670 au jeune cardinal de Bouillon quil fallait « former le style et apprendre les choses3 ».

Cependant, laccès à la voix des évêques nous est restreint. En effet, les évêques imprimaient rarement leurs sermons. Jean-Pierre Camus mis à part, ce sont plutôt les prédicateurs-pédagogues qui se permettaient de publier leurs sermonnaires4. Si Bossuet, Fromentières ou Fléchier ont vu leurs oraisons funèbres éditées, ils ne les ont prononcées ni dans leur cathédrale ni même dans leur diocèse. Parmi une dizaine de sermons 52de Fénelon édités à son insu, on nen connaît quun seul de la main de larchevêque pour le sacre de lélecteur de Cologne. Comment peut-on sapprocher de la cathèdre au temps de Bossuet ? Il nous semble que les réflexions sur léloquence sacrée auxquelles sadonnent les évêques font écho à une autre forme de prise de parole épiscopale : la littérature pastorale. Dans la seconde moitié du siècle, les évêques commencent à imprimer leurs écrits adressés au clergé diocésain, quelles que soient leurs formes (lettre, instruction, ordonnance ou mandement), dont lusage varie selon les évêques et même selon les périodes5. Et, dans une certaine mesure, la perfection du style oratoire permet à des évêques de fournir un modèle aux écrits pastoraux. Car littérature pastorale et prédication sont intimement liées dans leur pratique, visant à transmettre la parole de lévêque à chaque fidèle par le biais des prônes ou des prédications des curés. Lors de lordonnance sur les états doraison en 1695, Bossuet écrit en ces termes : « Mandons et ordonnons à tous curés, vicaires et prédicateurs, de publier dans leurs prônes et prédications notre présente Ordonnance et Instruction, aussitôt quelle leur sera adressée6 ». Dans ce cas, la clarté et léloquence des écrits doivent assurer le succès de la prédication des curés et, par là même, lefficacité de la prise de parole épiscopale. Cette exigence simpose davantage quand il sagit de sadresser non seulement aux ecclésiastiques, mais aussi aux simples fidèles, aux Nouveaux Convertis après la Révocation de lédit de Nantes ou aux lecteurs décrits litigieux dans laffaire du quiétisme.

Notre dessein nest ici ni de refaire lhistoire de la querelle du quiétisme ni de reprendre ses enjeux doctrinaux7, mais de voir pour qui et en quel style les évêques rédigent leurs écrits pastoraux, afin de mesurer à quel point cette querelle affranchit la littérature pastorale de la forme 53traditionnelle. Nous rappellerons sommairement la contribution de Bossuet à la mutation du genre dans les années 1680, qui renouvelle la réforme des lettres pastorales et des catéchismes diocésains, avant dinterroger la diversification de lusage des écrits pastoraux au moment de laffaire du quiétisme, et enfin den venir au cas particulier de Fénelon, qui nous paraît marquer un tournant décisif dans le développement du genre8.

Bossuet et la mutation
de la littérature pastorale

Les évêques sadressaient-ils par écrit directement aux ouailles, paysans et ouvriers ? Le nombre des lecteurs, quoique grandissant, était limité tout au long du xviie siècle. Le genre le plus facile comme le petit catéchisme ne cherchait guère à être lu par les fidèles. Au début du siècle, on utilisait les catéchismes plus ou moins théologiques de Canisius, du concile de Trente et de Bellarmin, où figuraient des termes scolastiques qui nétaient pas tant familiers aux catéchumènes quaux catéchètes9. Si, dès les années 1660, de nombreux évêques se sont efforcés de publier des catéchismes en français, cest quils sadressaient avant tout au clergé diocésain en vue dunifier linstruction catéchétique dans toutes les paroisses du diocèse. De fait, cette réforme de la littérature catéchétique venait se greffer sur celle, plus large, de la littérature pastorale amorcée par la publication des écrits de Charles Borromée : Jean-Jacques Olier a contribué à faire paraître en 1643 un gros volume des Acta ecclesiæ mediolanensis ; larchevêque de Toulouse, Charles de Montchal, a fait traduire les écrits pastoraux de larchevêque de Milan pour les publier en 1648 sous le titre des Instructions aux confesseurs ; lassemblée du clergé de France 54a largement distribué cette traduction à ses frais en 1657. Ce recueil, réédité à de nombreuses reprises jusquau xviiie siècle, pouvait servir de modèle à la littérature pastorale. En parallèle, les lettres pastorales que lon avait fait circuler dans le clergé diocésain commençaient à être publiées, mais, à quelques exceptions près, elles nexcédaient pas une dizaine de pages à cette période, traitant souvent de sujets conjecturaux qui ne concernaient pas directement les fidèles10.

La situation particulière au moment de la Révocation a amené Bossuet à modifier la nature générique de la littérature pastorale11. En 1682, par suite du succès international de lExposition de la doctrine de lÉglise catholique, lévêque de Meaux sest vu conférer par le pouvoir royal un privilège général pour faire imprimer tous les ouvrages quil aurait composés12. Il sest attaché à développer ses idées sur lÉglise et leucharistie quil avait brièvement expliquées dans lExposition, en composant la Conférence avec M. Claude et le Traité de la communion sous deux espèces. Si visibles que fussent les efforts stylistiques de Bossuet pour mettre ses écrits à la portée des fidèles, lexigence de la controverse la empêché dachever les ouvrages plus particulièrement adressés à ses ouailles. Il sest contenté de poursuivre les homélies pastorales ou de prendre la parole dans les synodes diocésains qui servaient de base à la prédication des curés. Cependant, après la Révocation, il a publié la Lettre pastorale aux nouveaux convertis de son diocèse en vue de les préparer à la communion pascale. Il séloigne délibérément de lusage ordinaire des lettres pastorales chez les catholiques, puisque le ministre réfugié, Jean Claude, allègue les pratiques littéraires de lévêque de Carthage Cyprien qui sadressait « aux fidèles de Carthage, pour les exhorter à la pénitence et au martyre13 ». Malgré une sorte dordonnance qui prévient les fidèles contre les lettres des ministres, la Lettre pastorale de Bossuet nest plus la reproduction dune circulaire adressée au clergé diocésain. Riche de nombreuses citations scripturaires, agrémentée dimages et de comparaisons, elle compte plus de 50 pages in-quarto. Elle marque aussi bien les points cardinaux de la réfutation 55de lhérésie que la manière dont il convient de sadresser aux Nouveaux Convertis ; elle expose, explique et, pour ainsi dire, prêche la doctrine : « Cest Jésus-Christ même qui vous invite à ce banquet de paix ; et vous devez croire quil vous dit par ma bouche : “Jai désiré dun grand désir de manger cette pâque avec vous14.” »

