Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Proust et la tradition littéraire européenne
- Pages : 9 à 11
- Collection : Classiques Jaunes, n° 776
- Série : Essais, n° 41
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406169369
- ISBN : 978-2-406-16936-9
- ISSN : 2417-6400
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16936-9.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/06/2024
- Langue : Français
Préface
Toute étude critique a ses origines dans la passion de la lecture. Ceux et celles qui, s’étant consacrés à l’œuvre d’un auteur pendant de longues années, arrivent à une connaissance scientifique des textes qu’il a écrits, sont obligés néanmoins de reconnaître que ce qui les relie à cet auteur, bien au-delà du savoir en tant que tel, c’est le plaisir qu’ils éprouvent à le lire, et à le relire. Dans le cas présent, je soumets à un public francophone un ensemble d’écrits qui ont jalonné ma carrière de professeur d’université et de critique littéraire, depuis ma thèse de doctorat jusqu’au moment présent. Répondant à la sympathique invitation de Luc Fraisse de contribuer à la collection « Bibliothèque proustienne » qu’il codirige avec Didier Alexandre pour Les Classiques Garnier, j’ai voulu témoigner de cette passion de lecture aussi bien que des connaissances textuelles que j’ai pu acquérir sur l’œuvre protéiforme de Marcel Proust.
Formé comme comparatiste à Yale University aux États-Unis, mais ayant vécu également en France, j’ai pu, pendant mes années d’apprentissage intellectuel, consulter les collections de la Bibliothèque nationale de France pour écrire ma thèse sur Proust, et, pendant la même période, participer à des séminaires sur la littérature et la philosophie à l’École Normale Supérieure qui m’ont fortement marqué. L’année que j’ai passée à l’Université de Bonn en Allemagne Fédérale après la rédaction de ma thèse n’a fait que contribuer à la perspective comparatiste que je continue d’employer dans mon travail d’interprétation textuelle. Le lecteur du présent ouvrage notera que j’étudie l’œuvre de Proust dans le contexte général de la tradition littéraire européenne, et notamment, des rapports de cette œuvre avec la littérature et la théorie littéraire anglaise et allemande. Je n’ai rien voulu enlever à la spécificité de la contribution proustienne à l’histoire des lettres françaises, qui est considérable, mais j’ai voulu montrer que cette contribution s’étend au-delà des frontières de la France, et que lire Proust, c’est aussi s’engager dans l’histoire des idées, et étudier l’ambiance culturelle transnationale à laquelle son vaste roman participe activement.
10Les pages qui suivent sont un compendium de chapitres de mon premier livre sur Proust (The Reading of Proust), d’essais, d’articles, et de conférences, tous groupés autour d’un thème unificateur, qui est celui de la tradition littéraire européenne. Ce que j’entends par « tradition » sera explicité d’ici peu, dans mon Introduction.
Mais avant de passer à ma lecture de Proust, j’aimerais remercier les éditeurs qui m’ont donné la permission de traduire et d’adapter des écrits publiés d’abord en anglais et de les insérer, sous une forme modifiée, dans le présent ouvrage :
–pour les chapitres 1, 2, et 3, The Johns Hopkins University Press (The Reading of Proust, Baltimore, 1984, p. 30-132) ;
–pour le chapitre 4, la revue Style, pour l’article « Proust’s “Venice” : The Reinscription of Textual Sources », no 3, automne 1988, p. 432-449 ;
–pour le chapitre 5, les presses universitaires de Cambridge (Royaume-Uni), pour « Proust and Kafka : Uncanny Narrative Openings », dans David Ellison, Ethics and Aesthetics in European Modernist Literature : From the Sublime to the Uncanny, 2001, p. 133-158 ;
–pour le chapitre 6, la Fondation Rockefeller, Bellagio, Italie, où j’ai donné une première version de ce chapitre sous forme de conférence dans le cadre d’un séminaire international sur le thème « The Impact of Proust » (du 7 au 11 septembre 2006) ;
–pour le chapitre 7, la revue Modern Language Notes (MLN), pour l’article « Comedy and Significance in Proust’s Recherche : Freud and the Baron de Charlus », vol. 98, no 4, 1983, p. 657-674 ;
–pour le chapitre 8, les éditions Legenda, pour l’essai « The Disquieting Strangeness of Marcel Proust », dans The Strange M. Proust, éd. André Benhaïm, Londres, 2009, p. 12-22 ;
–pour l’Épilogue, la revue L’Esprit créateur, pour l’article « L’héritage de Proust », vol. 46. no 4, 2006, p. 69-82.
Pour terminer, une petite remarque. Avant de me consacrer à ce livre, je n’avais jamais traduit que de courts extraits de textes. Maintenant je comprends mieux comment tout acte de traduction est essentiellement un travail de transformation, et en fin de compte, une lecture 11interprétative. Ce que j’offre à des lecteurs et à des lectrices francophones ici, ce n’est plus « la même chose » que ce que j’écrivis dans le passé pour un public anglophone. Bien que je me sois efforcé d’être fidèle à des idées que j’énonçai, dans certains cas, il y a maintenant assez longtemps, je pense pouvoir dire que le présent ouvrage constitue ce que je pense aujourd’hui de l’œuvre proustienne. Paradoxe apparent dira-t-on. Mais comme nous l’apprend À la recherche du temps perdu, le Temps est une dimension qui nous traverse de part en part, et malgré la dispersion de notre « moi », nous voulons voir, dans l’étendue de ce que Montaigne appela notre « expérience », l’épaisseur d’une pensée qui revient à son point d’origine pour s’enrichir.