L’apostasie des conventuelles dans la France des XVIe et XVIIe siècles Scandale éclatant ou libération volontaire ?
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2018, n° 9. varia - Auteur : Guillemard (Eléna)
- Résumé : La religieuse quittant le couvent pour se marier est un topos des écrits de controverse catholiques et protestants qui a la particularité de traverser le temps avec une remarquable stabilité. On débat du mariage de Luther, de cloîtres corrompus, de rapts de nonnes, d’avortements et d’infanticides commis en secret. Mais en réalité, l’impact des idées de la Réforme sur les conventuelles reste difficile à évaluer et les sorties de cloîtres ne concernent qu’un nombre assez faible de religieuses.
- Pages : 75 à 92
- Revue : Revue Bossuet
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406087854
- ISBN : 978-2-406-08785-4
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08785-4.p.0075
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/12/2018
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
L’apostasie des conventuelles
dans la France des XVIe et XVIIe siècles
Scandale éclatant ou libération volontaire1 ?
Qu’on descouvre des couvents entiers de filles qui vivent dans le dernier desordre, & qui soient des lieux de prostitution publique, on n’en fait pas de bruit, toute l’Espagne & l’Italie en sont pleines. Mais qu’une religieuse quitte le couvent pour se marier, c’est un scandale effroyable qui merite le feu2.
Le ministre réformé Pierre Jurieu, connu notamment pour son attaque de l’Histoire des variations de Bossuet, s’insurge dans sa défense historique du calvinisme contre les auteurs catholiques qui continuent à condamner les sorties du couvent des religieuses en tant que manifestations évidentes de la débauche des réformés, plus d’un siècle après les débuts de la Réforme protestante. L’auteur fustige l’utilisation rhétorique et critique récurrente du motif des religieuses qui se marient, au sein des écrits catholiques, mais non sans tomber lui-même dans le piège d’une parole pamphlétaire, normée par plus d’un siècle d’affrontements : les couvents catholiques sont, sous sa plume, et selon un argument devenu habituel pour un auteur réformé, des lieux de débauche et de prostitution.
76Ce qu’on pourrait appeler la querelle des cloîtres – questionnant le renouvellement théorique protestant sur les vœux monastiques et sur le mariage clérical –, inaugurée par les écrits luthériens, présente en effet une uniformité intéressante durant l’époque moderne. De ses premières formulations avec Luther à sa mobilisation maintenue au xviie siècle par les controversistes protestants et catholiques, la stabilité de sa définition est remarquable et oppose, schématiquement, d’un côté des cloîtres-maisons closes à supprimer et de l’autre, des monastères à réformer et à clôturer de plus en plus étroitement. Ce débat se développe surtout par le biais de la description de ses actrices principales, les religieuses, qui mettent en œuvre leur départ des couvents. La fuite monastique devient donc un motif de la controverse religieuse, malgré la réception somme toute mesurée des théories réformées dans les monastères français : si des sœurs sortent bien des cloîtres dès le xvie siècle, avec un pic des sorties dans le royaume autour des années 1560, l’impact reste faible et ne correspond pas à cette saignée des monastères tant crainte et dénoncée par les tenants de l’ancienne foi. Cet élément incontournable de la controverse confessionnelle et ce, dès les débuts de la Réforme, se rigidifie autour du sujet de l’apostasie des nonnes à la fin du xvie siècle : ces figures féminines deviennent un lieu commun littéraire des affrontements entre penseurs catholiques et protestants, à défaut de rentrer réellement dans les rangs des converties au protestantisme. La rigidification de l’opposition sur cette question est manifeste, alors que le mariage des religieuses se transforme en passage obligé de tout écrit de controverse. C’est donc ce paradoxe entre une sortie des cloîtres représentant numériquement un très faible contingent de femmes et la puissance vindicative de l’argumentaire qui s’en empare, que nous souhaitons analyser.
D’un côté, on s’indigne contre les rapts et les viols des femmes cloîtrées, prétendument menés par les ministres et leurs représentants, et contre l’apostasie honteuse de certaines qui serait encouragée par les nouvelles idées3. De l’autre, on vilipende les vœux monastiques et les cloîtres comme espaces du parjure et de la prostitution, et on exhorte les conventuelles à s’abstraire du joug monastique, forcément hypocrite. 77Les lieux de l’affrontement sont d’abord rhétoriques et prennent place sur le plan de la controverse. Dans ces lignes, la perversion inhérente aux nonnains constitue autant une étape argumentative décisive que son contraire, l’insistance sur la luxure protestante comme moteur principal de l’apostasie féminine. Ces oppositions rhétoriques déroulent toujours les mêmes démonstrations et justifications (théologiques, pratiques, historiques) et citent les extraits désormais attendus d’une littérature de preuves, c’est-à-dire des passages des Écritures, des Pères de l’Église ou des théologiens du passé qui corroborent les visions de l’une ou l’autre confession. Ainsi, au tournant du xviie siècle, nombreux sont les réformés à s’appuyer sur le pamphlet De ruina et reparacione Ecclesie, rédigé au xve siècle par Nicolas de Clamanges, nouvellement redécouvert et traduit en français à Genève en 15644. De même, la lettre aux Corinthiens reste, avec l’apologie du mariage qu’elle présente, l’une des pierres de touche évidente de cet argumentaire en faveur du mariage clérical5.
