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Classiques Garnier

Une admiration et ses limites Maistre dans la postérité de Bossuet ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Bossuet
    2015, n° 6
    . Réceptions de Bossuet au xixe siècle
  • Auteur : Glaudes (Pierre)
  • Résumé : Pour Joseph de Maistre, Bossuet est « le dernier et le premier des Pères » de l’Église. Il s’inspire de lui sur la souveraineté monarchique, l’action de la Providence, le danger du protestantisme, mais sa réflexion sur le monde postrévolutionnaire le conduit à souhaiter une royauté autoritaire et à répudier toute faiblesse pour le gallicanisme et le jansénisme.
  • Pages : 17 à 35
  • Revue : Revue Bossuet
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812461002
  • ISBN : 978-2-8124-6100-2
  • ISSN : 2494-5102
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-6100-2.p.0017
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 04/04/2016
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Une admiration et ses limites

Maistre dans la postérité de Bossuet ?

Dans les registres de lecture que tenait Joseph de Maistre Bossuet est un des auteurs les plus cités après Platon, Plutarque et saint Augustin1. Rien détonnant à cela : en admirateur du règne de Louis XIV, ce grand roi qui a rendu la France « la véritable patrie des talents dans tous les genres », Maistre range lévêque de Meaux parmi cette « foule de grands hommes2 » qui, à lâge classique, ont fait honneur à lhumanité. Non seulement ses œuvres figurent en bonne place dans la bibliothèque du magistrat savoisien, mais celui-ci ne fait pas mystère de son admiration pour « lillustre Bossuet3 ». « Personne – dit-il – ne [le] vénère plus profondément que moi et [] je [le] regarde comme le dernier et le premier des Pères [de lÉglise]4 » : « jamais lautorité neut de plus grand ni surtout de plus intègre défenseur5 » que lauteur du Discours sur lhistoire universelle.

Sur la foi de telles allégations, on pourrait être tenté de voir en Joseph de Maistre lun des principaux héritiers de Bossuet au xixe siècle. Cette idée nest pas sans fondement : sur bien des sujets – la souveraineté monarchique, laction de la Providence, le danger du protestantisme – Maistre, en défenseur de lautorité contre la postérité des Lumières, sinspire de son prédécesseur et se réclame de lui. Mais, à deux siècles de distance, le contemporain de la Révolution française, fort de lexpérience politique quil vient de faire, est aussi conduit à maints ajustements

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de la tradition de pensée dont il est lhéritier. Et, sil affiche à légard de Bossuet une considération inébranlable, il ne peut aussi dissimuler une certaine gêne lorsquil lui faut examiner quelques questions – le rôle politique, néfaste à ses yeux, du gallicanisme et du jansénisme, les mérites de Fénelon en tant que philosophe, historien et éducateur des princes – qui, à lévidence, léloignent de son célèbre devancier.

Maistre, dans sa lecture de lœuvre de Bossuet6, révèle en vérité les tensions qui affectent son rapport aux autorités du passé sur lesquelles il fonde sa philosophie. Les bouleversements historiques dont il est le témoin lont placé dans une situation paradoxale où la fidélité aux mêmes principes que ses inspirateurs implique quil se sépare deux pour adapter sa propre pensée à des réalités politiques que ne pouvaient prévoir ces défenseurs du Trône et de lAutel. Ainsi, la philosophie de lautorité de Maistre, en dépit de ses ressemblances manifestes avec la doctrine professée par Bossuet, vaut surtout par les déplacements significatifs quelle opère, en ce quils révèlent les inévitables remaniements que lui impose le monde postrévolutionnaire.

Continuités

Examinons cependant, pour commencer, les points par lesquels Maistre peut à juste titre se dire lhéritier de Bossuet. Le premier dentre eux est leur commun attachement à labsolutisme, cest-à-dire au principe fondant sur le droit divin le pouvoir absolu du souverain. Maistre, comme Bossuet, défend lidée selon laquelle la souveraineté étant dorigine surnaturelle et Dieu faisant connaître sa volonté par le cours de lhistoire, tout pouvoir est légitime dès lors quil est établi dans la durée. Pour les deux penseurs il sensuit que les habitants dun pays7

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ont le devoir de respecter le gouvernement dont ils dépendent, puisque chaque mode de souveraineté ne saurait persister sans le consentement de la Providence. Il nen est pas moins vrai, pour lun comme pour lautre, que la forme idéale du pouvoir souverain, dont la supériorité ne fait selon eux aucun doute, est la monarchie héréditaire : si chaque forme de gouvernement que le temps consacre peut se prévaloir dune légitimité transcendante, la souveraineté, en son principe, « ne peut être exercée que par un organe unique8 ». En la divisant, on prend le risque de la détruire : seul un monarque peut donc se dire le « représentant » et l« image de Dieu même9 ».

Maistre rejoint encore Bossuet quand il définit la nature et les propriétés de lautorité royale. Un monarque absolu, affirment-ils tous deux, nest pas un despote. Sans doute, le roi, en tant que représentant de lautorité divine, doit être obéi lorsquil exprime sa volonté souveraine. Son pouvoir en ce sens est irrésistible : rien ne saurait excuser quon se rebelle contre lui, dès lors que le monarque incarne, dans sa personne, la légitimité des lois. Mais, comme lécrit Bossuet, « cest autre chose que le gouvernement soit absolu, autre chose quil soit arbitraire10 ». Maistre pense de même que la monarchie absolue, parce quelle repose sur un ordre transcendant qui passe la mesure humaine, soumet celui qui lexerce aux lois divines manifestées par les lois fondamentales de lÉtat. Cest ce qui distingue les rois chrétiens des despotes orientaux : alors que ces derniers peuvent « disposer à [leur] gré, non seulement des biens, mais encore de la vie de [leurs] sujets, comme on ferait des esclaves11 », le droit nayant pour eux dautre expression que leur caprice, les monarques absolus, tels que les a faits le christianisme, « sont soumis aux lois, non quant à la puissance coactive, mais quant à la puissance directive12 » : ces souverains légitimes, en dautres termes, ne peuvent subir de contrainte, mais nen sont pas moins tenus de suivre les décrets que le législateur divin a fixés à la nation quils gouvernent.