Il nest dès lors pas étonnant de voir Bossuet publier par la suite le Catéchisme du diocèse de Meaux, moins théologique quoratoire, dun style simple et familier tel quil se profile dans le Catéchisme historique de son ami Claude Fleury. Non que Bossuet soit le premier à réformer le style sec du catéchisme, mais il est parfaitement conscient que le style du catéchisme doit déboucher sur celui des sermons. Cest sur ce point quil insiste dans lavertissement aux curés :

Il nous a aussi paru que le fruit du catéchisme ne devait pas être seulement dapprendre aux fidèles les premiers éléments de la foi, mais encore de les rendre capables peu à peu des instructions plus solides ; de sorte quil a fallu commencer à leur en inspirer le goût et leur donner quelque teinture du langage de lÉcriture et de lÉglise, afin quils fussent en état de profiter dans la suite des sermons quils entendraient15.

Ayant exhorté les curés à glisser dans leurs sermons « quelque chose du catéchisme », Bossuet soriente vers les « pères et mères », « premiers et principaux catéchistes » des enfants, « afin que peu à peu toutes les familles soient instruites16 ». Limportance du rôle des parents est un lieu commun du petit catéchisme, mais nul ne prend autant au sérieux la manière dont le catéchisme prépare les ouailles à écouter la prédication. En cela, Bossuet reconnaît « un charme secret » aux récits historiques et préconise lhypotypose de Jésus-Christ mise en rapport avec le contenu de linstruction17 : il sagit de former le goût littéraire utile à lédification. Lintérêt du choix du langage évangélique est double : dune part, il aide les curés à prêcher de la même façon que le catéchisme ; dautre part, les fidèles, lorsquils sont capables de lire le catéchisme, apprennent la doctrine comme sils écoutaient les sermons de lévêque.

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Il est intéressant de remarquer que Fleury énonce la nouvelle définition canonique de la littérature pastorale dans son Institution au droit ecclésiastique de 1687 : « On peut aussi compter pour prédications les instructions que les évêques donnaient par leurs lettres et par leurs autres écrits, lorsquils étaient consultés ou obligés de sopposer à quelque nouvelle hérésie. De tant de Pères qui ont écrit pendant les huit premiers siècles, il ny en a guère qui ne fussent évêques18. » Cest par lautorité canonique de la prédication que Fleury justifie lusage moderne de la littérature pastorale que lon peut sans peine identifier à celui de Bossuet. Et le jeune Fénelon les rejoint en ce quil écrit aussi que « le ministère de la parole a été réservé aux évêques pendant plusieurs siècles, surtout en Occident19 ». Les lettres pastorales comme les catéchismes diocésains sortent ainsi légitimement de lespace diocésain pour atteindre un plus vaste public. Si lExposition consacre le Bossuet écrivain-controversiste, ce sont la Lettre pastorale et le Catéchisme qui lérigent en écrivain-évêque. Du reste, cest non pas limprimeur épiscopal, mais Sébastien Mabre-Cramoisy, libraire parisien et directeur de lImprimerie royale, qui soccupe de publier ces écrits pastoraux, ce qui atteste de leur large diffusion dans le royaume et au-delà20. Lévêque de Meaux propose un modèle dinstruction diocésaine sur lequel peuvent se calquer dautres évêques. Il renouvelle ce que larchevêque de Milan avait fait un siècle auparavant dans son diocèse, sans pour autant oublier de sadresser aux fidèles dans le sillage salésien ; cest ce que résumaient bien les phrases antithétiques quil a prononcées en 1660 dans son panégyrique de François de Sales : « Saint Charles a réveillé dans le clergé cet esprit de piété ecclésiastique ; lillustre François de Sales a rétabli la dévotion parmi les peuples21. »

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La littérature pastorale
dans laffaire du quiétisme

Quelle est la part de laffaire du quiétisme dans cette mutation de la littérature pastorale ? De fait, cest tout au long de cette affaire que les lettres circulaires se sont transformées en instructions pastorales imprimées. Les « actes de la condamnation des quiétistes » repris dans lInstruction sur les états doraison de Bossuet, publiée en 1697, montrent bien comment les prélats sont amenés à diffuser amplement les écrits pastoraux22. Parmi les documents officiels, Bossuet doit se contenter de publier la bulle Cœlestis Pastor fulminée en 1687 et une série de décrets de lInquisition romaine entre 1688 et 169223. Parmi les circulaires, il fait traduire les lettres des cardinaux Caraccioli et Cibo aussi bien que celle de larchevêque de Séville, Jaime de Palafox y Cardona, auxquelles sajoute une lettre pastorale de lévêque de Genève, Jean dArenthon dAlex, adressée aux curés de son diocèse.

