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Classiques Garnier

Le Bossuet de Flaubert ou la dialectique de l’aigle et de l’oie

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Bossuet
    2015, n° 6
    . Réceptions de Bossuet au xixe siècle
  • Auteur : Dord-Crouslé (Stéphanie)
  • Résumé : Flaubert admire en Bossuet le style même dont il se méfie parce qu’il représente sa propre tentation lyrique. Il se sert aussi de lui comme d’une caution pour défendre Madame Bovary accusée d’outrages aux bonnes mœurs. Enfin, les dossiers préparatoires du second volume de Bouvard et Pécuchet montrent l’éloignement de Flaubert par rapport à la dimension antimoderne de Bossuet.
  • Pages : 85 à 101
  • Revue : Revue Bossuet
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812461002
  • ISBN : 978-2-8124-6100-2
  • ISSN : 2494-5102
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-6100-2.p.0085
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 04/04/2016
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Le Bossuet de Flaubert
ou la dialectique de laigle et de loie

Dans son anthologie Bossuet révélé par les grands écrivains1, Damien Blanchard ne mentionne Flaubert quune seule fois, pour une lettre envoyée à Maupassant en août 1878 dans laquelle le romancier joue avec la définition quil avait un temps prévu de faire figurer dans son Dictionnaire des idées reçues : « BOSSUET : est laigle de Meaux2 », périphrase quil corrige alors sévèrement en jouant sur sa dimension aviaire : « Laigle de Meaux me paraît décidément une oie3. » Ce serait néanmoins fausser la pensée du romancier que de la réduire à ce jugement tranché, comme suffira à le prouver un extrait de larticle nécrologique du Gaulois en date du 9 mai 1880 qui évoque au contraire un écrivain « récitant avec enthousiasme des phrases de Chateaubriand, de Bossuet ou de Victor Hugo4 ».

On va donc essayer de replacer en contexte les rapports complexes et assez nourris que Flaubert a entretenus avec le grand orateur, en rappelant tout dabord limportance de Bossuet dans la formation intellectuelle de lécrivain et la séduction que son lyrisme a toujours exercée sur lui. On verra ensuite comment le romancier incriminé a utilisé Bossuet comme palladium lors du procès intenté contre lui à loccasion de la parution de Madame Bovary. Enfin, on cherchera à définir les contours contrastés de limage que donnent de Bossuet

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les documents épars préparés par Flaubert en vue de la rédaction du second volume de Bouvard et Pécuchet, une entreprise qui, rappelons-le, ne vit jamais le jour. En somme, on semploiera à faire voler laigle et loie de compagnie…

Comme tous les enfants du xixe siècle, de lécole primaire au lycée, Flaubert a reçu un enseignement où Bossuet tenait une place de choix5. On le sait, tous les manuels, les recueils des « plus beaux morceaux de notre langue dans la littérature des deux derniers siècles », pour reprendre le titre dun ouvrage effectivement utilisé par Flaubert6, font la part belle à lorateur, que ce soit pour les portraits, les péroraisons, les exordes, et bien sûr les discours et morceaux oratoires. Bien que linventaire après décès de la bibliothèque du romancier ne se révèle pas dune grande richesse dans ce domaine, on peut y relever la présence de trois volumes dOraisons funèbres7 aujourdhui malheureusement disparus8. Si lon excepte les lectures documentaires tardives menées pour Bouvard et Pécuchet sur lesquelles on reviendra, la seule fois où Flaubert mentionne une lecture suivie de Bossuet se situe en mars 1852, en pleine rédaction de Madame Bovary : il déclare alors « ne li[re] rien, sauf un peu de Bossuet, le soir, dans [s]on lit9 ». Cependant, Flaubert est suffisamment imprégné de certains de ces textes pour les citer de mémoire, sans avoir besoin de préciser leur source, dans la mesure où il sait pouvoir compter sur une connaissance partagée par son interlocuteur. Il avoue ainsi à son amie Léonie Brainne :

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Je nai rien du tout à vous dire []. Le Samaritain na que son obole, « restes dune voix qui tombe et dune ardeur qui séteint10 ».

À cette innutrition directe, il faut encore ajouter celle qui se diffuse par la lecture dautres écrivains, eux-mêmes tout imprégnés de Bossuet : Chateaubriand, par exemple.

Or les premiers jugements émis par Flaubert sur Bossuet font montre dune admiration certaine. Dans une célèbre lettre daoût 1853 adressée à Louise Colet, Flaubert réécrit lhistoire entière de la littérature à laune des chaussants, sous la forme dune vaste « digression de cordonnier ». Il réserve alors un sort très enviable à la prose de Bossuet :

Du temps de Louis XIV, la littérature avait les bas bien tirés ! ils étaient de couleur brune. On voyait le mollet. Les souliers étaient carrés du bout (La Bruyère, Boileau), et il y avait aussi quelques fortes bottes à lécuyère, robustes chaussures dont la coupe était grandiose (Bossuet, Molière)11.

Ces « robustes chaussures dont la coupe était grandiose » sont donc particulièrement goûtées par Flaubert et on en trouve une preuve indirecte dans une note de lecture que le romancier relève entre 1854 et 1857 sur louvrage de Jean Reynaud, Philosophie religieuse. Terre et ciel. En effet, il interrompt le fil de louvrage pour manifester ladmiration quil éprouve à la lecture dun passage que cite lun des protagonistes mis en scène par Reynaud :

v p. 362 un beau fragment de Bossuet sur les anges gardiens qui portent nos prières à Dieu12.

