Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Résister à la justice. xiie-xviiie siècles
- Pages : 343 à 348
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 17
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406097150
- ISBN : 978-2-406-09715-0
- ISSN : 2492-0150
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09715-0.p.0343
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/01/2020
- Langue : Français
Résumés
Martine Charageat et Mathieu Soula, « Introduction. L’affrontement des légitimités »
La volonté d’aborder les expériences multiscalaires de la résistance en justice, contre la justice et par son biais, a été inspirée par la criminalisation des différentes formes d’empêchement au bon déroulement attendu de la justice. Les récits de ces empêchements émanent des tenants du pouvoir judiciaire et politique et offrent une vision inéluctablement biaisée des obstacles dénoncés et de leurs auteurs.
Bernard Ribémont, « Résister à la justice dans la littérature narrative de fiction du Moyen Âge. L’efficace de l’ambiguïté »
La critique a souvent mentionné combien l’écriture romanesque et épique pouvait être conditionnée par les tensions inhérentes aux transformations de la féodalité au xiie siècle et à l’affirmation progressive d’un pouvoir royal de plus en plus fort et centralisé. Mais l’un des points d’achoppement essentiels entre seigneurs et pouvoir royal relève bien des prérogatives en matière de justice. La résistance à la justice participe aussi, dans son écriture poétique, d’un tel champ de tension.
Luca Fois, « L’inquisiteur mis en échec. Savoir juridique et contrôle des informations, l’exemple d’un procès pour hérésie dans la Lombardie du xiiie siècle »
À travers l’étude d’une procédure exceptionnelle, il s’agit d’éclairer les conditions de possibilité d’une résistance frontale à l’inquisition. Le cas oppose le très renommé Pagano de Petrasancta, issu d’une ancienne et puissante famille noble, aux inquisiteurs dans le Milan de la fin du xiiie siècle. Les ressources sociales, économiques et juridiques paraissent essentielles pour réussir à freiner et dévier la justice inquisitoriale en forçant les pièges procéduraux qu’elle contient.
344Laure Verdon, « Refus de justice et identité nobiliaire. L’affaire Hugues de Baux contre Pelet de Mimet, Roquevaire, 1298-1303 »
Deux seigneurs de la noblesse provençale s’opposent à propos de l’exercice de droits seigneuriaux sur le castrum de Roquevaire. Le souverain Charles II règle définitivement le différent, soucieux de l’affirmation de ses prérogatives et du maintien de relations pacifiques avec la noblesse. L’une des parties refuse d’appliquer la sentence, un mode de résistance qui sert à attirer l’attention du souverain sur le fait que l’éthique qui doit guider sa justice peut se retourner contre lui.
María Asenjo González, « Resistencia a la justicia y desacato en las ciudades castellanas (1450-1520) »
Les rois de Castille renforcent leur ingérence dans les affaires municipales au xve siècle plus encore après l’instauration de la charge de corregidor. Cet officier qui devait agir exceptionnellement en cas de conflit se transforma en représentant du roi permanent au sein des villes. Celles-ci peu enclines à recevoir ce nouveau magistrat développent des actions de résistance par le droit et la justice qu’il convient de décrypter entre désobéissance, irrespect et attitude rebelle.
María Luisa Pedrós Ciurana, « Otro género de resistencia. La magia apresada »
L’auteure aborde ici le cas des femmes emprisonnées à Valence par les tribunaux de l’Inquisition au xviiie siècle, pour crimes de magie et de sorcellerie. Peine perdue, elles continuent leurs pratiques jusqu’au sein des geôles alors même que l’enfermement devait permettre de les surveiller et de les amener à se corriger. Non seulement elles récidivent dans l’espace carcéral mais elles transmettent leur savoir aux autres prisonnières générant une forme de résistance encore peu étudiée.
Giovanni Romeo, « Résister à l’inquisition, résister à la justice de l’Église. Le cas de l’Italie de la Contre-Réforme »
La présente étude offre une analyse panoramique des modes possibles de la résistance aux tribunaux de l’Église et de l’Inquisition dans l’Italie de la contre-réforme, que ces résistances soient individuelles, collectives ou 345institutionnelles. Ces diverses résistances expliquent certainement les évolutions du fonctionnement de plus en plus bureaucratique et « hégémonique » de ces tribunaux.
Pascal Texier, « Résistance, contournement ou instrumentalisation ? Usage de la justice dans la France du bas Moyen Âge »
Il s’agit ici d’interroger les analyses résistancielles, dans le sens où elles adoptent le point de vue de l’État en concluant que les pratiques extra-judiciaires ne seraient que des mises à distance de l’emprise de l’État. Bien au contraire, il existe de multiples usages de la justice et du ius qui doivent être éclairées par les stratégies attendues et déployées par les parties pour défendre ou maintenir leur honneur.
Ricardo Córdoba de la Llave, « Factores de prevaricación judicial en la Castilla medieval »
La corruption des juges ou du moins le grief de prévarication est moins connu pour la période médiévale en Espagne qu’au Siècle d’Or. La documentation conservée dans le Registro General del Sello contient un grand nombre de protestations contre des sentences qualifiées d’injustes. Il convient de s’interroger sur la nature des demandes : changements de juridictions, récusation de juge, révisions de sentence. S’agit-il d’actes de résistance ou d’une simple défense d’intérêts privés ?
Sandrine Lavaud, « En lutte contre les privilèges du vin. Marchands du Haut-Pays contre jurade de Bordeaux sous arbitrage du parlement (fin xve-début xvie siècle) »
Les conflits entre Bordeaux et les villes viticoles du Haut-Pays, en raison des privilèges du vin obtenus par la première, opposent-ils des oppresseurs et des opprimés en résistance ? Le jeu des rapports de force répond à des logiques singulières. Chaque communauté s’évertue à défendre ou à accroître ses prérogatives. Mais la notion de résistance est intéressante à convoquer pour analyser ce qui relève plus de tractations, de contournements et d’adaptation que d’un conflit frontal.
