[Citations en exergue]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Proust, contre-enquête
- Pages : 315 à 315
- Collection : Bibliothèque proustienne, n° 24
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406069577
- ISBN : 978-2-406-06957-7
- ISSN : 2258-9058
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06957-7.p.0315
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/12/2018
- Langue : Français
Se promener
Proust ne fut pas toujours ce malade qui peu à peu ne quitta presque plus sa chambre. On oublie qu’il fut aussi, malgré son asthme, un petit garçon turbulent, courant comme un fou dans le jardin d’Auteuil, pêchant dans le Loir à Illiers, chahutant avec des fillettes aux Champs-Élysées. Jeune homme, il monta à cheval, renonçant à l’équitation après une chute violente, s’inscrivit à un cours de danse, parcourait des kilomètres à pied dans la Normandie. Il aima voyager, visita la Bretagne, Venise, Amsterdam, allait chaque année en villégiature à Cabourg, se faisait conduire en voiture par un chauffeur à la découverte des églises, des paysages ou des pommiers en fleurs. La meilleure période de sa vie, à l’en croire, fut son service militaire à Orléans.
Se promener est la deuxième grande expérience qu’il nous raconte après la lecture. Dans le roman, elle s’enracine dès l’enfance à Combray, où l’on a le choix entre deux promenades : du côté de chez Swann, vers Méséglise, ou le côté de Guermantes. Deux univers clos, inconciliables, dont il fera le titre des premier et troisième volumes de la Recherche.
Rétrograder dans le passé
Proust était né à Auteuil, un village aux portes de Paris. Mais en allant à Illiers, il avait l’impression de rétrograder plus loin dans le temps. Illiers était une campagne du dix-neuvième siècle avec des personnages qu’on ne voyait déjà plus à Paris, mais qu’on trouvait dans les livres du passé. Sa mère, grande admiratrice de Mme de Sévigné et de George Sand dut éprouver cette impression en se rendant pour la première fois dans le village natal de son mari.
334Aller à Illiers, pour Marcel, c’est comme entrer dans un livre, un grand tableau de la vie de province proche de ses auteurs favoris, Chateaubriand, Balzac, Nerval. Combray, le pays inventé par Proust d’après ses souvenirs d’enfance, où fusionnent Auteuil et Illiers, marque « l’extrême limite des pays chrétiens ». Lorsqu’on vient de Paris en train, il est recommandé de ne pas rater la station, le train repart au bout de deux minutes. Une fois engagé sur le viaduc, on ne peut plus savoir où l’on va.
Combray symbolise l’extrême limite de la représentation. Proust le décrit comme un ailleurs qui offre encore des repères et répond à des critères stables. Un pays où deux côtés inconnaissables l’un à l’autre, définitivement séparés, sans communication entre eux, mènent à deux mondes antagonistes. L’un, fait de vent, de pluie et de champs, s’ouvre sur l’infini et la solitude. S’y profilent au loin des villages inatteignables et maudits. L’autre, plus sauvage, plus tortueux, traversé de rivières et d’eaux tumultueuses, ressemble au décor des romans anglais de George Eliot ou de Thomas Hardy. Le premier appartient à un Juif déclassé depuis qu’il a épousé une femme de mauvaise réputation, le second à une duchesse invisible qui trône sur le pays depuis la nuit des temps.
Méséglise-la-Vineuse
Ces deux côtés, le narrateur les découvre en famille. Chacun répond à un rite. Quand il fait gris, qu’il menace de pleuvoir, on se rend du côté de chez Swann. Le tour est moins long et l’on peut s’y abriter, soit dans les bois de Roussainville, soit sous le porche de Saint-André-des-Champs.
Le côté de chez Swann, dont on longe la propriété de Tansonville au début de la promenade, mène à Méséglise-la-Vineuse, dérobé à la vue et inaccessible comme l’horizon. On s’y rend du côté ouest en sortant par la grande porte de la maison, rue du Saint-Esprit. Le narrateur y découvre les champs de blés qui ressemblent à la mer, l’ombre ronde des pommiers sur la terre ensoleillée, l’église si française de Saint-André-des-Champs.