En effet, laffaire de Molinos a trouvé peu décho dans la littérature pastorale en France. Cest larchevêque de Paris, François de Harlay de Champvallon qui a défriché le terrain en promulguant lordonnance datée du 16 octobre 1694 qui condamnait solennellement trois livres, lAnalysis orationis mentalis du barnabite François La Combe, le Moyen court et le commentaire du Cantique des cantiques (sans nommer lauteur Mme Guyon). Bien que les raisons précises de cette intervention restent obscures24, il faut constater que Harlay avait participé avec le Père de La Chaise, confesseur du roi, à la politique royale qui consistait à contrôler et distribuer des livres religieux au moment de la Révocation25. Il avait aussi condamné en 1693 la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques dEllies du Pin. Rien détonnant sil a réagi aux livres de Mme Guyon qui 58faisaient du bruit dans son diocèse. De façon traditionnelle, larchevêque de Paris a rédigé son ordonnance adressée au clergé, insistant sur les prescriptions divines sans entrer dans les détails. Il faut noter quil ne cite ni la Bible ni les Pères dans ses périodes austères. Même sil mentionne les notions guyoniennes (« consentement passif », « abandon », « béatitude essentielle »), il ne sapplique pas à les lier lune à lautre, à les mettre en rapport avec les versets scripturaires, à systématiser la mauvaise doctrine quil condamne : il se contente de déclarer hautement que cette doctrine est « bien éloignée de celle que Jésus-Christ marque dans lÉvangile26 ».

Il revient donc à lévêque de Meaux davoir déclenché dans lespace public un débat doctrinal quil avait amorcé dans les conférences dIssy avec trois ecclésiastiques, Louis-Antoine de Noailles, évêque de Châlons, Louis Tronson, supérieur général de la Compagnie de Saint-Sulpice et Fénelon, défenseur de la tradition mystique. Cest pourquoi il a fait paraître son Ordonnance et Instruction pastorale sur les états doraison datée du 16 avril 1695. Comme lindique le titre, il mélange lordonnance avec une brève instruction qui concerne non seulement la condamnation des livres, mais encore lexplication positive et approfondie de la doctrine. Ce procédé nest pas sans rappeler celui de sa Conférence avec Claude ou plus largement des actes composés du compte rendu et du commentaire dans la tradition de la controverse depuis Du Perron. À partir des Articles dIssy parus aussi dans cet écrit, Bossuet établit cinq principes de discernement des faux mystiques : lexclusion de lhumanité de Jésus-Christ, le désintéressement, la suppression des actes, la manière de parler de la mortification et enfin la louange aux oraisons extraordinaires27. Pour les réfuter, il cite ou paraphrase constamment les psaumes et les épîtres pauliniennes, tout en évitant de parler « de certaines propositions dont les oreilles chrétiennes sont trop offensées28 ». Plus que la Lettre pastorale ou le Catéchisme, cet écrit paraît exclusivement adressé aux curés et surtout aux supérieurs des communautés religieuses de son diocèse, de sorte que ceux-ci puissent mettre en œuvre lordonnance par leurs prônes ou prédications, reprenant les citations bibliques, sans pour autant prononcer les phrases de « faux mystiques » qui contamineraient 59les ouailles : « il faut vous avertir avant toutes choses de prendre garde de nentamer pas la véritable spiritualité en attaquant la fausse qui fait semblant de limiter : à quoi nous ne voyons rien de plus utile de vous mettre devant les yeux quelques vérités fondamentales de la religion, ordonnées à cette fin dans les articles suivants []29. » Or le caractère positif de largumentation, portant les traces de la controverse ou du principe de l« exposition », nous permet de supposer que Bossuet a une conscience aiguë de lusage de cet instrument de travail auprès des fidèles et même en dehors de son diocèse. Bien plus, lévêque de Meaux y incorpore parfaitement léloquence biblique, les psaumes servant de basse continue à lensemble de lordonnance. Il sadonne en cela à multiplier les « paroles » de David, de Jésus ou de Paul qui sharmonisent bien avec son style concis et pathétique. On y retrouve le prédicateur qui soccupait des stations de Carême plutôt que lauteur des oraisons funèbres. Cest ainsi que Bossuet a pu utiliser cet écrit dans la direction spirituelle de Mme Cornuau et dans celle de Mme dAlbert30, et que Tronson a pu en recommander la lecture à la duchesse de Charost31.

Cette ordonnance de Bossuet a été immédiatement suivie de celle de Noailles, intitulée Ordonnance contre les erreurs du quiétisme. Lévêque de Châlons, en qualité de signataire, peut lui aussi recourir aux Articles dIssy, mais il adopte une stratégie tout à fait différente. Il ne propose ni léclaircissement des principes ni les commentaires des Articles, mais il concentre ses arguments sur « la science et la langue nouvelle ». Pour ce faire, il sappuie sur un verset scripturaire analogue au « texte » dune conférence ecclésiastique, sur l« avis que saint Paul donne à son disciple Timothée, et en sa personne à tous les évêques, de rejeter les profanes nouveautés de paroles et tout ce quoppose une doctrine qui porte faussement le nom de science32 ». Cest le sens des expressions qui est ici mis en cause : « Il 60ny paraît dabord rien que de parfait et de saint, on ne parle que de pur amour de Dieu, dindifférence, dabandon, de repos, danéantissement, de pureté, de souffrance, de rassasiement, de simplicité, et dautres termes semblables qui ne donnent que des idées pures et saintes ; mais quand on cherche le sens de ces grandes expressions, on trouve quelles signifient dans cette doctrine toute autre chose que dans lÉcriture et dans les ouvrages des saints33. » Il convient de signaler que Noailles naborde pas de front les notions conçues par Bossuet comme principes. Cela ne signifie nullement leur divergence doctrinale, mais au contraire leur complémentarité. Lévêque de Châlons sefforce de faire voir de façon sensible combien les conséquences de ses expressions sont pernicieuses aux fidèles aussi bien quéloignées des pratiques communes de lÉglise. Or il y a une certaine disparité entre le style et le but persuasif. Noailles reste fidèle à la tradition des ordonnances adressées au clergé diocésain. Il nose pas opter pour la nouvelle forme qui amalgame lordonnance et linstruction pastorale. Et, quoiquil déclare élever la « voix » contre les hérésies de son temps34, il nen adopte pas moins un style écrit qui est certes conventionnel, mais peu à même de toucher le cœur des fidèles. Le recours au « démon » dépourvu de lornement oratoire paraît ici symptomatique : « Ce sont deux extrémités également dangereuses, où le démon veut exposer les fidèles. Il veut non seulement par ces nouveautés engager les âmes dans lillusion, mais aussi par la trop grande crainte dy tomber, en éloigner plusieurs autres de la vraie et pure oraison35. »