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Ce fragment vanté par le romancier décrit avec beaucoup de réussite laide que « lange doraison » apporte au mouvement ascensionnel des prières que le chrétien adresse à Dieu :

Cet ange vient recueillir nos prières, et « elles montent, dit saint Jean, de la main de lange jusquà la face de Dieu ! » Voyez comme elles montent de la main de lange : admirez combien il leur sert dêtre présentées dune main si pure. Elles montent de la main de lange, parce que cet ange, se joignant à nous, et aidant, par son secours, nos foibles prières, leur prête ses ailes pour les élever, sa force pour les soutenir, sa ferveur pour les animer13.

Voilà donc un exemple de ce que Flaubert admire chez Bossuet, ce mouvement délévation que la prose de lorateur rend intensément sensible et étonnamment visible. Mais plus précisément, Bossuet parle directement à lun des « deux bonshommes distincts » quil y a « littérairement parlant » en Flaubert, celui « qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols daigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de lidée14 » – ce qui pourrait dailleurs passer pour une évocation de la prose de Bossuet elle-même ! Mais Flaubert se méfie justement de cette proximité : elle lui fait redouter – et même éviter par principe – une fréquentation trop longue ou trop assidue des écrivains qui flattent cette facette de son tempérament littéraire. Flaubert croit à linnutrition et prône la nécessaire fréquentation des classiques, mais, écrit-il à Louise Colet, « La Bruyère, qui est très sec, a mieux valu pour moi que Bossuet dont les emportements mallaient mieux15 ». Flaubert a donc dû lutter contre cette convergence des tempéraments. Mais Bossuet est bien un maître pour lui, comme lindique clairement une autre lettre à Louise Colet : « La Fontaine vivra tout autant que le Dante, et Boileau que Bossuet ou même quHugo16. » Bossuet est certainement du côté de ceux pour qui la question de la pérennité ou de léternité ne se pose pas.

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Néanmoins, en ce qui concerne la correction de la langue, le jugement de Flaubert est inverse, quoique tout aussi tranché : les frères Goncourt rapportent que, selon lui, « Bossuet écrit mal17 ». Une citation présente dans les dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet permet de comprendre lun des traits que Flaubert reprochait à lorateur. Il sagit dun extrait du Discours sur lhistoire universelle dans lequel Flaubert a souligné une succession – effectivement fort peu euphonique – de « que » :

Par là, vous apprendrez ce quil est si nécessaire que vous sachiez : quencore quà ne regarder que les rencontres particulières18

Sur cette même page, le romancier prévoyait de faire figurer « 7 ou 8 autres » exemples du même genre tirés de Bossuet19.

Il faut donc comprendre que le jugement que Flaubert porte sur lorateur est nuancé : il ladmire – autant quil sen méfie – pour son lyrisme mais il ne le recommande pas pour son style, comme il lexplique incidemment à Amélie Bosquet dans une lettre daoût 1864 :

Ce qui mavait indigné dans votre article, cétait la comparaison que vous en faisiez [de Béranger et Horace Vernet] avec Bossuet et Chateaubriand, qui sont cependant loin dêtre des dieux pour moi. Je maintiens que le premier écrivait mal, quoi quon dise. Mais il serait temps de sentendre sur le style. Nimporte ! je ne compare pas ces patriciens à ce boutiquier20.

Cependant, en contrepoint de cette admiration tout à la fois réelle et raisonnée, prend place un épisode peut-être moins connu des rapports de Flaubert avec Bossuet, mais pourtant très significatif. Il sagit du procès de Madame Bovary qui souvre le 29 janvier 1857. Lauteur comparaît alors pour outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs. Or, comme la montré Yvan Leclerc21, Flaubert ne va absolument pas plaider lautonomie de lart et son régime esthétique

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spécifique qui le rendrait indépendant des tribunaux. Il choisit (mais avait-il vraiment le choix ?) de démonter pièce par pièce laccusation en entrant dans la logique de ses accusateurs. Dans cette entreprise surprenante, sa caution de moralité est Bossuet. À peine sorti du tribunal, il se précipite pour raconter laudience à son frère aîné :

La plaidoirie de Me Senard a été splendide. Il a écrasé le Ministère public, qui se tordait sur son siège et a déclaré quil ne répondrait pas. Nous lavons accablé sous des citations de Bossuet et de Massillon []22.

Il faut effectivement lire la plaidoirie de lavocat de Flaubert, Me Senard, et admirer lhabileté avec laquelle il répond à toutes les incriminations du Ministère public. Demblée, il présente son client comme « tout imprégné de Bossuet et de Massillon23 » ; il lui prête une même inquiétude morale et un même devoir de réveiller les consciences : il est lécrivain qui « comme Bossuet sécrie : Réveillez-vous et prenez garde au péril24 ! » Me Senard soutient ensuite que plusieurs passages incriminés par la justice sont tout bonnement « des imitations de Bossuet25 ». Il va jusquà mettre en scène louvrage, le volume, dont Flaubert se serait servi. Il parle avec émotion du « livre que M. Flaubert feuillette jour et nuit26 », il prend à témoin « ce livre tout marqué, tout flétri par le pouce de lhomme studieux qui y a pris sa pensée27 ». Mais surtout, il cite des textes de Bossuet et réussit à prouver que ce que Flaubert écrit dans son roman est directement inspiré de lorateur, en particulier lultime baiser quEmma dépose « sur le corps de lHomme-Dieu28 ».