C’est de ce côté qu’il éprouve une révélation philosophique existentielle, première étape vers l’écriture. Il a quatorze ou quinze ans et chemine seul vers Méséglise. Son corps éprouve le besoin de dépenser 335l’énergie accumulée après une matinée de lecture. Il donne dans tous les sens des coups de parapluie et pousse des cris joyeux, sans pouvoir mettre de mots sur ce qu’il ressent. Cette émotion, il ne sait pas encore la traduire en phrases, elle s’échappe en gestes désordonnés et en cris. « La plupart des prétendues traductions de ce que nous avons ressenti ne font ainsi que nous en débarrasser en le faisant sortir de nous sous une forme indistincte qui ne nous apprend pas à le connaître1. » Il prend conscience du travail de traduction que requièrent « ces minutes inspirées » dont il parlera dans Jean Santeuil. Ce que nous avons ressenti d’important, « l’essence même de notre vie » ne doit pas être perdu mais « recueilli sans rien y mêler dans ces heures de déchirure où elle découle2 ». S’ébauche ici ce que le narrateur expérimentera des années plus tard avec la mémoire involontaire.
Ce jour-là, au bord de la mare de Montjouvain, se mêlent le vent, le soleil et la pluie. Le vent donne aux herbes folles et au duvet de la poule perchée sur une petite cahute « l’abandon des choses inertes et légères ». Le soleil transforme la mare en miroir et dore les surfaces lavées par la pluie. Le toit de tuiles de la cahute se mire dans l’eau en une marbrure rose. Soudain tout semble se répondre, le rose du toit, l’or du mur et le rayon du ciel, provoquant chez le promeneur un ravissement qu’il saura seulement traduire par quatre « zut », mots opaques, dit-il, proférés à la suite, alors que son devoir eût été d’éclaircir ce qu’il ressentait3.
La question du lieu
Un lieu est a priori une réalité moins éphémère qu’un moment du temps. Enfant, nous pensons qu’il existe pour l’éternité. Une expérience douloureuse apprendra à l’écrivain qu’il n’en est rien. En 1896, on l’a vu, la maison de son grand-oncle où il est né est détruite. Rien ne pourra donc plus en être retrouvé, sauf dans la mémoire. Et quand le détenteur de cette mémoire ne sera plus, le lieu disparaîtra à jamais.
336Un lieu connu existe à la fois dans la réalité et dans notre imagination. Quand je n’y suis plus, il continue d’habiter un endroit donné de la terre tout en se dédoublant : une image de lui, convocable à souhait, habite à l’intérieur de moi, tandis que sa réalité se déploie à des kilomètres. Qu’est-ce qui est le plus réel : sa matérialité physique ou l’image qui hante ma mémoire ? Dans l’absolu, c’est son empreinte physique sur la terre mais pour ce qui me concerne, c’est l’image que j’en garde, car celle-ci ne saurait être ni détruite ni transformée, persistant non plus dans un espace mais dans un temps donné, le temps du souvenir. Ainsi le lieu habite également le temps, ce que Proust résume dans cette réflexion nostalgique : « Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors ; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant ; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années4. » Cette constatation amère conclura le premier tome de sa Recherche.
Dans Jean Santeuil, Jean fait une expérience troublante. Une promenade avec Henri de Réveillon le mène dans un vallon isolé dont la solitude et le silence lui donnent l’apparence de la mort. Seules y poussent quelques fleurs, une grande digitale et des gueules-de-loup. L’endroit est séparé des autres, de la même façon que les deux côtés de Combray, vases clos et sans communication entre eux, comme les individus.