Sept mois plus tard, lévêque de Chartres, Paul Godet des Marais, a publié son Ordonnance et Instruction pastorale36. Celle-ci concernait non seulement les trois livres condamnés, mais encore le manuscrit des Torrents de Madame Guyon qui circulait surtout à Saint-Cyr. Le principe argumentatif ressemble à celui de Noailles en ce quil consiste à exposer « le sens naturel de tant dexpressions mystérieuses37 ». Mais le style est beaucoup plus familier : « Hé ! qui est-ce qui ne voit pas que ces maximes 61renferment en termes équivalents, et quelquefois en termes exprès, ou par des conséquences nécessaires, les principaux articles qui ont été condamnés dans Molinos38 ? » En cela, Godet des Marais nhésite pas à intégrer à son instruction des extraits des imprimés aussi bien que des manuscrits de Mme Guyon ; il sapplique à multiplier les citations scripturaires pour montrer les fondements doctrinaux autant que pour rendre familier le style de lordonnance. Dans lexorde, dailleurs, il recourt à une sorte de prosopopée assez complexe, mais chère aux panégyristes, en invoquant Bernard pour le laisser prononcer la parole de Jésus-Christ39. Dans la péroraison, le style est très élevé, dans un mouvement oratoire :

Lamour de Dieu a ses croix, son travail, ses contraintes ; il a aussi son repos, sa liberté, ses joies innocentes ; il a son secret, ses faveurs, ses privilèges. Lamour divin a ses abaissements, ses obscurités, ses alarmes au Calvaire. Il a aussi au Tabor ses moments délévation, ses distinctions, ses illustrations : il y est instruit par la Loi et les Prophètes ; il y comprend la charité excessive de Jésus-Christ mourant ; il y voit Jésus transfiguré ; il y est environné de sa gloire ; il y entend la voix du Père Éternel : Cest ici mon fils bien-aimé. Mais jamais il ne secoue le joug des lois communes, et des pratiques du christianisme ; jamais il ne porte ses expériences au-delà des bornes que la foi a mises ; jamais il ne sécarte dune ligne du sentier des justes ; jamais il na porté la perfection au-delà des vertus ; jamais il ne sen sépare, quelquélevé quil soit au-dessus delles40.

Les sermons de Godet des Marais nont pas été conservés, mais ici on a limpression dentendre sa voix. Ces quatre ordonnances jouent ainsi des rôles complémentaires. Harlay et Noailles recourent plus ou moins à une rhétorique appropriée à lordonnance, traitant simplement des points principaux de la doctrine ou de la discipline : il sagit moins de convaincre les diocésains par une persuasion élaborée que de faire accepter la décision, quel que soit son contenu. En revanche, linstruction pastorale de Godet des Marais, encore plus que celle de Bossuet, suppose des scènes concrètes de la prédication, notamment à Saint-Cyr, où la spiritualité guyonienne était encore influente41. Rien détonnant si la 62forme de lordonnance sapparente aux sermonnaires. Les prédicateurs peuvent en utiliser non seulement les idées, mais aussi les expressions pour gagner le peuple diocésain. Il nest du reste pas impossible que lévêque lui-même ait prononcé cette instruction. Intégrant ces quatre ordonnances dans son livre Instruction sur les états doraison, Bossuet sadonne avant tout à montrer lunité de lépiscopat par ces actes de condamnation, mais il doit avoir intérêt à en reprendre lensemble des textes rédigés selon des principes et des styles différents pour sadapter à des lecteurs divers.

LInstruction pastorale de Fénelon (1697)

Fénelon, lui, ne manifestait pas encore sa prise de position publique à légard des écrits de Mme Guyon42. Il gardait le silence sur la spiritualité et refusait lapprobation dun traité de Bossuet43. Il sindignera plus tard : « rien ne serait plus bas et plus lâche que de faire enfin, hors de propos, une censure, qui paraîtrait forcée, dun livre dont il nest pas question dans mon diocèse44. » Cependant, il devait approfondir ses réflexions sur cette matière en composant lExplication des Articles dIssy. Et surtout il nétait pas indifférent à lart décrire : il trouvait lordonnance de Godet des Marais « fort bien composée et en approuvait fort le style45 ». Enfin, en janvier 1697, larchevêque de Cambrai a publié à Paris lExplication des maximes des saints, avant de sadresser aux diocésains. Le souci pédagogique nest pas absent de cet ouvrage : Fénelon rapporte chaque point polémique au système des cinq degrés damour ; en employant une forme particulière des articles (« vrai » et « faux »), il fait en sorte de répondre aux questions du lecteur46.

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Néanmoins, louvrage nétait pas satisfaisant aux yeux des savants. Car Fénelon a supprimé beaucoup de citations dauteurs approuvés quil avait recueillies avec ardeur. Pour montrer quelle était la nature de sa « soumission » au jugement du pape, il sest contenté au départ de faire circuler deux lettres adressées « à un ami » à la Cour comme à Rome47. Suivant le conseil de Godet des Marais, il a songé à faire une courte « instruction » qui annoncerait la nouvelle édition corrigée des Maximes48. Cest après la publication de la Déclaration, signée le 6 août 1697 par trois évêques, Bossuet, Noailles et Godet des Marais49, quil a réalisé ne plus pouvoir compter que sur sa plume : « le troupeau, écrira-t-il au Père de La Chaise, qui ma été confié me regarderait désormais, non comme un pasteur, mais comme un loup dévorant, si je ne le détrompais sur les accusations atroces de la Déclaration de ces prélats50. » Cest ainsi qua été publiée lInstruction pastorale datée du 15 septembre 1697 :

Tout chrétien, loin dentrer dans des disputes, doit au contraire sexpliquer de plus en plus, pour tâcher de contenter ceux qui ont eu de la peine sur ses premières explications. Un évêque, loin dêtre dispensé par son caractère de suivre cette règle, est obligé à la suivre plus quaucun autre, puisquil doit tout à la vérité dont il est dépositaire, et à la charité, qui souffre tout pour lédification de lÉglise. Cest dans cet esprit, mes très chers frères, que je veux tâcher de vous faire entendre le sens des principaux endroits de mon livre qui ont arrêté plusieurs lecteurs, afin que vous puissiez nous aider à établir les maximes de la plus pure spiritualité, et à écarter avec horreur toutes celles qui peuvent favoriser lillusion51.