Néanmoins, l’analyse pamphlétaire des cloîtres subit un changement progressif et d’une certaine manière inéluctable : le passage du temps, entre les débuts de la Réforme et le xviie siècle, transforme les modalités narratives des controverses. Ce n’est plus l’actualité du scandale provoqué par les épousailles de Luther et de l’ancienne nonne Katharina von Bora qui anime les adversaires ou partisans de la Réforme6. Émerge en effet un regard rétrospectif sur ces bouleversements religieux qui 78installe la question des couvents dans un long siècle de développements, d’approfondissements et de critiques de ces nouvelles idées – qui ne le sont plus tant. Ces interprétations inscrivent donc la Réforme dans le temps, soit pour ancrer la débauche qu’elle incarne dans un temps ancien, soit pour légitimer son succès et insister sur ses progrès, notamment en mentionnant une origine de plus en plus éloignée chronologiquement. Il s’agit, pour les auteurs réformés, de continuer à défendre les noces monastiques de Luther contre ses détracteurs du siècle suivant. Ils doivent alors prendre position dans une controverse qui semble s’épuiser en attaques ad hominem ne s’attachant plus à la théologie des vœux de religion mais uniquement à l’efficacité rhétorique du maniement de l’argument « mariage des religieuses ».
Pourtant, si le fond de la controverse reste plus ou moins stable (le mariage des religieuses est sacrilège, ou le mode de vie cloîtré et chaste est condamnable), la forme de l’argumentaire sur les cloîtres évolue, avec l’ajout, au sein des discours réformés, de l’histoire récente du protestantisme comme preuve de la vérité de ses idées. Le mariage de Luther et celui de l’ensemble des nonnes sorties dans le sillage de la Réforme deviennent ainsi des héritages intellectuels et théologiques à défendre ; ce qui explique en partie pourquoi ce lieu commun des couvents perdure au fil des polémiques tout au long du xviie siècle. D’ailleurs, la persistance du thème dans les controverses est aussi soulignée par les contemporains : face à la pérennité de la critique catholique, les propos de certains ministres réformés expriment une forme de lassitude à l’égard d’attaques rebattues mais sans cesse renouvelées.
Ainsi, la mutation du discours réformé sur le mariage des religieuses prend la forme d’une justification historique de la Réforme. Dans ce cadre, les auteurs s’attardent surtout sur un point : la validation littéraire a posteriori des choix d’épouses des réformateurs. En effet, on aurait entre la fin du xvie siècle et le début du xviie siècle une évolution des polémiques confessionnelles à propos du mariage des religieuses : si les premières oppositions mettaient en valeur l’hérésie ou les abus de chacune des convictions confrontées, on limite de plus en plus les attaques à des cibles précises, principalement les premiers réformateurs. Cette réduction des sujets traités apparait comme une preuve de l’essoufflement d’une controverse pour laquelle les interprétations confessionnelles ne peuvent de toute façon se satisfaire d’un entre-deux. Ce ne sont plus 79les modalités complexes du mariage clérical qui sont abordées, ce n’est plus que le scandale du mariage monastique féminin7.
Enfin, il faut noter que ces affrontements rhétoriques relèvent principalement de querelles de papier. En effet, en recherchant l’expérience concrète des femmes visées par ces polémistes, l’on constate que, si les théories des protestants et des catholiques stigmatisent des cloîtres soit comme antres de la prostitution, soit comme viviers des nouvelles idées, la réalité de la sortie du couvent par des religieuses qui emprunteraient les chemins d’une conversion protestante est toute autre. En France, durant cette période charnière à plus d’un titre de l’histoire des ordres religieux féminins (que ce soit avec l’application progressive des décrets du Concile de Trente, avec les débuts de la Réforme catholique ou l’apparition de nouveaux ordres8), les nonnes du royaume ne vident pas les cloîtres, convaincues par les sirènes du protestantisme. Les motifs de la sortie réelle des religieuses doivent donc être explorés pour mettre à jour ce hiatus, caractéristique des écrits de controverse, entre des faits historiques et la (non-)actualité des événements dénoncés.
une querelle qui n’en finit pas
Afin d’établir une grammaire polémiste réformée sur les religieuses et les cloîtres, l’identification des topoi utilisés entre la fin du xvie siècle et le xviie siècle est primordiale et révèle leur continuité. Il faut noter que la facilité à manier, dans les pamphlets ou les sermons, ces images de cloîtres corrompus ou d’innocentes vierges enlevées a certainement contribué à maintenir ces portraits confessionnalisés des couvents au sein des discours. Les mêmes thèmes que ceux qui étaient mis en avant par les réformateurs du siècle précédent nourrissent ces écrits.
80Ainsi, trois grands types de critiques contre les monastères caractérisent la rhétorique réformée sur les couvents féminins. Un premier est d’ordre théologique, hérité notamment du traité luthérien De Votis Monasticis, qui exposait l’absence du caractère sacré dans les vœux monastiques9. Cet aspect est décliné à l’envi dans l’ensemble des écrits. Un deuxième fondement de la dénonciation de la vie religieuse et de ses pratiquantes prend corps autour du thème de l’impossible chasteté, appuyé par un argument empirique : la pratique de la chasteté n’est réservée qu’à une infime population d’élues ; or, le nombre de nonnes est trop élevé pour qu’elles puissent toutes prétendre à cette catégorie10. Enfin, le dernier raisonnement propose une gamme de réflexions autour de l’idée que le mariage est préférable aux couvents, cavernes du diable. Ce dernier point constitue à la fois un argument pratique en faveur de la sortie et une solution – le mariage – à la sécularisation des religieuses, deux aspects qui sont souvent justifiés par la référence à saint Paul.
L’imprimeur humaniste Henri Estienne, entre autres, combine ces trois pôles argumentatifs contre la vie monastique féminine lorsqu’il cherche à comprendre quelle faute serait commise dans le cas de relations sexuelles avec une religieuse. Il veut battre en brèche l’interprétation catholique selon laquelle de tels rapports charnels seraient à la fois incestueux et sacrilèges. En effet, pour lui, la modification opérée par l’acte sexuel n’est pas un sacrilège mais simplement un changement d’état. Il explique qu’il « n’acorderai[t] pas que celui qui ravit le pucelage à une nonnain, soit sacrilege, à parler Chrestienement. Car il faudroit, si ainsi estoit, qu’un tel pucelage fust sacré : & pour estre sacré, il faudroit que Dieu, ou le Sainct auquel on le voue & dedie, eust monstré par forme de stipulation qu’il l’auroit accepté11 ».
