De la chaire à la mitre, Jean-Baptiste Massillon
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2019, n° 10. varia - Auteur : Andurand (Olivier)
- Résumé : Jean-Baptiste Massillon est un des rares évêques du xviiie siècle à avoir eu une grande carrière de prédicateur. Il faut chercher à comprendre si la prédication a été la cause de sa promotion ou si d’autres raisons sont à l’œuvre. Centrée sur différents sermons et oraisons funèbres, cette étude cherche à montrer le modèle de l’évêque idéal selon Massillon, la façon dont il mobilise un réseau efficace pour coiffer une mitre, et enfin comment il applique son modèle épiscopal à sa pastorale.
- Pages : 69 à 89
- Revue : Revue Bossuet
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406097983
- ISBN : 978-2-406-09798-3
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09798-3.p.0069
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/10/2019
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : Jean-Baptiste Massillon, évêque, prédication, sermons, oraisons funèbres
DE LA CHAIRE À LA MITRE,
JEAN-BAPTISTE MASSILLON
Si l’on se reporte à la définition du verbe « prêcher » dans le Dictionnaire de Furetière, on peut lire : « Annoncer en public la parole de Dieu, l’Évangile, instruire le public par des Sermons. » Quelques lignes plus loin, le lexicographe écrit : « Anciennement, il fallait être évêque pour prêcher ; mais aujourd’hui on ne prêche plus que pour être évêque1. » Le visiteur se promenant dans Paris peut avoir le plaisir de contempler place Saint-Sulpice une fontaine monumentale édifiée entre 1844 et 1847. Sous le nom de « fontaine des orateurs sacrés » ou « des quatre évêques », elle consacre le talent de prélats qui ont été l’ornement le plus précieux de la rhétorique religieuse entre les xviie et xviiie siècles : il s’agit de Bossuet, Fénelon, Fléchier et Massillon. Cet hommage de pierre dit aussi à l’historien le legs que le xixe siècle a envers ces prestigieux personnages2. Si Jacques-Bénigne Bossuet3 et François de Salignac de La Mothe-Fénelon4 ne méritent plus d’être présentés tant leurs textes ont survécu et bénéficient encore aujourd’hui d’une vaste production scientifique, les deux derniers n’ont pas de nos jours la renommée qui était la leur voilà maintenant un siècle et demi. Esprit-Valentin Fléchier, nommé évêque de Lavaur durant la rupture avec Rome en 1685, est finalement transféré à Nîmes et reçoit la consécration le 24 août 16925. Grand compositeur de morceaux d’éloquence, il n’en reste pas moins un piètre orateur dont la voix « manque de majesté6 ».
70Le quatrième évêque statufié est Jean-Baptiste Massillon, évêque de Clermont de 1717 à 1742. Dans un article récent, Stéphane Gomis déplore que « contrairement aux grands orateurs des xviie et xviiie siècles, pasteurs des âmes de surcroît, celui-ci n’a pas fait l’objet d’une biographie de référence7 ». Et pourtant, en plus de sa brillante carrière oratoire, Massillon est un prélat de la toute première importance8. Homme doux, modéré et intelligent, il joue un rôle non négligeable lors des négociations sur l’accommodement autour de la bulle Unigenitus. À notre tour, nous souhaitons rouvrir ce dossier et nous demander si sa mitre est la récompense de son talent de prédicateur ou si, à l’inverse, la force de sa parole n’est qu’un nouvel ornement à une charge d’évêque méritée par la mobilisation d’autres qualités. Nous montrerons d’abord, à partir des différents sermons et oraisons funèbres, le modèle d’évêque construit par Massillon, puis comment ses prêches lui ont permis de se constituer un réseau suffisant dans le but de coiffer une mitre, et enfin comment il a appliqué le modèle théorisé quelques décennies plus tôt à sa pratique épiscopale.
L’évêque selon le prédicateur : la conception
de l’épiscopat chez Jean-Baptiste Massillon
Une carrière sous les auspices de l’Oratoire
Né le 24 juin 1663 à Hyères, Jean-Baptiste Massillon appartient par son milieu social à la petite bourgeoisie d’office provinciale. L’historiographie édifiante du xixe siècle s’est longtemps plu à répéter que le jeune garçon jouait au prédicateur avec ses camarades. Si l’anecdote prête aujourd’hui à sourire, elle n’en est pas moins révélatrice d’une époque qui cherchait dans l’enfance les prémices d’une disposition religieuse particulière. 71Qu’il ait ou non harangué ses condisciples, son parcours l’amène à l’Oratoire, d’abord à Hyères, puis à Marseille et à 18 ans il est novice à Aix-en-Provence.
L’ordre de l’Oratoire a été fondé par le cardinal de Bérulle en 1611. La proximité du nouvel institut avec le jansénisme a fait couler beaucoup d’encre9. Au xixe siècle, l’historiographie catholique avait tendance à faire rimer oratorien et jansénisme tant nombre de ses religieux avait illustré les rangs des partisans de Port-Royal, Pasquier Quesnel en tête. Les recherches les plus récentes ont prouvé que ce lien, sans être inexistant n’était pas si évident qu’on l’a longtemps cru10. Après son année de noviciat, Jean-Baptiste Massillon se rend à Arles pour y étudier la théologie, sous la férule d’un de ses futurs confrères, Honoré de Quiqueran de Beaujeu11, et prédicateur de grand talent.
Il est envoyé par la suite comme professeur dans les collèges de son ordre à Pézenas, puis à Montbrison et enfin à Vienne où il reçoit l’ordination le 22 septembre 1691. Il y prononce aussi sa première oraison funèbre en l’honneur de l’archevêque Henri de Villars12. En s’appuyant sur une citation de l’Ecclésiastique (LI, 20 et suiv.), le prêtre souligne les hautes vertus épiscopales du défunt :
Ne cherchons point aujourd’hui d’autre consolation, Chrétiens : vous ne verrez pas dans cet éloge de ces événements éclatants, où l’orateur, peu instruit de son ministère, vient dans ce lieu saint étaler avec art la figure d’un monde profane ; et jusque sur le tombeau fatal, donne du corps et de la réalité au fantôme que le siècle adore.
Je n’ai à vous entretenir ici, Messieurs, ni de ces négociations importantes, qui, arrachant le pontife du sanctuaire, le rengagent dans le tumulte du siècle, et sous le spécieux prétexte du bien public l’autorisent à violer ses devoirs particuliers ; ni de ces intrigues pénibles, où l’on voit les interprètes des secrets du ciel devenir les dépositaires des mystères des cours, les sentinelles de Jérusalem ne veiller presque plus qu’à la défense de Jéricho, et les docteurs des tribus d’Israël se glorifier d’être les législateurs des nations.
72L’histoire de notre pieux prélat n’est mêlée qu’avec celle de son diocèse : ses jours ne sont marqués que par les fonctions de son ministère ; ses emplois se trouvent tous renfermés dans ses devoirs ; et pour savoir ce qu’il a fait, il suffit de savoir ce qu’il a dû faire13.