À vrai dire, cet ouvrage ne porte pas sur la discipline ecclésiastique. Bien quil soit adressé au clergé diocésain, il déborde lusage de la littérature pastorale plus encore que ne le font les ordonnances des quatre évêques. Alors que ceux-ci ont pour fin ultime dinterdire la lecture des écrits litigieux, Fénelon est obligé de soutenir sa « doctrine personnelle » qui lui paraît conforme à la tradition52, ce qui est tout à fait exceptionnel dans la 64littérature pastorale. Face à des adversaires qui publient lun après lautre des écrits à portée universelle, Fénelon doit lui aussi chercher à gagner lopinion publique dans son diocèse aussi bien quà Paris, à Versailles et à Rome. On ny trouve guère la volonté pastorale de faire transmettre la parole de lévêque par la prédication des curés. La première partie conçue au début comme une courte instruction apparaît finalement enrichie de longs commentaires de la tradition spirituelle, celle des Pères (de Clément dAlexandrie à Bernard), des théologiens (dAlbert le Grand à Bellarmin), des mystiques modernes (de Ruysbroeck à Surin).

Sans doute laspect matériel est-il non négligeable. Fénelon pense dabord à envoyer à Rome linstruction imprimée et les commentaires manuscrits53, mais il change davis pour en faire un seul écrit imprimé. Sil veut multiplier les exemplaires dun tel travail, les manuscrits doivent lui couter plus cher que les imprimés54. Et pourtant, à la différence des accusateurs, il na « la liberté de rien faire imprimer55 ». Dans ces conditions, le seul moyen légitime dimprimer son écrit est de choisir la forme de linstruction pastorale associée à son autorité épiscopale. Cette stratégie polémique est probablement facilitée par le fait que le diocèse de Cambrai, hispano-français, est assez indépendant de la politique de lÉglise gallicane56. Or, lInstruction pastorale ne commence à être diffusée que deux mois après la date de la signature. Dans cette querelle, il y a une inégalité énorme entre les deux camps. Contrairement à la conjecture de Bossuet qui « est étonné du soin de cacher une ordonnance publique57 », Fénelon semble avoir un véritable problème lié à limpression dans son diocèse : « Dès quil faut faire une controverse contre mes confrères, je ne puis imprimer contre eux à Paris où ils sont les maîtres, ni en Hollande, où cela serait indécent, ni ici où limpression est si lente et si mauvaise58. »

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Telles sont les circonstances particulières dans lesquelles Fénelon publie son premier écrit pastoral. Comment est mise en œuvre son intention de sadapter au clergé diocésain et éventuellement aux fidèles ? Leffort pédagogique consiste avant tout dans la clarté et lévidence de largumentation. Fénelon réduit les questions à deux points : « un amour de Dieu indépendant du motif de la récompense » et « un état de charité parfait » où les âmes « nont plus dordinaire aucune affection mercenaire ou intéressée59 ». Avant dentamer une longue démonstration de la tradition, il nomet pas de commenter le catéchisme du concile de Trente. À quoi sajoutent les dispositifs rhétoriques mobilisés avec modération, telle lapostrophe (« mes très chers frères ») qui sert à marquer chaque fois les points importants à retenir. Ce qui caractérise enfin ce gros ouvrage, cest moins le style psalmique dun Bossuet qui maîtrise le rythme et les images que le style naturel, familier et naïf qui sattache à paraphraser librement la Bible (surtout Job) ou les Pères, style considéré par Godet des Marais comme « le tour ingénieux60 » :

Regardez comme des antéchrists ceux qui voudraient inspirer aux fidèles une perfection où ils perdraient de vue Jésus-Christ auteur et consommateur de notre foi. Défiez-vous non seulement des maximes monstrueuses qui sapent les fondements de la foi et des mœurs, mais encore de certaines conduites indiscrètes qui rendent trop général ce qui ne convient quà un petit nombre dâmes, et qui tendent à mettre trop tôt ces mêmes âmes dans des états de perfection dont elles ont à peine de faibles commencements. Noli altum sapere, sed time. Ne laissez point les âmes dans un goût de curiosité, ni dans un désir secret datteindre toujours aux choses les plus hautes ; mais tenez-les dans une humble crainte61.

Fénelon sefforce ainsi délaborer une forme dinstruction pastorale propre à satisfaire lexigence des plus savants théologiens en même temps que le besoin des pasteurs et des fidèles, ce que les trois prélats font chacun de leur côté62. Ceux-ci continuent en effet à publier leurs 66écrits en jouant des rôles complémentaires : Bossuet peut se concentrer sur la composition douvrages latins tel le traité de Summa doctrinæ pour la cour romaine ; Noailles, en qualité darchevêque de Paris, est susceptible dadresser son Instruction pastorale à un public élargi ; Godet des Marais manifeste, dans sa Lettre pastorale, un souci plus littéraire, voire populaire, qui était en germe dans son ordonnance de 1695. Du reste, Bossuet met en doute lintention de Fénelon, faisant circuler dès 1697 un manuscrit pamphlétaire De Quietismo in Galliis refutato, avant de publier la fameuse Relation sur le quiétisme. Mais il faut souligner que ces conditions de la querelle sont en grande partie préparées par une série de prises de parole épiscopale, de publications dordonnances et dinstructions pastorales.