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Car Dieu manifeste sa volonté à travers les institutions politiques et religieuses auxquelles le temps a permis de prospérer. La Providence, pour Maistre comme pour Bossuet, est le nom de ce principe supérieur qui soustrait lhistoire au hasard et manifeste lœuvre divine à travers les âges. Ce nest pas un hasard, comme Jean-Louis Darcel la remarqué, si les Considérations sur la France commencent là où sachève le Discours sur lhistoire universelle : la phrase célèbre par laquelle souvre louvrage de Maistre – « Nous sommes attachés au trône de lÊtre suprême par une chaîne souple qui nous retient sans nous asservir13 » – fait écho, dans un autre registre métaphorique, à la conclusion de Bossuet : « Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les royaumes ; il a tous les cœurs en sa main : tantôt il retient les passions ; tantôt il leur lâche la bride ; et par là il remue tout le genre humain14. »

Saccordant à faire de Dieu la cause première de toute chaîne événementielle, les deux penseurs considèrent que lhistoire humaine tire sa pleine intelligibilité de la Révélation qui loriente et en recèle lultime signification. Maistre, qui renoue ainsi avec lapologétique de lâge classique, entend lire les transformations sociales dont il est le témoin à la lumière du providentialisme de Bossuet, dont il invoque lautorité pour rappeler que la France « exerce sur lEurope une véritable magistrature », quelle est « surtout à la tête du système religieux » et que son roi, non sans raison, est dit « très chrétien15 » : cest parce quelle a abusé de ces prérogatives « de la manière la plus coupable », en employant « son influence pour contredire sa vocation », quelle a été frappée par la Révolution, châtiment de « tous ceux qui ont travaillé à affranchir le peuple de sa croyance religieuse » et à affaiblir « les lois fondamentales de lÉtat16 ».

Lhomme, dont Bossuet comme Maistre postulent la liberté, demeure un instrument entre les mains de Dieu, cest-à-dire une cause seconde dans lengendrement des événements : cest ainsi quil concourt à des fins quil ne saurait apercevoir, ad majorem Dei gloriam. Il a certes la possibilité dagir, ce qui explique que le mal se propage parfois sur la terre, mais les effets quil obtient échappent à sa volonté : il est fréquent

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qu« en courant à un certain but », il en obtienne « un autre17 ». Cela est particulièrement vrai pour tout ce qui touche aux affaires religieuses et politiques : pour Maistre, comme pour Bossuet, Dieu « circonscrit [] laction humaine18 » de telle sorte que ceux qui paraissent se mêler directement de tels sujets « ne soient néanmoins que des circonstances19 ».

Le providentialisme maistrien, sil laisse peu de place à la liberté humaine, ne condamne pas lhomme à une passivité absolue, mais lui impose daccorder sa volonté à ce que Dieu a décidé à des fins qui sont les siennes. Cela ne signifie nullement, dans lesprit de Maistre, que lhomme doive subir avec fatalisme les décrets de la Providence : il doit la seconder « comme un ministre intelligent, libre et soumis, avec la volonté antérieure et déterminée dobéir aux plans de celui qui lenvoie20 ». De là, lefficacité de la réversibilité des mérites, dont Bossuet lui sert avec Origène à établir la légitimité21, et « lutilité de la prière », cette « dynamique confiée à lhomme22 », qui lui permet « dannuler » sinon « leffort » du moins « le résultat de laction divine23 » : se référant encore à Bossuet, Maistre souligne « la force opératoire24 » de cette pieuse activité, en vertu de laquelle la causalité humaine peut sajouter à la causalité divine25. Il conserve ainsi une réelle liberté à lhomme, dont les

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actions nen restent pas moins « sous la main divine26 » : tel est le paradoxe chrétien dun être « librement esclave », qui a tout loisir dexercer sa volonté, « sans pouvoir déranger les plans généraux27 ».

Maistre se situe également dans la postérité de Bossuet dans sa condamnation du protestantisme. Lun comme lautre voient dans la Réforme une orgueilleuse présomption de lindividualisme moderne, qui prétend faire de chaque homme le maître de sa religion par le droit dexamen et qui le conduit ainsi à laffranchissement de toute autorité légitime. Peignant létat du christianisme en Europe, Maistre loue lauteur de lHistoire des variations et de lAvertissement aux protestants davoir prédit « de toute sa puissance » que les partisans de cette « fatale Réforme » seraient menés par elle « droit au socinianisme28 » et à lanéantissement de la foi par la raison.

Maistre reprend encore les arguments de Bossuet lorsquil relève lincapacité des sectes protestantes à établir une Église, malgré la multiplication de leurs synodes. En mettant « la discussion à la place de lobéissance », le protestantisme na pas seulement renoncé à « luniversalité de croyance29 » au profit du pullulement des opinions particulières30, il a révélé la vraie nature de son schisme, qui ne saurait être considéré comme lacte fondateur dune nouvelle religion, mais plutôt comme « une négation31 » annonçant et préparant la Révolution française. Cest là, paradoxalement, la seule unité dont les cultes réformés soient capables : divisés par laction dissolvante de ce jugement quils attribuent « à chaque individu comme un droit inhérent et inaliénable32 », ils sont

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uniquement soudés par la puissance négatrice qui les pousse à contester la souveraineté catholique et monarchique.

Comme Bossuet dont il reprend maints extraits du Sermon sur lunité, Maistre affirme au contraire linfaillibilité de lÉglise romaine dans ses dogmes et son interprétation de lÉcriture sainte33. Le jugement particulier, même se réclamant de lautorité des textes sacrés, ne saurait primer sur la tradition exégétique transmise depuis des siècles par les clercs, qui tirent du Verbe divin sa signification dogmatique et en imposent à tous le respect par leur enseignement. Cette défense du Magistère, dont Maistre oppose la solidité aux variations protestantes, ne lempêche pas dappeler à « la réunion des Églises », cette « grande question34 » que Bossuet avant lui ne craignit pas daborder dans sa correspondance avec Leibniz. Mais cet esprit de conciliation nest pas sans arrière-pensée chez Maistre : en traitant les protestants comme des frères, il espère rallier parmi eux les croyants sincères à la cause de la religion universelle et former ainsi une communauté de foi plus forte pour lutter contre lincrédulité moderne. Cependant, cette prudence politique ne modifie en rien ses convictions. Au fond de lui, il entend rester fidèle à cet axiome : « catholique ou rien35. »

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Déplacements

Sur certains points, Maistre, dans sa volonté de mener un combat sans merci contre les idées néfastes qui ont engendré la Révolution française, entend rénover, voire corriger la tradition de pensée à laquelle il appartient comme Bossuet. Ainsi ne se pose-t-il pas seulement en défenseur de labsolutisme, à la manière de lillustre prédicateur du Grand Siècle. Il se propose, comme la montré Jean-Yves Pranchère, de « rétablir lidée absolutiste36 », en la débarrassant des potentialités destructrices de lAncien Régime que les révolutionnaires de 1789 ont utilisées contre la monarchie.