Le 7 février 1857, Flaubert est acquitté : Bossuet a été lefficace palladium de la Bovary.

Flaubert na donc pas hésité à sabriter sous laile tutélaire de lorateur pour se dédouaner des chefs daccusation qui lui avaient été signifiés – même si ce haut patronage est évidemment bien plus une construction

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ad hoc et une reconstruction a posteriori quune réalité. Si Flaubert a effectivement lu Bossuet pendant quil rédigeait Madame Bovary, ce nétait sûrement pas dans le but déveiller les consciences…

Or quand il ne sagit plus de jouir esthétiquement des envolées et des accents lyriques dont use le prélat en chaire ou de lutiliser comme caution morale pour prouver son innocence devant un tribunal, le jugement que Flaubert porte sur les idées défendues et incarnées par Bossuet se fait beaucoup plus critique. Les désaccords se font particulièrement jour lorsque lécrivain, pour rédiger son grand roman encyclopédique en farce, doit à plusieurs reprises se reporter très précisément aux raisonnements développés par Bossuet dans ses différents ouvrages et aux prises de position théologiques, philosophiques et esthétiques qui en résultent. Ainsi, pour le chapitre iv de Bouvard et Pécuchet, consacré à lhistoire, il a lu, ou plus vraisemblablement relu, le Discours sur lhistoire universelle29. Les notes quil a prises sur louvrage ont laissé une trace forte et explicite dans le texte du roman :

Et de linsouciance des dates, ils passèrent au dédain des faits.

Ce quil y a dimportant, cest la philosophie de lhistoire !

Bouvard ne put achever le célèbre Discours de Bossuet.

– « LAigle de Meaux est un farceur ! Il oublie la Chine, les Indes et lAmérique ! mais a soin de nous apprendre que Théodose était “la joie de lunivers”, quAbraham “traitait dégal avec les rois” et que la philosophie des Grecs descend des Hébreux. Sa préoccupation des Hébreux magace ! »

Pécuchet partagea cette opinion, et voulut lui faire lire Vico30.

Dans le tourbillon de théories et de pratiques qui emportent incessamment les deux personnages, louvrage de Bossuet est présenté sous

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un jour uniquement négatif : matériellement, Bouvard na pas encore ouvert le livre quil la déjà abandonné ; et il se met à dresser un tableau extrêmement critique des lacunes et des obsessions du prélat, déniant ainsi tout intérêt à louvrage dans un simple mouvement dhumeur.

Les notes que Flaubert a relevées pour le chapitre vi, qui traite de la politique, sont conservées à la bibliothèque municipale de Rouen et sont disponibles en ligne sur le site dédition des dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet31. Elles portent sur la Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, en loccurrence lédition parue chez Mariette en 171432. Les registres de la bibliothèque de Rouen montrent que le romancier la empruntée et lue entre le 30 juillet et le 14 août 1878, après avoir demandé son avis à son ami Hippolyte Taine dans une lettre datée du 24 juillet :

Jaurais besoin de savoir que lire sur ces deux questions :

Le droit divin

Le suffrage universel.

Cest lhistoire, ou mieux lorigine du droit divin qui minquiète. Il doit avoir été formulé par les légistes des Stuarts ? – et nêtre pas (comme doctrine) beaucoup plus vieux. Il se rattache à Saül !!! (je nen doute pas). Mais il me faudrait quelque chose dun peu moins vieux. Je ne vois que Bossuet (Politique tirée de lÉcriture sainte) et Bonald33 ?

De la lecture de la Politique tirée des propres paroles de lÉcriture sainte, Flaubert a extrait une page et demie de notes dont plusieurs citations sont utilisées dans la version définitive du roman :

Lami de Dumouchel, ce professeur qui les avait éclairés sur lesthétique, répondit à leur question dans une lettre savante.

« La théorie du droit divin a été formulée sous Charles II par lAnglais Filmer.

« La voici :

« Le Créateur donna au premier homme la souveraineté du monde. Elle fut transmise à ses descendants ; et la puissance du roi émane de Dieu. “Il est son image” écrit Bossuet. Lempire paternel accoutume à la domination dun seul. On a fait les rois daprès le modèle des pères.

« Locke réfuta cette doctrine []34 ».

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Notons quici la charge de la réfutation nest pas laissée aux personnages mais est déléguée à Locke.

Enfin, Flaubert retourne à Bossuet pour les chapitres viii (la philosophie) et ix (la religion) de son roman. Entre le 13 et le 24 janvier 1879, il emprunte à la bibliothèque de Rouen le tome XXII35 des Œuvres complètes parues chez Mellier et Leclère en 1826, qui contient, entre autres traités : De la connaissance de Dieu et de soi-même. Cependant, pour documenter les deux citations qui mentionnent encore le nom de Bossuet dans le roman et qui concernent la nature de lesprit36 et la légitimité de lesclavage37, Flaubert se sert en réalité douvrages de seconde main, ce qui est une pratique très usuelle chez lui.

Quoi quil en soit, il apparaît clairement que linsertion des idées de Bossuet dans la fiction ne se fait pas à leur avantage. Cest dailleurs suite à la lecture de la Politique tirée de lÉcriture sainte que Flaubert indique à Maupassant que « laigle de Meaux [lui] paraît décidément une oie38 », en même temps quil recommande à son disciple, sil veut se « distraire », de ne surtout pas lire cet ouvrage. Les fondements idéologiques, politiques et religieux de la pensée de Bossuet ne pouvaient trouver aucun écho favorable auprès de Flaubert ; ils ne suscitent au contraire que rejet et mépris. Le principe dune autorité politique nécessairement exercée par la monarchie, le primat de la morale et la suprématie de lÉglise sont des postulats qui lui sont totalement étrangers et quil va se plaire à épingler encore plus précisément dans les notes destinées au second volume de son dernier roman.