Les plantes, dit-il, ne connaîtront jamais qu’elles-mêmes. Quelque chose de profondément triste pour Jean se dégage de ces réflexions : « Et Jean pensait à ce que c’est qu’un endroit de la terre, un endroit de la terre où l’on passe, mais qui reste là au pied de son rocher ou au bord de son torrent, qui n’a jamais rien vu du reste du monde. C’est là, on y est en ce moment, on y vit, il semble plutôt qu’on devrait y être mort sous cette digitale qui n’a jamais rien vu du reste du monde ; ces petites gueules-de-loup non plus. L’endroit où l’on est né est plus que bien loin d’ici, il en est séparé. Un lieu de terre est cela. Si habité qu’il soit, c’est aussi loin que s’étend la vue des pommiers, que porte le souffle de la brise de mer. Après sont d’autres lieux, aussi séparés de tout, de tout ce que leurs arbres ne verront jamais au-delà de leur horizon, où la nuit 337ne tombe pas sur les mêmes choses […]5. » Proust vit cette souffrance de la séparation jusque dans le lieu désert et infréquenté.
Mais il découvre autre chose : les lieux ont une figure, « une figure à [eux] à laquelle certains s’habitueront jusqu’à avoir pour elle une amitié comme une figure humaine en inspire, plus peut-être, que d’autres verront pour une fois comme une figure étrangère qui ne peut pas les suivre quand ils partent, qui ne se détourne pas, restant là à attendre le soir, leur soir à eux, comme ne l’a jamais eu aucun autre, l’ombre glacée d’une montagne ou la brise de la mer, que peut-être ils ne pourront pas oublier, que la ressemblance d’un autre lieu de la terre leur rappellera tout d’un coup, [leur] faisant sentir le désir et probablement l’impossibilité d’y revenir de toute la vie6 ».
L’idée du double refait son apparition : cette figure du lieu ne pourra vraiment être perçue que quand un autre lieu la rappellera au promeneur. Ce n’est qu’à travers cette ressemblance, dans son souvenir, que le paysage prend une figure et se met à exister. « Mais ce ne sera pas la même [figure], la ressemblance ne fera qu’accuser la personnalité. Si un autre me ressemble, c’est donc que j’étais quelqu’un7. »
Pour l’écrivain, quelque chose n’existe que dans l’intervalle qui le rapproche d’autre chose, cet intervalle n’étant que du vide, espace vide, temps vide. Jean est tenté de déraciner la digitale et de l’emporter pour la soustraire à cette déréliction, « et il aurait voulu aussi emporter ce val, le ravir à cet isolement absolu, éternel, qui lui donnait pour la première fois le sentiment de cette chose qui n’en était pas une autre, qui était hors de toutes les autres, et ne pourrait jamais s’en approcher, en connaître, et avec qui le silence seul partageait la solitude. Puis il n’osa plus. On craint de toucher à ce qui est à ce point soi-même. Prendre la digitale sans les gueules-de-loup… il aurait fallu tout emporter à la fois, et la forme de l’anfractuosité, et la particularité de la solitude, la physionomie de son silence8 ».
Expérience extraordinaire, et terriblement angoissante, de la conscience soudain d’exister, un et séparé, enfermé éternellement dans son être étanche, isolé et mortel. Tout à coup Jean ressent intensément devant 338cette fleur ce que c’est qu’être une chose sans en être une autre, hors de toutes les autres. Il revit devant la fleur l’expérience si douloureuse du baiser du soir, quand, séparé de sa mère, il se retrouvait seul dans son lit, en proie à la solitude et au silence. Il s’est reconnu dans la fleur comme cet être à jamais séparé, rêvant de fusionner avec l’autre sans y parvenir.