Alors que Bossuet, soucieux de distinguer la monarchie absolue du féodalisme, insiste sur la liberté des citoyens que le pouvoir paternel du souverain affranchit « de toute oppression et de toute violence37 » et quil met ces mêmes citoyens sur un pied dégalité devant la justice royale38, Maistre sefforce au contraire daccentuer la dimension autoritaire du pouvoir monarchique et lanéantissement de lindividu devant la « raison nationale39 ». Contre les tendances libérales quil décèle à regret chez son auguste prédécesseur, il ne craint pas dinsister sur la toute-puissance des princes couronnés, allant même jusquà écrire dans une lettre à Vallaise : « contre notre légitime souverain, fût-il même un Néron, nous navons dautre droit que celui de nous laisser couper la tête, en disant respectueusement la vérité 40. »

Suivant ces vues, il se sépare également de Bossuet sur la question du despotisme : sil prend soin de distinguer lui aussi le pouvoir du monarque chrétien de celui du tyran41, il se montre moins sévère à légard

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de ce dernier. « Le despotisme nest mauvais – affirme-t-il dans lÉtude sur la souveraineté – que lorsquil sintroduit dans un pays fait pour un autre gouvernement, ou lorsquil se corrompt dans un pays où il est à sa place42. » Sil est illégitime, ce nest pas parce quil se situe au-dessus des lois, mais parce quil ne convient pas « aux circonstances où Dieu la placé », considérant quil y était la « combinaison constitutionnelle optimale43 ». Maistre pense au fond quil y a peu de différence entre la monarchie absolue et le despotisme oriental. Dans lun et lautre cas, le prince, parce quil détient lultime pouvoir de décision, est le maître dimposer à tous sa volonté souveraine : au regard des autres hommes, il est libre de « faire le mal impunément44 ». Et, dans lun et lautre cas encore, il existe toujours « une force quelconque » placée à côté de la souveraineté – loi divine pour lun, menace dassassinat pour lautre – « qui lui sert de frein45 ». Alors que, pour Bossuet, la monarchie absolue sappuie sur le droit pour édifier un nouvel État sur les ruines de la féodalité, Maistre insiste quant à lui sur un tout autre point : à ses yeux, lessence de la souveraineté, quelle soit arbitraire ou régie par une loi fondamentale, est de navoir en droit aucune limite autre que le fait46. Cest pourquoi se pose selon lui la question dune autre puissance souveraine ayant juridiquement le pouvoir de limiter de lextérieur la souveraineté du monarque absolu : cest le rôle quil assignera à lévêque de Rome dans Du pape, lui seul étant investi dune infaillibilité spirituelle capable de tempérer lirrésistible pouvoir temporel des rois chrétiens.

Dans lapproche de cette autre question, lirrésistibilité de la souveraineté, Maistre séloigne à nouveau de Bossuet. Pour celui-ci, le pouvoir royal est assujetti à la loi divine qui fixe sa limite : aucun monarque ne saurait se délivrer légitimement des impératifs moraux que Dieu a exprimés dans ses commandements, et le monarque doit respecter, comme les autres hommes, ses frères, les principes qui régissent la communauté

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des chrétiens. Du fait de leur puissance, les rois, plus que quiconque, ont des devoirs quil leur faut chérir avec une fidélité scrupuleuse. Si leur volonté est irrésistible, ils nont pas la liberté den mésuser en toute impunité : la Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte insiste sur les terribles peines auxquelles labus de leur autorité expose ces rois, « la primauté dans les supplices » répondant à « la primauté de leur état47 ». Ce nest rien de moins que lenfer dont la menace plane, selon Bossuet, sur ceux qui violent la loi divine.

Maistre, en réaction sans doute au constitutionalisme de son siècle, modère au contraire ses propres considérations sur les devoirs qui bornent le pouvoir des souverains. Pour lui, labsolutisme fonde certes sa légitimité sur le respect de lois fondamentales dorigine divine, mais celles-ci sidentifient moins à des principes moraux universels, dont la source serait dans les Saintes Écritures, quà un ordre naturel non écrit quil assimile aux préjugés immémoriaux dans lesquels senracinent lesprit dune nation et ses traditions. Comme Bonald, il confond cet ordre naturel avec les lois politiques qui régissent la société. Le pouvoir absolu est ainsi limité non pas par des principes moraux, mais par une nécessité naturelle et sociale : tout roi prenant des mesures contraires au caractère de la nation quil gouverne doit savoir quil sera vaincu par linvincible nature des choses et que lordre originel sera tôt ou tard rétabli.

Cest donc la crainte des révolutions qui doit rappeler les souverains à la sagesse : alors que Bossuet était attentif à donner un fondement moral à la légitimité politique, Maistre règle lart de gouverner sur un rapport de forces, dans lequel le respect du droit est commandé au monarque absolu par le seul intérêt de la conservation de son pouvoir. Jean-Yves Pranchère voit à juste titre dans cette évolution « une radicalisation de lautoritarisme48 ». La terrible responsabilité dont le monarque est investi par Dieu dans la pensée de Bossuet cède la place dans celle de Maistre à un pragmatisme politique fondé sur la juste appréciation de létat de la société et des forces qui la traversent : ce nest plus le salut de son âme que risque le souverain, mais la privation de son pouvoir, si limprudence lui dicte des décisions contraires à la tradition nationale, qui en viennent à agiter dangereusement le corps social.

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Enfin, si la pensée de Maistre embrasse lhistoire universelle, elle y introduit « une eschatologie49 », qui modifie substantiellement le providentialisme de Bossuet. Celui-ci soutient lidée que « la vérité venue de Dieu ne peut souffrir de variations et quelle atteint dabord toute sa perfection50 ». Tous les éléments composant lunivers ont reçu au premier jour leurs lois particulières, qui entretiennent de « secrets rapports » avec la Providence, « cette loi éternelle qui réside dans le Créateur51 » : dans limmensité, « tout marche en concours et en unité suivant lordre immuable de sa sagesse52 ». Bossuet, dans son Sermon sur la Providence, peint Dieu tel un architecte qui, dès lorigine, a veillé à lharmonie de sa création : de par sa volonté, « un conseil éternel » conduit en secret tous « ces événements que le temps semble déployer avec une si prodigieuse incertitude53 ». La permanence dun ordre donné ab initio prévaut sur lapparente mutabilité des choses humaines.

