Résumés

Véronique Gély, « La “dispute sur l’emploi de la fable”. La fiction en cause »

La dispute sur l’emploi de la fable occupe une position centrale au sein des débats littéraires de la première modernité et connaît l’un de ses moments les plus forts dans la deuxième moitié du xviie siècle. En opposant les tenants de la langue latine et de la mythologie païenne d’un côté, aux partisans de la langue française et du sacré chrétien de l’autre, elle redéfinit les rapports entre fable et fiction, entre religion et poésie, entre sérieux et ludique. Elle enclenche de ce fait la réflexion moderne sur la notion de « fiction ».

Théodora Psychoyou, « La musique des Modernes et l’opposition entre théorie et pratique en France au xviie siècle »

Le comparatisme entre Anciens et Modernes dans le domaine de la musique s’articule avec deux autres axes de comparaison : l’opposition entre théoriciens et praticiens, puis entre musique française et italienne. Tandis que les théoriciens de la musique ont pu être associés aux Anciens et les musiciens aux Modernes, le binôme Français-Italiens a pu être superposé à Anciens-Modernes. Cet article explore l’articulation de la querelle des Anciens et des Modernes avec l’opposition entre théoriciens et praticiens, dans le discours sur la musique.

Sylvie Kleiman-Lafon, « L’affaire Paméla. Une querelle franco-anglaise »

Le tumulte qui s’empara du monde des lettres après la publication du roman de Richardson fut davantage qu’une simple querelle littéraire. Cette affaire illustre la façon dont les querelles circulaient en Europe au xviiie siècle et dont elles alimentèrent la création et l’innovation littéraire en interrogeant les genres littéraires et la nature même des romans.

François Lecercle, « L’émergence d’une “querelle du théâtre” en France et l’implication des dramaturges »

On distingue traditionnellement trois querelles du théâtre dans la France du xviie siècle. Cet article s’attache à la première crise et, plus généralement, à la naissance de la polémique abordée dans le triple contexte de son émergence. Après avoir dégagé les principales caractéristiques de la querelle qui naît en France avec un retard notable sur l’Angleterre, cette contribution met en lumière le rôle qu’y jouent les dramaturges en s’appuyant notamment sur l’exemple de La Comédie des comédiens de Gougenot.

Laura Naudeix, « Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706) »

La première querelle de la musique italienne qui oppose principalement deux hommes, Le Cerf de la Viéville et Raguenet, donne lieu à la production d’une Vie de Lully qui demeure présente dans les biographies du compositeur. C’est à ce titre que la dispute a l’impact le plus net dans l’historiographie de la musique française, contribuant à fonder l’identité de l’opéra lulliste rattaché à la personnalité de son créateur. En observant le processus de diffusion polémique des éléments de ce texte, on assiste à la naissance d’un mythe fondateur.

Raphaëlle Legrand, « Jean-Philippe Rameau théoricien. Par-delà les Anciens et les Modernes ? »

Si Rameau est connu comme querelleur patenté, l’influence de la querelle des Anciens et des Modernes sur sa pensée a pourtant été peu étudiée. La spécificité de la musique dans ce débat impose au compositeur des prises de position complexes. Il affiche dans son œuvre théorique une intention militante par laquelle il critique d’un même mouvement les Anciens et les Modernes afin de mieux promouvoir son propre système.

Marion de Lencquesaing, « Se dispute-t-on dans les Vies de saint ? Les enjeux de la réécriture hagiographique de la Vie de Jeanne de Chantal »

Les nombreux récits de la « Vie » de Jeanne de Chantal publiés entre le xviie et le xxe siècle permettent d’interroger les liens entre hagiographie et 449polémique. Les différentes réécritures de cette vie deviennent le support d’une polémique en palimpsestes où tente de s’affirmer l’identité de l’hagiographe écrivain. Le texte hagiographique, qui relève du domaine apologétique puisqu’il vise à produire le récit d’une vie exemplaire, s’avère ainsi être un lieu nécessairement polémique.

Paddy Bullard, « “Des querelles que nous fait la nature”. Gulliver, Latour et les croisements de la modernité »

Les Voyages de Gulliver est un roman à thèse produit par un célèbre polémiste, Jonathan Swift. Pourtant, on n’y trouve pas beaucoup de querelles. Plus exactement, l’écriture fictionnelle des Voyages de Gulliver se fonde sur des querelles que le lecteur se doit d’interpréter. En dépit des protestations de Swift, Gulliver se révèle au lecteur comme un texte qui doit sa création à une modernité divisée et problématique.

Héloïse Hermant, « Une querelle peut en cacher d’autres. Agôn, création et reconfigurations politiques et culturelles dans la polémique contre les validos de la régente Mariana de Austria (1668-1677) »

Ce chapitre revient sur la querelle qui oppose le bâtard royal don Juan José de Austria aux validos de la reine-mère Mariana dans l’Espagne de la fin du xviie siècle. Il examine les liens entre logiques culturelles et champ de forces autour de la question de la création pour montrer comment la querelle donne naissance à un vaste corpus de textes originaux et souligner la façon dont la question de l’arbitrage pèse de tout son poids dans le processus de création, entendue comme reconfiguration d’idées et d’institutions.