81La plupart des religieuses n’ayant pas reçu de signes d’élection divine de leur chasteté, il n’est pas possible de la considérer comme sacrée. D’ailleurs, l’incontinence qui règne parmi les habitantes des couvents est soulevée à maintes reprises, pour souligner le constat d’une absence de reconnaissance divine du vœu de chasteté. La description de la débauche dans les couvents est utilisée par l’auteur comme un lieu commun, c’est-à-dire sans qu’il développe une quelconque justification ; la décadence des cloîtres est censée être de l’ordre de l’évidence. L’auteur mobilise alors un argument d’autorité, en citant l’humaniste italien Pontano, au nom latinisé ici : « quoi qu’il en soit, que les monasteres des nonnains ayent commencé desia du temps des prescheurs susdits à estre des bordeaux, il appert assez par ce que nous avont tantost ouy de Pontanus12 ». La même image de déréliction morale, dépeinte plutôt que prouvée, développe ses branches dans la controverse religieuse pendant toute la première moitié du xviie siècle. Par exemple, dans le Prosélyte évangélique, l’auteur explique que, comme le théologien De Clamanges, il a « honte (ce disoit Clemangis sus allegué) de dire ce qu’on pourrait dire touchant les Nonnains, de peur qu’au lieu de parler de la congregation de vierges dediées à Dieu, il ne me faille traicter amplement des bordeaux & des finesses & effronteries des courtisanes, & de plusieurs incestes & paillardises13 ».
Là encore, la référence à l’ancien humaniste fonctionne comme un cliché : il n’y a pas besoin de revenir sur des explicitations car il a déjà tout dit, et peu importe que la situation décrite par l’auteur sollicité soit vieille de plusieurs siècles. Il est fort probable que la citation d’un prêtre et théologien catholique corroborant ces idées soit autant appréciée par les réformés que les références aux apôtres : si même des membres de l’Église romaine admettent l’état déplorable de leurs espaces et modes de vie sacrés, comment des ecclésiastiques contemporains pourraient-ils les contester ? La hiérarchie catholique a bien conscience du danger de ce corpus critique interne : l’ouvrage cité est mis à l’index dès les années 155014.
82En parallèle de ces extraits attendus, le mariage des anciennes nonnes est traité par Estienne d’un point de vue original : c’est en décriant les avortements et infanticides pratiqués selon lui parmi les religieuses qu’au détour d’une phrase, il donne en modèle aux femmes cloîtrées leurs anciennes consœurs désormais mariées. L’exemple invite les religieuses à réfléchir sur leurs actes ignominieux, vu « qu’elles voyent plusieurs, qui estoyent auparavant nonnains comme elles, estre mariees publiquement, & s’en trouver bien, [ce qui] les fait un peu mieux penser à leurs consciences, quant à entreprendre tels meurtres15 ». L’encouragement à la sortie des cloîtres est discret, mais bel et bien présent : afin de limiter les meurtres d’enfants, le mariage est la seule solution, car la chasteté est impossible. Luther avait déjà relaté une anecdote de milliers de corps d’enfants trouvés dans un lac proche d’un monastère, mais ce récit servait d’abord à prouver l’impureté du célibat avant d’encourager les religieux et religieuses à sortir des cloîtres16. Estienne ajoute l’idée, permise par presque un siècle de religieuses sécularisées, d’un mariage qui entrerait dans l’horizon d’attente des femmes cloîtrées et qui pourrait devenir un modèle de vie auquel se conformer pour lutter contre des avortements blâmables.
En contrepoint, du côté des réquisitoires catholiques, la même mobilisation constante du motif s’observe. Le syntagme « ravisseur » ou « débaucheur de nonnains » donne la possibilité de désavouer tout ministre de la foi protestante en quelques mots. Dans des sermons, par exemple ceux du prédicateur catholique Simon Vigor, on lit que la conversion est un moment instantané de bascule dans le péché :
Mais lors qu’ils [les ministres] ont esté convertis à la Religion pretentue reformee, c’est lors qu’ils ont esté ou symoniaques (comme Beze qui vendit son Prieuré de Lonjumeau) ou desbaucheurs de Nonnains, comme plusieurs moynes apostats qui ont esté depuis Ministres : c’est lors qu’ils ont prins les armes contre le Roy17.
La gradation des accusations est nette : le péché (simonie ou inceste) mène à la rébellion contre le roi. On a ici l’argument classique d’une remise en 83cause religieuse qui fait le lit d’une révolte politique globale, association d’idées que les protestants combattent depuis le xvie siècle18. L’image du protestant suborneur de nonne(s) et rebelle appartient désormais à un imaginaire collectif sollicité par les auteurs catholiques, et contre lequel s’érigent les réformés. Autre exemple de critique catholique, l’ouvrage pieux de Camus, L’Hermiante, raconte des historiettes, dont celle d’un ancien protestant, revenu au couvent, que ses compagnons réformés souhaiteraient faire sortir. De là, un adage assassin, presqu’une pointe :
Tirer un Moine, ou une Nonnains de son Cloistre, est un œuvre aussi heroïque (tant leur zèle est grand) parmi les Protestans de la Reformation, comme il est meritoire parmi les Catholiques de delivrer une ame de Purgatoire19.