Une petite mise au point simpose ici. Flaubert est mort alors quil terminait le premier volume de Bouvard et Pécuchet. Un deuxième volume devait certainement suivre, mais il devait être dune facture

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très différente : il aurait été presque entièrement composé de citations, dextraits dœuvres présentés selon un classement dont plusieurs états partiels coexistent dans les dossiers préparatoires. En même temps quil rédigeait son premier volume, Flaubert avait donc déjà avancé dans le processus de recherche et de sélection des citations devant figurer dans le second volume. Néanmoins, le travail était loin dêtre terminé et le mode de classement que lon trouve indiqué dans les pages préparées aurait sûrement été modifié, et pour le moins affiné, si lécrivain avait pu mener son œuvre jusquà son terme. Létude quon va maintenant présenter se fonde donc sur des matériaux qui existent mais que Flaubert aurait pu reclasser voire complètement éliminer de son deuxième volume sil lavait achevé…

On va sintéresser successivement aux différentes catégories qui structurent les pages préparées pour le second volume, dans la mesure où elles contiennent des éléments issus de Bossuet ou le concernant. La première est celle des « Beautés » au sein desquelles Flaubert distingue plusieurs sous-genres, et en particulier des « Beautés de la religion » que les écrits de lorateur contribuent à grossir. Flaubert raille ainsi la recommandation prudente quadresse Bossuet à Louis XIV à propos de sa relation avec madame de Montespan. La requête du prélat présente en effet cet amour sous le jour dun feu dont on pourrait à volonté régler lalimentation et donc mécaniquement contrôler lintensité, comme sil sagissait dun instrument de chauffage, dune vulgaire chaudière et non dun sentiment :

Je ne demande pas, Sire, que vous éteigniez en un instant une flamme si violente, ce serait demander limpossible. Mais Sire tâchez peu à peu de la diminuer39.

Deux autres citations attaquent beaucoup plus frontalement les principes défendus par Bossuet. La première pointe la réaffirmation sans concession par lorateur de la damnation des enfants morts sans baptême :

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[elle] est de foi constante dans lÉglise – ils sont coupables, puisquils naissent sous le courroux de Dieu. Enfants de colère, par leur nature objets de haine et daversion, précipités dans lenfer avec les autres damnés, ils y restent éternellement sous lhorrible puissance du démon40.

En qualifiant ce jugement de « Beauté théologique », Flaubert souligne le caractère incompréhensible, pour un esprit contemporain non catholique, de ce châtiment automatiquement appliqué à des enfants quil est difficile pour lui de concevoir autrement quinnocents. Il en va de même pour lesclavage que Bossuet, en toute logique, se refuse à dénoncer :

Condamner lesclavage, cest condamner le Saint-Esprit, qui ordonne aux esclaves par la bouche de saint Paul, de rester dans leur état41.

Flaubert a aussi relevé ce même principe dans la rubrique « Religion – Mysticisme – Prophétie » sous une formulation légèrement différente :

Le Saint-Esprit ordonne aux esclaves de demeurer en leur état, et noblige point leurs maîtres à les affranchir42.

Bossuet est ensuite épinglé dans la catégorie « Grands hommes43 » pour les jugements dépréciatifs quil émet à lencontre dartistes au sens large, en particulier en raison de limmoralité dont leurs œuvres seraient porteuses. Cest dabord le musicien Lulli qui est visé car, écrit Bossuet :

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Ses airs tant répétés dans le monde ne servent quà insinuer les passions les plus déréglées44.

Boileau nest pas épargné :

Pourvu quavec de beaux vers il sacrifie la pudeur des femmes à son humeur satirique et quil fasse de belles peintures dactions souvent très-laides, il est content45.

Mais cest surtout Molière46, cet « infâme histrion47 », que Bossuet poursuit de sa vindicte, au grand dam de Flaubert48. Dans ses Maximes et Réflexions sur la comédie, lorateur sinsurge :

Il faudra donc que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière. Il remplit à présent tous les théâtres des équivoques les plus grossières dont on ait infecté les oreilles des chrétiens49.

Et Flaubert a classé dans dautres catégories encore dautres citations de Bossuet insistant sur la primauté de cette même dimension morale. Sous le titre « Esthétique », rubrique « Morale », le romancier a sélectionné la définition que le prélat donne de la fin que doit poursuivre un auteur dramatique – fin qui ne correspond évidemment pas aux canons du romancier :

Tout le dessein dun poète (dramatique), toute la fin de son travail, cest quon soit comme son héros, épris des belles personnes, quon les serve comme des divinités – en un mot, quon leur sacrifie tout, si ce nest peut-être la gloire dont lamour est plus dangereux que celui de la beauté même50.

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Flaubert a aussi relevé, dans la rubrique « Morale », sous-genre « Théâtre », linterrogation toute rhétorique de Bossuet qui équivaut à une sévère proscription du métier de comédienne :

Quelle mère, je ne dis pas chrétienne, mais tant soit peu honnête, naimerait pas mieux voir sa fille dans le tombeau que sur le théâtre51 ? 