Pour Maistre, au contraire, lordre universel ne saurait être ramené à une loi de la nature soustraite à lhistoire, dont Dieu est à ses yeux le maître absolu. En contemporain de la Révolution, il voit dans les événements de cette époque le signe avant-coureur dune rénovation religieuse qui doit sétendre aux dimensions de lunivers. Tout indique selon lui que les temps modernes sont « dans un état denfantement54 » : Les Soirées de Saint-Pétersbourg, dans le onzième et dernier entretien, scrutent lémergence de ce « grand événement dans le cercle religieux55 ».

Pleine de mystère, lhistoire humaine voit saffronter deux principes en devenir, le Bien et le Mal, que la Providence na pas immobilisés. Tout nest pas éclairci dans cette histoire : son déroulement providentiel, loin dêtre la révélation dun plan immuable, fait place à une réserve de sens, dont lépuisement dépend, pour Maistre, de lavenir du christianisme. Alors que la Chute semble redoubler dans une Europe où

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lincroyance sallie aux prétentions des foules démocratiques, le penseur savoisien tente dapercevoir dans la transformation générale de la société un accomplissement des desseins providentiels. Lespérance chrétienne lui commande de considérer lintensification du Mal comme lindice d« une troisième explosion de la toute-puissante bonté en faveur du genre humain56 ».

Par cette formule, qui souligne sa dette à légard du millénarisme de Joachim de Flore57, Maistre envisage la possibilité dune nouvelle épiphanie achevant, en un troisième Règne, ceux du Père et du Fils. Cette attente dune Révélation à venir est assurément la dérive la plus nette de son providentialisme vers lhétérodoxie. Se gardant de contester le dogme catholique, Maistre cependant ne donne que des contours assez vagues au troisième Règne dont il prédit le proche avènement. Il se sépare de Joachim de Flore, lorsque celui-ci annonce tout à la fois un nouvel Évangile et une profonde métamorphose de lÉglise. Se démarquant dans Du pape de toute dérive illuministe, il présente ainsi comme une « curiosité » les « idées apocalyptiques » qui se sont emparées d« une foule de têtes58 » : cest sur le mode de la plaisanterie quil envisage que « létat actuel du catholicisme » puisse être lindice dun « passage à un autre ordre de choses, infiniment supérieur59 ».

Alors que le messianisme romantique prêchera volontiers une nouvelle religion et proclamera la fin de Satan, Maistre voit surtout dans la Révélation quil espère un accomplissement du catholicisme sopérant dans une transfiguration, et non pas au prix dun dépassement. Reste que la dimension eschatologique de son providentialisme, si étrangère à celui de Bossuet, donne un tour paradoxal à son conservatisme, comme à sa philosophie de lhistoire fondée sur léconomie sacrificielle du « dogme de la réversibilité60 ». Car celle-ci ne se justifie que temporairement, dans lattente de la mystérieuse tabula rasa que Dieu doit opérer en personne, lors dune révolution religieuse au terme de laquelle la violence et liniquité ne devraient plus avoir cours ici-bas.

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Ruptures

Cependant, Maistre ne se contente pas dadapter sur plusieurs points la philosophie de lautorité que lui a léguée Bossuet. Même sil semploie, au moins dans ses publications, à minimiser tout différend doctrinal avec celui qui reste à ses yeux une haute figure intellectuelle, il soppose à lui sur quelques questions qui marquent entre eux une véritable ligne de fracture.

Ainsi, la question du gallicanisme conduit-elle Maistre, selon ses propres dires, à un « duel » polémique avec Bossuet, redoutable adversaire que le penseur savoisien se targue auprès dun de ses correspondants davoir « attaqué de face61 » dans Du pape et De lÉglise gallicane, l« autorité gigantesque » du rédacteur de la Déclaration du clergé étant devenue selon lui « un des grands maux de lÉglise62 ». Le texte de 1682, il est vrai, a tout pour le révolter. En premier lieu, ce « chiffon », « le plus misérable [] de lhistoire ecclésiastique63 », a eu la prétention de « décider par écrit et sans nécessité, même apparente », une question quil aurait fallu traiter, avec « une certaine sagesse pratique », en se référant aux traditions nationales : il confirme aux yeux de Maistre « le néant de lécriture dans les grandes institutions64 ». Il a en outre porté atteinte à « lautorité du Pape », en abordant dans ses quatre articles « des points de doctrine qui ne pouvaient être agités que par lÉglise universelle65 » : ses rédacteurs se sont arrogé un pouvoir que navait pas lassemblée dont ils consignaient les décisions ; affirmant les libertés gallicanes, ils ont effectué le même travail de sape que les protestants par leurs prétentions réformatrices.

Concluant quune doctrine qui place le concile au-dessus du pape renverse le catholicisme, Maistre, en ultramontain convaincu, ne voit

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dans le gallicanisme rien dautre quune des sources intellectuelles de la Révolution française. Aussi insiste-t-il sur sa négativité, tout en éludant ce qui, dans la thèse défendue par Bossuet, est destiné à renforcer labsolutisme français : refusant de considérer largument selon lequel le pouvoir absolu du monarque, indivis par nature, ne saurait être partagé, Maistre préfère se ranger du côté de Suárez et de Bellarmin lorsquils affirment linfaillibilité des successeurs de Pierre en matière dogmatique et leur souveraineté, quils tiennent de Dieu, sur le troupeau de Jésus-Christ.

LÉglise, comme il lécrit à Blacas, est selon lui une « ellipse » ayant « un foyer à Rome et lautre à Paris66 ». Cette position, comme la montré Jean-Yves Pranchère67, présente quelques difficultés, car elle laisse dans le flou les modalités de la coexistence harmonieuse de ces deux souverainetés, temporelle et spirituelle. Pour des raisons dopportunité politique, dans lEurope de la Sainte-Alliance où la Révolution, momentanément jugulée, poursuit son œuvre rampante, Maistre préfère souligner la continuité de lune à lautre et leur profonde solidarité : le pape et le roi sont lun pour lautre « le meilleur soutien possible68 », lun ne saurait maintenir sa souveraineté sans lappui de lautre. Malgré la sévérité quil manifeste parfois en privé, il veille aussi dans son œuvre à relativiser le gallicanisme de Bossuet : soucieux de ne pas abandonner une telle autorité à ses adversaires, il sefforce de minimiser son rôle et de montrer ses réticences, en sappuyant sur diverses sources, tels les opuscules de Fleury et la biographie du cardinal de Bausset.

