Bossuet et le savoir Examen des dispositifs énonciatifs du discours scientifique
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2019, n° 10. varia - Auteur : Pelleton (Nicolas)
- Résumé : À la fois intéressé par les découvertes scientifiques et préoccupé par la volonté de préserver le dogme catholique des erreurs et des mensonges qui menacent son unité, Bossuet utilise, dans ses œuvres oratoires, le discours de la science comme un garant rationnel et – apparemment – objectif de la vérité du dogme. L’examen des dispositifs énonciatifs du discours scientifique chez Bossuet révèle que le discours érudit participe aux ambitions apologétiques du prédicateur.
- Pages : 129 à 144
- Revue : Revue Bossuet
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406097983
- ISBN : 978-2-406-09798-3
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09798-3.p.0129
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/10/2019
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : Bossuet, discours scientifique, énonciation, apologie, science
Bossuet et le savoir
Examen des dispositifs énonciatifs du discours scientifique
« Notre siècle est plein de lumière ; les histoires sont déterrées plus que jamais ; les sources de la vérité sont découvertes1. » Ces propos de Bossuet, tirés des Commentaires sur l’Apocalypse, expriment avec une singulière clarté les rapports que l’Aigle de Meaux entretient avec les sciences et avec l’idée du progrès scientifique. Selon Jean-Robert Armogathe, « Bossuet est le chantre de la modernité, du siècle de Louis XIV, du progrès cumulatif2 » et, à cet égard, il est un moderne. Les rapports de Bossuet avec la science sont donc bien éloignés de l’image de l’ecclésiastique intransigeant que des interprétations simplificatrices voudraient imposer3.
La pensée de Bossuet sur les sciences s’inscrit dans un contexte épistémologique en mutation. Le xviie siècle tend à abandonner une connaissance du monde fondée sur les similitudes, au profit de la science définie – par Bossuet lui-même – comme « la connaissance certaine des conclusions par l’application des principes4 ». Dans un souci de classification, des « formes variées5 » de la science apparaissent ; c’est une époque où s’affrontent « une théologie qui loge, […] dans tous les mouvements, 130la Providence de Dieu, […] et une science qui cherche déjà à définir l’autonomie de la nature6 ». Aussi la pensée de Bossuet, homme d’église ouvert aux découvertes scientifiques, fait-elle état de ces deux tendances apparemment contradictoires. Pour autant, l’évêque de Meaux est conscient que la foi et la science ont en commun de partager une même tension vers la vérité7.
Or le contexte est aussi celui de la Contre-Réforme. Selon Bossuet, la vérité et la légitimité du dogme catholique sont menacées par la Réforme, qui a su mettre en doute l’ambition de l’Église à imposer son discours. C’est pourquoi Bossuet envisage la science comme une méthode factuelle pour rectifier ce qu’il considère comme les erreurs protestantes, et pour ramener les réformés dans le giron de l’Église.
Grâce à une analyse à la fois macrostructurale et microstructurale de l’énonciation scientifique dans les discours de Bossuet8, nous montrerons que les modalités du discours scientifique contribuent à construire les buts illocutoires fondamentaux du discours catholique, c’est-à-dire, la conversion et la vérité. L’évêque de Meaux voit dans la science un ensemble de preuves et de garanties intellectuelles et – apparemment – objectives pour conforter la vérité du dogme et de l’autorité catholiques, et va donc se référer explicitement à des savoirs scientifiques, prétendument objectifs. Par un effet de dialogisme, l’inscription du discours scientifique dans le discours religieux exclut toute possibilité de contester l’idéologie catholique. Ainsi, Bossuet met le discours scientifique au service de l’autorité ecclésiastique, et donne la preuve des similitudes essentielles de la foi et de la science.
131La science comme objet du discours :
collecter le savoir
Bossuet voit dans la curiosité9 « l’une des [passions les] plus violentes » (IV, 263), un danger par lequel l’Homme « épuise ses forces » (IV, 264) : c’est la libido sciendi, le désir irraisonnée et déraisonnable de connaître ce qui devrait rester caché. Pour autant, par la présence de realia qui renvoient à des connaissances scientifiques, M. de Meaux ancre le discours dans un cadre historique et épistémologique de référence. À cet égard, l’expérience tient lieu de principe cognitif et scientifique.
Bossuet se réfère à plusieurs disciplines scientifiques. Ainsi, l’orateur place le discours ecclésiastique sur une scène d’énonciation scientifique, afin d’accréditer de façon plus nette la vérité du dogme catholique face à l’erreur protestante. Il en va ainsi de l’optique et des phénomènes d’anamorphose. Bossuet mentionne les applications pratiques de l’optique dans le domaine de l’astronomie et de la navigation : « […] pour marcher plus sûrement, il a appris aux astres à le guider dans ses voyages […] » (IV, 272). La médecine retient aussi l’intérêt de l’Aigle de Meaux : « Le médecin qui vous traite d’une maladie dangereuse et habituelle, vous ordonne des remèdes forts ; mais il ordonne aussi des fomentations et d’autres remèdes plus doux » (V, 625). Les discours de Bossuet présentent donc le spectacle de la science de son temps.