Selon lui, la théologie protestante n’est donc qu’une incitation à la débauche, c’est-à-dire à l’apostasie monastique, quand la religion catholique veut sauver les âmes : cette opinion continue à se développer pendant le xviie siècle, presque sans variations.
des mariages en hÉritage À dÉfendre
L’utilisation rhétorique des noces monastiques est donc un moyen efficace pour couper court au dialogue et désavouer tout aussi vite les auteurs de l’autre confession. Par exemple, la controverse entre Jurieu et Arnaud illustre l’utilisation du mariage des religieuses comme manière de mettre fin au débat, ces noces ou leurs refus constituant la preuve ultime du dérèglement de l’une ou l’autre confession. L’ouvrage de Jurieu, L’Histoire du calvinisme, s’ancre dans une littérature de justification des actes des réformateurs, pour répondre à une première attaque jésuite. Or, dans ces développements sur les initiateurs de la Réforme, le moment du mariage avec une religieuse devient un passage important pour, en 84quelque sorte, laver l’opprobre qui pèse sur les anciens ministres. Prenons le cas du réformateur italien Pierre Martyr Vermigli. Jurieu consacre plusieurs paragraphes à déterminer si oui ou non Catherine Dammartin, sa première épouse, avait prêté ses vœux. La première ligne de défense soulevée par le réformé pour réaffirmer l’excellence de Pierre Martyr est donc la possibilité qu’il n’ait pas épousé une ancienne nonne :
Premierement nous n’avons aucune connoissance que la femme de Pierre Martyr eust esté religieuse : au contraire il y a beaucoup d’apparence qu’elle ne l’avoit point esté20.
Le malaise des réformés avec l’idée du mariage des religieuses est, d’une certaine manière, encore présent cent-cinquante ans après le mariage de Luther (qui, rappelons-le, n’alla pas de soi, même parmi les cercles des premiers réformateurs21). Il faut dire aussi que les campagnes de diffamation visant à remettre en question certains penseurs de la Réforme s’attachaient à prouver que ces derniers avaient commis l’inceste avec des nonnes22.
Jurieu condamne donc l’obsession des mariages incluant des religieuses comme protagonistes, et en premier lieu, le martèlement au sein des controverses de « l’affaire du mariage de Luther » :
Les Historiens & les Theologiens de l’Eglise Romaine font des declamations tragiques contre l’action de Luther, qui espousa une fille qui avoit autrefois esté voilée23.
Le ton ironique déployé ici, perceptible à travers l’hyperbole des « declamations tragiques », indique l’exaspération née de l’utilisation répétée d’un argumentaire éculé pour condamner des unions (et une en particulier), en fait acceptables du point de vue de l’auteur. En effet, Luther 85demeure le point de référence de toute critique catholique contre le mariage des religieuses ; il finit même par symboliser l’origine de l’hérésie et le paradigme de la débauche, plus d’un siècle après ses noces datant de 1525. Des écrits de Pierre Coton au début du xviie siècle à ceux de Bossuet, Luther incarne l’inventeur et le modèle de ces mariages honteux24. Par exemple, le capucin Pierre Crespet donne la parole à la Vierge – au moyen d’une sorte de prosopopée – dans un petit poème mettant en avant l’excellence de sa virginité, présentée comme attaquée directement par Luther :
Malgré Luther & tous les envieux / Pucelle suis & demouré pucelle, / et si a mis du laict en ma mammelle / Le plus beau fils qu’on veit oncques des yeux / le fils de Dieu a bien voulu des cieux / me venir voir, tant luy ay semblé belle / Malgré Luther25.
Luther devient alors contemporain de Marie dans un poème qui définit le réformateur comme un obstacle, finalement atemporel, à l’Annonciation, donc comme le porte-parole, le représentant des assiégeants de la virginité chrétienne. Le refrain « malgré Luther » scande le poème et pourrait devenir le titre de l’ensemble de la littérature pamphlétaire contre les mariages cléricaux : malgré Luther, des femmes demeurent chastement dans leurs cloîtres ; malgré Luther, la virginité triomphe de la chair.
La polémique se poursuit jusqu’à la fin du siècle. Bossuet, par exemple, s’attache pendant plusieurs pages à décrier le mariage luthérien : il l’aborde comme le point de bascule entre un Luther jeune et religieux et un Luther revenu à ses instincts les plus bas, figure du réformateur moteur des rébellions de son époque. L’auteur transformerait ainsi l’événement des noces luthériennes en un « moment mariage » duquel toute la Réforme aurait découlé :
86Luther avait alors [au moment de son mariage] 45 ans ; & cet homme qui, à la faveur de la discipline Religieuse, avoit passé toute sa jeunesse sans reproche dans la continence, en un âge si avancé, & pendant qu’on le donnoit à tout l’Univers comme le Restaurateur de l’Évangile, ne rougit point de quitter un état de vie si parfait, & de reculer en arrière26.
L’indignation catholique face au mariage des nonnes se cristallise sur la personne du Réformateur de Wittenberg. Face à elle, la lassitude réformée répondant à ces attaques répétées contre les ex-religieuses est une des nouveautés de la dispute confessionnelle, visible chez Jurieu. Le ministre définit les critiques de l’ancienne foi comme des déclamations à la fois « injustes & vaines » et « puériles formées sur les idées du vulgaire & sur les préjugés ridicules dans lesquels on le nourrit27 ». Une des réponses catholiques à L’histoire du Calvinisme s’intitule en effet Réponse à l’apologie pour la reformation, pour les réformateurs et pour les réformez. Où l’on traite de l’état monastique des veuves, tant Seculieres que Religieuses ; […] du célibat des ecclesiastiques, et l’on comprend que l’ensemble de l’ouvrage de Jurieu est contesté en grande partie sur la question du mariage clérical, particulièrement en ce qu’il concerne des femmes cloîtrées28. Cette réponse sélective à son ouvrage plaidant pourtant longuement en faveur de « l’innocence de[s] réformateurs » provoque l’indignation de Jurieu. Il s’insurge contre ce qu’il identifie comme de la malhonnêteté intellectuelle de la part de son opposant :
Tout cela & cent autres choses sur lesquelles M. Ferrand ne dit rien, ne faisoient-elles pas pour le moins autant à l’innocence de nostre reformation que la justification de certains mariages pretendus scandaleux de religieux & de religieuses, qui est l’unique sujet auquel il a plû à M. Ferrand de s’atacher29 ?