Considérant comme une inconséquence laction de Bossuet contre linfaillibilité pontificale, il y décèle lentregent d« un homme favorable et agréable à la puissance69 ». Dévoué à son souverain, animé à son égard dune « certaine foi monarchique70 », léminent prélat a servi les intérêts de son maître dans lassemblée de 1682, où il a néanmoins fait office de « modérateur71 », en semployant à atténuer les excès du clergé galli

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can dans la rédaction des quatre articles. « Entraîné par dinvincibles circonstances à défendre des propositions72 » quil réprouvait en son for intérieur, il a tenté de préserver la Déclaration dune « rédaction [] schismatique73 », « le gallicanisme dun penseur tout entier voué à la défense de lautorité ne pouv[ant] être que superficiel74 ».

Cest la raison pour laquelle Maistre refuse dattribuer à Bossuet la paternité de la Défense de la déclaration de lAssemblée du clergé de France, dans létat où elle a été rendue publique après sa mort. Ce mauvais livre, dont le rédacteur adopte « la manière protestante », cest-à-dire un odieux « esprit de chicane75 », dresse le long catalogue des abus de pouvoir du Saint-Siège et exalte hors de toute mesure les libertés gallicanes. Lévêque de Meaux, sil lavait publié en personne, se serait chargé devant lhistoire dune immense responsabilité. Maistre préfère supposer que cet ouvrage posthume « nappartient pas à Bossuet », mais est « un faux incontestable76 » que des mains fanatiques ont substitué à « louvrage tout différent77 » que le vieux prélat avait laissé inachevé à sa disparition.

Ces hypothèses trahissent néanmoins un certain embarras qui ressurgit lorsque Maistre considère « lamour des jansénistes78 » pour un dignitaire ecclésiastique qui na jamais cessé de les ménager avec une coupable indulgence. Examinant la conduite de Bossuet au cours de lassemblée générale du clergé de 1700, Maistre sétonne en effet de le voir sattacher à faire condamner la morale des casuistes, au même titre que la secte de Port-Royal, comme si lune et lautre faisaient peser sur lÉglise des menaces identiques. Cette « iniquité manifeste79 », qui confond dans une « condamnation réciproque80 » le molinisme et le jansénisme, le plonge dans lindignation, car elle met sur le même plan « un système catholique » et « une hérésie81 », dont les partisans sont connus pour leur « résistance à lautorité82 » : « Bossuet – écrit-il – na pas de plus sincère

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admirateur que moi ; je sais ce quon lui doit ; mais le respect que jai voué à sa brillante mémoire ne mempêchera point de convenir quil se trompe ici, et même quil se trompe évidemment83. »

Lerreur de jugement, sinon la faute, de Bossuet est dautant plus manifeste aux yeux de Maistre que le prélat, au cours de cette même assemblée, a fait preuve en réalité dune inexplicable mansuétude envers les jansénistes, en refusant de les traiter en hérétiques sous prétexte quils condamnaient les cinq propositions rejetées par Rome. Maistre sétonne quun aussi grand esprit que lauteur du Discours sur lhistoire universelle « ait pu croire un instant à la bonne foi » des « ennemis les plus dangereux de lÉglise84 » : « Sil y a quelque chose dinexplicable dans lhistoire de ces temps et de ces choses, cest la conduite de Bossuet à légard du jansénisme85. »

Maistre, qui tente cependant dexpliquer cette conduite, est attentif à « ôter aux jansénistes le plaisir de leur donner Bossuet86 ». Blâmant ceux qui enrôlent lévêque de Meaux dans la secte, il affirme quon ne saurait « élever le moindre doute sur la sincérité de ses sentiments et de ses déclarations87 » condamnant les disciples de Jansénius. Cela ne lempêche ni de lui reprocher davoir manqué de clairvoyance, en fixant son attention sur les cinq propositions, qui sont « la peccadille du jansénisme », au lieu dexaminer « son caractère politique88 », ni de regretter plus encore la « grande affinité89 » qui permet in fine de comprendre sa regrettable clémence. Bossuet, à en croire Maistre, avait quelques raisons théologiques de ne pas haïr le jansénisme et de ne pas voir en lui un ennemi : outre son augustinisme, son thomisme rigide, qui le conduisait à reprendre la thèse de la prémotion physique – cest-à-dire du secours divin octroyé à une volonté en acte – et, par-dessus tout, son gallicanisme limitant lautorité pontificale, qui ne pouvait que plaire aux solitaires de Port-Royal.

La complaisance de Bossuet à légard du jansénisme fait un saisissant contraste avec son acharnement contre lauteur de Télémaque. Maistre,

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qui parle de larchevêque de Cambrai comme du « grand Fénelon » et qui le considère comme « lhonneur de la France, lhonneur de son siècle, lhonneur de lhumanité90 », amplifie encore cet hommage dans De lÉglise gallicane où, dans un portrait flatteur, il vante les mérites de lhistorien, du philosophe et de léducateur des princes, « né pour voir et pour dire la vérité91 ». La « grandeur idéale92 » de Fénelon, dont Maistre partage les vues sur la question gallicane, lui permet de mettre en évidence, par contraste, le point de vue borné de Bossuet sur le même sujet. Alors que ce dernier admet qu« un jugement du Pape, en matière de foi » puisse être examiné par le clergé français avant davoir force de loi, Fénelon est « plus clair », lorsquil soutient, dans les Maximes des saints, que « toute discussion est défendue aux Évêques », une fois que « le Souverain Pontife a parlé93 ».

De même, sur la question du « droit dexcommunier des souverains », Maistre oppose le point de vue de Fénelon, dans lequel il se retrouve, à celui de la Défense de la déclaration du lassemblée du clergé de France, qui conteste cette prérogative du pape94. Tout en reconnaissant que « lordre sacerdotal » ne saurait échapper « à toute juridiction temporelle », Maistre insiste sur le fait que « le pouvoir temporel », symétriquement, ne peut se soustraire « à toute juridiction spirituelle95 ». Sur ce sujet, Fénelon a le double mérite davoir rappelé fermement ce principe et den avoir laissé les règles dapplication « dans une salutaire obscurité96 ». Maistre lui rend grâce davoir énoncé « lincontestable vérité » en disant dans une formule laconique que « lÉglise peut excommunier le prince, et le prince faire mourir le pasteur », chacun ne devant user de ce « vrai droit » qu« à toute extrémité97 ».