En tant que chrétien, Bossuet se méfie des sens, notamment du regard : « Il faut examiner ce que doit produire en nous le désir de la vie future : ce désir caractérise les vrais chrétiens, qui doivent se regarder ici-bas comme voyageurs » (VI, 700). L’orateur met en garde contre les erreurs de jugement auxquelles peut mener le regard : « […] ôtez le regard, avant que le cœur soit percé » (IV, 551). Selon M. de Meaux, c’est donc à un dérèglement de l’entendement que mène un exercice irraisonné de la vue.
132Pour autant, le regard, quand il est exercé et maîtrisé10, conduit à la mise en place d’un discours de type scientifique, par un émerveillement grâce auquel « tous nos sens s’unissent […] avec les objets […] » (IV, 566) : « […] je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu’a faites la science pour pénétrer la nature […] » (IV, 271). Le regard a donc une fonction nécessaire dans la démarche scientifique, en ce sens qu’il permet d’englober ce que le cosmos contient de surprenant et de rationnellement compréhensible.
Le cabinet de curiosités cristallise les préoccupations et les ambitions scientifiques propres au xviie siècle, et se donne chez Bossuet comme l’espace de référence de sa propre pensée et de sa propre conception du savoir :
Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux, que l’on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux comme un jeu de la perspective. La première vue ne vous montre que des traits informes et un mélange confus de couleurs, qui semble être ou l’essai de quelque apprenti, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l’ouvrage d’une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un certain endroit, aussitôt, toutes les lignes inégales venant à se ramasser d’une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n’y avait auparavant aucune apparence de forme humaine. C’est, ce me semble, Messieurs, une image assez naturelle du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu’en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre. (IV, 220)
Cette représentation du cabinet de curiosités, envisagée comme métaphore de l’univers, résume à la fois la réflexion épistémologique de Bossuet, et fonde les dispositifs du discours scientifique dans son œuvre. L’isotopie du regard est fondatrice de la démarche sensible qui doit être celle de l’homme de sciences à l’égard du monde. Or cette démarche à la fois sensible, cognitive et épistémologique procède par élargissement et par montée en généralité, et suppose une démarche réflexive inversée. 133En effet, la posture initiale du « je » (« je considère ») est en soi une posture réflexive, comme le montre l’expression de l’ipséité « en moi-même ». Ce qui est extérieur à l’individu regardant est vide, comme en témoigne le pronom personnel indéfini « on » (« l’on montre »), et est réduit à une fonction de monstration. La montée en généralité est actualisée par une séquence constituée d’une proposition relative périphrastique et d’une périphrase verbale factitive (« celui qui sait le secret vous fait regarder »), qui élargit le regard et fait de la science un art du déchiffrage.
En définitive, le regard devient pleinement actif et disposé à déchiffrer l’apparente « confusion » du monde : « comme vous voyez paraître un visage ». Cela étant, l’ouïe a un statut particulier, dans la mesure où c’est lui qui permet de recevoir pleinement les « préceptes » du « Divin législateur » (III, 245). L’« homme renouvelé », c’est-à-dire, le chrétien, « ne juge point par la vue », il « n’a plus que l’ouïe » (III, 244). Pour Bossuet, le rôle des sens dans la connaissance obéit au principe de l’Évangile de saint Matthieu, « Ipsum audite » (III, 242 et 245), « Écoutez-le ». Le discours scientifique traverse la scène d’énonciation religieuse, et en renforce la force illocutoire.
La science comme principe cognitif :
prouver la nécessité de la conversion
Les realia de la science présentes dans l’œuvre de Bossuet, ainsi que leur actualisation rhétorique et énonciative, permettent de construire des démarches cognitives et logiques11 par lesquelles le prédicateur renforce ses buts illocutoires : la morale chrétienne et la conversion.
Du fait des ambitions totalisantes de la science au xviie siècle et de la volonté de mettre en lumière ce qui était auparavant dans l’ombre, c’est d’abord par un principe panoramique que s’actualisent le discours et la 134démarche scientifiques. En effet, le regard doit épouser en une seule fois l’ensemble des connaissances sur le monde ou sur un domaine précis12 :
Dans les cartes particulières vous voyez tout le détail d’un royaume, ou d’une province en elle-même : dans les cartes universelles vous apprenez à situer ces parties du monde dans leur tout ; vous voyez ce que Paris ou l’Ile de France est dans le royaume, ce que le royaume est dans l’Europe, et ce que l’Europe est dans l’univers13.
