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Classiques Garnier

Rêveries sur la nature primitive de l'Homme. T. I Sommaires des Rêveries

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Rêveries sur la nature primitive de l’Homme
  • Pages : 238 à 253
  • Réimpression de l’édition de : 1999
  • Collection : Société des Textes Français Modernes, n° 94-95
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782406108573
  • ISBN : 978-2-406-10857-3
  • ISSN : 2777-7715
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10857-3.p.0272
  • Éditeur : Société des Textes Français Modernes
  • Mise en ligne : 18/11/2020
  • Diffusion-distribution : Classiques Garnier
  • Langue : Français
272 [310
SOMMAIRES
DES
RÊVERIES


SOMMAIRE

$ DE LA PREMIÈRE REVERIE

DÈPENDANCE inéVltable de l'homme. Assujettissement indirect au cours des choses lors méme que l'on veut les maîtriser. Com-
ment le besoin d'espérer ce que nous desirons nous dissimule le joug:de la nécessité.
ro Stte aride et solitaire. Horizon illimité sous un ciel ardent. Profondeur de la nature. Opposition de la permanence univer- selle â la mobilité individuelle. ~ Contradictiott et inintelligibilité L31 I] dans un plan raisonné et des causes finales. Vauité de l'extension humaine dans des destinées mortelles. Anéantissement. L'idée
rç comprimante de l'anéantissement, aprés ce délire qui nous fait embrasser dans nos conceptions un espace et une durée indéfinis, produit sur nous l'effet du retour de l'ivresse.
Indifférence et nécessité de toute chose. Les formes, les modifications peuvent être connues dans leurs rapports; les
zo essences ne peuvent l'être, parce qu'elles ne peuvent être compa-
rées. Les êtres sont absolument, éternellement; leurs agrégations
se combineront dans tous les rapports possibles, et changeront

sans aucun repos, sans aucune permanence.
Le beau, le juste sont des rapports accidentels, de pures abs-
zç tractious de l'ordre social. Toutes choses sont égales dans l'uni- versalité des choses. Et l'homme, et l'herbe, et le globe com- mencent, durent et finissent par les mémos lois, Agrégation organisée. Est mue par l'action des autres corps et les meut par sa réaction. Tout mouvement est communiqué ; est reçu et
;a rendu.
Les composés les plus organisés, conservant quelque trace des

273 RÉVERIES I-II 2 j ~
impressions reçues, ont le sentiment du quoi, de la succession d'impulsions, ou assemblage de plusieurs traces présentement conservées d'impressions successives dans leur prinape. Le senti-
S ment de cette continuité devenu habituel, a produit le rêve de l'immortalité : la durée future de cette continuité étant nécessai- rement indéfinie dans notre imagination. L'individu ne sentant
qu'en lui ,doit d'abord juger plus grands les objets placés près
de ~ lui, et lui-même plus grand que tout autre erre ; et c'est la [312]
qo source premiére de toutes aos chimères sur l'importanceet ladurée
de notre être. Nous pouvons estimer les relations particuliéres
des choses dans leurs rapports avec notre individu; cette seule

connoissance est utile, elle seule peut être certaine; mais nous manquons de données pour l'eetimation, d'ailleurs inutile, des
4S différences et des rapports généraux; et quant aux essences, elles ne peuvent être connues de nulle intelligence. Si la nature entiére nous étoit connue, cette connoissance absolue des choses nous seroit inutile ; car tout est nécessaire. Il n'existe qu'une vérité absolue ; mais les vérités re]atives sont les modérateurs de la
So vie.
Notre volonté n'est point une cause premiére et libre, mais un effet nécessaire de causes antérieures. Comment la volonté paroît libre ; comment la volonté forte paroît conduire aux succès ; et comment la confiance s'accorde avec la prospérité et l'annonce
S5 même en quelque sorte.