La réhabilitation morale des premiers Réformateurs qui s’étaient démis de leurs vœux de chasteté et avaient épousé des religieuses se fait l’un des piliers de soutien de cette littérature de confrontation. On retrouve 87également chez Pierre Bayle plusieurs remarques qui tendent à restaurer moralement les figures composant la première génération de la Réforme. Sa construction argumentative suit une ligne principale qui correspond à une inversion des logiques catholiques : les couvents étant des lieux de débauche, celles et ceux qui en sortirent ne le firent pas pour répondre à l’appel de la chair mais, au contraire, pour se prémunir de ses tentations, en nouant les liens exigeants du mariage. Encore une fois, le ton de l’exaspération est perceptible et participe au renouvellement de cette littérature réformée visant à désavouer les écrits catholiques du xviie siècle :
À les entendre parler, ceux qui accusent quelques-uns de nos premiers Reformateurs de s’estre mariez pour se delivrer du joug de la mortifiation, ne savent ce qu’ils disent, car quelle plus grand Croix que le Mariage30 ?
Il s’agit donc, pour ces réformés du xviie siècle, de conserver le portrait moral d’excellence des premiers penseurs protestants, contre une déferlante de critiques convergeant vers un fait : le scandale que constituent l’autorisation, voire l’incitation, dans les doctrines protestantes, au mariage des religieuses.
quel « spectacle d’horreur » ?
Les références à ce type de noces saturent donc les écrits d’opposition confessionnelle et deviennent, sous la plume des auteurs tant catholiques que protestants, le signe évident de la conversion ou de l’apostasie des professes. Néanmoins les propos enflammés sur ces unions participent en grande part du topos littéraire, car dans les faits, la sortie féminine du couvent constitue rarement le point d’aboutissement d’une dynamique de conviction et de conversion aux nouvelles idées. Quitter les ordres est avant tout un problème économique (motivé par le recouvrement d’un héritage par exemple), qui peut, selon les cas, s’arc-bouter aux idées réformées. En un mot, la Réforme agit plus comme contexte que comme moteur de ces défections féminines.
88Par exemple, une affaire de 1590 a laissé quatre plaidoyers qui montrent le traitement judiciaire d’une sortie de couvent présentée comme adossée à une conversion à la Réforme, et qui soulignent que le spectre de la sortie-apostasie est aussi agité dans les démarches juridiques. Deux sœurs, Barbe et Françoise Girard quittent leurs couvents respectifs. Quelques décennies après cette sortie, elles poursuivent en justice leur neveu afin d’obtenir une réinstauration dans leur héritage. Afin de légitimer la requête de ces femmes, leurs avocats (Maîtres Abel de Sainte Marthe et Anne Robert) insistent d’une part sur le fait que leur profession religieuse est illégale (pour Barbe, la cadette) et d’autre part, que la conversion à la Religion Prétendue Réformée a eu lieu bien après leur départ du couvent. La chronologie des évolutions confessionnelles de Françoise Girard, l’aînée, est précisée dans le détail : mise au couvent par force, elle obtient une dispense de vœux papale. Sa mère l’extrait du couvent car les guerres de religion rendent son maintien dans le monastère dangereux. Et seulement plus tard, quand « le rescrit [fut] prest à estre enteriné », « les troubles augmenterent, qui furent cause que la demanderesse qui commençoit à avoir quelque sentiment de la Religion pretenduë reformée, se retira chez […] son oncle31 ». La sortie du couvent n’est pas conditionnée par la conversion préalable de cette femme : tout l’enjeu de la défense repose sur la preuve de l’absence d’une influence réformée dans la fuite. L’avocat martèle le fait :
le rescrit & la dispense du Pape obtenuë, & les procedures commencées pardevant l’Official, montrent que la demanderesse n’étoit pas de la Religion P. R. & la profession qu’elle en a faite a commencé quelque temps après32.
En réponse, le plaidoyer défendant les intérêts du neveu s’articule, lui, uniquement sur cette question de la conversion à la foi réformée. Les liens entre conversion à la nouvelle foi et désertion conventuelle deviennent donc aussi des ressources argumentatives des plaidoyers. L’avocat positionne d’ailleurs son réquisitoire au niveau du bien commun : autoriser ces femmes à retrouver leur héritage, c’est encourager la fuite généralisée des cloîtres puisqu’il « ne faut pas douter qu’il n’y ait une grande quantité de Religieuses, qui sans estre retenuës par la sainteté du vœu 89qu’elles ont fait, attendent l’évenement de cette cause [i.e. ce procès] pour intenter de pareilles demandes, si elles voyent que les demanderesses obtiennent à leurs fins, & nous verrons les maisons religieuses desertes & abandonnées33 ».
La catastrophe envisagée s’appuie sur une vision des cloîtres soumis aux influences protestantes alors même que la réalité historique est plus nuancée : l’historiographie a notamment montré l’ampleur d’une résistance des couvents à la Réforme34. L’avocat du neveu lie le départ des monastères aux nouvelles idées, non sans maintenir un certain flou. Ce ne sont pas les réformés qui ont fait sortir ces deux sœurs de leurs monastères, c’est, en quelque sorte, l’atmosphère licencieuse, encouragée par la nouvelle confession. Néanmoins, il faut noter l’adroite manipulation rhétorique, puisque l’orateur commence par évoquer ces sorties-apostasies avant de glisser vers les motifs réels des deux sœurs. Il implique donc une forme de filiation entre ces divers types de défections monastiques qui fait de ces deux sœurs des apostates de la foi catholique et plus seulement des évadées monastiques :
Ces troubles entr’autres desordres amenerent celuy-cy, que plusieurs Religieuses crurent, sous pretexte de la Religion pretenduë reformée dont elles firent profession, pouvoir donner couleur à cette induë liberté & apostasie : les autres sous autre sujet quitterent leurs Cloistres & la profession Monastique, & de ce nombre fut Françoise Girard demanderesse35.