Bossuet s’adresse ici au Dauphin (dont il est le précepteur), et lui explique que l’efficacité scientifique et épistémologique de la géographie tient à la variation des échelles14. Un tel principe a des vertus didactiques. L’univers semble se déployer sous les yeux du jeune prince, dont Bossuet retient l’attention par une anadiplose, qui crée un effet de rapidité, de vertige, mais aussi d’organisation et d’ordre ; le précepteur est conscient de la nécessité de créer le sentiment de l’ordre chez Monseigneur le Dauphin, destiné au trône de France. En termes mathématiques, cet enchâssement des espaces géographiques est une inclusion successive d’ensembles, dont la fonction cognitive est de structurer l’esprit du Dauphin. Le discours scientifique suppose donc de varier les échelles, en même temps que le point de vue sur l’objet étudié. Par ailleurs, au niveau macrostructural, c’est le choix de la dispositio qui est, pour l’orateur, le moment où il exhibe les échelles :
Au contraire, Messieurs, nous devons apprendre à aimer la vérité partout où elle est, en Dieu, en nous-mêmes, dans le prochain : afin qu’en Dieu elle nous éclaire, en nous-mêmes elle nous excite, dans le prochain elle nous reprenne : et c’est le sujet de ce discours. (V, 139)
La thèse du discours va ici consister à prouver qu’il est nécessaire d’aimer la vérité. Le prédicateur a trois arguments principaux, qu’il expose de 135l’échelle la plus petite à l’échelle la plus grande : « en Dieu, en nous-mêmes, dans le prochain ». Il tire les conséquences de ces trois arguments, et reformule l’exposition de la dispositio du discours. Adopter un plan de nature scalaire permet alors de hiérarchiser et d’éviter un exposé dogmatique et autoritariste.
Privilégier à l’autoritarisme la persuasion implique le recours à une démarche de type analytique. Par opposition à la synthèse, l’analyse suppose la décomposition d’un concept ou d’un objet afin d’en révéler les différents constituants. C’est la démarche naturelle de l’esprit, pour qui « [e]ntendre, c’est connoître le vrai et le faux, et discerner l’un d’avec l’autre15 ». Ainsi, l’entendement permet de « corriger les illusions16 » de « ce qui lui [à l’âme] est apporté par les sens17 ». Bossuet réinvestit une telle démarche dans ses œuvres oratoires, à des fins théologiques, morales et apologétiques :
La nature d’un composé ne se remarque jamais plus distinctement que dans la dissolution de ses parties. Comme elles s’altèrent mutuellement par le mélange, il faut les séparer pour les bien connaître. En effet, la société de l’âme et du corps fait que le corps nous paraît quelque chose de plus qu’il n’est, et l’âme, quelque chose de moins ; mais lorsque, venant à se séparer, le corps retourne à la terre, et que l’âme aussi est mise en état de retourner au ciel, d’où elle est tirée, nous voyons l’un et l’autre dans sa pureté. […] de sorte que je ne crains point d’assurer que c’est du sein de la mort et de ses ombres épaisses que sort une lumière immortelle pour éclairer nos esprits touchant l’état de notre nature. (IV, 265)
Le prédicateur cherche ici à mettre en avant les enseignements que délivre la mort. Or bien plus que d’ordre moral ou philosophique, le propos est d’ordre scientifique. La démarche analytique comporte trois temps. Le premier est un postulat, qui consiste à prendre conscience que nous ne voyons tout objet complexe (un « composé ») que comme un tout continu, dans lequel les parties ne sont plus visibles, car notre regard ne nous permet pas de voir ce qui, par définition, est altéré. Le deuxième temps, qui s’articule autour de la conjonction de coordination adversative « mais », constitue l’étape expérimentale par laquelle on scinde les parties du « composé ». Le troisième temps se donne comme 136la conclusion morale de la « dissolution des parties » : la mort permet de décomposer les parties de tout objet périssable et complexe, et révèle à l’homme sa nature véritable. Ainsi, l’antithèse rigoureuse entre le mélange (« s’altèrent », « mutuellement », « mélange ») et la séparation (« séparer », « l’un et l’autre », « pureté ») structure le discours sur la mort, et en abyme la démarche analytique elle-même : il décompose les parties d’un raisonnement pour mettre en évidence des éléments simples.