SOMMAIRE
DE LA SECODiDE R$VERIE


DE l'être et de la nature. De l'être simple; de l'être composé; de l'être organisé. Des divers moyens de conservation des com-
~ posés plus ou moins organisés.
De la faculté sensitive dans la particule élémentaire et dans l'être composé. Des sensations, des traces conservées et compa- rées. De la continuité de sensations. Tout desir n'est primitive- ment que le sentiment d'un besoin, et tout besuin particulier ro n'est qu'une modification du besoin général d'être conservé. De l'enchainentent de toutes choses passives et actives, causes
et effets, mues et motrices.
274 zoo SOMMAIRES DES RÉVERIES
Des premiers besoins de l'@tee animé. Extension accidentelle
des premiers besoins. Le besoin d'activité devient immodéré dans
rj l'homme livré à la multitude des impulsions sociales. Cet excès

conduit nécessairement ou à l'épuisement ou à l'ennui.
Avidité de sensations, besoin de sentir, doit pas ~ sions appé- L314]

tantes; mais de ne pas sentir péniblement, d'oiI passions repous-
santes et comme négatives.
zo De l'habitude de balancer perpétuellement ce que l'on cherche et ce cjue l'on évite, se forme une soue de besoin d'équilibre presqu absolu, mêlé d'une légère inclinaison vers le desir ; un jugement modérateur, un sentiment subtil, composé factice et presqu'indéfinissable ~.
sç Résultats des mobiles universels, modifiés dans chaque homme par l'habitude. Raisons du pouvoir de l'habitude. Habitude, raison déterminante dans ce qui n'est pas d'une nécessité universelle et absolue. La loi invariable des premiers besoins constitue l'es- péce; la loi secondaire de l'habitude constitue l'individu. Com-
;o ment le pouvoir de l'exemple est une modification du pouvoir de l'habitude.
~315~
SOMMAIRE
DE LA TROISIÈME R@VERIE

.. Tacitum sylvas inter reptare salubres Curantem quidquid dignum sapiente bonoque est?
5 $ORAGE, EQü. IV.

DE la méditation déterminée e: de la rêverie. Pourquoi celle-ci est douce et ia premiére pénible. De la facilité que les objets exté- rieurs donnent à la rêverie, et comment notre situation intérieure est produite par les impressions reçues du dehors. Des effets sen-
s cibles que nous pouvons produire sur notre pensée par le plus léger mouvement imprimé à nos organes.
De notre dépendance des Lieux et des saisons. Division de l'année solaire en deux parties marquées ; l'une de renouvelle- ment, de développement ; l'autre d'altération, de dissolution.
r. Ce que nous nommons délicatesse dans nos sociétés actuelles.

275 R~VERIES Il-IV 241
tç Pourquoi les effets premiers et moyens de ces deux progressions

influent davantage sur nous que les effets extrémes.
Des impressions ineffables du printemps. Des cours ~ trop sen- [j t 6]

cibles qu'il consume, et des tueurs flétris qu'il ne peut plus faïre
jouir.
zo De l'automne, de ses jours abrégés, de son ciel calmé, de sa
paix mélancolique. Comme elle convient à l'homme simple, â
l'homme sage, à l'homme sensible et détrompé, aux coeurs vtetltis

avant le Lems.
L'hiver attache aux arts ppar le prétexte des besoins ; mais le
zç facile été inspire le regret de la simplicité naturelle. Pouvoir de
ces regrets ; pouvoir de ceux que réveilloient les accens du R. des

V. dans le coeur des montagnards.
Des impressions faciles et profondes que tout produit sur

l'homme sensible. De la vraie sensibilité, de ses perpétuelles agi-
o rations, de ses foiblesses et de sa dépendance. Dans quels hommes

elle conduit à l'ennui de la vie.
Du malheur de l'homme à la fois sensible et détrompé. Dc

l'opposition pénible qui régne en lui. De ses besoins sans objet.
Comment l'inanimé même nourrit ses douleurs et l'entretient de
;S ses regrets.

[317]
SOMMAIRE
DE LA QUATRI$ME RÉVERIE


Nos affections sont déterminées plus encore par les dispositions particulières de nos organes que par l'impression actuellement 5 reç~ie du dehors. Le plus vrai de nos biens est cette harmonie générale de tout notre être, qui fait la santé parfaite. La vie n'est qu'une sorte d'oscillation qui nous fait passer et repasser en quelque sorte ce point harmonique en deux secs différens. Cette oscillation retenue dans ses bornes est la santé, le bien-étre ; lors- rn qu'elle nous emporte trop loin, c'est la douleur, les maladies, la destruction. Le sentiment de cette harmonie nous donne ces momens délicieux et inexprimables, où, dans quelque situation extérieure que nous nous trouvions, nous ne pouvons éprouver
que des sentimens heureux, et rencontrer que des occastons de
rç jouissances; ces momens de paix et d'énergie, où, libre et indif-