Henri trouve la parade en lui disant que cette digitale, il en existe partout dans le monde. Elle n’est donc plus seule, isolée, séparée, mais fait partie d’une grande famille. « Ces paroles retentirent avec une sorte de solennité dans l’âme de Jean et il [la] regarda sans tristesse, si isolée comme fleur périssable, mais si grande comme pensée durable de la nature, comme type si vaste de la vie. “Et moi aussi, se dit-il, bien souvent je me suis senti isolé du reste du monde comme la pauvre digitale. Mais dans d’autres moments j’ai senti qu’il était plein de pensées pareilles à la mienne depuis le passé le plus lointain, et qu’il en naîtrait aussi dans l’avenir, pour qui j’avais même quelquefois songé à conserver, pour offrir à leur amitié, dans un livre qui serait moi-même, une pensée qui ressemblerait à la leur.9” » Le salut viendra du sentiment d’appartenir à un type, à une famille d’êtres qui ont eu les mêmes pensées, à une longue lignée de chercheurs, de décrypteurs du monde, philosophes, écrivains, artistes. L’art, en le faisant entrer dans son histoire, sauve l’artiste de l’horreur d’exister séparé.
L’exaltation de la solitude
Se promener seul ressemble au rêve. Dans les premières pages de la Recherche, le réveil dans la nuit entraînait le souvenir des chambres, puis celui d’une femme et d’un rêve érotique nés d’une certaine position de la cuisse. La promenade suscite le même désir, celui d’une femme, une paysanne émanant de la campagne, que le narrateur puisse serrer dans ses bras.
Proust est formel : se promener seul dans la nature provoque en lui une excitation sexuelle10 qui exacerbe l’exaltation liée à la solitude et à la liberté, sans que le narrateur sache faire la part des deux. Elle survient 339brusquement, dit-il, au milieu de pensées diverses et le promeneur n’a pas le temps de la rapporter exactement à sa cause : réflexe spontané, naturel ? Qu’est-ce qui la provoque sinon cette liberté essentielle que rien n’entrave ? Le champ réduit que nous avons à notre disposition pour exprimer nos joies les plus profondes transforme cette émotion non sexuelle au départ en érection. Le promeneur ne comprend pas vraiment l’origine de ce désir et rêve d’une femme pour l’assouvir. Promenade et femme, désir de voir un lieu et désir de faire l’amour se mélangent : « Mais si ce désir qu’une femme apparût ajoutait pour moi aux charmes de la nature quelque chose de plus exaltant, les charmes de la nature, en retour, élargissaient ce que celui de la femme aurait eu de trop restreint. Il me semblait que la beauté des arbres c’était encore la sienne et que l’âme de ces horizons, du village de Roussainville, des livres que je lisais cette année-là, son baiser me la livrerait ; et mon imagination reprenant des forces au contact de ma sensualité, ma sensualité se répandant dans tous les domaines de mon imagination, mon désir n’avait plus de limites11. »
Au fond, rien d’étonnant à ce que le contact avec la nature fasse émerger de tels désirs. Sexe et imagination ne sont pas antinomiques. Proust vit les choses et raconte comment il les a vécues. Le corps n’est pas séparé de la pensée. Une excitation physique, non érotique, peut ressembler à un désir sexuel. Bien que d’origines différentes, leurs manifestations concordent. Thomas Bernhard dans une interview rapprochait l’excitation d’écrire de ce désir-là. Ce n’est pas qu’écrire ait une origine sexuelle, mais plutôt que l’énergie requise par l’écriture et le désir véhiculé par le corps – à quel autre endroit pourrait-il se manifester ? – empruntent les mêmes chemins, comme la même voiture sur la même autoroute nous sert indifféremment à nous rendre au travail ou en vacances.
Au milieu de la nature, libre, délivré pour un moment de l’habitude et des notions abstraites des choses, le promeneur peut se laisser aller à des impressions inédites. Il pressent que le lieu a une vie individuelle, une originalité, influence ses habitants, exercent sur eux une sorte de pouvoir magique. Il ne sépare pas la terre et les êtres. « J’avais le désir d’une paysanne de Méséglise ou de Roussainville, d’une pêcheuse de Balbec, comme j’avais le désir de Méséglise et de Balbec. Le plaisir qu’elles pouvaient me donner m’aurait paru moins vrai, je n’aurais plus cru en lui, si j’en avais 340modifié à ma guise les conditions. Connaître à Paris une pêcheuse de Balbec ou une paysanne de Méséglise c’eût été recevoir des coquillages que je n’aurais pas vus sur la plage, une fougère que je n’aurais pas trouvée dans les bois, c’eût été retrancher au plaisir que la femme me donnerait tous ceux au milieu desquels l’avait enveloppée mon imagination. Mais errer ainsi dans les bois de Roussainville sans une paysanne à embrasser, c’était ne pas connaître de ces bois le trésor caché, la beauté profonde12. » Devenu adulte, le narrateur continuera d’associer les lieux à des objets ou des figures, prenant la réalité d’une chose en bloc, sans la séparer du contexte dans lequel, à l’origine, il en a pris connaissance13.