Le portrait que Massillon entend brosser d’Henri de Villars est celui d’un prélat modèle de la réforme catholique. Exact dans ses devoirs, résident, attentif au soin de son diocèse, il n’en appartient pas moins à l’une des plus illustres familles du Beaujolais qui a donné à l’archidiocèse de Vienne cinq évêques de 1575 à 1693. Le tableau des vertus épiscopales ne s’arrête pas à cette brillante ascendance :
Quel fonds de candeur, d’affabilité, de modération, dans un rang où mille intérêts secrets enveloppent le cœur ; où le poids des affaires et les bienséances de la dignité altèrent l’humeur, ou la déconcertent ; et où l’on est d’autant plus vif sur les injures, qu’on se voit toujours investi d’hommages !
Quelle noble simplicité dans un siècle où l’art des raffinements a passé jusqu’au peuple ; où tout est confondu, et par sa misère et par sa vanité ; et où à peine tranquilles possesseurs d’une portion de l’héritage de nos pères, frappés de calamités inouïes dans leurs temps, nous inventons des plaisirs qui leur furent encore plus inouïs ! […]
Son âme fut un lieu de paix dans un temps où toutes les passions frémissent à l’entour ; et comme ces trois jeunes princes juifs, il vécut parmi les délices des Babyloniens sans toucher aux viandes, et sans s’enivrer de vin de Babylone (Dan. I, 8)14.
L’image développée par Massillon est celle, assez convenue, d’un épiscopat esclave de ses plaisirs, du lustre que procure un évêché. Henri de Villars est présenté comme une exception dans ce monde fastueux où, chez les prélats, la noblesse le dispute à la piété. Seulement, il ne faut pas se laisser abuser par la rhétorique et ses artifices. Que l’archevêque de Vienne ait été un prélat régulier et vertueux, les historiens le reconnaissent bien volontiers ; néanmoins il n’est pas l’exception mais un exemple supplémentaire de la régularité du haut clergé de la fin du xviie siècle. La carrière de Villars lui sert aussi à rappeler, avec maintes références scripturaires, les troubles qui ont parcouru le siècle ainsi que le besoin perpétuel d’argent de la monarchie, et permet de bien saisir que 73l’épiscopat n’est pas qu’une simple charge spirituelle. En tant qu’agent général du clergé, l’abbé de Villars a eu à faire face aux pressions de la royauté pour obtenir davantage de subsides afin de financer les guerres incessantes du règne de Louis XIV.
La chaire permet à Jean-Baptiste Massillon de dresser le portrait de l’évêque idéal tel qu’il est rêvé depuis le concile de Trente. Sage, vertueux, le bon prélat doit s’engager à défendre la foi, à lutter contre la superstition et à édifier le peuple chrétien. Ces éminentes vertus sont – bien évidemment – réunies dans la figure de Villars :
Puisse seulement la révolution fatale des temps, à qui tout cède, respecter aussi un jour les traces encore vives de son amour pour l’Église ! Puissent les siècles à venir dater de son épiscopat la renaissance de la foi, de la doctrine, de la piété, et dire de lui : il retrancha des abus, ou autorisés par la licence, ou consacrés par la superstition : il rétablit des lois, ou négligées par le relâchement, ou éteintes par la coutume : il rendit au culte extérieur la bienséance et la majesté, la dignité aux ministres et l’honneur au ministère : sous lui furent distribuées avec précaution les grâces des sacrements, et reçues avec fruits : sous lui s’élevèrent dans nos villes ces asiles publics, ou contre l’indigence ou contre le crime : sous lui une nouvelle lumière commença à luire à ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ; des terres presque inconnues ouïrent la parole de vie ; on fit dans nos campagnes des courses apostoliques ; les pauvres furent évangélisés ; et au fond de leurs demeures champêtres, vivant au gré d’un instinct brutal, et à peine encore hommes, ils connurent enfin le Dieu de leurs pères, et l’espérance commune des chrétiens. Tel fut l’usage qu’il fit de son autorité ; il ne reste plus qu’à vous le représenter comme un père tendre et charitable15.
Le style de Massillon, riche d’images et de nombreuses références, permet de comprendre les ambiguïtés de la figure de l’évêque sous la monarchie absolue. Homme de Dieu, il n’en est pas moins un homme du roi dont il doit appliquer les mesures, soutenir la politique et se conformer aux usages gallicans alors en pleine théorisation. L’oraison funèbre est ici un moyen d’édification du public présent aussi bien qu’un hommage rendu au défunt ; Massillon est d’autant plus convaincant qu’il a connu Henri de Villars et que son propos ne manque ni de souffle ni de recueillement.
74Ambiguïtés de la figure épiscopale :
Mgr de Villeroy
Tel n’est plus le cas lorsque Massillon compose, quelque temps plus tard, un long éloge en l’honneur de Camille de Neufville de Villeroy, archevêque de Lyon, décédé le 3 juin 169316. Prononcé pour le service funèbre officiel qui se tient plusieurs mois après le décès de l’archevêque, le morceau oratoire est moins personnel, peut-être plus convenu, mais il n’en remporte pas moins un brillant succès public. L’oraison réussit le tour de force de faire passer Villeroy pour un prélat pieux, régulier et engagé dans la vie de son diocèse quand les sources le montrent lointain, peu au fait des problèmes pastoraux et surtout très hostile à la résistance royale au pape lors de l’affaire de la régale.
Si pour Villars, les vertus épiscopales sont intrinsèquement liées au personnage, ce n’est plus le cas chez l’archevêque de Lyon. Le prédicateur rappelle la naissance romaine du prélat17, ses qualités domestiques, sa proximité au souverain et l’importance de sa famille. On est bien loin de Villars dont les modèles n’étaient autres que François de Sales et Charles Borromée. De surcroît, chez Villeroy, le sacerdoce ne semble être qu’une deuxième voie après une carrière publique avortée :
Combien de fois avions-nous admiré en lui ces lumières vastes et sûres, qui trouvent toujours le point fatal des grands événements ; et cette facilité populaire qui se délasse sur le détail des familles, rallie des intérêts domestiques, et ne sait se refuser à des besoins obscurs, ni s’y prêter avec ces airs d’inquiétude et de fierté, plus accablant que le refus même ! Ses mains comme celles de la femme forte, après s’être occupées à des fonctions éclatantes, ne savaient-elles pas se détourner sur les plus obscures ? Et si j’osais le dire dans un discours chrétien, ne nous rappelait-il pas le souvenir de ces Romains tant vantés, qui, après avoir été à la tête des affaires publiques, et ménagé le destin de Rome, de retour chez eux, enveloppés de toute leur gloire, savaient auprès 75d’un foyer simple et champêtre, prononcer sur les démêlés de leurs clients, et se renfermer dans les bornes de cette magistrature domestique comme s’ils eussent toujours ignoré les fonctions éclatantes de l’autre18 ?