276 242 SOMMAIRES DES RÉVERIES
férent, l'on se sent habile à tous les biens et supérieur à tous les maux.
L'homme ne peut obtenir cette heureuse harmonie ~ de son [318] être que par l'emploi habituel et modéré de ses facultés. L'inac- zo tion donne un sentiment pénible de nullité, et rend odïeuses nos heures stériles.
L'énergie ne sauroit être soutenue si elle ne s'exerce ou sur des objets varïés, ou sur un objet inépuisable ; ainsi les plaisirs ne peuvent suffire à l'emploi de la vie.
zs Primitivement, l'être animé ne ~ouvoit être malheureux. Il ne connoissoit le mal que dans des mstans très-rapides; les autres parties de sa vie étoient bonnes ou indifférentes, et cel]es-ci mêmes étoient bonnes; car, primitivement, le sentiment de sa propre existence devoir lui suffire. Le bonheur de l'être sensible est de
;o se sentir selon sa nature. L'être qui sent qu'il est, qu'il continue d'être, qu'il se conserve pour être, se sent selon sa nature. Ce sentiment est un sentiment de bien-être. Différence entre cet état primitif et l'état actuel de l'homme. Du besoin de sensations fortes et positives dans cet état actuel. Besoin d'occupations com-
;ç mandées.
Comment trop de liberté dans les détails de la vie conduit à l'inaction et celle-ci à l'ennui. Causes de l'ennui. Misères réelles de la classe privilégiée. Incertitude, indolence, dégoGt de toutes choses ; ennui de la vie. Avantages d'un coeur simple et des desirs
40 limités.
lies iIlusions qui nous abusent dans la recherche du bien. Dif- férences essentielles, opposition entre la simplicité et la misère. De la simplicité. De la misère. L'homme simple n'est ni ne peut
étre misérable.
[319]
SOMMAIRE
DE LA CINQUIÉME REVERIE

Il est des jours d'ennui, d'abattement extréme,
Oû l'homme le plus ferme est àcharge àlui-m@me.
S Macbeth
Par DUCIS.
DEs rems d'abattement qui ramènent presqu'à la foiblesse et à la dépendance du commun des hommes les ames les plus grandes,
et les génies les plus élevés.
277 RËVERIES IV—VII 243
ro Les maux extrêmes ne peuvent abattre ttne grande ame; au contraire, ils lui rendent toute son énergie. Ce qui l'épuise insen- siblement, et l'entraïne par un effort lent et indirect à s'abandon- ner à l'apathie, c'est cette continuité misérable de peines et d'en- nuis qui obsèdent et oppriment chaque jour une vie privée de
rç situations énergiques et consumée dans un ordre de choses con- traire ànotre nature. Le seul fléau d'une grande ame est la lan- gueur; elle deviendroit p]us forte en luttant contre un ennemi puissant :elle n'est vaincue que lorsqu'elle dédaigne de résister.
SOMMAIRE
DE LA SIXIÈbtE R$VERIE

Nos excès physiques et moraux sont des résultats sensibles de l'extension que nous avons donné à notre principe actif, au besoin
5 de sentir et d'agir. Nous aimons les impulsions extrêmes, nous exagérons tous nos besoins, nous nous ]ivrons avec enthousiasme à tous les mobiles de la vie.
Des boissons spiritueuses. De leurs effets. Du délire inévitable qui les fait par-tout adopter.
ro Retour nécessaire de toute énergie immodérée, de toute joie exaltée, de toute ivresse.
L'usage des boissons fermentées et théïformes détruit l'aptitude au vrai bonheur, Des maux de nerfs.
L'homme a épuisé totale son industrie à détruire voluptueuse- ry ment son être, et cette expérience de tous les siècles est perdue pour I'aveugte postérité.
SOMMAIRE
DE LA SEPTIÈME REVERIE


UxE impulsion est nécessaire à l'être actif, mais des moteurs
multipliés et toujours opposés fatiguent sa vie. Les traces du passé

[32O]
321]
278 2,}4 SOMMAIRES bES RÉVERIES
ç toujours conservées et celles de l'avenir toujours pressenties
occupent nos fdcultés de ce qui est éloigné ou imaginaire, et nous
ne vivons presque jamais dans le moment actuel ; ainsi toujours
autres que ce que nous devrions ètre, nous perdons notre vie.
Il importe que la sensation actuelle soit supérieure à toute

ro autre ; il importe encore qu'elle soit convenable à notre nature.
Telle étoit la première disposition des choses :nos maux viennent
de nous en être éloignés; il est des moyens de nous en rappro-
cher, soit directement, soit indirectement.
Des effets des fermentés, et de ceux de ]a vraie philosophïe.