La scène de Méséglise est d’autant plus difficile à comprendre – indépendamment de sa coloration autistique – pour nous, modernes, qui voyageons d’un pays à l’autre en si peu de temps, dont les aliments ne sont plus soumis ni aux lieux ni aux saisons, et dont toutes les parties du monde tendent à s’uniformiser. Les choses ainsi désincarnées finiront par n’être que des entités séparées de leur lieu d’origine, reliées à rien, ce qui appauvrira d’autant notre imaginaire, notre capacité à ressentir et à prendre du plaisir, notre mémoire. Nous percevons de moins en moins le génie d’un lieu, le désir spécifique qu’il fait naître, tel que le décrivait Proust il y a un siècle. Bientôt ces pages seront des pages mortes, personne n’étant plus à même de les comprendre, faute d’avoir vécu une expérience identique.
La révélation du côté de Guermantes
La promenade du côté de Guermantes, plus longue, moins aisée, nécessite du beau temps et se prévoit la veille. Son parcours est jonché d’édifices en ruines, de choses détruites. Dès la petite porte du jardin par où l’on sort, vers l’est, une école a remplacé la rue des Perchamps. Le narrateur, au moment où il écrit ces pages, ne saurait donc la retrouver.
341Il faut suivre tout du long le cours de la Vivonne qu’on traverse par le Pont-vieux. Sur le chemin de halage gisent les ruines du château des comtes de Combray, « fragments de tours bossuant la prairie », « passé descendu dans la terre14 ». Le narrateur y découvre un Combray bien différent de celui qu’il a sous les yeux, archaïque et souterrain. On y est moins dans la nature, et plus auprès des gens qu’on croise, pêcheur inconnu, gamins posant des carafes pour attraper les petits poissons, propriétaire occupé à des travaux d’horticulture aquatique, rameur dérivant au fond d’une barque, jeune femme venue s’enterrer là par dépit amoureux, duc et duchesse de Guermantes, personnages réels bien qu’invisibles ayant partout laissé leurs empreintes. Jeu de pistes où se mêlent l’histoire, la botanique, l’horticulture, la peinture et la littérature, la promenade du côté de Guermantes prend une nouvelle dimension dans l’imaginaire du narrateur quand il passe devant de petits enclos humides où montent des grappes de fleurs sombres. Il en a lu la description chez l’un de ses auteurs favoris et croit en avoir un fragment sous les yeux. « Et ce fut avec elle, avec son sol imaginaire traversé de cours d’eau bouillonnants, que Guermantes, changeant d’aspect dans ma pensée, s’identifia, quand j’eus entendu le docteur Percepied nous parler des fleurs et des belles eaux vives qu’il y avait dans le parc du château15. » Il rêve alors que Mme de Guermantes le convoque pour pêcher la truite avec lui, lui apprend le nom des fleurs et l’interroge sur les poèmes qu’il a l’intention de composer.