Enfin, ce sont certaines des idées de Bossuet relatives à lhistoire qui sont brocardées. Dans la catégorie « Histoire et idées scientifiques », Flaubert a pris en note une interprétation onomastique de lorateur qui lui semble pour le moins sujette à caution :

Leur nom montre quils (les Francs) étaient unis par lamour de la liberté52.

Dans lOraison funèbre de la duchesse dOrléans, le romancier met franchement en doute que la « cause de la révolution dAngleterre » soit celle que Bossuet indique :

Que ces deux principaux moments de la grâce ont été bien marqués par les merveilles que Dieu a faites pour le salut éternel de Henriette dAngleterre ! Pour la donner à lÉglise il a fallu renverser tout un grand royaume… Mais si les lois de lÉtat sopposent à son salut éternel, Dieu ébranlera tout lÉtat pour laffranchir de ces lois ; il met les âmes à ce prix ; il remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus ; et comme rien ne lui est cher que ces enfants de sa dilection éternelle, que ces membres inséparables de son Fils bien-aimé, rien ne lui coûte pourvu quil les sauve53.

Flaubert pointe ainsi des approximations dans les explications que lorateur avance à propos des événements du passé, mais surtout, il relève a posteriori la fausseté de certaines de ses prophéties :

La plus grande gloire des rois de France leur vient de leur foi – et de la protection constante quils ont donnée à lÉglise. – Ils ne laisseront pas affaiblir cette gloire – et la race régnante la fera passer à la postérité, jusquà la fin des siècles54.

Cette « fin des siècles », dans la seconde moitié du xixe siècle, nest évidemment plus à lordre du jour depuis longtemps. Aussi nest-il pas

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étonnant que Flaubert ait fait suivre la première de ces deux erreurs historiques de ce jugement enthousiaste de Victor Cousin, qui porte ainsi lourdement à faux :

Si on voulait donner à Bossuet un nom décole comme au Moyen-âge, il faudrait lappeler le docteur infaillible55.

La juxtaposition de ces deux citations nest pas fortuite. Au contraire, leur belligérance intrinsèque – minutieusement organisée – est un exemple saisissant du type de dispositif dont Flaubert ambitionnait la généralisation dans le second volume de Bouvard et Pécuchet.

Et la contradiction est encore plus flagrante quand le romancier peut pointer des propos antithétiques tenus par des auteurs qui sont pourtant issus du même cercle idéologique, de la même chapelle, pourrait-on dire ici à bon escient. En effet, la position que Bossuet défend en ce qui concerne les enfants morts sans baptême, et qui est présentée comme étant « de foi constante dans lÉglise56 », est contredite par un prédicateur contemporain de Flaubert dont le romancier sest astreint, pour Bouvard et Pécuchet, à lire huit volumes de conférences données à Notre-Dame de Paris entre 1856 et 1871. Il sagit du père Félix dont les prédications sont regroupées par volumes annuels sous le titre : Le Progrès par le christianisme. Or dans les notes quil a prises sur les conférences de 1863, lécrivain indique, en la soulignant, cette prise de position tranchée :

Le père Félix nie que lÉglise condamne au feu les enfants morts sans baptême – on a mal compris quelques mots des Pères et des Conciles. p. 23657.

Dans la marge en face, Flaubert inscrit ces deux seuls mots : « Voyez Bossuet », accompagnés de signes de sélection qui montrent clairement son intention dutiliser la contradiction entre Félix et Bossuet ainsi soulignée, dans la construction du second volume de son roman.

On trouve un autre exemple du procédé dans la catégorie « Grands hommes » avec la coprésence de deux jugements partiellement antithétiques portés sur Bossuet. Le premier émane dun professeur de philosophie, Jean-Félix Nourrisson, dans son Tableau des progrès de la

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pensée humaine depuis Thalès jusquà Hegel publié en 1858. Il y évoque Bossuet en termes élogieux, cest un :

vaste et solide génie dune science immense et dune droiture de sens admirable, circonspect et prévoyant, inflexible et doux58.

Les termes soulignés dans le manuscrit par le secrétaire et ami de Flaubert le sont sur lindication du romancier lui-même, comme le prouve la citation telle quon la trouve dans les notes prises auparavant par le romancier59. Au nombre des qualités que Nourrisson reconnaît à Bossuet, deux semblent à Flaubert particulièrement surprenantes et incompatibles avec son propre jugement sur le contenu et le mode dexpression de la pensée de lorateur : Flaubert remet vivement en cause l« immense science » et la « douceur » de Bossuet, cette dernière qualité semblant effectivement peu compatible avec lévocation terrifiante des flammes éternelles attendant les enfants morts sans baptême présente dans le fragment déjà cité60… Cependant, la page suivante du recueil manuscrit conservé à la bibliothèque municipale de Rouen présente une autre citation concernant Bossuet, toujours rangée sous le chapeau « Grands hommes », mais dont lanalyse va complexifier le rapport de Flaubert à Bossuet :

Bossuet, Fléchier, Massillon, dont nous navons jamais eu le bonheur de comprendre la haute éloquence, et qui seront toujours pour nous des hommes médiocres en fait de bon sens61.