~ ç Les fermentés nous font rétrograder vers l'état le plus convenable
à notre être, mais instantanément et d'une manière destructive
or le bonheur (ne consiste que dans la continuité de bien-être, [j2a]
l'exemption de douleur. C'est donc à la philosophie qu'il faut
recourir; elle nous apprend à vivre dans le présent, et à nous y
zo modifier d'une manière propre à notre nature.
Des occupations commandées peuvent suffire à beaucoup

d'hommes contre une partie des maux factices. Mais il ne reste
que la philosophie à ceux qui ont le double malheur d'être éloi-
gnés de la première simplicité, et d'être dans le cours actuel des
zç choses, exempts de travail, de besoins et d'ignorance.
Discordance entre l'ceuvre des hommes et l'ceuvre universelle.

Elle n'est sensible que pour ceux dont l'esprit atteint les limites
de l'institution humaine.
La philosophie, en nous faisant voir universellement et égale-

3o ment, nous apprend à choisir et à rejeter selon nos vrais besoins,
et ainsi supplée, quoiqu'imparfaitement, aux moyens primitifs de
n'éprouver que ce qui est canvenable à notre nature.
Du vrai philosophe. De la vraie philosophie. Elle convient

réellement à peu d'hommes. Il ne faut point s'arrêter dans la
;ç recherche du bon et du vrai. Quand on a mal entendu la philo-
sophie ou que l'on a abusé d'elle, le vulgaire en conclut qu'elle
est inutile ou funeste au bien public.
La vraie philosophie ne sauroit nuire aux hommes ; cependant

ses lois ont quelque chose de vain :tout est nécessaire et ïrré-
4o sistibie ; et, comme elle donne le sentiment de cette vérité, elle
ne peut satisfaire aussi pleinement que le mobile primitif de la
sensation présente.
279 RÉVERIES VII-VIII
245
[323]
SOMMAIRE
DE LA HUITIÈME R$VERIE

MOMENTS d'une température heureuse qui, au sein des frimats, vers le solstice d'hiver, semblent participer de la douceur de l'au- ç tourne et du renouvellement du printemps. De la Violette, des lieux qu'elle aime et des hommes qu'elle intéresse. Vallon soli-
taire.
Quand le coeur s'ouvre aux passions, il s'ouvre à l'ennui de la vie. Comment l'homme est devenu malheureux par ses desirs
ro mêmes. Agitation sans objet fixe, besoin d'une passion plus déter- minée; effet de ce besoin sur une ame forte. Contradiction entre les grands projets du génie et sa destinée mortelle. La nécessité entraîne seule ]'univers. Abandonner cette prolongation d'exis- tence qui est impossible et contradictoire, et user de la vie rapide,
~ ç sans vouloir éte:dre vainement sou être, mais sans souffrir qu'il soit comprimé. S'élever aux vues générales, aux conceptions indé- pendantes.
Vie de l'homme. Vanité et incertitude de ses causes, de sa
destination, de ses biens, de ses vertus. Vanité de tout son être
zo considéré dans le systéme des moralistes. Animé par le seul inté- rêt personnel, soutenu par la seule illusion, il n'est réellement entraîné que par le cours mécanique de l'univers.
Ce n'est point dans l'histoire de quelques générations que l'on peut lire ce qui convient vraiment à l'homme ; il faudroit plutet z; consulter ce qui est resté dans nous à la nature.
II faut des sensations profondes aux hommes organisés pour sentir profondément; ils Bout fréquemment réduits à l'état de suspension et d'apathie. Nous souffrons nécessairement, nous ne sommes point selon notre nature, lorsqu'il y a opposition entre
;o les objets du dehors et aorte situation ïntérieure. Dans des lieux sauvages le solitaire trouve des moteurs dans les objets inanimés. Les pins renversés, le vent des montagnes, la feuille détachée d'un hétre, le rec miné par l'effort séculaire des frimats, de la végéta- tion et des ondes; le silence ou le mouvement, la vie ou les
ç ruines, tout l'entraîne et le modifie ; il n'existe plus individuelle- ment et isolé ; mais il participe de la situation et des altérations de tout ce qui l'entoure.