Le caractère hypothétique de certaines connaissances scientifiques trouve, chez Bossuet, une forme de compensation, grâce à une démarche de type historique18. À partir des données observables au moment de la formulation de l’hypothèse, ce principe suppose de retracer l’histoire imaginaire du concept ou de l’objet étudié ; cette fiction se donne alors comme une hypothèse complète, mais invérifiable, qui permettrait de comprendre l’état actuel du concept ou de l’objet étudié :
Je sais ce que l’on peut dire en ce lieu, et avec raison : que, lorsque nous parlons de ces esprits, nous n’entendons pas trop ce que nous disons. Notre faible imagination, ne pouvant soutenir une idée si pure, lui présente toujours quelque petit corps pour la revêtir. (IV, 276)
L’utilisation conjointe de la négation et de la modalité épistémique (grâce au pronom personnel « nous » et aux verbes de parole et d’intellection « je sais », « nous parlons », « nous n’entendons pas », « nous disons ») permet de conclure à l’incapacité de tirer une conclusion scientifique. Devant une telle aporie, il convient de modifier de critères de jugement, de délaisser la rigueur un raisonnement fondé sur l’observation et d’accepter que seule la foi peut proposer une solution plausible au problème posé : « Vous jugez bien, Chrétiens, que ni les uns ni les autres n’ont donné au but, et qu’il n’y a plus que la foi qui puisse expliquer un[e] si grand énigme » (IV, 277). De façon implicite et indirecte, on peut considérer que le parallélisme « ni les uns ni les autres » renvoie aux disputationes des docteurs en théologie qui ne peuvent pas proposer de réponse satisfaisante, univoque et mesurée19 ; 137par la négation exceptive (« il n’y a que la foi »), le prédicateur se refuse de laisser son raisonnement en suspens. Cette conclusion se veut également la justification du discours dogmatique tenu par l’orateur en tant que garant de l’autorité ecclésiastique. Une telle démarche intellectuelle permet de concilier la foi et le principe de non-contradiction20 :
Voici, Messieurs, un grand mystère, voici une conduite surprenante, et un ordre de médecine bien nouveau : pour nous guérir de la crainte de la mort, on fait mourir notre médecin. Cette méthode paraît sans raison ; mais, si nous savons entendre l’état du malade et la nature de la maladie, nous verrons que c’était le remède propre et, s’il m’est permis de parler ainsi, le spécifique infaillible. (IV, 155-156)
Ici, en vertu du principe de non-contradiction, le raisonnement qui consiste à tuer le médecin pour guérir est incohérent. Mais la foi raisonne selon d’autres critères qui permettent de justifier le sacrifice christique et de l’envisager comme une « méthode » médicale. Le principe de raisonnement généalogique permet donc un raisonnement complet et cohérent, en même temps qu’il justifie l’autorité de l’Église sans possibilité de contestation. À cet égard, la démarche scientifique peut rejoindre l’édification morale des fidèles.
La science comme enjeu communicationnel :
enseigner et édifier
Comme toute construction cognitive, les démarches et les discours scientifiques chez Bossuet ont des conséquences en termes rhétoriques et pragmatiques. En effet, ces démarches et ces discours répondent à des préoccupations axiologiques et idéologiques, que le prédicateur actualise dans une perspective communicationnelle.
Le dialogisme scientifique peut être pensé en termes de figures21. On remarque que les hypotextes scientifiques fonctionnent comme 138embrayeurs métaphoriques, et occupent une fonction stylistique et argumentative forte. En ce qu’elles sont des tropes, la comparaison et la métaphore impliquent un changement de paradigme sémantique, mais aussi discursif et axiologique : « Un sage médecin attend à donner certains grands remèdes, quand il voit que la nature reprend le dessus : ici, quand la grâce le reprend, quand elle commence à gagner un cœur, à dompter et assujettir la nature » (V, 407). Au niveau syntaxique et prosodique, l’analogie entre le médecin et le Christ s’articule ici autour d’une longue acmé (« quand il voit que la nature reprend le dessus »), qui permet le glissement vers l’autre terme de la comparaison (« ici, […] assujettir la nature »). Or la phrase s’articule, au niveau sémantique, autour du déictique « ici ». Dans le cotexte, on peut considérer que le sens de l’adverbe est subduit : le sémantisme n’est plus d’ordre locatif, mais notionnel, et renvoie à l’ensemble du raisonnement mené par le prédicateur, qui consiste à rapprocher la médecine et l’action du Christ sur les âmes. Par un principe d’analogie qui implique une approche métamorphique de l’objet envisagé, l’orateur joue sur les dimensions de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, du macrocosme et du microcosme. Dans un autre discours où il s’appuie sur ce domaine, l’évêque de Meaux déclare :
Le monde comparé à ces tableaux qui sont, comme un jeu de l’optique, dont la figure est assez étrange ; […] Il en est ainsi de ce monde : quand je le contemple dans sa propre vue, je n’y aperçois que désordre ; si la foi me le fait regarder par rapport au jugement dernier et universel, en même temps j’y vois reluire un ordre admirable. (II, 158-15922)
L’optique met ici en abyme de ce que les tropes cherchent à réaliser sur le plan stylistique et énonciatif. La comparaison se désigne comme telle par deux fois : « comparé à ces tableaux », « Il en est ainsi de ce monde ». En définitive, c’est la tension entre l’exophore mémorielle (« ces tableaux qui »), par laquelle Bossuet renvoie les auditeurs à un savoir expérimenté, et le déictique « ce monde », qui renvoie à une réalité intrinsèque qui n’appartient pas (encore) à un savoir expérimenté par 139les auditeurs. Le principe d’analogie, qui présidait à la formulation des similitudes entre Dieu et la nature, est donc reconfiguré en principe rhétorique dont les enjeux communicationnels sont mis au service de la vérité et de la conversion. L’orateur exhibe à l’intention des auditeurs l’écart entre ce qu’il sait et ce qu’il ignore :
Malgré cet espace immense qui nous sépare d’avec le soleil, nous avons su découvrir ses taches, c’est-à-dire remarquer des ombres dans le sein même de la lumière. Cependant nos propres taches nous sont inconnues […] (V, 96)
L’analogie se structure ici autour du lexème « taches », qui fonctionne comme antanaclase, puisqu’il a tantôt un sens concret et astronomique (les taches du soleil23), tantôt un sens abstrait et moral (les impuretés de la conscience). La polysémie du lexème « taches » renvoie à une sorte d’« état concret-abstrait24 » de l’esprit scientifique, par lequel le discours savant se charge alors d’une axiologie qui ne lui appartient pas d’emblée.