Du côté de Guermantes, les rêveries de l’adolescent sont teintées de folie des grandeurs. L’ambition de devenir un écrivain célèbre le tarabuste, mais il ne sait sur quoi écrire. Un trou noir se creuse dans son esprit dès qu’il cherche un sujet. Le côté de Guermantes lui offre une fuite dans un imaginaire fantaisiste et hétéroclite où il recueille, provoquées par des éléments épars de la réalité, des impressions séparées :
Alors, bien en dehors de toutes ces préoccupations littéraires et ne s’y rattachant en rien, tout d’un coup un toit, un reflet de soleil sur une pierre, l’odeur d’un chemin me faisaient arrêter par un plaisir particulier qu’ils me donnaient, et aussi parce qu’ils avaient l’air de cacher au-delà de ce que je voyais, quelque chose qu’ils invitaient à venir prendre et que malgré mes efforts je n’arrivais pas à découvrir. Comme je sentais que cela se trouvait en eux, je restais là, 342immobile, à regarder, respirer, à tâcher d’aller avec ma pensée au-delà de l’image ou de l’odeur.
De ce côté de Guermantes gît aussi une révélation à saisir.
Et s’il me fallait rattraper mon grand-père, poursuivre ma route, je cherchais à les retrouver, en fermant les yeux ; je m’attachais à me rappeler exactement la ligne du toit, la nuance de la pierre qui, sans que je pusse comprendre pourquoi, m’avaient semblé pleines, prêtes à s’entrouvrir, à me livrer ce dont elles n’étaient qu’un couvercle. Certes ce n’étaient pas des impressions de ce genre qui pouvaient me rendre l’espérance que j’avais perdue de pouvoir être un jour écrivain et poète, car elles étaient toujours liées à un objet particulier dépourvu de valeur intellectuelle et ne se rapportant à aucune vérité abstraite.
Là réside l’erreur qu’il comprendra plus tard.
Mais du moins elles me donnaient un plaisir irraisonné, l’illusion d’une sorte de fécondité et par là me distrayaient de l’ennui, du sentiment de mon impuissance que j’avais éprouvés chaque fois que j’avais cherché un sujet philosophique pour une grande œuvre littéraire. Mais le devoir de conscience était si ardu que m’imposaient ces impressions de forme, de parfum ou de couleur – de tâcher d’apercevoir ce qui se cachait derrière elles, que je ne tardais pas à me chercher à moi-même des excuses qui me permissent de me dérober à ces efforts et de m’épargner cette fatigue16.
Cet appel que lui lance « cette chose inconnue qui s’enveloppait d’une forme ou d’un parfum », sans y répondre vraiment, il ne l’oublie pas. Il la ramène à la maison, « protégée par le revêtement d’images sous lesquelles je la trouverais vivante, comme les poissons que les jours où on m’avait laissé aller à la pêche, je rapportais dans mon panier couvert par une couche d’herbe qui préservait leur fraîcheur. Une fois à la maison je songeais à autre chose et ainsi s’entassaient dans mon esprit (comme dans ma chambre les fleurs que j’avais cueillies dans mes promenades ou les objets qu’on m’avait donnés), une pierre où jouait un reflet, un toit, un son de cloche, une odeur de feuilles, bien des images différentes sous lesquelles il y a longtemps qu’est morte la réalité pressentie que je n’ai pas eu assez de volonté pour arriver à découvrir17 ».
La comparaison avec les poissons pêchés nous donne la clé de cette contradiction : les poissons sont morts mais, encore frais sous leur couche 343d’herbe, ils semblent vivants. Dans le choc de ces deux affirmations opposées, point déjà la révélation de la madeleine. Morte à jamais ? Non, puisque grâce à la mise en contact de deux images, de deux sensations, de deux moments, quelque chose de la réalité vécue peut ressusciter.
Quand le côté de Méséglise lui apprenait le désir, le côté de Guermantes lui présente l’énigme de la survivance sans la clé.