[324]










280 24E SOMMAIRES DES RÉVERIES
X325]
SOMMAIRE
DE LA NEUVIÈME RÊVERIE


St l'homme est né bon ou méchant. De l'extrëme imperfection de notre morale; des causes qui s'opposent à son avancement, ou 5 plut5t qui l'empéchent d'abandonner les voies sur lesquelles elle s'est é crée, et de rétrograder pour se mettre dans sa direction naturelle. L'homme n'est point bon, il n'est point méchant, il est homme. S'il est bon ce n'est point dans notre sens; il ne peut être bon que relativement; sa bonté ott sa perfection seroit dans
ro l'accord entre son espèce et les autres parties de l'univers.
Dans l'alternative de suivre la nature ou de la forcer à d'autres lois, on conçoit à peine que l'on ait pu entreprendre de détourner le cours universel des choses pour lui faire prendre la direction indiquée par quelques animalcules en délire. bu pouvoir limité de
rs nos institutions mème sur l'homme individuel. De la complicatior.
de causes dans tous les eH'ets naturels.
L'éducation sera essentiellement mauvaise par-tout où ~Ile [;26] combattra la nature, elle le sera relativement toutes les fois qu'elle ne s'accordera point avec tous les moyens playsiyues ou moraux
zo qui tendent comme elle à modifier l'homme. L'opposition entre nos besoins et nos préceptes, nos usages et nos lois, fait des devoirs et de toute la conduite de la vie un tnéhreux chaos où le méchaut audacieux surnage seul, mais ois l'homme de bien, dans son incertitude, est toujours englouti.
z; Nos maux sont les fruits de nos erreurs et uon d'une détermi- nation originelle. L'opposition entre nos affections et uos devoirs a entraîné, et comme nécessité, l'imposture; mais l'examen vietat enfin abattre ce vain travail fondé sur ]e mensonge. Le systéme de répression n'étoit point celui qui convenoit à l'homme. Au
;o lieu d'opposer à ses impétueux desirs des barrières toujours oppri- mantes et jamais insurmontables, il falloir le retenir en arriére et l'attacher par un penchant contraire, dans ces m@mes bornes que les dégoùts seuls l'excitoient à franchir.
Le desir de son bien-étre est le seul mobile intérieur d'un étre
;S animé. C'est l'extensio~ de nos besoins qui a produit toutes les chimères oppressives. Pour gouverner les Hommes sans les rendre heureux, il falloit bien les tromper. Lanvage qu'employa l'impos- ture. Comment l'homme malgré sa foiblesse •rint pourtant à préférer les vertus difficiles aux habitudes heureuses. Gomment
281 RÉVERIES IX-XI 247 qo l'homme, né pour jouir, mit ü souffrir et sa gloire et sa passion
est impossible. Les passions font seules notre morale. ~ L'homme méme. L'homme sans passions seroit contradictoire, son extstence
en sonété, loin de les détruire, doit les unir toutes, et les diriger [327] vers le but commun. L'art de jouir est le seul art de l'étre animé.
qj Ce que les moralistes objectent contre le plaisir; réponse à ces funestes assertions. Du plaisir convenable à l'homme. Du partage des plaisirs, loi de l'intérêt personnel indiquée par ]a conformité d'organisation entre les hommes. Des générations meilleures pourront regarder un jour le systéme moral des sociétés gré-
ço sentes comme une supposition monstrueuse qu'aucur. siécle n a pu réaliser.
SOMMAIRE
DE LA DIXI$ME R~VERIE


HABITUDE, permanence de son pouvoir. Les desirs changent, la séduction passe, le plaisir isolé s'oublie; mais l'habitude pro- ~ longe sa douceur jusqu'au dernier moment de la vieillesse. Son empire est plus sensible sur l'homme bon et sur l'homme droit. Comment elle convient au sage. Méme dans les suppositions romanesques, ]es plaisirs variés ne séduisent point comme ia pein- ture des habitudes douces et constantes.
SOMMAIRE
DE LA ONZI$ME R@VERTE