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Maistre saccorde aussi avec Fénelon sur la question du jansénisme. Il souligne sa clairvoyance sur les dangers de cette secte contre laquelle il a eu raison de mettre en garde Louis XIV. Dans De lÉglise gallicane, il le cite contre Pascal pour dénoncer l« insupportable sophisme98 » de lauteur des Provinciales lorsquil feint dignorer létat de rébellion où il sest placé en souscrivant aux cinq propositions de Jansénius. Maistre saccorde avec Fénelon pour reprocher à Pascal davoir professé effrontément « une opinion sur des matières théologiques, sans en avoir le droit99 ».

Aussi, dans la querelle du quiétisme pour lequel il éprouve quelque sympathie100, nest-on guère surpris de voir Maistre prendre le parti de Fénelon contre Bossuet qui sest trompé dennemi, lui si complaisant à légard du jansénisme, en se montrant inexorable à légard de son confrère. Le penseur savoisien, qui se plaît, dans cette affaire, à mettre Bossuet en contradiction avec les principes de la Déclaration du clergé gallican, relève dabord quen portant la cause à Rome et en soumettant le sort de Fénelon au « jugement du Pape », lévêque de Meaux a contredit « les maximes de 1682101 ». Mais cest aussitôt pour laisser entendre que pour forcer Fénelon à lobéissance, Bossuet, suivant les extrêmes conséquences des quatre articles, nexcluait pas de « procéder contre lui » devant un tribunal civil, sans plus se préoccuper de lavis du chef de lÉglise.

Maistre lui reproche enfin davoir passé la mesure en portant sur son confrère, dans le Mémoire adressé au Saint-Siège, de terribles accusations102 « pour des infiniment petits qui fatiguaient les yeux des examinateurs romains103 » : « Il est impossible – écrit-il – deffacer dans le mémoire

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des expressions trop inexcusables. Tirons le voile sur cette malheureuse époque de la vie dun grand homme104. » Cest moins la culpabilité de Fénelon qui retient finalement lattention de Maistre que lassentiment complaisant de Bossuet à la « tyrannie effrénée » de Louis XIV à légard du pape Innocent XII : par un « scandaleux abus de la force » le roi et son serviteur zélé ont arraché au pape, malgré sa répugnance, la condamnation d« un des plus grands hommes qui aient illustré la France et lÉglise105 ».

Lœuvre de Bossuet constitue pour Maistre un legs inestimable auquel il se réfère avec une admiration sincère. Mais le penseur et lécrivain religieux du Grand Siècle, par certains côtés, ont fait leur temps, et lauteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, en dépit de son attachement à la tradition dont il est lhéritier, mesure ce qui, à laube du xixe siècle, fait aussi de lui le juge de son aîné devant lhistoire.

« Personne – écrit-il – nest plus pénétré que je ne le suis de tout ce que la religion et les lettres doivent à lillustre Bossuet ; mais il faut aussi avoir le courage de convenir quil a eu des torts incontestables. Il aurait dû mourir après avoir prononcé le sermon sur lunité, comme Scipion lAfricain aurait dû mourir après la bataille de Zama : il y a, dans la vie de certains grands hommes, certains moments après lesquels ils nont plus rien à faire dans ce monde106. »

Pierre Glaudes

Université Paris-Sorbonne

1 Voir Richard Lebrun, « Les lectures de Joseph de Maistre daprès ses registres inédits », Revue des études maistriennes, no 9, 1985, p. 133-137.

2 De la souveraineté du peuple, livre second, chap. iv, éd. Jean-Louis Darcel, Paris, PUF, 1992, p. 226.

3 Joseph de Maistre, lettre du 24 décembre 1811 au comte de Blacas, citée par Ernest Daudet, Joseph de Maistre et Blacas : leur correspondance inédite et lhistoire de leur amitié, 1804-1820, Paris, Plon-Nourrit, 1908, p. 153.

4 Ibid.

5 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. xii, Œuvres complètes, t. III, Lyon, Vitte, 1884, p. 223.

6 Voir Camille Latreille, « Bossuet et Joseph de Maistre », Revue dhistoire littéraire de la France, t. XI, avril-juin 1904, p. 263-281 ; t. XII, janvier-mars 1905, p. 84-106 ; avril-juin, p. 257-281 ; juillet-septembre, p. 453-466 ; Philippe Boutry, « Joseph de Maistre lecteur de Bossuet », dans Gérard Ferreyrolles (dir.), Bossuet. Le Verbe et lHistoire (1704-2004), Paris, Champion, 2006, p. 377-403 ; Jean-Yves Pranchère, « Bossuet », Dictionnaire, dans Œuvres, éd. Pierre Glaudes, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, p. 1141-1142.

7 Voir Bossuet, Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, livre deuxième, conclusion, éd. Jacques Le Brun, Genève, Droz, 1967, p. 63 : « Chaque peuple doit suivre comme un ordre divin le gouvernement établi en son pays. »

8 Joseph de Maistre, Du pape, livre premier, chap. xix, Œuvres complètes, t. II, éd. citée, p. 157.

9 Ibid., livre second, chap. iii, p. 177.

10 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, livre huitième, article II, ire proposition, éd. citée, p. 292.

11 Ibid.

12 Ibid., livre quatrième, article I, ive proposition, p. 97.

13 Joseph de Maistre, Considérations sur la France, chap. i, Œuvres, éd. citée, p. 199.

14 Bossuet, Discours sur lhistoire universelle, troisième partie, chap. viii, Œuvres complètes, t. XXV, éd. Félix Lachat, Paris, Louis Vivès, 1862-1866, p. 653.

15 Joseph de Maistre, Considérations sur la France, chap. ii, Œuvres, éd. citée, p. 202.

16 Ibid., p. 202-203.

17 Ibid., chap. vi, p. 232.

18 Ibid.

19 Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, XXVII, Œuvres, éd. citée, p. 382.