Si certains évêques sont destinés dès leur plus jeune âge à l’état ecclésiastique et présentent des qualités religieuses éminentes, tel n’est pas le cas de Mgr de Villeroy qui entre dans la carrière de l’Église faute de mieux. Deuxième fils du marquis d’Hallincourt, frère du maréchal Nicolas de Villeroy, il fait ses études chez les jésuites et obtient à Rome un doctorat en théologie. Nommé lieutenant du roi pour le Lyonnais, il est le second de son aîné qui est désigné gouverneur de la province en survivance de leur père19. L’abbé de Villeroy est élu à l’archevêché de Lyon le 12 janvier 1654 :
En effet, qu’est-ce que l’honneur de l’épiscopat, si l’on s’en tient à ce que la chair et le sang nous révèlent là-dessus, et si l’on en juge par la corruption et le relâchement de ces derniers temps ? C’est un poste éminent qu’il est permis de souhaiter, auquel il est glorieux d’atteindre, et dont il est doux de jouir : c’est un titre pompeux mais vide, qui retient tous les honneurs du sacerdoce, et qui en distribue aux autres les fatigues comme des faveurs : c’est une autorité tranquille, qui, à l’ombre du faste qui l’environne, décide du travail de ceux qui portent le poids du jour et de la chaleur. Mais si l’on consulte le père des lumières, et si nous remontons à ces siècles de ferveur et de pureté, c’était un poids redoutable et saint, qu’on ne désirait jamais sans témérité, dont on ne pouvait se charger soi-même sans profanation, sous lequel on devait gémir avec crainte et tremblement : c’était une servitude pénible, qui, nous établissant sur tous, nous rendait redevables à tous ; un ministère d’amour et d’humilité, qui établissait le pasteur dépositaire et des miséricordes du Seigneur, et des misères du peuple. Siècles si honorables à la foi, sainte antiquité si connue en nos jours et si peu imitée, temps heureux, où êtes-vous ?
Je ne vous dirai pas, Messieurs, que notre grand archevêque, à l’exemple de Jésus-Christ, ne s’était pas lui-même établi pontife (He 5, 5), que les désirs du prince prévinrent ses désirs, et que l’honneur du sacerdoce lui fut offert avant qu’il s’y fut offert lui-même. Mais, oserai-je le dire, et croira-t-on que la foi sur son déclin soit encore capable de ces efforts du premier âge ? Il endura plus de sollicitations pour se résoudre à subir ce fardeau sacré, que les autres n’en emploient pour l’obtenir : il mit à s’en défendre presque tout le temps qu’on met à le demander ; en un mot, il sut être évêque après l’avoir refusé20.
76La consécration épiscopale est un tournant dans la vie du prélat si l’on en croit Massillon. Au-delà de la formule convenue, il est certain que cette charge représente une étape importante dans la vie d’un ecclésiastique qui atteint par-là les plus hauts sommets de la carrière. Seulement, en multipliant les artifices oratoires, le prédicateur peine à convaincre son auditoire que Mgr de Villeroy n’ait été autre chose qu’un bon administrateur. Il le décrit visitant son diocèse, fondant un séminaire21, s’occupant de la charité et cherchant des expédients pour soulager la pauvreté de ses diocésains22. Si Henri de Villars est, sous la plume de Massillon, un prélat empli du souffle sacré de son ministère, Camille de Villeroy en est la figure complémentaire. Ce dernier ne semble s’intéresser qu’aux côtés administratifs de sa mission. Il n’en est pas pour autant un mauvais évêque, il gère au mieux les aspects temporels de son diocèse, le transforme dans l’optique de ce qui a été décidé au concile de Trente et met en œuvre la réforme catholique à Lyon, mais l’Esprit ne semble pas souffler sur cette administration pourtant très régulière.
Les deux premiers éloges funèbres de Massillon présentent à la fois la réalité sociale de l’épiscopat du règne de Louis XIV mais aussi la perception qu’un jeune oratorien peut en avoir. La réalité peut paraître triviale, elle repose sur le patronage à la fois royal et familial qui permet, garantit et sécurise une carrière ; elle s’appuie sur la gestion rigoureuse d’un territoire, sur le développement d’actions temporelles qui assurent la subsistance des pauvres, la qualité de l’éducation et le bon recrutement des prêtres. Par l’exemple d’Henri de Villars, Massillon construit une image très forte de l’épiscopat :
L’épiscopat est un ministère de force et de fermeté. Il faut que, retranché dans le droit sacré du sacerdoce, l’évêque soit hors d’atteinte aux traits de l’ambition, aux surprises de la bienséance, à la rapidité de l’usage ; qu’il rapproche l’innocence de nos mœurs, des lois et de la discipline de nos pères ; qu’il sache ramener les abus à leur origine ; et que comme l’arche d’Israël au milieu du Jourdain (Jos., III, 16), il fasse remonter les eaux vers leur source, et ne s’y laisse pas entraîner soi-même23.
77L’idéal de Massillon se construit sur une double conviction : la force intime et personnelle qui permet de résister à la pression du monde ; la fermeté dans la conduite du troupeau diocésain qui fait devenir pleinement pasteur. La référence à l’Arche au milieu du Jourdain est très forte. L’évêque, tel Josué, doit pouvoir arrêter le tourbillon des passions par sa parole. Son verbe puise sa source dans les prophètes et, par la succession apostolique, son pouvoir vient directement de Dieu. L’épiscopat chez Massillon ne peut donc se résumer à une simple ambition – qu’il ne nie évidemment pas –, il en fait davantage le ministère de la parole. L’éloquence de la chaire n’est pas un spectacle, c’est un vecteur de perfectionnement des fidèles, l’assurance que le verbe de Dieu touchera bien ceux qui doivent être édifiés.
Quand la chaire mène à la mitre :
enjeux croisés d’une promotion à l’épiscopat
Les grandes prédications à la cour
Isabelle Brian et Stefano Simiz ont montré l’ambiguïté de la prédication dans les promotions épiscopales. La première en rappelant que Louis XIV affirme dans ses mémoires qu’il s’efforce de placer sur les sièges épiscopaux des hommes qui se sont distingués par leur talent oratoire24 ; le second rappelle cette phrase d’Antoine Godeau25 : « c’est pourquoi un évêque qui ne prêche point, n’est, s’il m’est permis de parler ainsi, que la moitié d’un évêque, fut-il le plus capable du monde de gouverner son diocèse26. »
Et pourtant, les études de Joseph Bergin ou de Michel Perronet ont souligné que la prédication n’était pas la qualité essentielle pour devenir évêque aux xviie et xviiie siècles. Rares sont les prédicateurs à 78coiffer la mitre. Fléchier, Bossuet et Fénelon sont bien connus pour le Grand siècle. Pour celui des Lumières, Du Plessis d’Argentré devient évêque de Tulle en 1726 après avoir été prédicateur ordinaire du roi27 ; Edme Mongin est à la fois précepteur des enfants du duc de Bourbon et lauréat du prix d’éloquence de l’Académie française avant de monter sur le siège de Bazas28 ; Jean-Baptiste de Surian a, pour sa part, prêché l’Avent à la cour en 1725 et le Carême en 1726 et 1727 avant de devenir évêque de Vence29.
Dans la première moitié du xviiie siècle, la prédication ne semble être qu’un atout supplémentaire permettant de confier en confiance un siège épiscopal à un candidat qui dispose déjà d’un réseau d’appuis suffisants, d’une expérience pastorale éprouvée30.