À long terme, la réforme pastorale conduit les écrits pastoraux à adopter diverses façons de transmettre la parole des évêques. Se remarquent ainsi des différences, doctrinales ou stylistiques, entre les évêques dans la littérature pastorale, visant à persuader les fidèles en dépit des contraintes formelles. Dun point de vue générique, les lettres et instructions pastorales sont nées comme un supplément à lordonnance ou au mandement, afin de consolider leur publication et leur observance à travers les prônes ou les prédications des curés. Mais elles sen démarquent rapidement pour communiquer directement la parole et la voix des évêques. Au cours de laffaire du quiétisme, les lettres circulaires sont progressivement remplacées par les instructions pastorales qui sapparentent à un écrit librement composé, puisquelles sont publiées par lévêque sans privilège ni examen, et quelles ne sont du reste plus liées à telle ou telle ordonnance. Laffaire du Nouveau Testament de Trévoux pourrait certes marquer le triomphe de la censure royale sur la censure épiscopale63, mais cette limitation de lautorité épiscopale nempêche pas les évêques de publier leurs écrits pastoraux dans leur diocèse. Ainsi, au début du xviiie siècle, on note un véritable essor des instructions pastorales. Fénelon, comme Noailles et Godet des Marais, en publient inlassablement. Dans une période où lunité de lépiscopat est à établir, larchevêque de Cambrai poursuit, quoique dune façon fort personnelle, la réforme pastorale 67inaugurée par Bossuet, cherchant à corriger lignorance du clergé autant que celle des fidèles par la littérature pastorale, avec lélaboration dun style qui sinspire à bien des égards de la prédication familière.

Cette mutation de la littérature pastorale produit une cascade de réfutations des ordonnances ou des mandements. Dans lassemblée des évêques de la province de Cambrai en 1699, tenue après la publication du Mandement de Fénelon qui interdit la lecture des Maximes des saints dans son diocèse, lévêque de Saint-Omer, Louis Alphonse de Valbelle, laccuse de lavoir adressé au clergé et non aux fidèles64. Dans laffaire du Cas de conscience, Fénelon prête davantage attention à la manière de publier un mandement qui selon lui « doit être sensible, populaire, et néanmoins décisif65 ». Il espère ardemment que « tous les évêques ou du moins le torrent prendra le mandement de Chartres pour modèle66 ». De ce point de vue, il est à noter la formule de son Ordonnance et Instruction pastorale de 1704 : « Mandons et ordonnons à tous curés, vicaires, directeurs et confesseurs de lire en leur particulier notre présente Ordonnance et Instruction, et de publier dans leurs prônes lendroit où est la censure de lImprimé, qui commence par ces mots, À ces causes67. » Le mot de prédication ou de prédicateur ne se trouve plus dans cette formule : les curés sont invités à ne prononcer dans leurs prônes que les expressions de larchevêque.

Est-ce à dire que Fénelon abandonne limportance quil a accordée à la prédication ? Au contraire, il retourne en quelque sorte à la pratique de lAntiquité, à lépoque où « le ministère de la parole a été réservé aux évêques » comme il la écrit dans sa jeunesse68. Il fait transmettre sa parole non plus à travers la prédication des curés, mais à travers les écrits pastoraux accompagnés de ses propres prédications dans la cathédrale ou de ses conférences publiques lors des visites pastorales. Il préférera désormais adopter cette forme qui lui permet de garder aussi bien la précision doctrinale que la liberté stylistique. Sil nentreprend 68jamais déditer ses sermons, il sapplique à publier le recueil de ses mandements. Aussi cette quête de la forme convenable à la prise de parole épiscopale lui permet-elle de sopposer avec ingéniosité à dautres ordonnances. En 1704, il sen prend à lOrdonnance de Noailles contre le Cas de conscience, mettant en scène avec audace un jeune bachelier en face dun vieux janséniste afin de révéler la contradiction du cardinal : « Quoi ! M. le cardinal, qui avait promis tant de protection aux disciples de saint Augustin, les traite de rebelles à lÉglise, de fauteurs des parjures dans les professions de foi, et réalise le fantôme du jansénisme69 ? » Cela annonce sa fameuse Instruction pastorale mise en forme de dialogues de 1714, en parfaite harmonie avec sa conception de la prédication familière. Il ne doit pas prêcher dans sa cathédrale de façon à contredire la coutume de son temps, mais il réalise en partie son idéal de la prédication dans ses écrits pastoraux : cest, sinon la voix vivante, du moins la voix écrite de larchevêque.

Norihiro Morimoto

EA 3206 CELLAM,
Université Rennes 2

1 Le Saint Concile de Trente œcuménique et général célébré sous Paul III, Jules III et Pie IV, souverains pontifes, nouvellement traduit par M. labbé Martial Chanut, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1674, p. 28 (Ve session, décret de réformation, chapitre ii).

2 Voir Peter Bayley, French Pulpit Oratory, 1598-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 43-45.

3 Bossuet, Sur le style et la lecture des Pères de lÉglise pour former un orateur, dans Œuvres oratoires, éd. J. Lebarq, revue et augmentée par Ch. Urbain et E. Levesque, Paris, Desclée de Brouwer, 1914-1926, 7 vol., t. VII, p. 13.

4 Voir Cinthia Meli, Le Livre et la Chaire. Les pratiques décriture et de publication de Bossuet, Paris, Champion, 2014, p. 153-169.

5 Voir Henri-Jean Martin, Livre, pouvoir et société à Paris au xviie siècle, Genève, Droz, 1969, p. 790. Sur la distinction canonique tardivement élaborée, voir Jean-Henri-Romain Prompsault, « Instructions pastorales », dans Dictionnaire raisonné de droit et de jurisprudence en matière civile ecclésiastique, Paris, Ateliers catholiques du Petit-Montrouge, 1849, 3 vol. (Encyclopédie théologique, 1re série, t. 36-38), t. II, col. 627-631 (cité par Claude Savart, « Deux siècles denseignement épiscopal. Les lettres pastorales des archevêques de Paris, 1802-1966 », Revue dhistoire de lÉglise de France, t. 86, no 216, 2000, p. 119-184).