Au premier abord, on pourrait penser que cest encore Bossuet qui est ici raillé, cette fois de pair avec Fléchier et Massillon. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte que cest exactement le contraire : le jugement dépréciatif qui est porté sur les trois ecclésiastiques se retourne contre celui qui en est à lorigine, à savoir les deux auteurs du roman Les Intimes, Raymond Brucker et Michel Masson, qui publient sous le pseudonyme collectif de Michel Raymond. Attaqué, Bossuet lest par un écrivain dont lillégitimité évidente du jugement vient en retour manifester et conforter « la haute éloquence » et le « bon sens » des trois

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orateurs. Que Nourrisson loue Bossuet à faux nautorise pas Michel Raymond à lui dénier le statut de « grand homme ». Et inversement, la haute éloquence reconnue et rendue à Bossuet nimplique pas quelle soit accompagnée dune immense science ou de douceur…

À laune du jugement flaubertien, Bossuet nest pas exempt de reproches, mais ce nest sûrement pas en niant les spécificités de lorateur, en le réécrivant selon cette tradition vivace encore au xixe siècle des classiques corrigés62, quon lui rendra justice, comme le souligne cette ultime citation classée dans les « Beautés du peuple », rubrique « Bêtise révolutionnaire » :

La Convention ordonna de corriger dans Racine, Bossuet, Massillon, tout ce qui sentait la religion et la royauté63.

Dans les pages préparées pour le second volume de Bouvard et Pécuchet, en conséquence de lordonnancement retors que Flaubert a commencé à mettre en place, les jugements se contredisent tour à tour, les points de vue varient et se réfutent les uns les autres, démasquant ainsi la partialité des opinions reçues, la vanité des sentences assenées et la fragilité des positions établies, sans pour autant mettre à mal lincontestable évidence du génie dont le jugement flaubertien est lultime étalon.

De cet examen, la statue de Bossuet ressort sûrement écornée mais certainement pas jetée à bas. Certes, lAigle de Meaux nétait pas un styliste au sens que Flaubert donnait à ce terme… Certes, les dimensions théologique, religieuse, morale et antimoderne inséparables de sa pensée ne pouvaient que rebuter un écrivain du xixe siècle éloigné de lÉglise catholique, honnissant les cadres intellectuel et politique de lAncien Régime, aspirant à une science universelle expliquant la nature hors de toute théogonie et plaçant le Beau au-dessus de tout. Mais Bossuet nen reste pas moins pour Flaubert lOrateur par excellence. Et lorsque le Dictionnaire des idées reçues donne du terme Oraison cette définition lapidaire : « Tout discours de Bossuet64 », on peut se demander si la critique

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de la doxa selon laquelle Bossuet naurait produit que des oraisons, ne se double pas, au delà de la dénonciation dune erreur dhistoire littéraire, et dans cet incessant carrousel des valeurs et des langages auquel lencyclopédie critique en farce nous fait assister, de laffirmation dune identité profonde, celle du caractère indéfectiblement oral de lœuvre bossuétienne. Pour Flaubert, Bossuet est lhomme de la voix, lhomme du souffle et peut-être aussi celui de limage, celui qui, du haut de la chaire, parvient, presque par la seule force de son improvisation, à produire chez ses auditeurs des émotions que lui, Flaubert, ne peut atteindre quau terme dun infini travail sur des brouillons, passés et repassés à lépreuve de cette chaire laïque quest le « gueuloir ».

Stéphanie Dord-Crouslé

CNRS (UMR 5611 – LIRE)

1 Bossuet révélé par les grands écrivains : anthologie et bibliographie (1960-2000), éd. Damien Blanchard, Étrépilly, Les Presses du village-C. de Bartillat, « Collection Bleu », 2001, p. 78.

2 Lettre à Louise Colet, [16 décembre 1852] ; G. Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, t. II, p. 208.

3 Lettre à Guy de Maupassant, [9 ?] août 1878 ; G. Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau et Yvan Leclerc, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, t. V, p. 416.

4 Fourcaud, « Gustave Flaubert » [Nécrologie], Le Gaulois, dimanche 9 mai 1880, en ligne sur le site du centre Flaubert de luniversité de Rouen (http://flaubert.univ-rouen.fr/biographie/necro_gaulois.php).

5 Cétait vrai pour les garçons mais aussi pour les filles, comme le montrent les brouillons du passage décrivant léducation littéraire dEmma Bovary dans son pensionnat (G. Flaubert, Madame Bovary. Transcription intégrale du manuscrit, dir. Yvan Leclerc et Danielle Girard, avril 2009, www.bovary.fr) : Bossuet est longtemps cité avant de disparaître finalement.

6 F. de La Place et F. Noël, Leçons de littérature et de morale, ou Recueil en prose et en vers des plus beaux morceaux de notre langue dans la littérature des deux derniers siècles, 3e éd., Paris, Le Normant, 1808. La référence se trouve dans la « bibliothèque de Flaubert » (G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet. Édition intégrale balisée en XML-TEI des documents conservés à la bibliothèque municipale de Rouen, accompagnée dun outil de production de « seconds volumes » possibles, dir. Stéphanie Dord-Crouslé, 2012, http://www.dossiers-flaubert.fr).

7 Voir linventaire après décès des biens de Gustave Flaubert (Archives de la Seine-Maritime ; dressé par Me Bidault le 20 mai 1880 ; transcrit par Matthieu Desportes), en ligne sur le site Flaubert de luniversité de Rouen (http://flaubert.univ-rouen.fr/biographie/).

8 Voir le catalogue de la bibliothèque patrimoniale de Flaubert conservée à Canteleu, en ligne sur le site de la ville (http://mediatheque.ville-canteleu.fr/catalogue-flaubert/).