20 Joseph de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, premier entretien, Œuvres, éd. citée, p. 478.

21 Voir la référence à Bossuet donnée en note dans lÉclaircissement sur les sacrifices, chap. iii (Œuvres, éd. citée, p. 836), pour illustrer la « loi » en vertu de laquelle les victimes purifient ceux pour qui elles sont immolées : « Les martyrs administrent la rémission des péchés ; leur martyre, à lexemple de celui de Jésus-Christ, est un baptême où les péchés de plusieurs sont expiés ; et nous pouvons en quelque sorte être rachetés par le sang précieux des martyrs comme par le sang précieux de Jésus-Christ (Bossuet, Médit. pour le temps du jubilé, cinquième point). »

22 Joseph de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, cinquième entretien, Œuvres, éd. citée, p. 593.

23 Ibid., p. 591.

24 Ibid., p. 482. Maistre renvoie à un passage de lOraison funèbre de Henriette-Anne dAngleterre, duchesse dOrléans où Bossuet évoque « ces prières apostoliques qui, par une espèce de charme divin, suspendent les douleurs les plus violentes et font oublier la mort » (Œuvres complètes, t. XII, éd. citée, p. 493).

25 Se référant à un passage de lÉvangile selon saint Luc, Maistre va même jusquà soutenir que « Dieu veut des choses qui narrivent pas, parce que lhomme ne veut pas » (Les Soirées de Saint-Pétersbourg, cinquième entretien, éd. citée, p. 591). Le passage cité de lÉvangile se trouve en Luc, XIII, 24.

26 Joseph de Maistre, Considérations sur la France, chap. i, éd. citée, p. 199.

27 Ibid.

28 Joseph de Maistre, Lettre à M. le Marquis… sur létat du christianisme en Europe, Œuvres complètes, t. VIII, éd. citée, p. 485.

29 Joseph de Maistre, Sur le protestantisme, Œuvres, éd. citée, p. 312.

30 Voir la célèbre formule de Bossuet dans la préface de lHistoire des variations des Églises protestantes : « Le propre de lhérétique, cest-à-dire de celui qui a une opinion particulière – affirme Bossuet –, est de sattacher à ses propres pensées » (Œuvres complètes, t. XIV, éd. citée, p. 17).

31 Joseph de Maistre, Lettre à M. le Marquis… sur létat du christianisme en Europe, éd. citée, p. 486.

32 Joseph de Maistre, Quatre chapitres sur la Russie, chap. iii, Œuvres complètes, t. VIII, éd. citée, p. 317. Maistre nignore pas que Bossuet a dénoncé larbitraire de ce jugement individuel. Voir Traité de la communion sous les deux espèces, seconde partie, IV, Œuvres complètes, t. XVI, éd. citée, p. 309 : « Quand on permet aux particuliers, comme font nos prétendus réformés, dinterpréter chacun à part soi lÉcriture sainte, on donne lieu nécessairement aux interprétations arbitraires ; et en effet, on la soumet aux pensées des hommes, qui la prennent chacun à leur mode : mais quand chaque particulier se sent obligé à la prendre comme la prend et la toujours prise toute lÉglise, il ny a rien qui élève plus lautorité de lÉcriture, ni qui la rende plus indépendante de tous les sentiments particuliers. »

33 Voir Joseph de Maistre, Du pape, livre premier, chap. vi, éd. citée, p. 34 : « [La suprématie monarchique des Souverains Pontifes] na point été sans doute, dans son origine, ce quelle fut quelques siècles après ; mais cest en cela précisément quelle se montre divine : car, tout ce qui existe légitimement et pour des siècles, existe dabord en germe, et se développe successivement. / Bossuet a très heureusement exprimé ce genre dunité, et tous les privilèges de la chaire de saint Pierre, déjà visibles dans la personne de son premier possesseur. » Maistre cite, à lappui de ses allégations, un long passage du Sermon sur lunité de lÉglise, première partie : dans ce sermon où lon entend habituellement une voix gallicane, Bossuet, précise-t-il ailleurs, a en réalité cherché à « établir la doctrine catholique sur la suprématie romaine » (ibid., livre premier, chap. xi, p. 90) ; il faut le louer dy avoir dit que « la puissance du Pape est une puissance suprême ; que lÉglise est fondée sur son autorité ; que dans la chaire de saint Pierre réside la plénitude de la puissance apostolique [] » (ibid., livre premier chapitre xiii, p. 102).

34 Joseph de Maistre, Du pape, livre premier, chap. xiv, éd. citée, p. 110.

35 Joseph de Maistre, « Pensées inédites (1817-1821) », éd. Émile Dermenghem, Le Correspondant, t. 251, 25 mars 1922, p. 633.

36 Jean-Yves Pranchère, LAutorité contre les Lumières. La philosophie de Joseph de Maistre, Genève, Droz, 2004, p. 125.

37 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, livre huitième, article III, iie proposition, éd. citée, p. 293.

38 « Ce que la justice demande – écrit-il – cest légalité entre les citoyens et que celui qui opprime demeure toujours le plus faible devant la justice » (ibid., livre huitième, article I, ire proposition, p. 288).

39 Joseph de Maistre, De la souveraineté du peuple, livre premier, chap. xii, éd. citée, p. 168.

40 Joseph de Maistre, lettre doctobre 1815 au comte de Vallaise, Œuvres complètes, t. XIII, éd. citée, p. 164.

41 Voir Joseph de Maistre, Du pape, livre second, chap. vii, article ii, éd. citée, p. 232, qui reprend une formule prêtée à Grégoire VII : « un roi nest pas un tyran. »

42 Joseph de Maistre, De la souveraineté du peuple, livre second, chap. vii, éd. citée, p. 270.

43 Carolina Armenteros, The French Idea of History : Joseph de Maistre and his Heirs, 1794-1854, Ithaca et Londres, Cornell University Press, p. 78 (trad. française, LIdée française de lhistoire. Joseph de Maistre et sa postérité, 1794-1854, Paris, Garnier, 2013).

44 Joseph de Maistre, De la souveraineté du peuple, livre second, chap. i, éd. citée, p. 179.

45 Joseph de Maistre, Du pape, livre II, chap. ix, éd. citée, p. 255.

46 Selon Isaiah Berlin, « ce nest pas de lautoritarisme tel que le prônait Bossuet [] derrière se trouve quelque chose deffroyablement moderne [] cest le cœur de toutes les doctrines totalitaires » (Le Bois tordu de lhumanité. Romantisme, nationalisme et totalitarisme [1990], trad. franç. Marcel Thymbres, Paris, Albin Michel, 1992, p. 129-130).