L'HABITUDE devient un joug pour les ames foibles, mais cela méme est un moyen d'établir des moeurs publiques. Son pouvoir 5 indirect ppourroit encore retenir l'imagination. C'est surtout cette faculté de supposer des rapports imaginaires, qui étend tes rela-
[;z8]
[329]
282 2,r}s SOMMAIRES DES RÉVERIES
rions au-delà des forces, et la dépendance bien plus que les plai- sirs.
Ce furent les misères réelles qui produisirent des terreurs chi- ro tnériques. Les rêves heureux qu'elles enfantèrent aussi quelquefois
ceux qui montrent le néant des biens que l'on s'étoit promis. Différence essentielle entre les desirs du besoin et les desirs de
sont un fléau de plus, les motnens les plus pénibles de la vte sont
l'imagination.
rç Des moeurs; sans elles les meilleures lois sont impuissantes; sans elles l'on ne tient jamais vraiment à sa patrie. L'amour de la patrie n'exclut pas nécessairement la bienveillance pour les
autres hommes; pourquoi il l'exclut ordinairement. [33~~
Contrées plus ou moins faciles au bonheur. Habitudes propres
zo à isoler un peuple et à l'empêcher, même à l'avenir, de se con-
fondre parmi les nations voisines. De Sparte, des Hébreux, des

Chinois, de Zoroastre et des Zabiens.
La conformité des habitudes et des besoins est le seul véritable
lien parmi les hommes. Tant qu'il existera chez eux une diffé-
zç rente marquée entre les besoins, les idées et le sort des divers

individus et des diverses classes, l'on n'y trouvera ni union, ni moeurs, ni bonheur.
De l'égalité réelle, de l'égalité devant la loi; de son impossibi- lité. L'injusti~.e est uécessaire entre des hommes inégaux.
;o De la libertê politique chez les peuples qui ont du commerce et du luxe. lin tel peuple est toujours partagé en deux classes opposées par leur nature, et dont l'une prépare réciproquement pour l'autre les fléaux qu'elle en reçoit.
Du luxe. De Voltaire, Des jouissances simples, communes à ;ç tous et toujours durables.
Du commerce; de sa séduction; de ses véritables effets. Le commerce, tolérable chez certaines nations, doit être absolument rejeté d'un peuple neuf. De ce que l'on pourroit objecter en faveur du commerce, de ses suites mortelles. Siècles bien policés com-
4o parés à ceux que nous nommons sauvages.
SOMhIAIRE
DE LA DOUZIÈME REVERIE


DE ce mot de la philosophie des Grecs :vis pour mourir. Des suppositions gratuites, et des contradictions qu'il renferme.
[331]
283 R~VERIES XI-XIII 249
y De l'opinion de deux substances essentiellement différentes et
pourtant unies dans l'homme. Pourquoi les esprits ne se sentent- ils point eux-m@mes comme les corps? pourquoi ne se commu- niquent-ils point indépendamment des organes corporels? Si l'es- pru n'agit que par les sens visibles, que sera-t-tl quand ceux-ci ne
ro seront plus? s'il peut exister indépendamment du corps, pourqquoi lui est-il assujetti? pourquoi s'agrandit-il, repose-t-il, s'affoiblit-il
avec lui? etc. etc. etc. etc.
Que prouve-t-on en disant que la pensée est une ?Raisons de la répugnance que beaucoup d'hommes éprouvent à croire lame
rç matérielle. Si l'on prétend que l'homme a une ame et que les autres animaux n en ont point, quelle différence caractéris- tique ~ trouve-t-on entre la raison humaine et la raison des bêtes ? [3 32] en existe-t-il quelqu'autre que celle du plus au moins?
De ]a supposition d'une matière subtile, active, sorte de feu
zo élémentaire. De l'homme examiné et expliqué dans cette suppo- sition. De l'action et de la réaction réciproque de la matière essen- tiellement active, et de la matière indifférente. De la composition et de la dissolution des agrégats. Des bêtes. Des végétaux. De tous les composés.
zç Des deux ames, l'une raisonnable, l'autre sensitive. Incompati-
bilités et absurdités du système de lame immatérielle. Les divers
degrés d'intelligence facilement expliqués dans l'hypothèse de la
matière subtile et active, imprimant le mouvement à la matière
indifférente, De l'immortalité. De l'immortalité selon une secte de