Est-ce le cas de Jean-Baptiste Massillon ? Après avoir prononcé les oraisons funèbres de Villars et Villeroy, la carrière du jeune oratorien passe par le séminaire Saint-Magloire où le cardinal de Noailles lui demande en 1696 d’exercer les fonctions de directeur-adjoint de l’établissement31. Deux ans plus tard, il part prêcher à Montpellier à la demande du nouvel évêque, Charles-Joachim Colbert de Croissy ; ses supérieurs à l’Oratoire souhaitaient que son verbe puisse aider à la conversion des Protestants dans le diocèse32. C’est ensuite à la cour que Massillon est appelé. Il prêche pour la première fois le Carême devant Louis XIV en 1704 après être plusieurs fois monté en chaire à Paris et à Versailles.
79Les mots sur les succès oratoires de Massillon sont connus et fort nombreux. À la suite d’une station de l’Avent de 1699, le roi lui aurait dit : « Mon père, quand j’ai entendu les autres prédicateurs, j’en ai été fort content ; pour vous, lorsque je vous entends, je suis très mécontent de moi-même33. » Le souverain signale que la prédication de l’oratorien est à la fois belle dans la forme, profonde et riche dans le fond théologique et moral abordé. En 1701 et 1704, Massillon prêche deux Carêmes devant la cour, il succède aux plus grands noms de la chaire, Bossuet, mais aussi Bourdaloue, et ses biographes soulignent tous qu’il l’a fait sans démériter34. Doit-on chercher dans ses prédications une raison de sa promotion ? Par ses prêches, Jean-Baptiste Massillon se distingue-t-il de ses contemporains ?
Les Sermons de Massillon, quelques réflexions
Le contenu de ses sermons est topique : respect pour les sacrements de l’autel, critique sévère des hypocrites qui choisissent de revêtir les apparences de la sainteté sans la vivre pleinement et sans en vouloir, surtout, supporter les sacrifices qu’elle impose ; enfin, il tonne contre les libertins qui utilisent les temples pour des activités profanes, voire licencieuses :
Mais si le seul état de crime sans remords, sans aucun désir de changement, et avec une volonté actuelle d’y persévérer, est une manière d’irrévérence, qui profane la sainteté de nos temples et de nos mystères ; que sera-ce, grand Dieu ! De choisir ces lieux saints et l’heure des mystères terribles, pour venir y inspirer des passions honteuses ; pour s’y permettre des regards impurs ; pour y former des désirs criminels ; pour y chercher des occasions que la bienséance toute seule empêche de chercher ailleurs ; pour y retrouver peut-être des objets que la vigilance de ceux qui nous éclairent éloigne de tous les autres lieux ? Que sera-ce de faire servir ce que la religion a de plus saint, de facilité au crime ; de choisir votre présence, grand Dieu ! Pour couvrir le secret d’une passion impure, et de faire de votre temple saint un rendez-vous d’iniquité, et un lieu plus dangereux que ces assemblées de péchés, d’où la religion bannit les fidèles ? Quel crime de venir crucifier de nouveau Jésus-Christ dans le lieu même où il s’offre tous les jours pour nous à son père ! Quel crime d’employer, pour faciliter notre perte, l’heure même où s’opèrent les mystères du salut et de la rédemption de tous les hommes ! Quelle fureur de venir choisir les yeux de son juge, pour le rendre témoin de nos crimes, et faire de sa présence le 80sujet le plus affreux de notre condamnation ! Quel abandon de Dieu, et quel caractère de réprobation, de changer les asiles sacrés de notre sanctification, en des occasions de dérèglement et de licence !
Grand Dieu ! Lorsqu’on vous outragea sur le calvaire où vous étiez encore un Dieu souffrant, les tombeaux s’ouvrirent autour de Jérusalem ; les morts ressuscitèrent, comme pour venir reprocher à leurs neveux l’horreur de leur sacrilège. Ah ! Ranimez donc les cendres de nos pères qui attendent dans ce temple saint la bienheureuse immortalité ! Faites sortir leurs cadavres de ces tombeaux pompeux que notre vanité leur a élevés, et qu’enflammés d’une sainte indignation contre des irrévérences qui vous crucifient de nouveau, et qui profanent l’asile sacré des dépouilles de leur mortalité, ils paraissent sur ces monuments ; et puisque nos instructions et nos menaces sont inutiles, qu’ils viennent eux-mêmes reprocher à leurs successeurs leur irréligion et leurs sacrilèges35 !
La longue période oratoire développée par Massillon reprend un topos de la littérature de la chaire : le formalisme de l’assistance à la messe et l’inadéquation entre le public et les vertus prônées par la religion catholique. C’est dans l’enceinte de la cour, où tous les moyens sont bons pour être remarqué par le souverain, que l’orateur s’en prend à ce vice inhérent à la société de faux dévots : Tartuffe n’est pas si loin ! La Palatine avec son talent épistolaire ne dit pas autre chose : « La foi est éteinte en ce pays, au point qu’on ne trouve plus un seul jeune homme qui ne veuille être athée36. »
Les thèmes des prédications de Jean-Baptiste Massillon se placent dans la droite ligne de celles prêchées avant lui. À la suite de Bourdaloue, il entreprend l’apologie du catholicisme dans son célèbre Grand Carême avec son sermon sur les « vérités de la religion » et celui sur « la vérité d’un avenir ». Plus moraliste qu’apologiste, il insiste sur la prière, la confession et se fait pasteur compatissant et miséricordieux alors que dans son Sermon pour le mercredi de la première semaine de Carême il envisage la rechute et les moyens de se relever37.
Massillon sait toutefois être vigoureux et quitter ce ton aimable et doux qui le distingue pour attaquer les ennemis de la foi. C’est Spinoza 81qui est attaqué dans de virulentes diatribes. Dans son Sermon pour le mardi de la quatrième semaine de Carême intitulé Des doutes sur la religion, il dit de lui qu’il est un « monstre » et fait du Traité théologico-politique un « ouvrage de confusion et de ténèbres38 ». Plus qu’une réfutation fondée et argumentée, le prédicateur se contente de reprendre et de développer les théories de Bossuet sur les Protestants. L’Église romaine est une, elle est la vérité ; les philosophes prônent diverses thèses, ils sont par essence dans l’erreur. Argument supplémentaire, Massillon renvoie les incrédules au ridicule de leur imitation :
Secondement, parce que la foi est si éteinte dans le siècle où nous vivons, qu’on ne saurait presque trouver dans le monde des hommes qui se piquent d’esprit, et d’un peu plus de lecture et de connaissance que les autres, lesquels ne se permettent sur nos mystères et sur ce que la religion a de plus auguste et de plus sacré, des objections et des doutes. On aurait donc honte de paraître religieux et fidèle avec eux : ce sont des hommes que l’estime publique élève, et auxquels il paraît beau de ressembler : on croit qu’en adoptant leur langage, on adopte leurs talents et leur réputation ; et il semble que ce serait faire un aveu public de faiblesse et de médiocrité, de n’oser, ou les imiter, ou du moins les contrefaire : vanité misérable et puérile39.