L’avocat explique ensuite que la sœur cadette « suivant l’exemple de beaucoup d’autres, par une effrenée liberté que la licence des guerre & la diversité de Religion a apportée, [elle] quitta sa Religion au grand scandale de l’Ordre Ecclesiastique36 ». Il interprète ce passage à la Réforme comme fruit d’un opportunisme consommé, à la différence de celui de la demanderesse, qui le présente comme une conversion sincère. Cette distinction illustre la difficulté à jauger, pour l’historien, des motivations intimes présidant à la sortie. En effet, les deux interprétations sont tenables. L’avocat du neveu a-t-il vu juste quand il affirme que, pour éviter les recherches judiciaires, « elles prirent soudainement le 90party de la Religion pretenduë Réformée, & disoient que tels vœux & professions estoient contraires à leur conscience & à leur doctrine, & par ce moyen, assistées aussi des Édits qui sont depuis intervenus, elles ont evité cette juste recherche37 » ? L’absence de sources « du for privé », d’écrits de ces femmes ne nous permet pas de conclure. À l’opposé, le dernier plaidoyer d’Abel de Sainte Marthe souligne à nouveau qu’il « ne paroist pas que ladite Girard soit du nombre des Religieuses que l’on doit accuser d’apostasie […] d’autant qu’elle n’est point du nombre de celles qui pour suivre la Religion pretenduë reformée, sortirent dans ce temps-là des Monasteres, mais elle estoit sortie auparavant38 ». Cette non-coïncidence entre la date de conversion et celle de sortie est la mention qui assure aux deux femmes l’obtention d’une victoire légale : la Cour ordonne, en 1590, le versement d’une pension aux sœurs par leur neveu, leur vie durant.
Un autre arrêt, cette fois plus tardif (1627), cité par Bardet, montre encore une fois toute l’ambiguïté d’une sortie de couvent étiquetée comme passage à la Réforme par les catholiques. Gilberte d’Anglot fait sa profession religieuse en 1608 et sort « enlevée » par un homme en 1627 alors qu’elle est âgée de 35 ans. L’homme est arrêté et exécuté, elle-même est condamnée à être renvoyée au couvent. Ayant eu connaissance de ce verdict, l’évadée se réfugie à Paris où elle fait profession de la Religion Prétendue Réformée et épouse un autre homme, son coreligionnaire Abel Charton. L’enjeu, pour le parti de l’oncle de Gilberte d’Anglot, est de déterminer l’illégitimité de ce mariage afin que la réinstauration de l’ex-religieuse dans l’héritage familial soit impossible et qu’ainsi son parent, unique survivant de sa famille, ne soit pas lésé par l’ajout de la « demanderesse » dans la liste des bénéficiaires testamentaires. Le passage à la Réforme rend impossible de poursuivre l’ex-professe pour sa sortie du cloître ; en effet, les édits de pacification stipulent la liberté de conscience et interdisent le retour forcé au couvent d’une nouvelle convertie39. La « conversion » à la religion réformée serait donc davantage un moyen de pérenniser un retour à la vie séculière plutôt que le signe d’une conviction profonde. D’ailleurs, le premier enlèvement de cette 91femme corrobore cette hypothèse, puisqu’il n’est explicitement lié à aucun changement de foi. C’est au moment où la persécution devient possible que Gilberte d’Anglot choisit de passer au protestantisme, pour pallier un retour obligatoire au couvent si elle demeurait catholique, et pour faire coïncider sa volonté de mener une vie séculière et une « liberté de conscience ». Il est aussi possible que l’ancienne religieuse ait pu penser que ce changement de foi lui permettrait de prétendre plus légitimement à l’héritage familial. La cour, cependant, reste scandalisée par ce procédé de conversion et déclare son mariage et son éventuelle descendance illégitimes :
Ce changement de religion, cette nouvelle profession de Religion Pretenduë Reformée, ne peut pas rendre capable de succeder à ses parents la personne qui en avoit été renduë entierement incapable par le moyen des vœux & de la profession en Religion, non pas mesme les enfans qui pourroient naistre de son mariage40.
Ainsi, pour ces trois femmes, la conversion au protestantisme arrive de manière opportune afin d’éviter des poursuites qui les ramèneraient au couvent. La possibilité de déterminer si ce sont bien les nouvelles idées qui convainquent les sœurs de sortir (comme le laisseraient penser ces sources judiciaires) ne nous est pas donnée : il faudrait pour cela des ego-documents, comme des récits de conversion, que ces femmes n’ont pas laissés. Néanmoins, l’utilisation de la conversion à la Réforme pour sortir des cloîtres est intéressante : qu’elle soit un argument dans un plaidoyer ou une opportunité réellement saisie par les sœurs, elle témoigne notamment de la perméabilité des couvents aux idées du siècle et du danger que continue à représenter pour les catholiques cette nouvelle possibilité offerte aux femmes cloîtrées.
En somme, la crainte que les nouvelles idées videraient les cloîtres, exprimée depuis les premiers temps de la Réforme, s’installe et s’étend dans un temps long. Les réformés continuent à combattre, sur le plan théorique, l’association maintenue entre Réforme et débauche, connexion 92notamment établie par la possibilité réformée du mariage des religieuses. Mais cette controverse qui dure ne s’appuie ni sur des faits réels, ni sur une fuite massive des couvents provoquée par la volonté des femmes cloîtrées de se convertir au protestantisme.
À l’encontre donc des dispositifs rhétoriques mis en place par les deux confessions au tournant du xviie siècle au sein d’écrits qui utilisent dans des buts polémiques les sorties de couvents, les motifs de ces départs sont, en France, aussi variés que les femmes qui les mettent en œuvre : profession plus ou moins forcée, lassitude de la vie conventuelle, envie de fonder une famille, et seulement pour une minorité, attrait du protestantisme. Si les discours et sermons montrent bien l’ampleur de la sollicitation littéraire du motif de la nonnain mariée, notons, à regret, que la part des conversions féminines aux nouvelles idées est impossible à déterminer : la contrainte des sources à notre disposition pèse sur l’enquête et nous voile et nous vole « le secret des consciences individuelles » des religieuses ainsi que leur cheminement spirituel41.