En mettant en tension ce que les auditeurs savent et ce qu’ils ignorent, le prédicateur finit par s’assimiler à « celui qui sait le secret qui le [le tableau anamorphique] fait considérer par le point de vue » adéquat pour que l’ordre surgisse de « cette peinture confuse » (II, 158). C’est pourquoi la question des dispositifs énonciatifs du discours scientifique se pose également en termes éthiques. En effet, par sa position d’intermédiaire entre les hommes et Dieu par le « ministère de la voix25 », le prédicateur est à la fois tendu vers les vérités inaltérables de l’au-delà et vers le monde terrestre. Au niveau énonciatif, cette position d’entre-deux se manifeste par des phénomènes de réticence et de concession :
140Je ne suis pas de ceux qui font grand état des connaissances humaines ; et je confesse néanmoins que je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu’a faites la science pour pénétrer la nature […] (IV, 271)
Dans ce passage, le « je » exprime un engagement éthique personnel de Bossuet : les deux propositions indépendantes mettent en tension l’identité (« Je ne suis pas de ceux ») et la parole (« je confesse »). Le caractère concessif de l’aveu est réalisé par une double négation (« je ne puis contempler sans admiration »), par laquelle le prédicateur place sa confiance en la science. Certes, la parole en chaire est une parole instituée ; mais elle n’est pas une parole figée sur elle-même et sur le dogme qu’elle défend.
La science de l’inconnaissable :
expliquer l’inexplicable
Si l’éloquence de la chaire passe par une autorité instituée, il n’en demeure pas moins que sa force illocutoire passe par le dialogisme, par la présence d’autres discours qui ne lui appartiennent pas, et qui n’appartiennent pas au champ religieux. Le discours scientifique se donne alors comme un relais argumentatif : quand l’institution ecclésiastique ne peut expliquer un phénomène observable dans le monde, la science devient un allié, et se charge alors d’un sens moral. Or chez Bossuet, le discours religieux et le discours scientifique non seulement dialoguent, mais se pénètrent l’un l’autre. En effet, il demeure dans le monde des phénomènes inexplicables, que ni la science ni la foi ne peuvent comprendre. C’est alors que le langage de la foi prend la forme du langage de la raison et du savoir. Les frontières entre l’expliqué, l’explicable et l’inexplicable tendent à s’amoindrir, et la connaissance et l’ignorance tendent à changer de paradigme, en vertu d’un changement des paradigmes de la raison et de la foi.
Cette modification des paradigmes de la connaissance s’actualise tout d’abord dans la représentation que les discours de Bossuet donnent des savants et des docteurs. L’orateur compare les docteurs en théologie avec le Christ, afin de donner l’avantage à celui-ci : « […] il [Jésus-Christ] diffère beaucoup des autres docteurs qui se mêlent d’enseigner à bien vivre […] » (I, 94). Selon Bossuet, la disproportion entre la figure christique et les 141docteurs tient à la méthode pédagogique retenue : « […] il enseignait les choses parce qu’il les pratiquait […] » (I, 94). Cet effet de disproportion, qui s’appuie à la fois sur la comparaison (« diffère ») et sur un vocabulaire hyperbolique et dysphorique (« beaucoup », « se mêlent ») qui fait accréditer le caractère déraisonnable et démesuré de la pensée des théologiens, fait du Christ la figure de la raison, de la mesure26, en ceci que son autorité s’appuie sur la conformité de ses actions et de son enseignement. Aussi le bon chrétien ne peut-il que ressembler à son précepteur : « […] tout y sent le Maître dont il a reçu les leçons, […] vous y verriez […] les mêmes façons de faire qu’en notre Sauveur » (I, 94). Par un effet d’antanaclase, le Christ devient le point de convergence – au moins théorique – de tout discours susceptible de décrire scientifiquement la création. M. de Meaux attaque alors le caractère stérile des disputationes entre docteurs, en nette opposition avec le savoir du Christ et de ses fidèles : « Ceux qui sont doux deviennent trop lâches ; ceux qui sont fermes deviennent trop durs. Accordez-vous, ô docteurs ; et il vous sera bien aisé, pourvu que vous écoutiez le Docteur céleste » (IV, 477). L’antanaclase, qui porte sur le lexème « docteur », se structure autour du sens érudit (les docteurs de la faculté de théologie) et du sens théologique (« Docteur céleste ») ; ce second sens désigne le Christ. On pourrait considérer cette seconde acception a une valeur métaphorique. Or dans la mesure où le « Docteur céleste » se donne ici comme la source de la vérité, toute valeur métaphorique disparaît, et l’exclamation « ô docteurs27 » devient presque un argument à charge contre les théologiens qui méprisent l’enseignement christique, au profit de leur propre gloire.