;o lettrés. De l'immortalité selon Socrate. Du Phédon. De la preuve de l'immortalité que l'on prétend trouver dans le desir que nous en avons; et de celle que l'on déduit de la sorte d'impossibilité de concevoir la cessation de notre étre.
De la liberté. Si tout est récessaïre, comment aucun individu ;ç peut-i] être libre? s'il en est autrement, comment l'univers sub- siste-t-il?
[333]
SdMMAIRE
DE LA TREIZIÈME R$VERIE


De l'hypotltése la plus naturelle sur les élémens principes. Deux principes reconnus presqu'universellement. De la matière active ~ et dP la matière i ,erte. De Poptimisme. Si l'absence de tout mal
284 250 SOMMAIR>S D$S RÈVERIES
est nécessaire au bonheur de l'étre sensible. En quoi pourroit wnsister la perfection de l'univers. Du syst~me qui n'admet gc'un seul élément principe. Dans quel sens la nature est une. De l'élé- ment actif, ou feu élémentaire. Opinion de Diderot dans l'inter-
ro prétation de la nature. Du double mouvement primitif. Conjec- ture de Buffon.
SOMMAIRE
DE LA QUATORZIÈME RÈVERIE


DFPENDANCE factice de l'homme. Effort qu'il Eait pour s'assu- jettir lui-méme. Altération des moeurs et affoiblissement de lame ç produits par la complication des intéréts, la multitude des choses de la vie, et l'inextricable oppposition entre les objets de nos pas- sions. Qlteis hommes et c~uelies moeurs cet ordre de choses pro- duit nécessairement. De 1 irrésolution et de la vrrsadlité de la vie fruit inévitable d'une trop grande liberté de choix. De la liberté; to elle consiste à étre selon sa nature. De la liberté civile, de la liberté politique, considérées dans ce sens. Suites du commerce, de la grandeur et du faste des états. Faux principes dont s'autorïse cette classe d'hommes qui domine en disant qu'elle gouverne.
Nécessité de la subversion générale de nos innovations. On ne
r S réforme point les abus, on ne fait que les interrompre. Des amer petites et pusillanimes qui veulent que tout soit ingénieux, faute Qe concevoir que cjuelque chose puisse étre grand; et quï veulent un pays célèbre, n ayant aucune idée d'une patrie qui seroit heu- reuse.
SOMMAIRE
DE LA QUINZIÈME RÈVERIE

Volentem fata ducunt, nolentem trahunt.
I.'IMPRÉVOI'ANC6 naturelle poC101t leS hommes ~ S'abandonner ç au cours des choses; la sagesse le leur prescrie également ; mais
[3 34]
[33S)
285 RÉVERIFS XIII-XV 2j I
la différence parmi nous est si grande entre les diverses situations de !a vii, ïl y a tant à risquer ou à es~rer, que l'on cherche con- tinuellement àdéterminer son sort. out est vainement boule- versé dans l'agitation de ces efforts multipliés et inalliables. Cette
ro indifférence, voeu de la sagesse et repos de la vie, ne peut étre
générale que dans des institutions qui nivellent et simplifient nos

destinées.
Du besoin d'activité naturel à l'à~e d'accroissement. Du besoin
de repos naturel à l'àge d'altérattan et de dépérissement. Le
rç moment de 1a pins grande énergie est celui où ces deux impul-

sions se trouvent le plus également contrebalancées.
De l'homme sans passions; du besoin qu'il a d'un ~ moteur [336]

pris hors de lui-méme. De l'indifférence et de l'apathie dans les-
quelles il dois tomber naturellement. Supériorité d'une impulsion
zo rapide et involontaire sur un effort raisonné. Inconséquence de