6 Bossuet, Ordonnance et Instruction sur les états doraison, dans Œuvres complètes [désormais OB], éd. Fr. Lachat, Paris, Vivès, 1862-1875, 31 vol., t. XVIII, p. 366.

7 Lhistoire de cette querelle est bien connue. Voir Louis Cognet, Crépuscule des mystiques, Paris-Tournai, Desclée, 1958 ; Jean Orcibal, « Le procès des “Maximes des saints” devant le Saint-Office », Archivio italiano per la storia della pièta, vol. V, 1968, p. 409-536 ; Jacques Le Brun, La Spiritualité de Bossuet, Paris, Klincksieck, 1972, p. 439-695.

8 Sur lusage particulier des instructions pastorales chez Fénelon, voir Sylvio Hermann De Franceschi, « La controverse théologique par linstruction pastorale. Délectation victorieuse et prémotion physique selon Fénelon : à propos de la Théologie de Châlons de Louis Habert (1711) », dans J.-P. Gay et Ch.-O. Stiker-Métral (dir.), Les Métamorphoses de la théologie, Paris, Champion, 2012, p. 147-171. Notre propos est de chercher les origines de cet usage.

9 Voir Jean-Claude Dhôtel, Les Origines du catéchisme moderne, Paris, Aubier, 1967, p. 65-116.

10 Dans les années 1650, quelques évêques ont publié leur instruction pastorale autour de la bulle Cum occasione ou de la censure de lApologie des casuistes. Les sujets se sont multipliés au cours des deux décennies suivantes.

11 Voir Fabrice Preyat, Le Petit Concile de Bossuet et la christianisation des mœurs et des pratiques littéraires sous Louis XIV, Lit, Berlin, 2007, p. 241-246.

12 Voir Cinthia Meli, op. cit., p. 77.

13 Bossuet, Lettre pastorale aux nouveaux convertis de son diocèse, OB, t. XVII, p. 247.

14 Ibid., p. 243.

15 Bossuet, Catéchisme du diocèse de Meaux, OB, t. V, p. xi.

16 Ibid., p. xiii.

17 Sur les récits, Bossuet renvoie explicitement au Catéchisme historique de Fleury (Ibid., p. xv). Sur lhypotypose, voir Anne Régent-Susini, Bossuet et la rhétorique de lautorité, Paris, Champion, 2011, p. 494.

18 Claude Fleury, Institution au droit ecclésiastique, dans Opuscules, Nîmes, P. Beaume, 1780-1783, 5 vol., t. II, p. 215-216. Il faut noter que lauteur navait pas abordé de front la littérature pastorale dans lInstitution du droit ecclésiastique de France publiée à son insu en 1677. Mais, en 1682, il a ainsi annoncé la formule de 1687 : « tous les évêques prêchaient, et il ny avait guère queux qui prêchassent. » (Les Mœurs des chrétiens, dans Opuscules, éd. citée, t. I, p. 198)

19 Fénelon, Dialogues sur léloquence, dans Œuvres, éd. J. Le Brun, Paris, Gallimard, 1983-1997, 2 vol., t. I, p. 71.

20 Au moins, la Lettre pastorale a été traduite en anglais (lettre du P. J. Johnston à Bossuet, 6 mai 1686, dans Correspondance [désormais CB], éd. Ch. Urbain et E. Levesque, Paris, Hachette, 1909-1925, 15 vol., t. III, p. 233). Sur les réactions des réfugiés en Hollande, voir Élisabeth Labrousse, « Les réponses du Refuge à la Pastorale aux N. C. de Meaux », dans Th. Goyet et J.-P. Collinet (dir.), La Prédication au xviie siècle, Paris, Nizet, 1980, p. 343-355.

21 Bossuet, Panégyrique du bienheureux François de Sales, dans Œuvres oratoires, éd. citée, t. III, p. 580.

22 Bossuet, Instruction sur les états doraison, Paris, J. Anisson, 1697. Nous citerons daprès cette édition les ordonnances de Noailles (25 avril 1695) et de Godet des Marais (21 novembre 1695) qui sont peu accessibles.

23 Bossuet ne semble pas bien renseigné au départ (lettre de Bossuet à son neveu, 24 septembre 1696, CB, t. VIII, p. 75).

24 Voir Louis Cognet, Crépuscule des mystiques, op. cit., p. 111-114.

25 Voir Jean Orcibal, Louis XIV et les protestants, Paris, Vrin, 1951, p. 177-180 ; Bernard Chédozeau, Bossuet et les protestants. « La voie de charité » et les distributions de livres aux Nouveaux Convertis (1685-1687), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2002, p. 29-36.

26 François de Harlay de Champvallon, Ordonnance portant condamnation de trois livres…, Paris, Fr. Muguet, 1694, p. 6.

27 Bossuet, Ordonnance et Instruction pastorale sur les états doraison, OB, t. XVIII, p. 351-366. Sur ce point, voir Jacques Le Brun, op. cit., p. 550-554.

28 Bossuet, Ordonnance et Instruction pastorale sur les états doraison, OB, t. XVIII, p. 365.

29 Ibid., p. 357.

30 Voir lettre de Bossuet à Mme Cornuau, 6 mai 1695, CB, t. VII, p. 79-81 ; lettre à Mme dAlbert, 10 mai 1695, CB, t. VII, 81-83. Dailleurs, lorsque lévêque de Meaux a voulu envoyer cette Ordonnance à Mme de Harlay qui se trouvait alors dans le diocèse de Sens, il a confié un exemplaire à Mme dAlbert pour ne pas paraître le divulguer hors du diocèse (lettre à Mme dAlbert, 1er juin 1695, CB, t. VII, p. 111-113).

31 Voir lettre de Tronson à Bossuet, 3 mai 1695, dans Correspondance [désormais CT], éd. L. Bertrand, Paris, Lecoffre, 1904, t. III, p. 487 ; lettre à la duchesse de Charost, 22 mai 1695, CT, t. III, p. 487-488.

32 Louis-Antoine de Noailles, Ordonnance contre les erreurs du Quiétisme, 2e éd. [1697], reprise dans Bossuet, Instruction sur les états doraison, op. cit., p. lxxvii.