9 Lettre à Louise Colet, [1er mars 1852] ; op. cit., t. II, p. 55.

10 Lettre à Léonie Brainne, [15-16 mars 1877] ; op. cit., t. V, p. 205. Flaubert cite lOraison funèbre de Louis de Bourbon : « [] heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes dune voix qui tombe, et dune ardeur qui séteint » (Bossuet, Œuvres, éd. Yvonne Champailler et Bernard Velat, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1936, p. 218). Ajoutons que Flaubert, véritable auteur du « Rapport sur les médailles dhonneur décernées par lAcadémie [de Rouen] aux meilleurs travaux littéraires dus à des auteurs nés ou domiciliés en Normandie » prononcé par Alfred Nion lors de la séance du 7 août 1862, a dû examiner les œuvres dAmable Floquet, récipiendaire avec Bouilhet cette année-là. Or lhistorien est un spécialiste de Bossuet et lauteur douvrages que Flaubert vante par la bouche de Nion : ses Études sur la vie de Bossuet seront « plus tard un des monuments de notre histoire littéraire » (G. Flaubert, Pour Louis Bouilhet, éd. Alan Raitt, Exeter, University of Exeter Press, 1994, p. 8).

11 Lettre à Louise Colet, [26 août 1853] ; op. cit., t. II, p. 419-420.

12 G. Flaubert, « Notes de lecture prises sur Jean Reynaud, Philosophie religieuse. Terre et ciel, Paris, Furne, 1854 », 6 folios transcrits par Stéphanie Dord-Crouslé, 2010, en ligne sur le site Flaubert de luniversité de Rouen (http://flaubert.univ-rouen.fr/manuscrits/reynaud.pdf).

13 J. Reynaud, Philosophie religieuse. Terre et ciel, Paris, Furne, 1854, p. 362-363. Reynaud cite le Sermon pour la fête des saints anges gardiens.

14 Lettre à Louise Colet, [16 janvier 1852] ; op. cit., t. II, p. 30 : « Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols daigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de lidée ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant quil peut, qui aime à accuser le petit fait vrai aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses quil reproduit ; celui-là aime à rire et se plaît dans les animalités de lhomme. »

15 Lettre à Louise Colet, [6 juin 1853] ; op. cit., t. II, p. 348.

16 Lettre à Louise Colet, [31 mars 1853] ; op. cit., t. II, p. 292-293.

17 Extraits du Journal des Goncourt, lundi 21 décembre [1863] ; G. Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, t. III, p. 883.

18 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 3, fo 93 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_093__r____).

19 Sur une autre page des dossiers documentaires, Flaubert indique : « Grands écrivains : Manquent des phrases de : Molière, Boileau, Bossuet [] » (ibid., ms g226, vol. 3, fo 89 ; http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_089__r____).

20 Lettre à Amélie Bosquet, [9 août 1864] ; op. cit., t. III, p. 403.

21 Crimes écrits. La littérature en procès au xixe siècle, Paris, Plon, 1991.

22 Lettre à son frère Achille Flaubert [30 janvier 1857] ; op. cit., t. II, p. 677.

23 « Plaidoirie de Me Senard, Tribunal correctionnel de Paris, 31 janvier et 7 février 1857 » (dans G. Flaubert, Œuvres complètes, éd. Claudine Gothot-Mersch, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2013, t. III, p. 489).

24 Ibid., p. 500.

25 Ibid., p. 515.

26 Ibid.

27 Ibid., p. 516.

28 Madame Bovary, éd. Jeanne Bem, dans G. Flaubert, Œuvres complètes, éd. citée, t. III, p. 436.

29 Lexistence de notes de lecture tirées de cet ouvrage est attestée, mais, actuellement, ces notes ne sont pas consultables et restent inédites (voir Stéphanie Dord-Crouslé, « La “BP-sphère”. Inventaire raisonné des pièces du dossier de genèse de Bouvard et Pécuchet », Bouvard et Pécuchet : archives et interprétation (actes du colloque de Paris, 21-23 mars 2013), dir. Anne Herschberg Pierrot et Jacques Neefs, Nantes, Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2014, p. 25-46 ; et en ligne sur le site Flaubert de luniversité de Rouen : « Le dossier de genèse de Bouvard et Pécuchet », http://flaubert.univ-rouen.fr/ressources/bp_sphere.php). Grâce aux trois citations recopiées sur des pages préparées pour le second volume du roman, on peut néanmoins affirmer que le romancer a lu ce Discours dans une édition de 1843 parue chez Firmin Didot (voir la fiche de louvrage dans la bibliothèque de Flaubert : http://www.dossiers-flaubert.fr/b-4315-1).

30 Bouvard et Pécuchet, avec des fragments du « second volume » dont le Dictionnaire des idées reçues, éd. Stéphanie Dord-Crouslé, Paris, Flammarion, « GF », 2011, p. 181.

31 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 6, fo 128 recto et verso (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_128__r____).

32 Voir la fiche de louvrage dans la bibliothèque de Flaubert : http://www.dossiers-flaubert.fr/b-999-1.

33 Lettre à Hippolyte Taine, 24 juillet [1878] ; op. cit., t. V, p. 409.

34 Bouvard et Pécuchet, éd. citée, p. 241-242.

35 Voir la fiche de louvrage dans la bibliothèque de Flaubert : http://www.dossiers-flaubert.fr/b-284-1.

36 « Quest donc la matière ? Quest-ce que lesprit ? Doù vient linfluence de lune sur lautre, et réciproquement ? / Pour sen rendre compte, ils firent des recherches dans Voltaire, dans Bossuet, dans Fénelon – et même ils reprirent un abonnement à un cabinet de lecture » (Bouvard et Pécuchet, éd. citée, p. 286).

