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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Psychanalyse textuelle. De Sénèque à Duras
  • Pages : 11 à 12
  • Collection : Théorie de la littérature, n° 22
  • Thème CLIL : 4053 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Théorie Littéraire
  • EAN : 9782406097969
  • ISBN : 978-2-406-09796-9
  • ISSN : 2261-5717
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09796-9.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/05/2020
  • Langue : Français
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Avant-Propos

Le titre de ce livre pourra surprendre. Il est dans la droite ligne de la pensée de Freud, telle quelle sexprime, à deux reprises, dans son écrit : « La question de lanalyse profane1 ». On y lit, en effet : « Lutilisation de lanalyse pour la thérapie des névroses nest quune de ses applications ; lavenir montrera peut-être que ce nest pas la plus importante » ; « La ligne de démarcation se situe entre la psychanalyse scientifique et ses applications dans les domaines médical et non médical. »

Longtemps réservée à létude psychanalytique des textes littéraires (à laquelle Freud, tout le premier, na pas craint de sexercer), lexpression « psychanalyse appliquée » nest donc pas en elle-même injustifiée. Elle a le tort de laisser croire quelle représente la seule « application » de la « psychanalyse scientifique », alors quil en existe dautres – dont la cure. Doù, pour éviter toute ambiguïté, ce titre : Psychanalyse textuelle.

Lexpression nimplique pas une quelconque ambition de « psychanalyser » un écrivain à partir de ses écrits : tâche – risquée – à laquelle prétend la « psychobiographie ». Elle ne renvoie pas non plus à lexistence – supposée – dun « inconscient du texte » : un écrit na pas dinconscient ; il porte seulement la trace de linconscient dun homme ou dune femme. Trace qui renvoie, non à lauteur hors texte – ce serait retomber dans lerreur de la psychobiographie , mais à lauteur dans le texte. Cest, en effet, lune des énigmes du geste littéraire que lhomme et lœuvre puissent connaître des destins qui ne coïncident pas : non seulement lécriture 12peut avoir sur qui la pratique des effets négatifs aussi bien que positifs ; mais lœuvre (dans son ensemble ou dans sa particularité) peut évoluer sans que bouge lêtre qui écrit.

Conscient de ce problème, Charles Mauron distingue chez un écrivain son « moi orphique » de son « moi social ». Lidée est juste ; le vocabulaire (dans son recours au « moi » comme instance créatrice) peut paraître contestable. Au reste, ma méthode, si elle sest, un moment, inspirée de la « psychocritique », sen est rapidement écartée ; je men explique dans mon étude sur Mallarmé.

Les chapitres constituant mes deux premières parties suivent lordre chronologique de leur écriture : la première appartient à des époques où la méthode se cherche ; la seconde, à une période où son statut saffirme plus nettement. Cela revient à dire que le déchiffrement occupe, par rapport à linterprétation, une place plus importante dans la première partie que dans la seconde. Mais ce déchiffrement (susceptible dentraîner de la part du lecteur un accord objectif) simpose dans tous les cas, pour éviter à linterprétation (qui met en jeu une subjectivité plus radicale) tout risque de délire ; une psychanalyse textuelle ne saurait se passer dune stylistique textuelle.

Deux fois, les textes étudiés sont traduits de langlais : les citations saccompagnent de notes donnant le texte original. Pareille précaution na pas paru utile pour lœuvre dun auteur latin.

La troisième partie échappe à lordre chronologique, compte tenu de son caractère marginal, plus proche dune « psychanalyse scientifique ».

Cela nexclut pas que, dans les deux premières parties, lanalyse textuelle puisse avoir des effets de choc en retour sur la théorie – démarche qui, bien souvent, fut celle même de Freud2.

1 Le texte dorigine parut en 1926, la postface en 1927. Le premier fut traduit en français dès 1928 ; la seconde dut attendre jusquen 1985. Deux traductions françaises sont actuellement disponibles : par Janine Altounian, Odile et André Bourguigon, Pierre Cotet, Alain Rauzy, Paris, Gallimard, « Connaissance de linconscient », 1985, 2003 ; par Janine Altounian, Anne Balseinte, André Bourguignon, Eva Carstanjen, Bernard Colomb, Pierre Cotet, Jean-Gilbert Delarbre, Daniel Hartmann, René Lainé, Alain Rauzy, Johanna Stute-Cadiot, Eike Wolff, Œuvres complètes, Paris, PUF, t. XVIII, 1994, p. 1-92. Les deux citations qui suivent figurent, la première, dans le texte dorigine (1985, p. 137 ; 1994, p. 76) ; la seconde, dans la Postface (1985, p. 153 ; 1994, p. 86).

2 Les études réunies dans ce livre ont fait lobjet, soit darticles parus dans des revues, soit de communications dans des colloques ou des séminaires, certaines, elles aussi, publiées, les autres, restées inédites. Leur origine sera à chaque fois signalée. Dans tous les cas, le texte en a été largement remanié.