Ce tableau critique de la société de cour ne doit pas faire illusion. Il appartient à un prédicateur de charger les vices et de minorer les vertus de son auditoire. Les progrès peuvent toujours être envisagés, la sainteté est au bout du chemin de vie du chrétien et il incombe au ministre de l’Église de guider les fidèles sur la voie étroite du salut ; elle l’est d’autant plus chez Massillon qu’il n’hésite pas à écrire qu’il n’y a que deux directions pour accéder à la béatitude éternelle, l’innocence ou la pénitence :
Or, mourir innocent est un privilège, où peu d’âmes peuvent aspirer : vivre pénitent est une grâce que les adoucissements de la discipline, et le relâchement de nos mœurs rendent presque encore plus rare40.
82Ces sermons prêchés entre 1701 et 1704 sont les seuls que Jean-Baptiste Massillon a eu l’honneur de dire devant le roi. Par la suite, il n’est plus invité à la chapelle royale pour l’Avent ou le Carême. En revanche, il est plusieurs fois convié à faire l’éloge funèbre des princes de la famille royale ; après avoir fait celui du prince de Conti en 1709, il monte en chaire pour la mort du Grand Dauphin à la Sainte-Chapelle de Paris en 1711. C’est à lui que revient la tâche de prononcer, en 1715, l’oraison de Louis XIV. S’inspirant des versets 16 et 17 de l’Ecclésiaste, il commence par ces mots désormais célèbres :
Dieu seul est grand, mes frères, et dans ces derniers moments surtout, où il préside à la mort des rois de la terre : plus leur gloire et leur puissance ont éclaté, plus, en s’évanouissant alors, elles rendent hommage à sa grandeur suprême : Dieu paraît tout ce qu’il est ; et l’homme n’est plus rien de tout ce qu’il croyait être41.
Dans ses sermons à la cour, Massillon avait déploré la futilité et les fausses dévotions des courtisans, son éloge funèbre vient clore la bière de celui qui a favorisé ce système. L’oraison exalte la grandeur de Dieu en soulignant que toute la puissance d’un homme n’est plus rien lorsqu’il passe de vie à trépas. Bossuet aurait cité un autre passage de l’Ecclésiaste pour dire la même chose : « vanité des vanités, tout est vanité (Eccl. I, 2). » Alors qu’il n’est pas encore évêque, Massillon, par son talent, gravite déjà dans les hautes sphères du clergé, marchepied essentiel pour entrer dans la carrière épiscopale.
Massillon évêque : un prédicateur mîtré ?
À la conquête d’un évêché
En 1715, la mort de François Bochart de Saron laisse le diocèse de Clermont sans évêque. Le Régent y désigne un ancien aumônier du roi, Louis de Balzac d’Illiers d’Entragues. Si l’on en croit Louis de 83Saint-Simon, la mauvaise opinion que le nonce Cornelio Bentivoglio avait de lui l’a empêché d’obtenir ses bulles d’investiture canonique42. Clermont restait donc sans pasteur, alors que l’Église de France était déchirée par la querelle de l’Unigenitus43.
Fulminée en septembre 1713, la constitution Unigenitus Dei Filius condamne cent-une propositions extraites des Réflexions morales sur le Nouveau Testament de l’oratorien Pasquier Quesnel. Membre de la même congrégation que Massillon, de nombreux auteurs se sont plu à chercher des parallèles dans la pensée des deux ecclésiastiques44. Ils sont difficiles à trouver car chez le prédicateur, le sentiment ecclésiologique qui prédomine est bien la soumission. Elle n’est pas envisagée comme une contrainte ou une punition, mais assurément comme une voie de sagesse et de modération.
Demandée par Louis XIV au pape Clément XI, la bulle Unigenitus devait éteindre à jamais le jansénisme en France. Force est de constater que le monarque a manqué son but tant les contestations sur l’acceptation de la constitution ont été âpres et difficiles à régler. Deux événements viennent créer un problème important : le premier, le 28 février 1714, Noailles publie une lettre pastorale qui interdit à son clergé d’agir tant que le souverain pontife n’aura pas donné d’explications sur les points obscurs de sa décision. Le cardinal entraine à sa suite plusieurs prélats45. Le second, quelques jours plus tard, l’Assemblée du clergé, convoquée pour accepter la bulle Unigenitus, présente une instruction pastorale chargée de lever les ambiguïtés laissées par Rome46 et qui, à partir de 1715, est la base de l’acceptation de près de 90 % des évêques du royaume. L’Église de France est désormais divisée entre « bullistes » et « refusants ». C’est cette fracture que Jean-Baptiste Massillon tente de réduire. Proche de Noailles, estimé du cardinal de Rohan47, il est 84le personnage idéal pour faire l’intermédiaire entre ces deux tendances que tout semble opposer. L’abbé Dorsanne, secrétaire et official de l’archevêque de Paris, rapporte tous les efforts que l’oratorien déploie pour obtenir le rapprochement des acceptants avec Noailles et ses alliés, mais la correspondance de l’évêque de Boulogne, Pierre de Langle, laisse entendre que l’on se méfie de lui48.
Après la mort de Louis XIV, le Régent continue de s’appuyer sur Massillon pour ramener la paix dans l’Église gallicane. Il est chargé avec le père de La Tour, supérieur de l’Oratoire, de rédiger le corps de doctrine, synthèse également acceptable par tous des principales questions en débat dans la bulle clémentine49. Malgré des maladresses qui font le tour de Paris50, ses nombreux efforts ne restent pas sans récompense, d’autant que Louis XV apprécie beaucoup ses prédications et en apprendrait même des passages par cœur51. La promotion de Massillon à l’épiscopat paraît davantage devoir à ses talents oratoires qu’à ses tentatives malheureuses de pacification. Pourtant très au fait des nominations et de leurs raisons, Saint-Simon ne dit de lui que « célèbre par ses sermons52 ». Le nouvel évêque de Clermont doit donc sa mitre à son rôle de prédicateur ; néanmoins on ne peut nier que son intervention dans l’affaire de l’Unigenitus n’a pas été inutile. Elle l’a intégré dans les circuits politiques qui sont essentiels lorsqu’il s’agit de briguer un évêché. Nommé le 12 novembre 1717, il n’obtient ses bulles que le 14 novembre 171853 après avoir été présenté au nonce Bentivoglio et avoir répondu à une enquête canonique qui ne manque pas de complexité54. Le sacre a lieu le 21 décembre 1718 dans la chapelle royale en présence de Louis XV et du cardinal de Rohan. C’est le précepteur du roi, André-Hercule de Fleury, qui pose la mitre 85sur la tête de son nouveau confrère55. Les taxes romaines ont été payées par le frère du banquier Crozat et le jeune souverain a offert à M. de Clermont son anneau pastoral et sa croix pectorale56.
La raréfaction de la parole épiscopale de Massillon
Apprécié pour ses sermons, Massillon ne peut plus monter en chaire de la même manière après avoir obtenu sa mitre. L’évêque est docteur de la foi et dans les conceptions ecclésiologiques gallicanes, il a une voix déterminante dans la définition du dogme et dans le gouvernement de l’Église universelle. Le verbe d’un prélat n’a pas la même portée que celui d’un simple ecclésiastique. Il est donc régulier – mais pas obligatoire – qu’au xviiie siècle, la prise de parole en chaire se fasse plus rare57.