346Roberto Tufano, « Resistenze di parte e di ceto alla giustizia regia nelle Sicilie durante il Settecento. La ricusazione del giudice come strumento di lotta politica tra élites durante il viceregno austriaco »
L’auteur s’interroge sur la manière de qualifier tumultes et révoltes contre l’autorité centrale dans la Sicile du xviiie siècle, en suivant l’évolution concrète en droit qui mène depuis le xvie siècle à distinguer révoltes et licite resistere. Le concept de résistance ayant acquis une autonomie juridique au regard de celui de rébellion, l’opposition consentie et légitime au pouvoir royal amène aussi à extraire l’action de résistance de la notion de crime de lèse majesté.
Mathieu Soula, « Mettre à nue la violence judiciaire. Faire face au pouvoir de mort à Toulouse au xviiie siècle »
L’analyse des résistances des condamnés ou de ceux qui assistent aux exécutions capitales données à Toulouse au xviiie siècle montre que la peine de mort est un moment de péril qui n’interdit ni les appropriations divergentes, ni les pratiques d’opposition à l’imposition des stigmates infamants. Pour être pleinement effectif, le supplice doit recueillir l’accord tacite ou expresse du supplicié et de l’assistance, car seule la convergence des représentations rend ce rituel de mort performatif.
Sébastien Annen, « Résister par la grâce aux “poursuites non-méritées du Ministère public”. La grâce, la fuite et l’innocence dans la France des années 1780 »
Cette étude s’appuie sur une analyse renouvelée des pratiques de la grâce au xviiie siècle qui dépasse une lecture traditionnelle centrée sur la négociation et la pacification pour montrer qu’il peut aussi s’agir d’un acte de résistance à la procédure et au jugement. L’idée n’est pas tant de faire obstacle à la justice que d’aboutir à une justice mieux rendue, plus conforme aux faits.
Julien Briand, « Justiciables, échevins et officiers seigneuriaux face aux évolutions de la procédure rémoise (xive-xve siècles) »
Le présent article s’attache à étudier les réactions des différents acteurs de l’ordre judiciaire rémois vis-à-vis des évolutions de la procédure criminelle. Quelles formes de résistance ont été opposées au passage de l’accusatoire à 347l’inquisitoire sous la houlette de l’archevêque ? Les juges de l’archevêque ne se sont-ils pas servis de la résistance de la population face à l’accusatoire pour imposer progressivement le principe inquisitoire au pénal ?
Véronique Beaulande-Barraud, « La juridiction du chapitre de Reims, un moyen de résister à la justice archiépiscopale »
L’auteure aborde la mise en concurrence de deux juridictions rémoises, celle de l’archevêque et celle du chapitre, par les bourgeois eux-mêmes. Ces derniers usent du privilège capitulaire de franc-sergenterie pour échapper à la justice archiépiscopale, même en cas de crimes commis. Mais il semble que celui à qui profite ce jeu des résistances soit le Roi. À partir du dernier quart du xive siècle, archevêque et chanoines s’adressent au Parlement de Paris pour résoudre leurs querelles.
Bernard Dauven, « Contester la grâce. Les rapports de pouvoirs entretenus entre le prince et la partie intéressée dans les rémissions (Brabant, xvie et xviie siècles) »
À l’appui des lettres de rémission accordées aux xvie et xviie siècles dans les Pays-Bas bourguignons, cette étude essaie d’objectiver l’existence de résistances à la justice et à l’imposition de l’État moderne. Deux types de résistances sont plus particulièrement étudiées dans un moment de construction de la souveraineté et de troubles religieux : l’opposition de la partie intéressée de la victime au retour du coupable dans son pays et la fuite de ce dernier hors du pays.
Olivier Caporossi, « Résister aux abus du corregidor de Plasencia en 1622, un triomphe pour la justice du roi ? »
La présente étude de cas permet d’aborder de manière indirecte les résistances à la justice du roi (et à son représentant) et ses effets politiques attendus ou paradoxaux. L’affaire oppose le clergé de Plasencia au corregidor accusé de nombreux abus. Pour pacifier la situation, Philippe IV envoie un de ses juristes mener l’enquête sur les agissements du corregidor Diego de Guzmán, dont les pouvoirs de justice sont suspendus.
348Rachel Renault, « Résistance à la justice et construction politique. Les territoires immédiats d’Empire en Saxe et Thuringe face aux justices impériales et territoriales (xviie-xviiie siècles) »
Le cadre de cette étude prend un espace où il n’y a pas ou peu d’État. La résistance à la justice peut prendre ici plus concrètement un aspect politique : elle est l’occasion de l’expression d’un mécontentement, participant de ce fait à prendre part à la construction du politique. Il s’agit bien de redéfinir les prérogatives politiques et la répartition des pouvoirs, à travers l’établissement d’un rapport de force, instable et mouvant, entre la Saxe, les princes et comtes, et les sujets.
Sophie Delbrel, « Quand l’administration résiste à la justice. L’accord en matière de fiscalité indirecte aux xviiie et xixe siècles »
Il s’agit d’interroger les tensions entre administration et justice, à savoir les moyens que s’octroie ou qui sont octroyés à l’administration pour régler les conflits par la transaction et la négociation au détriment de l’œuvre de justice. L’exemple de l’impôt est particulièrement fécond en ce qu’il exprime le mieux les intérêts divergents que doit régler l’État.