En définitive, c’est l’ensemble des rapports de maître à disciple, de savant à ignorant, qui sont modifiés, et la foi se donne comme la science du christianisme :
Mais je ne crains point d’assurer que c’est quelque chose encore de plus admirable qu’elle [sainte Catherine] tienne rang parmi les docteurs, et que, Dieu unissant en elle, si je puis parler de la sorte, toute la force de son Saint-Esprit, elle ait été aussi éclairée pour annoncer la vérité, qu’elle a paru déterminée à mourir pour elle. (III, 549-550)
142L’évocation de sainte Catherine est construite autour d’une apparente disproportion entre l’identité de cette « fille de dix-huit ans » et sa fonction de guide spirituel, au moyen du syntagme prépositionnel « parmi les docteurs ». Le sémantisme même du lexème de « docteur » renvoie à la connaissance, à la connaissance. Sainte Catherine possède, selon le prédicateur, un ensemble de connaissances qui fait d’elle l’égale des savants et des doctes : la sainte est en droit d’« annoncer la vérité ». S’il est vrai que Catherine d’Alexandrie n’a pas été faite docteur de l’Église, on peut considérer que ce syntagme renvoie discrètement à ce titre. Le discours de la science et le discours de la foi se contaminent et se complètent donc l’un l’autre, à tel point que la foi possède sa propre démarche épistémologique, par laquelle l’Homme peut tenir un discours docte sur le monde.
Cette contamination réciproque du discours de la science et du discours de la religion, qu’on vient d’observer au niveau conceptuel, a des conséquences sur le style de l’orateur : « Mais d’où vient donc une si étrange disproportion ? » (IV, 278). Dans cette phrase, la modalité interrogative et l’adjectif qualificatif « étrange » actualisent l’étonnement scientifique qui préside à toute activité de recherche. Pour autant, la conjonction de coordination conclusive « donc » perd, dans le cotexte, sa valeur conclusive, et relève ici de la fonction expressive du langage. Ainsi, par la tension entre les stylèmes de la science et la fonction expressive du langage, la connaissance scientifique et l’expérience de la foi finissent par s’entremêler de façon quasi inextricable.
C’est pourquoi, en définitive, même si le prédicateur emprunte à la science ses démarches et son esprit, il n’en demeure pas moins que le discours chrétien doit faire de la foi la conclusion nécessaire et suffisante de son raisonnement :
Le beau reste du christianisme ! comme si on pouvait faire, pour ainsi parler, un plus grand outrage aux remèdes, que d’en être environné sans daigner les prendre, douter de leur vertu et les laisser inutiles. (VI, 91-92)
L’ironie participe ici du caractère nécessaire de la conclusion du raisonnement selon refuser ce remède qu’est le sacrifice du Christ serait dénué de sens. La phrase exclamative « Le beau reste du christianisme ! », le caractère averbal des deux propositions, la métaphore qui rapproche le christianisme d’une médecine, imposent, sur un mode ironique, le 143caractère à la fois nécessaire et évident de la conclusion : le Christ a donné sa vie pour sauver les hommes, il faut donc vivre en se conformant au dogme chrétien et en obéissant à l’Église. Cette conclusion n’est pas dite explicitement, elle prend une forme évidente (qui n’est pas celle d’un syllogisme) ; la métaphore de la maladie et de la médecine lui donne une caution scientifique, mais l’utilisation d’une métaphore in absentia entraîne un effacement énonciatif et stylistique par lequel Bossuet fait coïncider la démarche scientifique et l’autorité de l’Église (ainsi que le respect qui est dû à celle-ci).