47 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, livre quatrième, article II, ive proposition, éd. citée, p. 112.

48 Jean-Yves Pranchère, LAutorité contre les Lumières, op. cit., p. 174.

49 Marc Froidefont, Théologie de Joseph de Maistre, Paris, Garnier, 2010, p. 12.

50 Bossuet, Avertissement aux protestants, premier avertissement, XIV, Œuvres complètes, t. XV, éd. citée, p. 194.

51 Bossuet, Troisième sermon pour le dimanche de la Passion, Sur les causes de la haine des hommes pour la vérité, second point, Œuvres complètes, t. IX, éd. citée, p. 423.

52 Ibid.

53 Bossuet, Sermon sur la Providence, Œuvres complètes, t. VIII, éd. citée, p. 164.

54 Joseph de Maistre, lettre du 17 (29) octobre 1816 au comte de Vallaise, Œuvres complètes, t. XIII, éd. citée, p. 445.

55 Joseph de Maistre, lettre du 4 décembre 1820 à Louis de Bonald, Œuvres complètes, t. XIV, éd. citée, p. 246.

56 Joseph de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, onzième entretien, éd. citée, p. 767.

57 Voir Henri de Lubac, La Postérité spirituelle de Joachim de Flore, Paris-Namur, Lethielleux-Éditions Culture et Vérité, 1979.

58 Joseph de Maistre, Du pape, livre premier, chap. ix, n. 1, éd. citée, p. 70.

59 Ibid.

60 Joseph de Maistre, Éclaircissement sur les sacrifices, chap. i, éd. citée, p. 813.

61 Joseph de Maistre, lettre du 26 janvier 1818 à labbé Vuarin, Œuvres complètes, t. XIV, éd. citée, p. 124.

62 Ibid.

63 Joseph de Maistre, lettre du 3 juillet 1811 au comte de Blacas, cité par Ernest Daudet, Joseph de Maistre et Blacas : leur correspondance inédite et lhistoire de leur amitié, 1804-1820, op. cit., p. 126.

64 Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, XVIII et XIX, éd. citée, p. 377.

65 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. viii, éd. citée, p. 151.

66 Joseph de Maistre, lettre du 3 juillet 1811 au comte de Blacas, cité par Ernest Daudet, Joseph de Maistre et Blacas : leur correspondance inédite et lhistoire de leur amitié, 1804-1820, op. cit., p. 126.

67 Jean-Yves Pranchère, LAutorité contre les Lumières, op. cit., p. 244 sq.

68 Ibid., p. 245.

69 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. xii, éd. citée, p. 229.

70 Ibid., p. 223.

71 Ibid., livre second, chap. viii, p. 154.

72 Ibid., p. 163.

73 Ibid., p. 155.

74 Jean-Yves Pranchère, « Bossuet », art. cité, p. 1142.

75 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. viii, éd. citée, p. 165-166.

76 Ibid., p. 171-172.

77 Ibid., livre second, chap. ix, p. 193.

78 Ibid., livre second, chap. xii, p. 229.

79 Ibid., livre second, chap. xv, p. 265.

80 Ibid., p. 264.

81 Ibid., p. 266-267.

82 Ibid., p. 264.

83 Ibid., p. 265.

84 Ibid., livre second, chap. xi, p. 217-218.

85 Ibid., p. 215.

86 Joseph de Maistre, lettre du 22 juin 1819 à labbé Besson, Œuvres complètes, t. XIV, éd. citée, p. 178.

87 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. xi, éd. citée, p. 220.

88 Ibid.

89 Ibid., p. 221.

90 Joseph de Maistre, De la souveraineté du peuple, livre second, chap. iv, éd. citée, p. 226.

91 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre premier, chap. ix, éd. citée, p. 72.

92 Joseph de Maistre, Du pape, discours préliminaire, § II, éd. citée, p. xxxi.

93 Ibid., livre premier, chap. xvi, p. 143.

94 Maistre, qui rappelle les développements du Sermon sur lunité et de lAvertissement aux protestants sur l« éminente et inviolable autorité » de la papauté (De lÉglise gallicane, livre II, chap. xii, éd. citée, p. 233), sinterroge sur la sincérité de la Défense de la déclaration de lAssemblée du clergé : « Est-ce le même Bossuet qui a dit, dans cette même Défense, que les définitions des conciles généraux ont force de loi dès linstant de leur publication, avant que le Pape ait fait aucun décret pour les confirmer ; et que cette vérité est prouvée par les actes mêmes des conciles ? / Est-ce le même Bossuet qui a dit, toujours dans cette même Défense, que la confirmation donnée aux conciles par le Pape nest quun simple consentement ? [] » (Ibid., p. 233-234).

95 Joseph de Maistre, Du pape, livre second, chap. viii, éd. citée, p. 249.

96 Ibid., p. 248.

97 Ibid., p. 249.

98 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre premier, chap. ix, éd. citée, p. 72.

99 Ibid.

100 Voir « Fénelon », Dictionnaire, Œuvres, éd. citée, p. 1179 : « Lanéantissement de lindividu que suppose cette spiritualité, cette mort à soi quest le pur amour et cette adhésion à la Volonté divine quil implique au-delà de tout retour de la raison sur ses intérêts temporels sont de nature [] à séduire un penseur qui prône ladhésion aveugle des individus aux dogmes religieux et politiques de leur nation et leur abandon tranquille à lautorité. Cette acceptation humble et sereine de ses infirmités, ce dépouillement dans la foi permettant à lhomme de suivre le Dieu quil a inscrit dans le cœur, rejoignent, à bien des égards, la conception maistrienne de la conscience, que soutient lintuition infaillible des vérités divines. »

101 Joseph de Maistre, De lÉglise gallicane, livre second, chap. viii, éd. citée, p. 153.

102 Maistre les détaille dans un autre chapitre : « [Bossuet] laisse échapper les noms de Montan et de Priscille ; [il] parle du fanatisme de son collègue, du danger de lÉtat et de lÉglise [] » (ibid., livre second, chap. ix, p. 218).

103 Ibid., livre second, chap. xi, p. 219.

104 Ibid., livre second, chap. xv, p. 266.

105 Ibid., livre second, chap. xvi, p. 270-271.

106 Joseph de Maistre, lettre du 1er (13) décembre 1815 à Mgr Severoli, Œuvres complètes, t. XIII, éd. citée, p. 487.