Massillon, pourtant toujours modéré et prudent, prononce le 13 février 1723 l’oraison funèbre de la princesse Palatine, mère du Régent, lors des obsèques solennelles célébrées par l’archevêque d’Albi, Armand-Pierre de La Croix de Castries. Les avis divergent sur la qualité du discours ; Saint-Simon la dit « belle58 » quand Mathieu Marais la qualifie de son côté de « longue et plate comme l’épée de Charlemagne59 ». L’éloge contient malgré tout un passage des plus significatifs. Évoquant la religion et la foi de la défunte, le prédicateur déclare :
Quels exemples de piété n’a-t-elle pas donnés à la France, et d’une piété qui portait tous les traits de son caractère ; simple et soumise, exacte et régulière, noble et héroïque ! […]
Désabusée des erreurs étrangères, elle ne voyait qu’avec une vive douleur les tristes dissensions qui, dans ces jours de trouble et de confusion, se sont élevées dans le sein même de l’Église : elle adressait au ciel les vœux les plus ardents, afin qu’il bénît les soins que le prince son fils prenait de les calmer. Mais instruite qu’il est nécessaire qu’il y ait des scandales, les troubles de l’Église affligèrent son cœur, sans ébranler jamais sa foi et sa soumission : jamais de retour sur ce qu’elle avait quitté, parce qu’elle l’avait quitté volontairement : jamais de doute sur le parti qu’elle avait pris, parce qu’elle l’avait pris avec lumière et par conviction. L’Église, quoique battue des flots, agitée par les tempêtes, n’en était pas moins à ses yeux la colonne et la base de la 86Vérité, et l’arche sainte dans laquelle seule se trouve la paix et le salut. Vous avez marqué, ô mon Dieu ! des bornes aux maux de cette Église, l’objet éternel de votre amour ; de cette épouse chérie, que vous avez acquise au prix de tout le sang de votre Fils. C’est de ces temps de trouble et d’obscurité, que sort toujours le calme et la lumière : toujours dans votre colère, vous vous souvenez de faire miséricorde. Quand viendront des jours paisibles et sereins, succéder à ces jours malheureux ? Puissent nos soupirs et nos larmes les hâter ! puissions-nous en être les heureux témoins ; et ne transmettre à nos neveux, que l’histoire déplorable de nos dissensions60 !
Jean-Baptiste Massillon insiste sur deux idées fortes – l’Église colonne de vérité et la soumission – qui prennent tout leur sens lorsque l’on remet cet extrait dans son contexte à la fois théologique et politique. Au début de l’année 1722, le clergé de France est toujours divisé entre les partisans de l’Unigenitus et ses opposants qui se sont réunis dans le mouvement de l’appel au concile général. Pour l’évêque de Clermont, seule la soumission est garante de paix et de salut. Il faut interpréter ce court passage de l’oraison funèbre de Madame comme une reconnaissance de la politique religieuse du Régent fondée sur l’entente avec Rome et la condamnation des appelants excommuniés en 1718 par les lettres Pastoralis Officii de Clément XI. Loin des grands principes de la morale chrétienne, cet éloge doit bel et bien être lu au prisme d’une actualité particulièrement brûlante61.
Revenu dans son diocèse, le prélat s’en tient à une règle de prudence comme nombre de ses confrères : qu’on pense ce que l’on veut, mais qu’on ne fasse pas d’éclat62. Il encourage donc fortement les ecclésiastiques à signer le formulaire. Il semble que l’évêque ne soit plus monté en chaire et qu’il ait laissé le soin de la parole à d’autres religieux, en particulier aux jésuites tel le fameux Jacques Bridaine dont les Nouvelles ecclésiastiques rapportent avec beaucoup d’aigreur les propos très ultramontains et constitutionnaires qui ont été tenus lors d’une mission à Clermont en 174063 :
87Sur de si belles espérances, le célèbre P. Massillon s’est rendu esclave du fameux Bridaine, dont il n’a osé réprimer aucun des excès, quoiqu’il ait assisté fort régulièrement à tous les exercices, l’on dirait presque, à tous les scandales de la mission. Le prélat essaya seulement de faire de très-humbles représentations à l’homme apostolique, sur la paix qui régnait dans le diocèse, où (disait-il) l’on ne parlait point publiquement des disputes qui agitent l’Église. Mais le sieur Bridaine répondit avec l’assurance d’un prophète : « Ne pensez pas, Mgr, me fermer la bouche. Je dirai tout ce que Dieu m’inspirera lorsque je serai en chaire. » Néanmoins il a accusé en chaire les prétendus jansénistes d’enseigner que les commandements de Dieu sont impossibles, ce qui est une insigne fausseté, que le Dieu de vérité n’inspire point, & sur laquelle M. Massillon doit être en état de rendre justice (s’il voulait) aux innocents calomniés. Dieu très certainement n’a pas inspiré non plus au prêtre ultramontain d’enseigner, comme il a fait, qu’il faut une permission expresse pour lire l’Écriture sainte : & M. de Clermont sait bien en sa conscience que ce n’est pas là le langage d’un Ministre apostolique. […] D’ailleurs il y a moins de religion dans tous ses discours & dans tous ceux de ses adjoints, que dans un seul des sermons que le P. Massillon, aujourd’hui évêque de Clermont, prêchait autrefois avec tant d’applaudissement dans la capitale de ce royaume64.
Dans l’optique du rédacteur des Nouvelles ecclésiastiques, le contenu des sermons de Massillon aurait dû le guider dans sa gestion diocésaine et garantir la pureté de l’enseignement doctrinal. Au lieu de cela, l’évêque se trahit – par faiblesse ou par intérêt ? – en laissant un jésuite proférer des propos qui sont aux antipodes de ce que le prélat pouvait défendre lorsqu’il montait encore en chaire.
La parole épiscopale n’a plus qu’un lieu où s’exprimer librement : les synodes diocésains que Massillon convoque annuellement, comme le prévoit la xxive session du concile de Trente. Pour l’ouverture de chacune de ces réunions, le prélat prononce une allocution inaugurale qui fixe les principaux axes de réformes et de réflexions pour son clergé. Cet usage est né d’un constat : le dérèglement des mœurs et de la pratique du ministère ecclésiastique65. Les vingt discours synodaux – 1723-1742 – témoignent des orientations pastorales et morales de l’évêque. Les thèmes développés portent sur des sujets de plus en plus élevés, et semblent attester d’une progression des curés du diocèse. Si les premiers sont consacrés à la vie quotidienne dans les villages où les prêtres sont invités 88à méditer, à s’adonner à la retraite spirituelle, à aimer leurs fidèles, et à s’entendre avec les vicaires et autres prêtres présents dans les paroisses, les derniers portent sur des sujets plus hauts : l’importance de l’étude et de la science, la douceur pastorale, la prière et l’accompagnement des malades. Il s’agit de former un clergé rigoureux, uni et pieux sous la conduite de l’évêque. C’est seulement à partir de 1727 que Massillon commence à donner davantage de profondeur à ses discours. Il a recours aux citations latines et engage les ecclésiastiques à élaborer des sermons fondés sur l’Écriture, ainsi qu’à être des modèles pour le peuple :
Rendez-vous aimables à vos peuples, si vous voulez leur devenir utiles ; aimables, non par des familiarités indécentes, en partageant avec eux leurs excès, et devenant des compagnons de leurs plaisirs ; mais en partageant leur afflictions, et devenant les consolateurs de leurs peines : commencez pas gagner les cœurs, pour attirer les âmes à Jésus-Christ ; ne rendez point le saint ministère odieux par la rudesse et la bizarrerie de vos humeurs, ou méprisable par la bassesse de vos sentiments ; ne refusez pas aux fidèles, qui vous sont commis, votre assistance et vos conseils, puisque vous leur devez même votre vie ; soyez leur consolation, et ils seront la vôtre ; aimez-les comme vos enfants, et ils vous aimeront comme leur père : Quæcumque amabilia66.