33 Ibid., p. lxxviii-lxxix. Comme la remarqué Louis Cognet (op. cit., p. 310), Noailles y donne en outre la liste des auteurs recommandables.

34 Louis-Antoine de Noailles, op. cit., p. lxxvii.

35 Ibid., p. lxxxii.

36 Cest Tronson qui soccupait de diffuser cette ordonnance et surtout de lenvoyer au général des chartreux, Innocent Le Masson (lettre de Tronson à D. Innocent, 5 décembre 1695, CT, t. III, p. 496).

37 Paul Godet des Marais, Ordonnance et Instruction pastorale portant condamnation des livres…, 2e éd. [1696], reprise dans Bossuet, Instruction sur les états doraison, op. cit., p. xci.

38 Ibid., p. cxviii.

39 Ibid., p. xciv-xcv.

40 Ibid., p. cxxviii.

41 Mme de La Maisonfort, ancienne amie de Mme Guyon, et deux religieuses seront plus tard chassées de Saint-Cyr pour leur « quiétisme » (lettre de Bossuet à son neveu, 19 mai 1697, CB, t. VIII, p. 256).

42 Lettre de Fénelon à Tronson, 26 février 1696, dans Correspondance [désormais CF], éd. J. Orcibal, Paris, Klincksieck, 1972-1976 (t. I-V) puis, avec la collaboration de J. Le Brun et I. Noye, Genève, Droz, 1987-2007 (t. VI-XVIII), t. IV, p. 57.

43 Lettre de Bossuet à Pierre La Broue, 4 septembre 1696, CB, t. VIII, p. 59.

44 Lettre de Fénelon à labbé de Chantérac, 8 décembre 1697, CF, t. VI, p. 141.

45 Lettre de Tronson à Godet des Marais, 11 janvier 1696, CT, t. III, p. 499.

46 Sur la portée de cet ouvrage, voir François Trémolières, « LExplication de Fénelon, “marquer précisément ce qui est bon et de lexpérience des saints et le réduire en un langage correct” », Rivista di Storia e Letteratura Religiosa, anno XXXVIII (2002), no 1, p. 79-99.

47 Lettre de Fénelon à un « ami », 3 septembre 1697, CF, t. VI, p. 29.

48 Lettre de Fénelon au duc de Beauvillier, 14 août 1697, CF, t. VI, p. 14.

49 Noailles, transféré à Paris, a pu désormais se justifier plus facilement de son engagement (lettre de Noailles à Bossuet, juin 1697, CB, t. VIII, p. 275).

50 Lettre de Fénelon au P. de La Chaise, 18 octobre 1697, CF, t. VI, p. 60.

51 Fénelon, Instruction pastorale sur le livre intitulé Explication des maximes des saints, dans Œuvres complètes [désormais OF], éd. J.-E.-A. Gosselin, Paris/Lille/Belfort, Leroux et Gaume/Lefort/Outhenin-Chalandre, 1848-1852, 10 vol., t. II, p. 286-287.

52 Lettre de Fénelon à labbé de Chantérac, 18 septembre 1697, CF, t. VI, p. 40.

53 Lettre de Fénelon à labbé de Chantérac, 3 septembre 1697, CF, t. VI, p. 35.

54 Lettre de labbé de Chantérac à Fénelon, 7 décembre 1697, CF, t. VI, p. 132.

55 Lettre de Fénelon à labbé Quinot, août 1697, CF, t. VI, p. 16.

56 Lettre de labbé de Chantérac à Fénelon, 18 octobre 1697, CF, t. VI, p. 64 : « Lorsque je lui racontais [au cardinal de Norice] comment M. de Meaux sétait élevé contre votre livre, il me dit : Comment cela, puisque M. de Meaux est seulement évêque et que M. de Cambrai est archevêque ? Jajoutai que même vous nétiez pas de lÉglise de France, et que vous nentriez point aux assemblées du clergé. »

57 Lettre de Bossuet à son neveu, 27 octobre 1697, CB, t. VII, p. 433.

58 Lettre de Fénelon à labbé de Chantérac, 9 décembre 1697, CF, t. VI, p. 143. Il en va de même pour une version latine (lettre de Fénelon à labbé de Chantérac, 18 décembre 1697, CF, t. VI, p. 162).

59 Fénelon, Instruction pastorale…, OF, t. II, p. 287.

60 Paul Godet des Marais, Lettre pastorale sur le livre intitulé Explication des maximes des saints, OF, t. III, p. 88.

61 Fénelon, Instruction pastorale…, OF, t. II, p. 328.

62 À en croire Chantérac, les avis des cardinaux à légard de lInstruction pastorale de Fénelon étaient largement favorables (lettre de labbé de Chantérac à Fénelon, 4 janvier 1698, CF, t. VI, p. 182).

63 Voir John Woodbridge, « Censure royale et censure épiscopale : le conflit de 1702 », xviiie siècle, no 8, 1976, p. 333-355 ; Fabrice Preyat, op. cit., p. 252-266 ; Cinthia Méli, op. cit., p. 90-106.

64 Procès-verbal de lassemblée provinciale des évêques de la province de Cambrai, OF, t. III, p. 414-415. Fénelon refuse également la suppression de ses écrits postérieurs aux Maximes des saints, demandée par le même évêque de Saint-Omer. Sur les détails de la distribution du mandement, voir lettre de Fénelon à Barbézieux, 30 septembre 1700, CF, t. X, p. 101.

65 Lettre de Fénelon à labbé de Langeron, 24 mai 1703, CF, t. XII, p. 42.

66 Ibid., p. 45.

67 Fénelon, Ordonnance et Instruction pastorale portant condamnation dun livre intitulé Cas de conscience, OF, t. III, p. 636.

68 Fénelon, Dialogues sur léloquence, dans Œuvres, éd. citée, t. I, p. 71.

69 Fénelon, Lettres sur lordonnance du cardinal de Noailles contre le Cas de conscience, OF, t. IV, p. 463.