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Classiques Garnier

Éditorial

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
    2017, n° 8
    . Réceptions de Bossuet au xviiie siècle
  • Auteur : Belin (Christian)
  • Pages : 9 à 11
  • Revue : Revue Bossuet
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406071341
  • ISBN : 978-2-406-07134-1
  • ISSN : 2494-5102
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07134-1.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/09/2017
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Éditorial

Nous voyons par expérience que chaque assemblée, chaque compagnie a son esprit particulier1

Littérature, culture, religion… Ces trois mots, désormais placés en exergue sous le titre de notre Revue, délimitent un champ denquête en précisant nos centres dintérêt ou de curiosité. Ils correspondent dailleurs à léclectisme de Bossuet lui-même, qui na jamais séparé « lamour des lettres » et le « désir de Dieu », pour reprendre les termes que Jean Leclercq utilisait à propos de la littérature monastique du Moyen-âge. Lœuvre de Bossuet senracine dans les Écritures, lues à travers la tradition patristique ; elle reste toujours très attentive à la réflexion théologique ou à lexpérience spirituelle ; elle souvre enfin également aux spéculations sur lhistoire et la philosophie. Littérature, culture, religion : Tel est « lesprit » de notre Revue, mais aussi celui de la « compagnie » des Amis de Bossuet, dont « lassemblée », lan dernier, a approuvé ces nouvelles orientations. Le prochain numéro de la Revue, en 2018, confirmera dailleurs cet engagement avec une rubrique de comptes-rendus ou de recensions douvrages portant sur la littérature, lhistoire, la religion et lhistoire des idées à lépoque de Bossuet. À partir et autour de lévêque de Meaux, il sagira donc détendre notre regard sur les recherches actuelles dans le domaine des sciences religieuses. La première journée détude de léquipe « Littérature, morales et spiritualités à lâge classique », qui sest tenue en Sorbonne le 25 février 2017, sous légide de Laurence Plazenet et en hommage à Jean Mesnard, a montré la vitalité de ces orientations de recherche. Le colloque sintitulait très significativement « De la théologie à la littérature » ; on y parla de Pascal et de Bossuet, et beaucoup détudiants assistèrent à ces conférences.

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La Revue offre chaque année un riche panorama bibliographique. On se permettra dattirer lattention des lecteurs sur trois ouvrages importants qui concernent Bossuet. Une publication récente confirme lintérêt grandissant pour les questions religieuses et pour les textes qui en témoignent. On ne peut que se réjouir en effet de la belle initiative prise par les Éditions Robert Laffont qui ont publié les Élévations sur les mystères, Méditations et autres textes2. Laccès aux œuvres complètes de Bossuet nest pas toujours facile pour le grand public ou pour les étudiants. Cette édition des œuvres spirituelles contribuera à pallier ces difficultés. On mentionnera également lexcellente traduction italienne du Traité du libre arbitre, précédée dune introduction aussi érudite que lumineuse, par Maria Vita Romeo3. De tels ouvrages ne pourront que soutenir les recherches bossuétistes et encourager de nouveaux doctorants. La belle thèse rédigée par Agnès Lachaume sur le « langage du désir chez Bossuet » en témoigne avec éclat4.

Les journées détudes portant sur Bossuet poursuivent le même dessein. Lan dernier, en Sorbonne, sous la houlette dAnne Régent-Susini, se tenait le troisième colloque consacré à la réception de Bossuet. En remontant le temps, ce furent donc sur les lectures de Bossuet au xviiie siècle que portèrent les débats et les analyses. À cette époque se construisit véritablement le monument des Œuvres complètes. Bossuet entrait au panthéon de la mémoire littéraire et culturelle de la France. Un héritage somptueux était livré au public, bien quune large part de ces textes dût assez vite tomber en déshérence. Très tôt en effet, on réduisit le corpus aux seules œuvres oratoires, dont on ne se lassait pas de célébrer la splendeur. La plupart des allusions à Bossuet contenues dans lEncyclopédie, par exemple, propagent cette conviction. « On voit, disait Langlet, que cest lentrée dun palais magnifique ». Cétait aussi un labyrinthe rempli de chausse-trapes. Les stéréotypes ou les malentendus devaient se multiplier jusquà nos jours. La réception de Bossuet ne pouvait être, en un sens, quinévitablement polémique. Il séduisait par son verbe, mais il choquait par ses propos. Au registre des prouesses rhétoriques on sextasiait sur lénergie et le sublime dun style sans égal, mais on faisait la grimace dès quil sagissait dun 11quelconque contenu doctrinal. On sauvait ou on exaltait la forme pour mieux déconsidérer le fond. Au terme de ces lectures partiales, Bossuet se retrouvait esthétiquement innocent mais idéologiquement coupable. Les Lumières ayant tout remis à lendroit, Bossuet se situait à lenvers, et même en Enfer, du côté de « linfâme ».

Ce ne sera pas cette figure un peu figée surgie de loutre-tombe qui présidera aux journées détude qui se tiendront à Meaux en mai prochain. Nous y retrouverons, non le personnage passé à la postérité, mais la personne de lévêque et du prédicateur occupant la chaire épiscopale, siégeant certes en son palais, mais préférant lintimité dun petit pavillon, au fond du jardin, ou la solitude de labbaye de Jouarre. Le thème retenu, « Voix devant la Parole », se propose de faire écho, à tous les sens du terme, à la fulgurance dune parole qui retentissait en chaire. Les communications qui seront présentées, à la médiathèque municipale, seront suivies, à la cathédrale, par une sorte de récital où des artistes sefforceront de restituer la vibration sonore de quelques textes extraits des sermons ou des oraisons funèbres. Les grandes orgues retentiront entre ces essais de recitatio qui se dérouleront dans le cadre de la nuit des cathédrales. Nous tenons dores et déjà à remercier toute la « compagnie » qui, à Meaux, sest mobilisée pour la réussite de ces journées : la municipalité, Mgr Nahmias (successeur de Bossuet), Philippe Legrand (recteur de la cathédrale), Matthieu-Alexandre Durand (conservateur de la bibliothèque diocésaine), Dominique Galès (spécialiste du fonds ancien de la médiathèque), Pierre Galès (de lassociation des Amis de la bibliothèque Guillaume Briçonnet), Marie-Laure Gordien (responsable des archives historiques du diocèse), Bruno Beltramelli (ancien conservateur de la bibliothèque diocésaine), Denis Vassigh qui organisera une exposition au musée Bossuet dont il est le directeur.

Nous nous donnons donc rendez-vous autour de la chaire de Bossuet pour y cultiver et pour y goûter, en bonne « compagnie », cet « esprit particulier » quil appelait de ses vœux.

Christian Belin

1 Deuxième sermon pour le jour de la Pentecôte.

2 Édition établie et présentée par Renaud Silly, op., collection Bouquins, 2017.

3 Trattato sul libero arbitrio, a cura di Maria Vita Romeo, CESPES-Fonti e studi, Università di Catania, 2016.

4 Le langage du désir chez Bossuet. Chercher quelque ombre dinfinité, Champion, 2017.