Ces discours synodaux témoignent des abus demeurant dans le clergé de Clermont, mais aussi des efforts constants de Massillon pour tenter de les résorber. Le style du prélat n’est plus aussi ample que lorsqu’il prêchait à la cour ; pourtant, des traces de ses précédentes fonctions subsistent. Ainsi, les nombreuses exclamations, les constructions rhétoriques permettent aux auditeurs – lecteurs – de se laisser emporter par son phrasé, d’être touchés et enfin convaincus. Ces textes sont une autre sorte de prédication, ils jouent sur les mêmes modes stylistiques pour persuader le public. Ne pouvant plus monter en chaire comme il le faisait auparavant, Massillon réinvestit les techniques oratoires dans son synode, où mutatis mutandis, les objectifs sont identiques : convaincre l’assistance et obtenir la transformation des cœurs.
La carrière de Jean-Baptiste Massillon est comprise entre ces deux termes : la chaire et la mitre. Mais ces moments ne sont jamais aussi séparés qu’on voudrait le croire. Durant toute la période pré-épiscopale, il a construit 89l’image d’un prélat parfait au gré des rencontres et des oraisons funèbres qu’il a eues à prononcer. Très influencé par l’archétype tridentin de l’évêque, pasteur au service de son diocèse et des fidèles, il se place dans les pas de Charles Borromée et de François de Sales. Cet idéal spirituel théorisé dans sa prédication est une des clefs pour comprendre la période clermontoise. Même s’il semble qu’à l’inverse de beaucoup de ses confrères, Massillon n’a pas cherché les honneurs de la mitre, lorsqu’il l’a obtenue, il s’est conformé au modèle qu’il a observé chez Villars et aux qualités d’organisation de Villeroy. La parole de l’évêque est source de vérité, d’ordre et de sécurité. Elle doit aussi être consolatrice, paternelle et modérée. C’est le second enseignement important de l’épiscopat de Massillon67. Pour Stéphane Gomis, il est le prélat de la paix68, une figure de la modération et de la douceur. Il fait de ces vertus le point cardinal de son action à la tête du diocèse de Clermont et considère que la conciliation a davantage de chance d’aboutir que la violence et la coercition. Il est rare qu’une construction théorique forgée dans une composition rhétorique trouve une application pleine et entière dans les faits quotidiens. Massillon n’échappe pas à cette dialectique entre idéal et réalité : ce n’est pas un théologien, c’est un pasteur qui doit se saisir de la complexité humaine pour mener une action pastorale efficace. Les doux accents du prédicateur n’ont pas été étouffés par la mitre épiscopale, ils se sont enrichis de la confrontation au réel.
Devenu évêque, il continue à enseigner mais sa voix passe désormais par l’écrit, ses nombreuses instructions pastorales l’attestent. Mais c’est surtout par le vecteur des « pasteurs immédiats », les curés, que le prélat se fait entendre. Il les instruit, et espère que, transformés par le verbe épiscopal, ils iront faire résonner sa foi et ses vertus jusqu’aux confins du diocèse.
Olivier Andurand
Professeur en CPGE
Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg
1 Dictionnaire de Furetière, article « Prêcher », t. 3, 1697.
2 Jules Candel, Les Prédicateurs français dans la première moitié du xviiie siècle, de la Régence à l’Encyclopédie, 1715-1750, Paris, Picard, 1904.
3 Georges Minois, Bossuet. Entre Dieu et le Soleil, Paris, Perrin, 2003.
4 Sabine Melchior-Bonnet, Fénelon, Paris, Perrin, 2008.
5 Antonin Fabre, Fléchier orateur, 1672-1690. Étude critique, Paris, Perrin, 1886.
6 Isabelle Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime, xviie-xviiie siècles, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 433.
7 Stéphane Gomis, « Construire la biographie de Jean-Baptiste Massillon. Un bilan historiographique », dans Stéphane Gomis (dir.), Les Évêques des Lumières. Administrateurs, pasteurs, prédicateurs, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2015, p. 113.
8 Jean Ehrard, Abel Poitrineau (dir.), Études sur Massillon, Clermont-Ferrand, Institut d’études du Massif Central, 1975 ; Marcel Laurent, « Jean Soanen et Jean-Baptiste Massillon », Chroniques de Port-Royal, no 24, 1975, p. 41-99.
9 Antoine Bayle, Massillon. Étude historique et littéraire, Paris, Ambroise Bray, 1867, p. 6 et sq.
10 Henri Schmitz du Moulin, « Quesnel et Port-Royal », Chroniques de Port-Royal, no 50, 2001, p. 249-264 ; Jean Mesnard, « Port-Royal, les oratoriens et l’Oratoire », Chroniques de Port-Royal, no 50, 2001, p. 577-584.
11 Jean Dubu, « Le “Funeste évêque de Castres” : Honoré Quiqueran de Beaujeu (1655-1736) », Chroniques de Port-Royal, no 50, 2001, p. 281-296.
12 Joseph Bergin, The Making of the French Episcopate, 1589-1661, New Haven-London, Yale University Press, 1996, p. 716.
13 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Messire de Villars, archevêque de Vienne, dans Œuvres de Massillon, Paris, Lefèvre, 1835, t. 2, p. 628.
14 Ibid., p. 630.
15 Ibid., p. 634.
16 Laurence Yaghlian, Camille de Neufville, Pouvoir et fortune, thèse de doctorat, Université Jean Moulin Lyon III, 2017.
17 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Messire de Villeroy, archevêque de Lyon, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 640 : « La capitale de l’univers, Rome, fut le lieu que la Providence choisit pour donner à son peuple messire Camille de Neuville. Il semble que cette grande âme, qui devait un jour réunir dans sa personne la science de régir les peuples, et celle de les sanctifier, soutenir le trône d’une main et l’autel de l’autre, dispenser les mystères de l’État et ceux de l’Église, ne pouvait devoir sa naissance qu’à cette ville si célèbre, où l’autorité de l’empire et du sacerdoce se trouve réunie dans la même personne. »
18 Ibid., p. 643.
19 Yann Lignereux, Lyon et le roi. De la « bonne ville » à l’absolutisme municipal (1594-1654), Seyssel, Champ Vallon, 2003.
20 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Messire de Villeroy, archevêque de Lyon, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 645-646.
21 Ibid., p. 648.
22 Ibid., p. 649.
23 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Messire de Villars, archevêque de Vienne, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 632.
24 Isabelle Brian, « Les évêques contemporains de Massillon et la prédication », dans Stéphane Gomis (dir.), op. cit., p. 15-22.
25 Stefano Simiz, « Prêcher et faire prêcher : l’évêque et la prédication diocésaine au xviiie siècle », dans Stéphane Gomis (dir.), op. cit., p. 23-33.