37 « Le comte croyant voir dans cette repartie une atteinte à la religion lexalta. Elle avait affranchi les esclaves. / Bouvard fit des citations, prouvant le contraire : / – “Saint Paul leur recommande dobéir aux maîtres comme à Jésus. Saint Ambroise nomme la servitude un don de Dieu. Le Lévitique, lExode et les conciles lont sanctionnée. Bossuet la classe parmi le droit des gens. Et Mgr Bouvier lapprouve” » (ibid., p. 350).

38 Lettre à Guy de Maupassant déjà citée, [9 ?] août 1878 ; op. cit., t. V, p. 416.

39 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 1, fo 201 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_1_f_201__r____). Dans des notes prises sur louvrage de Boutteville : La Morale de lÉglise et la morale naturelle, études critiques (1866), le romancier tourne en dérision une autre imprécision de langage qui donne limpression que Bossuet reconnaît dire nimporte quoi alors que lorateur pointe seulement la difficulté quil y a à définir ce que sont les esprits : « “Lorsque nous parlons des esprits, nous nentendons pas trop ce que nous disons”, Sermon sur la mort, 2e point » (ibid., ms g226, vol. 6, fo 305, http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_305__r____).

40 Ibid., ms g226, vol. 1, fo 207 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_1_f_207__r____).

41 Ibid.

42 Ibid., ms g226, vol. 6, fo 182 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_182__r____).

43 Le maniement de cette catégorie se révèle par ailleurs particulièrement scabreux. En effet, dans la configuration actuelle des manuscrits, les citations qui y sont rangées sont soit des jugements dépréciatifs portés sur de grands écrivains ou des penseurs estimés de Flaubert par de pâles critiques prétentieux ou par des auteurs dont on sait que le romancier les honnissait (ainsi de Joseph de Maistre regrettant que « Les premiers essais de Virgile alarment le père de famille qui les présente à son fils » ou de Villemain épinglant « la diction grotesque de notre Ronsard ») ; soit des couronnes tressées à des auteurs que Flaubert méprisait (voir léloge que fait Cuvillier-Fleury du talent critique de Saint-Marc Girardin) ou qui sont incommensurables avec ceux avec qui on les compare (ainsi de Castille trouvant Daguerre « plus grand aux yeux du penseur que Michel-Ange et Raphaël ») ; soit encore des bourdes venant de personnes que Flaubert estimait (comme ce jugement de Taine : « Personne ne peut lire Boileau, sinon à titre de document historique »). La réversibilité des opinions est aussi fréquente. Ainsi, Voltaire est défendu par le faisceau dune quinzaine de citations dont la charge sinverse – mais il est aussi incriminé pour un éloge inconsidéré : « Locke, le Platon de lAngleterre, si supérieur au Platon de la Grèce ». La catégorie est donc éminemment plastique et doit être maniée avec beaucoup de précaution…

44 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 3, fo 22 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_022__r____).

45 Ibid., ms g226, vol. 3, fo 21 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_021__r____).

46 En 1852, Flaubert sinsurgeait déjà contre lidée reçue qui sous-tendait le discours de réception à lAcadémie française prononcé par Musset : « Bossuet et Fénelon sont au-dessus de Molière (non académicien) » (lettre à Louise Colet, [29 mai 1852] ; op. cit., t. II, p. 97).

47 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 3, fo 46 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_046__r____).

48 Dans une lettre à Maupassant, Flaubert rappelle « la fureur de Bossuet contre » Molière (19 [16] février 1880 ; op. cit., t. V, p. 839-840).

49 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 3, fo 23 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_023__r____).

50 Ibid., ms g226, vol. 3, fo 51 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_051__r____).

51 Ibid., ms g226, vol. 5, fo 246 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_5_f_246__r____).

52 Ibid., ms g226, vol. 4, fo 28 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_4_f_028__r____).

53 Ibid., ms g226, vol. 4, fo 38 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_4_f_038__r____).

54 Ibid., ms g226, vol. 6, fo 179 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_179__r____).

55 Ibid., ms g226, vol. 4, fo 38 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_4_f_038__r____).

56 Ibid., ms g226, vol. 1, fo 207 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_1_f_207__r____).

57 Ibid., ms g226, vol. 6, fo 259 verso (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_259__v____).

58 Ibid., ms g226, vol. 3, fo 17 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_017__r____).

59 Ibid., ms g226, vol. 6, fo 23 verso (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_6_f_023__v____).

60 Ibid., ms g226, vol. 1, fo 207 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_1_f_207__r____).

61 Ibid., ms g226, vol. 3, fo 18 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_3_f_018__r____).

62 Voir larticle de Stéphane Zékian, « Lart de “chercher des poux dans la crinière des lions”. Flaubert et la tradition des classiques corrigés », Revue Flaubert, no 13-2013 – « “Les dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet” : lédition numérique du creuset flaubertien. Actes du colloque de Lyon, 7-9 mars 2012 », dir. Stéphanie Dord-Crouslé, 2014 (http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/article.php ?id=167).

63 G. Flaubert, Les Dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, éd. citée, ms g226, vol. 1, fo 197 (http://www.dossiers-flaubert.fr/cote-g226_1_f_197__r____).

64 Bouvard et Pécuchet, éd. citée, p. 445.