« Ce n’est point simplement la vie de ce prince [Louis XIV] que j’écris, ce ne sont point les annales de son règne ; c’est plutôt l’histoire de l’esprit humain, puisée dans le siècle le plus glorieux à l’esprit humain28. » Par ces propos, qui justifient son projet d’écrire Le Siècle de Louis XIV, Voltaire résume les spécificités de ce « siècle heureux29 » qu’est le xviie siècle. En inscrivant le discours scientifique dans le discours religieux, Bossuet met en place un ensemble de dispositifs énonciatifs et argumentatifs qu’il utilise pour lutter contre l’erreur et contre l’hérésie huguenotes. Par ce phénomène de dialogisme interdiscursif et interculturel, la scène d’énonciation religieuse, sur laquelle on place d’emblée les œuvres oratoires de Bossuet, sont redoublés par la scène d’énonciation scientifique. Par là même, les discours sont traversés par une tension entre le caractère labile et mouvant de la scène d’énonciation englobante et le caractère nettement religieux associé à la scène générique des genres qui relèvent de l’éloquence de la chaire30. Une interprétation déformée de la pensée de Bossuet a donc fait oublier que, même dans le 144domaine épistémologique, l’évêque de Meaux partage avec son temps un certain « culte de l’unanimité31 », en ce sens que son œuvre prend la pleine mesure des enjeux fondamentaux d’une connaissance rationnelle et complète de l’univers, jusque dans les domaines que l’esprit humain est le moins enclin à comprendre. En définitive, la nature du discours chez M. de Meaux n’est pas seulement une construction discursive du dogme ecclésiastique, et cristallisent des « changements de paradigmes » qui obligent à « voi[r] tout d’un autre œil32 ».
Nicolas Pelleton
CELIS
Université Clermont Auvergne
1 Bossuet, cité par Jean-Robert Armogathe, dans « Une ancienne querelle », postface à La Querelle des Anciens et des Modernes, xviie – xviiie siècles, éd. établie et annotée par Anne-Marie Lecoq, Gallimard, coll. « Folio classique », s.l., 2001, p. 841.
2 Jean-Robert Armogathe, ibid.
3 L’abbé Auneau, par exemple, écrit (Bossuet, Maison Aubanel Père, Avignon, 1950, p. 30) : « Contre cette force d’innovation, cause d’erreur et de désordre, représentée par l’individu flottant au gré de sa propre et instable pensée, Bossuet se fait le champion décidé, au nom de la raison, de l’autorité spirituelle, gardienne jalouse des saintes vérités ». Une telle lecture, à contre-sens de la pensée de l’Aigle de Meaux, a conditionné pendant longtemps l’interprétation de son œuvre, au point de faire oublier que le souci de la vérité chez Bossuet s’appuie aussi sur une démarche scientifique.
4 La Logique, dans Œuvres complètes de Bossuet, éd. F. Lachat, Louis Vivès, Paris, 1864, t. 23, p. 425.
5 Michel Foucault, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, coll. « Tel », s.l., 1966, p. 138.
6 Ibid.
7 Selon Bossuet, la foi « est une habitude de croire une chose par l’autorité de quelqu’un qui nous l’a dit » (La Logique, op. cit., p. 424), et peut être soit divine, soit humaine. La foi humaine « quelquefois est accompagnée de certitude, quelquefois non » (ibid.).
8 Les citations prises aux discours de Bossuet viennent de l’édition de l’abbé J. Lebarcq, revue et augmentée par Ch. Urbain et E. Levesque (Œuvres oratoires de Bossuet, 7 volumes, Desclée-De Brouwer et Cie, Bruges-Paris, 1914-1926), dont nous indiquons le volume en chiffre romain et la page en chiffre arabe.
9 Pour Bossuet, cet épuisement de l’Homme à « trouver […] quelque secret inouï dans l’ordre de la nature » (IV, 264) est une pure vanité face à la toute-puissance de la mort, une « convoitise indocile et impatiente » (IV, 566). Il considère aussi que les sens se laissent trop facilement éblouir, et conduisent à un désir déréglé de connaissances : « Tout ce qui brille, tout ce qui rit aux yeux, tout ce qui paraît grand et magnifique, devient l’objet de nos désirs et de notre curiosité » (VI, 42).
10 Bossuet estime que la capacité de l’Homme à dominer ses sens lui vient de Dieu, et que l’origine divine de cette capacité lui permet de reconnaître naturellement la vérité : « C’est donc en sa lumière que nous découvrons la différence des choses ; c’est lui qui nous donne un certain sens qui s’appelle le sens de Jésus-Christ, […] c’est lui qui ouvre le cœur et qui nous dit au-dedans : C’est la vérité qu’on vous prêche » (III, 631).
11 Dans la Logique (op. cit.), Bossuet envisage les trois opérations de l’esprit, à savoir « la conception des idées » (p. 256), l’« union ou désunion des idées » (p. 341), et l’enchaînement des idées (ou raisonnement) (p. 381), qui permettent à la foi humaine d’acquérir des certitudes. Les démarches cognitives et logiques que nous décrivons relèvent du raisonnement, en ceci qu’elles supposent l’articulation des idées entre elles.