26 Antoine Godeau, Éloge des évesques qui dans tous les siècles ont fleury en doctrine et en sainteté, Paris, 1665, p. 693-694, cité par Stefano Simiz, art. cité, p. 23.
27 Stéphane Lajaumont, « Un pas de deux ». Clercs et paroissiens en Limousin (vers 1660-1789), Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2014.
28 Olivier Laroza, « Edme Mongin, évêque de Bazas, et membre de l’Académie française (1668-1746) », Actes de l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, Bordeaux, Hôtel des Sociétés savantes, 1989, p. 29-55.
29 Théophile Bérengier, L’Épiscopat provençal au xviiie siècle. Notice sur Mgr Jean-Baptiste de Surian, évêque de Vence (1727-1754), Marseille, Imprimerie marseillaise, 1894.
30 Olivier Andurand, Roma autem locuta. Les évêques de France face à l’Unigenitus. Ecclésiologie, pastorale et politique dans la première moitié du xviiie siècle, thèse de doctorat, Université Paris Nanterre, t. 1, 2013, p. 67-84.
31 Bonnet Attaix, Étude sur Massillon, Toulouse, Chauvin, 1882, p. 11 ; sur Louis Antoine de Noailles, voir Olivier Andurand, « Fluctuat nec mergitur, les hésitations du cardinal de Noailles », Cahiers de recherches médiévales et humanistes no 24, 2012, p. 267-298.
32 La prédication du Carême à Montpellier ne nous est pas parvenue, mais l’opinion languedocienne semble l’avoir beaucoup goûtée. Valentin Durand, Le Jansénisme au xviiie siècle et Joachim Colbert, évêque de Montpellier (1696-1738), Montpellier, Privat, 1907 ; Gérard Cholvy (dir.), Le diocèse de Montpellier, Paris, Beauchesne, 1976.
33 Marcel Laurent, art. cité, p. 52.
34 Antoine Bayle, op. cit., p. 106-115.
35 Jean-Baptiste Massillon, Sermon pour le mardi de la première semaine de Carême, sur le respect dans les temples, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 182.
36 Lettre à la duchesse de Hanovre, du 2 juillet 1699, dans Lettres de la princesse Palatine, 1672-1722, Paris, Mercure de France, 1985, p. 258.
37 Jean-Baptiste Massillon, Sermon pour le mercredi de la première semaine de Carême, sur la rechute, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 187-198.
38 Jean-Baptiste Massillon, Sermon pour le mardi de la quatrième semaine de Carême, des doutes sur la religion, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 396.
39 Ibid., p. 397.
40 Jean-Baptiste Massillon, Sermon pour le jeudi de la troisième semaine de Carême, sur le petit nombre des élus, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 301. Au xixe siècle, les biographes de Massillon se sont empressés d’analyser les sermons, et tout particulièrement celui-ci, pour savoir si l’oratorien a été janséniste. L’affirmative semble aller de soi à les lire. Voir Antoine Bayle, op. cit., p. 160-167. On peut penser que le prédicateur se pose davantage en tenant d’un rigorisme pénitentiel tout à fait classique à la fin du xviie et au début du xviiie siècle. Voir Jean-Louis Quantin, Le Rigorisme chrétien, Paris, Le Cerf, 2001.
41 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Louis-le-Grand, roi de France, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 675.
42 Louis de Saint-Simon, Mémoires, Paris, Gallimard, 1985, t. 5, p. 799.
43 Olivier Andurand, La Grande affaire. Les évêques de France face à l’Unigenitus, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017.
44 Émile-Antoine Blampignon, L’Épiscopat de Massillon d’après des documents inédits, Paris, Plon, 1884 ; Pierre-François Aleil, « Massillon, évêque de Clermont, et le jansénisme », dans Jean Ehrard, Abel Poitrineau (dir.), Études sur Massillon, op. cit., p. 71-78.
45 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 60-63.
46 Ibid., p. 47-50.
47 Antoine Dorsanne, Journal de M. l’abbé Dorsanne, docteur de Sorbonne, chanoine et chantre de l’Église de Paris, Grand Vicaire et Official du même diocèse, contenant tout ce qui s’est passé à Rome et en France, dans l’affaire de la constitution Unigenitus, avec des anecdotes très intéressantes pour connaître les intrigues et le caractère de ceux qui ont demandé et soutenu la dite Constitution, aussi bien que de tous ceux qui y ont eu part, Rome, aux dépens de la Société, 1753, t. 1, p. 285-301.
48 Lettre de Pierre de Langle à Gaston de Noailles, 29 janvier 1715, dans Philippe Moulis (éd.), L’Unigenitus en frontière de catholicité. Pierre de Langle et ses correspondants (1711-1724), Paris, Champion, 2016, p. 218.
49 Émile Appolis, Entre jansénistes et zelanti. Le « Tiers-parti » catholique au xviiie siècle, Paris, Picard, 1960, p. 54.
50 Joseph-François Bourgoing de Villefore, Anecdotes ou mémoires secrets sur la constitution Unigenitus, Utrecht, Corneille Guillaume Le Febvre, 1733, t. 1, p. 248.
51 Émile-Antoine Blampignon, op. cit., p. 7.
52 Louis de Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 6, p. 495.
53 Archivio Segreto Vaticano (ASV), Arch. Concist., Acta Camerarii, 27, fo 82.
54 ASV, Arch. Concist., Processus Consist. 107, fo 172 sq.
55 Louis de Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 7, p. 340-341.
56 Le Nouveau Mercure, décembre 1718, p. 164.
57 Stefano Simiz, « Prêcher et faire prêcher », art. cité.
58 Louis de Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 8, p. 558.
59 Mathieu Marais, Journal et mémoires de Mathieu Marais sur la régence et le règne de Louis XV (1715-1737), Paris, Firmin-Didot, 1864, t. 2, p. 408.
60 Jean-Baptiste Massillon, Oraison funèbre de Madame, duchesse d’Orléans, in Œuvres de Massillon, op. cit., t. 2, p. 695.
61 Émile Appolis, Entre jansénistes et zelanti, op. cit., p. 76.
62 Nouvelles ecclésiastiques du 29 mai 1731, p. 3.
63 Robert Sauzet, « Jacques Bridaine à Montpellier, le missionnaire dans la ville », dans Philippe Haudrère (dir.), Pour une histoire sociale des villes. Mélanges offerts à Jacques Maillard, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 403-413.
64 Nouvelles ecclésiastiques du 13 juin 1740, p. 1.
65 Jean-Baptiste Massillon, Premier discours. De l’institution des Synodes, dans Œuvres de Massillon, op. cit., t. 1, p. 370.
66 Jean-Baptiste Massillon, Cinquième discours. Suite des divisions entre les curés et les prêtres des paroisses, dans Œuvres de Massillon, Paris, op. cit., t. 1, p. 377-378.
67 Stéphane Gomis, « Jean-Baptiste Massillon : une figure épiscopale de la modération », dans Olivier Andurand et Albane Pialoux (dir.), Modération politique, accommodement religieux. Un tiers-parti catholique en Europe ? (xvie-xxe siècle), à paraître.
68 Ibid.