Marine Roussillon, « Tartuffe entre interdiction et création »

Ce chapitre montre les continuités dans l’« affaire Tartuffe », depuis Molière jusqu’à l’époque contemporaine. Parce qu’elles accompagnent les réécritures du Tartuffe, ces querelles apparaissent comme des lieux privilégiés pour étudier le processus de création. Leur fonctionnement est analysé, afin de faire apparaître leur dimension créatrice. C’est par exemple dans la querelle que l’interdiction royale peut être discutée, c’est plus généralement la valeur sociale des lettres et des arts qui apparaît dans l’histoire de cette querelle.

Hannah Williams, « Le Brun contre Mignard. Une rivalité dans le monde de l’art »

Ce chapitre prend son origine dans l’animosité entre Charles Le Brun et Pierre Mignard. Il montre comment ces deux artistes sont devenus rivaux, et comment ils finirent par incarner les frictions du monde de l’art à Paris. De leur vivant, leur concurrence a constitué une stimulation mutuelle. Mais la postérité de cette rivalité permit à des générations d’académiciens de projeter leurs propres rivalités institutionnelles. Le Brun et Mignard devinrent pour leurs héritiers un couple incarnant des valeurs opposées.

Isabelle Baudino, « L’autre querelle du dessin. Théories et pratiques du dessin d’après nature dans les académies londoniennes au xviiie siècle »

Ce chapitre examine la question du dessin dans les académies anglaises au xviiie siècle et analyse la façon dont les peintres britanniques s’opposèrent sur la place qu’il convenait de réserver au dessin dans la formation artistique. Il montre comment ce débat, même s’il ne donna pas lieu à des querelles aussi violentes qu’en France, fut fécond. Ce sont en particulier Jonathan Richardson (1667-1745), William Hogarth (1697-1764) et Joshua Reynolds (1723-1792) dont les positions sont étudiées.

Colin Burrow, « Imitation et propriété littéraire au xviiie siècle. De quelques querelles et de leurs conséquences créatrices »

Ce chapitre analyse la question de l’imitation et de ses conséquences sur la définition de la propriété littéraire. Après avoir montré l’étendue des débats à son sujet dans l’Angleterre du xviiie siècle, le chapitre se tourne sur son influence sur la création. Il montre que la phase la plus mouvementée des querelles littéraires tend à déboucher sur un ensemble de modifications significatives dans le vocabulaire. C’est ainsi que des querelles publiques opposant des individus peuvent se muer en débats internes dans l’esprit des poètes.

Marion Brétéché, « Cabale dans la librairie. Polémiques journalistiques et prolétariat de plume à La Haye dans les années 1730 »

Ce chapitre traite d’un groupe d’écrivains au centre d’une querelle dans la librairie néerlandaise du début du xviiie siècle. Son but principal est de 451montrer que la question des pratiques d’écriture peut être mobilisée dans des polémiques contribuant à assigner un statut socioprofessionnel aux auteurs. En analysant plusieurs dimensions de cette polémique éditoriale, ce chapitre en reconstitue le fonctionnement, les ressorts et les enjeux. Il souligne aussi le rôle de l’écriture en tant que pratique sociale.

Kate E. Tunstall, « Des pseudonymes, des faux, et d’autres fabrications. Disputes autour du nom d’auteur (1688-1765) »

Cet essai analyse la question du nom d’auteur en prenant pour point de départ l’ouvrage des Auteurs déguisés par A. Baillet (1690). Ce texte fournit le cadre à l’examen de deux querelles : une première autour d’un ouvrage publié en 1691, et qui fut attribué à Pétrone, Satyricon, cum fragmentis, Albæ Græcæ recuperatis anno 1688 ; la seconde autour du Testament politique du cardinal de Richelieu, publié en 1688. Le chapitre montre qu’en se disputant, les auteurs fabriquent, répandent ou illustrent leur nom, ce qui est un moyen de s’affirmer comme auteur.

Anne Simonin, « Portalis querelleur de lui-même, ou de la fonction juridique du plagiat »

Ce chapitre se tourne vers la carrière du jeune Portalis, le père du Code civil, considéré ici comme l’auteur de deux brochures : les Observations sur un ouvrage intitulé Émile ou de l’éducation et Des Préjugés. L’hypothèse développée est que Portalis aurait pu lui-même mettre en scène cette querelle où il est accusé de plagiat. L’analyse de ces textes montre comment une querelle en apparence localisée s’inscrit dans de larges débats de la deuxième moitié du xviiie siècle autour des notions de plagiat et d’originalité.