« Cadre fortuit ou nécessaire inspirateur ? »
Est-il absurde de penser qu’un lieu aurait le pouvoir de stimuler notre imagination, de nous revivifier18 ? Proust ne nous dit pas comment agit ce lieu, mais le suggère dans la phrase d’un brouillon : « Quelquefois d’ailleurs il y avait entre le paysage et l’idée une sorte d’harmonie19 », ou dans une analyse, précieuse pour nous, car elle marque les différentes étapes d’une réflexion qu’il condensera par la suite et fera disparaître de la Recherche :
Sans doute ce que nous apercevons un jour en nous y préexistait et même le fait de l’apercevoir était probablement préparéprogressivement depuis aussi longtemps que l’est la mort de quelqu’un qui se croit très bien portant et qui est tout d’un coup frappé d’une attaque. Toujours est-il que c’est à un certain moment, à un moment que nous oublions rarement, au moment où nous prenions la rampe de l’escalier, où nous essayions de cueillir une branche d’aubépines, qu’une idée nous est apparue, changeant les proportions des idées que nous avions jusque-là relativement à certains points graves de notre vie intérieure et ouvrant à notre esprit pour toujours une voie de plus dans le système de celles où il pouvait circuler jusqu’ici.
Et il ajoute, insistant sur cette association du lieu et de l’instant :
Dans cette nuit qu’est notre esprit où un ou deux chemins sont seuls encore percés par nous, c’est un troisième, ou un rond-point, ou un prolongement des 344autres, parfois un chemin de traverse qui les rend tous deux inutiles. En dehors même de ces quelques moments dont on se souvient toujours, et dont la particularité d’avoir été des moments, de s’être réalisés dans la catégorie du temps, est marquée par cette association du lieu avec l’instant qui est le propre de ces souvenirs de moments précis, et fait qu’ils nous rendent jusqu’à la palpitation des étoiles ou à l’odeur de fumée qu’il y avait le soir où nous eûmes l’intuition de telle loi scientifique, l’idée de tel roman, je me souviens des heures etc.20
La rencontre prend alors toute sa valeur. S’y agrègent être particulier, moment, lieu. Quant à cette rêverie autour de la femme née d’un pays, le narrateur finira par y renoncer : « Je cessais de croire partagés par d’autres êtres, de croire vrais en dehors de moi les désirs que je formais pendant ces promenades et qui ne se réalisaient pas. Ils ne m’apparaissaient plus que comme les créations purement subjectives, impuissantes, illusoires, de mon tempérament. Ils n’avaient plus de lien avec la nature, avec la réalité qui dès lors perdait tout charme et toute signification et n’était plus à ma vie qu’un cadre conventionnel comme l’est à la fiction d’un roman le wagon sur la banquette duquel le voyageur le lit pour tuer le temps21. » Cette déception, on l’a vu, change profondément son rapport à la réalité. Cette convention qu’on appelle réalité, il ne l’accepte plus comme telle. Il la relègue au second plan comme le décor fictif de la vie réelle, tel qu’on peut le trouver enfermé dans un livre.
C’est la comparaison qui donne au texte tout son sens. Dans un brouillon antérieur Proust avait écrit : « Eux et mes désirs ne m’apparaissaient plus que comme le produit purement interne, subjectif, illusoire, impuissant, de ma pensée, n’ayant pas plus de liens avec la nature, avec la réalité, […] que la fiction d’un roman n’a de rapport avec le wagon où le voyageur le lit pour tuer le temps22. » En corrigeant : « la réalité […] n’était plus à ma vie qu’un cadre conventionnel comme l’est à la fiction d’un roman le wagon sur la banquette duquel le voyageur le lit pour tuer le temps », Proust a créé une ambiguïté de sens. Le wagon semble appartenir à la fois à la réalité du voyageur et à la réalité du roman qu’il lit, pensée vertigineuse mais que peut-être Proust avait dans l’esprit. Car au fond, le nec plus ultra du numéro de magicien à laquelle l’écrivain nous convie, ne consiste-t-il pas à faire entrer dans le livre la banquette même où le lecteur est assis ?