Éléna Guillemard
Université Lyon 3 /
Université de Neuchâtel
LAHRRA
1 Je souhaitais, en préambule, remercier l’École Française de Rome pour son accueil qui m’a donné les conditions matérielles et bibliographiques nécessaires aux recherches et à la rédaction de cet article. En ce qui concerne l’expression du titre, elle est utilisée dans l’affrontement entre Pierre Jurieu et Louis Ferrand, emblématique du sujet : le mariage des religieuses est-il ou n’est-il pas un « spectacle d’horreur » ? Pour les deux réponses, consulter P. Jurieu, Histoire du Calvinisme & celle du Papisme mises en parallele : ou Apologie pour la Reformation, & pour les Reformez, Rotterdam, chez Reinier Leers, 1683, vol. 3, p. 171 ; et L. Ferrand, Réponse à l’apologie pour la reformation, pour les réformateurs et pour les réformez. Où l’on traite de l’état monastique des veuves, tant Seculieres que Religieuses ; des secondes, troisiémes, quatriémes, & autres nopces ; […] du célibat des ecclesiastiques, Paris, Chez Estienne Michallet, 1685, p. 156.
2 P. Jurieu, Ibid., p. 174. Jurieu répondra par la suite à la vision de la Réforme de Bossuet, développée dans l’Histoire Des Variations Des Eglises Protestantes, Paris, Mabre-Cramoisy, 1688.
3 Un auteur emblématique de ces accusations est Florimond de Raemond ; voir son Histoire de la naissance, progrez et decadence de l’heresie de ce siècle, Paris, Chez la Veuve Guillaume de la Noue, ruë Sainct Jaques, 1610.
4 N. de Clamanges, Le Traité de la ruine de l’église de Nicolas de Clamanges et la traduction française de 1564, éd. Alfred Coville, Paris, E. Droz, 1936. Par exemple, on trouve cette référence chez George Thomson, qui, pour attester du dérèglement des cloîtres, cite ce « qu’en disoit Nicolas de Clemengis en son temps », (La Chasse de la beste romaine, La Rochelle, Philippe Albert, 1611, p. 534), ou encore dans Alexander Cooke, La Papesse Jeanne, ou dialogue entre un protestant et un papiste, prouvant qu’une femme nommée Jeanne a été pape de Rome, traduit par Jean de La Montagne, Sedan, 1633, p. 235.
5 « Mais s’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient : mieux vaut se marier que de brûler », 1 Cor. 7, 9, La Bible de Jérusalem, Paris, Éditions du Cerf, 2007.
6 Difficile de circonscrire une généalogie du thème dans la littérature pamphlétaire du xvie siècle tant les exemples abondent. Pour des textes publiés en français contre le mariage des nonnes, on pourrait prendre comme points de repères Simon Fontaine expliquant que des religieuses sont « empoisonnée[s] du bouquon de Luther » dans l’Histoire catholique de nostre temps, touchant l’estat de la religion chrestienne contre l’histoire de Iean Sleydan, Anvers, chez Iean Steelsius, 1558, p. 95 ; puis Nicole Grenier, qui développe ses arguments dans L’Épée de la Foi pour la défense de l’Église chrétienne contre les ennemis de vérité, Paris, G. Cavellat, 1562 ; enfin, pour terminer ce balisage, dans les années 1580, Jean Bénédicti incarne bien cette ligne scandalisée ; voir les pages 276 et suivantes de La Somme des pechez et le remede d’iceux, Lyon, par Charles Pesnot, 1584.
7 Les auteurs qui travaillent sur le mariage clérical notent à quelle vitesse ce sujet devient central dans les polémiques. Sur le cas anglais, par exemple, voir Helen L. Parish, Clerical Marriage and the English Reformation : Precedent Policy and Practice, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 14.
8 Sur ces mutations du monde monastique féminin au tournant du xviie siècle, voir par exemple les analyses de Bernard Hours sur le cas particulier de Paris, Des moines dans la cité. xvie-xviiie siècle, Paris, Belin, 2016.
9 Martin Luther, WA 8, 564-669.
10 Voir M. Luther, dans WA 8, 650, l. 15-20 ; puis Jean Calvin qui note que « le Seigneur prononce, que continence est un don singulier, lequel n’est point donné indifferemment à tout le corps de son Eglise : mais à bien peu de ses membres » dans Institution de la religion chretienne, Genève, Hamelin, 1554 [rééd.], p. 127, § 65.
11 Ce texte d’Henri Estienne, L’Introduction au traitté de la conformité des merueilles anciennes auec les modernes, ou, Traitté preparatif à l’Apologie pour Herodote, Lyon, Par Benoist Rigaud, 1592, p. 73, connait une douzaine d’éditions entre 1566 et 1607, ce qui atteste son succès : il représente ainsi une œuvre majeure de ce tournant du siècle et contribue à diffuser les idées réformées sur les religieuses. Sur la question de l’organisation de l’argumentation générale de cet ouvrage, voir Bénédicte Boudou, Mars et les muses dans l’Apologie pour Hérodote d’Henri Estienne, Genève, Droz, 2000, et particulièrement ce passage sur la religieuse, que l’autrice analyse comme révélateur du fonctionnement de la pensée d’Estienne par analogies constantes élaborées entre son monde contemporain et le monde ancien (p. 144-145).
12 H. Estienne, L’Introduction au traitté de la conformité des merueilles anciennes auec les modernes, op. cit., p. 74.
13 Gilles de Gaillard, Le Prosélyte evangélique, livre auquel le vray christianisme est tres clairement demonstré par la Parole de Dieu, contre la Tradition des hommes, Genève, Pierre Chouet [2de édition], 1643, p. 233-234.
14 N. de Clamanges, Le Traité de la ruine de l’église de Nicolas de Clamanges et la traduction française de 1564, op. cit.