cette morale qui cherche à éteindre les Qassions, et veut ensuite de la force et du zéle. Sans les passïons tl n'est point de morale. Dans la oie morale Gamme sur les mers, un calme absolu est plus funeste que la tempéte. Eff ts de cet état de découragement et de
zç dégoûts_ Difficultés d'y remédier méme par la philosophie. Diffé- rence entre la vie du zélateur de la sagesse et ceLe de l'homme
désabusé et fatigué de toute chose.
Effets des occupations habituelles. Effets du go>xt de l'ordre appliqué constamment aux petites choses. Iv'otre coeur cherche,
;o quelque part que ce soit, un mobile augael il puisse se livrer. Les lois sont fondées sur la nécessité de donner à tous une détermi- nation d'ensemble, et de n'être pas dans une perpétuelle délibé- ratio~t. Il faut que les institutions soient telles que la raison puisse s'abandonner à leurs suites naturelles, et gste l'irtérêx individuel
;ç aime à s'y abandonner.
Du génie. Du génie de l'instituteur despeuvles. Il réunit l'éten- due, l'ordre et l'énergie. Il ne peut être dans d'ordre social, qu'or, seul objet digne d'une grande ame. Le sage aime à se circons- crire, mais si son génie et les circonstances lui pern~ettent de ser-
4o vir les hommes, il ne peue s'abandonner au repos philosophique. Du sentiment profond d'ordre et d'harmonie qm caractérise le sage. II est inaccessible à toute prévention. Il luge les choses selon leur nature ' et non selon leurs rapports accidentels. Du dédain [; 37]
avec lequel ~a science sans profondeur rejette les erreurs sans y
qç savoir chercher les vérités qu'elles couvrent. De la maniére dont le vrai sage étudie la nature et l'hon±me. Comment les hornmes mirenx le difficile à !a place du bon et changérent les impulsions utiles en vertus austères. Que tout mat est abus, dégénération ;
et que rien peut-être n'a été erroné dans son principe.
286 252 SOMMAIRES DES RÉVERIES
SOMMAIRE
DE LA SEIZIÈME RÊVERIE


St les suites de ce que nous appelons la erfectibi[ité de l'espèce humaine sont des maux irrémédiables. Si l'homme est réellement
ç par-tout semblable. Si les institutions que l'on prétend impos- sibles, n'ont pas été réalisées partiellement. Des effets réels de cette industrie qui cherche sans cesse un nouvel objet, et veut tout perfectionner en proposant à sa vanité des produits toujours plus difficiles, et à son avidité des plaisirs toujours plus grands. Des
ro effets que font sur nous les peintures pastora]es, quelque défigu-
rées qu'elles soient par un pinceau mesquin, fleuri et maniéré.
SOMMAIRE
DE LA DIX-SEPTI$ME RFVERIE
ç affections qui l'entraînent si facilement dans des voies funestes.


sions qu'il doit abandonner. Quels objets il peut proposer à ces DE ce qu'il faut à la félicité individuelle de l'homme. Des illu-
Terre circonscrite propre au bonheur d'un petit nombre d'hommes qui voudroient cesser de dissiper leurs jours. Isle dans le lac de Bienne. Ineffable quiétude de cette terre isolée. Lac de Bienne. Jura. Grande chaîne des Alpes. Chillon. Effets moraux
ao des mots et des dénominations. Du Langage qui peint, et de celui qui définit. Des Alpes, de leurs pâturages élevés, de leurs vallées, de leurs habitudes nomades. Repos moral dans ces régions silen- cieuses. Lenteur et permanence de toutes choses dans l'Hasly et l'Underwalden. Moeurs des hautes vallées.
rç Des lieux qui conviennent à une vie paisible, à une association d'hommes indifférens aux séductions de la vie agitée. De ceux qu'il faut à une ame forte, ~ à l'homme isolé qui cherche des Lia°~ sensations selon ses besoins, et des hommes selon la nature. Pouvoir des sons sur l'homme. L'ouïe est de tous nos sens ielui
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zo qui nous ébranle et nous modifie le plus profondément, et qui agit le plus sur ce que l'on nomme la sensibilité morale. De la suc- cession des sons. De la musique.
Vieillesse inévitable de l'espèce humaine. Vieillesse du globe. Progrès du siècle présent. Possibilité pour l'homme d'une exten-
z5 siou beaucoup plus grande encore. Limites insurmontables de ses facultés passives. Des lems de superstitions et de servitude. De l'époque où tout sera indifférent, ridiculisé et avili. Des lieux où l'homme pourroit encore s'arrêter et prévenir une plus funeste déviatïon.



FIN