12 Les collectionneurs de curiosités sont « possédés par un impossible désir de complétude, [et] réunis […] par la seule volonté de rassembler toute une bibliothèque en un seul livre » (Patrick Mauriès, Cabinets de curiosités, Gallimard, Paris, 2002, p. 7).
13 Discours sur l’histoire universelle, dans Œuvres complètes de Bossuet, op. cit., t. 24, p. 261.
14 Bossuet est également conscient du caractère néfaste que peut revêtir la démarche panoramique, qui peut se révéler une expression de la vanité humaine : « […] je veux dire que notre esprit, s’étendant par de grands efforts sur des choses fort éloignées, et parcourant, pour ainsi dire, le ciel et la terre, passe cependant si légèrement sur ce qui se présente à lui de plus près, que nous consumons toute notre vie toujours ignorants de ce qui nous touche […] » (IV, 264).
15 La Logique, op. cit., p. 250.
16 Ibid., p. 251.
17 Ibid., p. 250.
18 C’est ce principe que retient Bossuet dans l’Histoire des variations des églises protestantes, dont le propos consiste à recomposer l’histoire des églises réformées pour montrer que leur multiplicité est la preuve de l’erreur du protestantisme.
19 Dans l’Oraison funèbre de Nicolas Cornet (IV, 475), Bossuet déplore que la Faculté de théologie n’ait désormais que des docteurs trop complaisants et des docteurs trop rigoureux. Indirectement, le parallélisme « ni les uns ni les autres » exprime cette absence de mesure intellectuelle que remarque l’évêque de Meaux.
20 Aristote, Métaphysique, Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, 1991, p. 121-122.
21 Les images liées à la science occupent – pour reprendre la terminologie de Marc Bonhomme – deux fonctions, cognitive et argumentative, en interférence : les images s’appuient sur des « données psychologiques et pratiques » qui déclenchent la persuasion (Pragmatique des figures du discours, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de grammaire et de linguistique », Paris, 2005, p. 190).
22 L’écriture de ce passage diffère sensiblement de l’écriture du passage consacré aux anamorphoses que nous avons étudié plus haut.
23 À propos d’un sonnet de Zacharie de Vitré, Jean Rousset note que les taches solaires ont été découvertes au début du xviie siècle par Galilée et le Père Scheiner, et ajoute qu’il s’agit de « la découverte qui eut le plus de retentissement au xviie siècle » (Anthologie de la poésie baroque française, Paris, José Corti, 1988, t. 2, p. 306).
24 Selon Gaston Bachelard (La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1938, réed. 1993 et 2004, p. 11), il existe « une sorte de loi des trois états », qui préside au développement d’un esprit scientifique. Dans « [l]’état concret », où « l’esprit s’amuse » du phénomène et sacralise la « riche diversité » de la Nature, et dans « [l]’état abstrait », où l’esprit conceptualise les informations en les soustrayant de la réalité sensible Quant à « [l]’état concret-abstrait », il s’agit d’« une situation paradoxale » qui articule « une philosophie de la simplicité » et « une intuition sensible ».
25 Bourdaloue, cité par Volker Kapp, dans Marc Fumaroli (dir.), Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne : 1450-1950, Paris, P.U.F., 1999, p. 744.
26 « Vous voyez donc, Chrétiens, que, pour trouver la règle des mœurs, il faut tenir le milieu entre les deux extrémités ; […] », écrit Bossuet (IV, 478).
27 Par effet de rétrolecture, le « ô » exclamatif glisse du sens érudit au sens évaluatif. Il en résulte un effet ironique.
28 Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, dans Voltaire, Œuvres historiques, texte établi, annoté et présenté par René Pomeau, Paris, Gallimard, 1957, p. 605.
29 Ibid., p. 997.
30 Dans la terminologie de Dominique Maingueneau, la « scène englobante » comme celle sur laquelle « il faut se placer pour […] interpréter » le discours (Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Armand Colin, coll. « U », Paris, 2004, p. 191). La scène générique définit « un genre de discours déterminé » ; les dispositifs énonciatifs « attach[é]s à chaque genre correspondent à autant d’attentes du public » (ibid.). Un discours prononcé dans un lieu de culte chrétienne suppose une scène englobante religieuse. Les genres qui composent l’éloquence de la chaire (sermon, panégyrique, oraison funèbre) définissent des attentes en termes d’énonciation (le prédicateur s’adresse aux fidèles) et de contenu notionnel (le prédicateur va parler de morale chrétienne). Si le discours contient un dialogisme de nature scientifique, une tension se crée entre la scène englobante et la scène générique.
31 Jean-Louis Quantin, dans Gérard Ferreyrolles, Béatrice Guion, Jean-Louis Quantin, collab. Emmanuel Bury, Bossuet, PUPS, Paris, 2008, p. 55.
32 Thomas S. Kuhn, La Structure des révolutions scientifiques, Flammarion, coll. « Champs sciences », s.l., 2008, p. 157.