15 H. Estienne, L’Introduction au traitté de la conformité des merueilles anciennes auec les modernes, op. cit., p. 267.
16 M. Luther, Les Propos de table, Paris, Garnier frères, 1844, p. 90.
17 Simon Vigor, Erard et Cristi, Sermons catholiques sur les dimanches et festes depuis l’octave de Pasques iusques à l’Aduent faicts par […] Simon Vigor […], mis en lumiere & reueuz par M. Iean Christi […] & par M. Iean Erard […], pour Thomas Soubron, 1592, p. 355.
18 Pour la pérennité du lien fait entre la rébellion politique et les idées de Luther, voir l’article traitant de cet héritage au xixe siècle : Marion Deschamp et Marc Aberlé, « Le legs politique de Luther chez les penseurs républicains français du xixe siècle. Un héritage discuté », Revue française d’histoire des idées politiques, 45, 2017, p. 89-120.
19 Jean-Pierre Camus, Hermiante, ou Les Deux hermites contraires ; le reclus et l’instable. Histoires tirées de l’Alexis De M. l’evesque de Belley, Lyon, Chez Iacques Gaudion, 1623, p. 167.
20 P. Jurieu, Histoire du Calvinisme & celle du Papisme mises en parallele, op. cit., p. 161.
21 Sur cette question de l’acceptation progressive du mariage clérical et de sa place centrale dans les controverses, voir Marjorie Elizabeth Plummer, From Priest’s Whore to Pastor’s Wife : Clerical Marriage and the Process of Reform in the Early German Reformation, Londres, Routledge, 2016.
22 Calvin se défend ainsi d’attaques à ce sujet : « Il [Antoine Cathelan] dit que j’ay entretenu une Nonnain, laquelle on m’a dit, que i’ay veu une fois seulement demi cart d’heure, en presence de plus de dix tesmoins », dans Recueil des opuscules, c’est-à-dire, Petits traictez de M. Jean Calvin. Les uns reveus et corrigez sur le latin, les autres translatez nouvellement de latin en françois, Genève, imprimé par Baptiste Pinereul, 1566, p. 1759.
23 P. Jurieu, Histoire du Calvinisme & celle du Papisme mises en parallele, op. cit., p. 162-163.
24 P. Coton, comme « personnalité centrale de la Réforme catholique à Paris » (B. Hours, Des moines dans la cité. xvie-xviiie siècle, op. cit., p. 17), présente un exemple intéressant : voir son Institution catholique, où est déclarée & confirmée la vérité de la foy, contre les hérésies et superstitions de ce temps. Divisé en quatre livres qui servent d’antidote aux quatre de « l’Institution » de Jean Calvin, Paris, C. Chappelet, 1610. Dans le portrait croisé de Luther et d’Ignace de Loyola, le rapport aux religieuses est compté parmi les distinctions déterminantes : « Luther traisne apres soy sa Menade Catherine Borith : Ignace refuse par expres la spirituelle direction des religieuses & Nonains enfermees », p. 678.
25 P. Crespet, Le Jardin de plaisir et récréation spirituelle […], Paris, G. de La Noüe, 1587, p. 375-376. Cette petite pièce apparait au milieu d’un traité « de l’excellence de chasteté et de virginité ».
26 Bossuet, Histoire Des Variations Des Eglises Protestantes, op. cit., p. 164.
27 P. Jurieu, Histoire du Calvinisme & celle du Papisme mises en parallele…, op. cit., p. 173-174.
28 L. Ferrand, Réponse à l’apologie pour la reformation, pour les réformateurs et pour les réformez, op. cit.
29 P. Jurieu, Le Vray Système de l’Église et la véritable analyse de la foy, où sont dissipées toutes les illusions que les controversistes modernes, prétendus catholiques, ont voulu faire au public sur la nature de l’Église, son infaillibilité et le juge des controverses, pour servir principalement de responce au livre de M. Nicole […] avec une response abbrégée au livre de M. Ferrand contre l’autheur, Dordrecht, Vve de Caspar et T. Goris, 1686, p. 629.
30 P. Bayle, Critique Générale De L’Histoire Du Calvinisme De Mr. Maimbourg, Villefranche, Pierre Le Blanc, 1684, p. 148-149.
31 Nicolas de Corberon, Plaidoyez de messire Nicolas de Corberon […] avec les Arrets, Ensemble les Playdoyez de Abel de Sainte Marthe, Paris, Chez Henri Charpentier, 1707, p. 472.
32 Ibid., p. 473.
33 Ibid., p. 482.
34 Pour ne citer qu’un ouvrage : Merry E. Wiesner-Hanks, Convents Confront the Reformation : Catholic and Protestant Nuns in Germany, Milwaukee, Marquette University Press, 1996.
35 N. de Corberon, Plaidoyez de messire Nicolas de Corberon, op. cit., p. 485.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 Ibid., p. 492.
39 L’ouvrage réformé suivant fait la liste de ces textes : Recueil des édits de pacification […] en faveur de la religion prétendue réformée, depuis 1561 jusqu’en 1652, Genève, Antoine Estienne, 1658.
40 Pierre Bardet, Recueil d’arrêts du Parlement de Paris, pris des mémoires de feu M. Pierre Bardet, avec les notes et dissertations de M. Claude Berroyer, Nouvelle édition revue et augmentée par M. C.-N. Lalaure, Avignon, P.-J. Roberty, 1773, vol. 1, p. 472. L’arrêt apparait sous le titre suivant, indiquant dans quel espace de jurisprudence il faut le considérer : « Chapitre cxv- Mariage d’une religieuse, faite Heretique, est declaré nul, & elle incapable de succeder ».
41 Marc Aberlé, Olivier Christin et Fabrice Flückiger, « La Réformation des clercs. Ancienne Confédération helvétique, 1525-1535 », Revue d’histoire du protestantisme, tome 3/1, 2018.