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Classiques Garnier

[Introduction de la première partie]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Rencontre et Reconnaissance. Les Essais ou le jeu du hasard et de la vérité
  • Pages : 21 à 21
  • Collection : Études montaignistes, n° 64
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406064886
  • ISBN : 978-2-406-06488-6
  • ISSN : 1775-349X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06488-6.p.0021
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 13/01/2017
  • Langue : Français
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Dans la langue du xvie siècle, la notion de « rencontre » possède un champ dextension et dapplication supérieur à celui quelle a aujourdhui. Les relations quelle désigne sont multiples, et engagent les êtres, les choses, mais aussi les mots, faisant delle la traduction dun événement, qui peut être intellectuel ou verbal. Lunivers « littéraire » sapproprie ces différentes orientations. Il ne méconnaît pas, bien évidemment, le topos de la première vue et du « coup de foudre », qui deviendra la principale manifestation de la « rencontre » en littérature, célébrée par un illustre critique1 : la poésie antique et pétrarquiste lui en fournit le modèle prestigieux2, tandis que la narration en prose en propose de nombreux avatars. Mais, comme il ne répugne pas à poser le problème du langage, du savoir ou de linterprétation, dans le cadre de ses fictions autant quen dehors delles, il confère à la « rencontre » une forte productivité, qui exhibe et dramatise la question des liens entre les sujets, comme entre les pièces éparses de la culture.

Parce quils sont ouverts à différents types de discours, parce quils accueillent le vocabulaire issu de domaines variés, parce quils se veulent une interrogation sur la connaissance et ses modalités, les Essais constituent un creuset intéressant des acceptions du terme dans la seconde moitié du xvie siècle3, auxquelles ils peuvent prêter des visages spécifiques en fonction des contextes dutilisation. Cela étant, on ne saurait étudier ces dernières en des enquêtes parcellaires, sans grand rapport les unes avec les autres, pas plus quon ne saurait adopter une progression qui serait motivée par un principe de classement imposé de lextérieur du texte. Bien plutôt, la trajectoire que nous allons suivre répondra au présupposé selon lequel la « rencontre » et ses dérivés sont en adéquation avec lopération que Montaigne désigne sous le nom dessai. On peut ainsi espérer que le travail de recomposition de lœuvre et de ses séquences ne sera pas trop entaché darbitraire.

1 Jean Rousset, Leurs yeux se rencontrèrentLa scène de première vue dans le roman, Paris, José Corti, 1984.

2 Voir ainsi André Gendre, Ronsard poète de la conquête amoureuse, La Baconnière, Neuchâtel, 1970, chap. ii (sur linnamoramento).

3 On trouve 44 occurrences du substantif « rencontre(s) » dans les Essais, 2 du substantif « rencontré », 129 des formes verbales dérivées de « rencontrer ».