345On pénètre là au cœur de la réflexion proustienne : quel rapport y a-t-il entre la réalité et moi, entre ma vie individuelle et ce qui m’advient à l’extérieur sans être moi ? La réalité n’est-elle qu’un décor au milieu duquel je passe ou bien se crée-t-il une interaction, un échange entre moi, mon corps, mes désirs, mes idées, et la réalité physique, lieu et temps, dans laquelle j’évolue ? Je veux, dit Proust, que la réalité me parle, m’envoie des signes, soit vivante. Pas seulement les êtres, mais tout ce qui existe, la lumière, le soleil, le vent, les arbres, les fleurs, les rideaux de ma chambre, les brins de tilleul de tante Léonie, un repose-pied, le moindre petit fauteuil dans une chambre d’hôtel inconnue. Tout se joue dans cette possibilité d’établir un contact. Ce serait comme passer de l’autre côté du miroir, là où les choses parlent à l’imagination, s’ouvrent, délivrent leur vraie profondeur, ce que Proust appelle leur essence. On verra que le grand fantasme de l’écrivain, son désir absolu, est de réaliser cette fusion avec les choses au point de n’avoir plus besoin de parler, car le langage n’est qu’un pis-aller, une voie, dit-il, une possibilité qu’a suivie l’humanité, mais elle n’était pas la seule possible, on aurait pu faire d’autres choix. Celle de la communication des âmes reste « comme une possibilité qui n’a pas eu de suite23 ». Aussi rêve-t-il d’entrer en communication avec ce qui l’entoure et de s’y fondre dans une sorte d’orgasme absolu. Tout ce qui est opaque, fermé, étanche, l’angoisse, parce qu’il s’en sent exclu, tandis que la transparence, la porosité des choses, s’offrent à lui comme un idéal de fusion.
Connu/inconnu
Le voyage comme la promenade mobilise tout notre être, et, nous confrontant à l’inconnu, nous sort de nos habitudes, réveille notre curiosité, démultiplie notre désir. Devant une jeune laitière aperçue du train, le narrateur rêve de troquer sa vie contre une autre. Elle se passerait là, dans ce vallon endormi24. Cette rêverie est absurde, bien sûr, le narrateur n’est pas dupe – que ferait-il d’une vie passée auprès 346des vaches ? – mais déclenche le désir, entraîne l’imagination soudain sollicitée dans une autre direction. Proust est passé maître dans cet art de rêver d’autres vies que la sienne. L’écriture n’en est que l’avatar. D’un décentrage par rapport aux habitudes émerge soudain l’aspiration à une autre existence liée à un lieu inconnu, une scène entraperçue, dans une certaine lumière, à une heure inhabituelle du jour. L’excitation provoquée par la conjonction de ces éléments suscite des esquisses de romans, de personnages, d’espaces. Le narrateur imagine cet inconnu, la vie rustique, où il croit pouvoir réinstaller une nouvelle routine, le torrent, la vache, la femme.
Évidemment la rencontre n’aura pas lieu. Ils échangent un regard, les portières se ferment, le train repart. Alors l’imagination se met en mouvement, quand la réalité s’éloigne de la laitière à grande vitesse.
Peu importe que cette fille ait produit son exaltation ou que l’exaltation soit la source de son désir de vivre avec elle, ce qu’il veut, c’est retrouver cet état. Et pas seulement parce qu’il est agréable. « C’est surtout que (comme la tension plus grande d’une corde ou la vibration plus rapide d’un nerf produit une sonorité ou une couleur différente) il donnait une autre tonalité à ce que je voyais, il m’introduisait comme acteur dans un univers inconnu et infiniment plus intéressant ; cette belle fille que j’apercevais encore, tandis que le train accélérait sa marche, c’était comme une partie d’une vie autre que celle que je connaissais, séparée d’elle par un liseré, et où les sensations qu’éveillaient les objets, n’étaient plus les mêmes, et d’où sortir maintenant eût été comme mourir à moi-même25. »
L’écrivain rêve une vie et en mène une autre. Son existence, pour atteindre le niveau d’excitation nécessaire à l’éclosion de l’écriture, a besoin de se fractionner, de s’échapper dans des univers parallèles, très éloignés de lui. Jean Santeuil évoque ce type de rêveries que suscitent les intérieurs éclairés le soir sur l’intimité d’autres vies, donnant à Jean l’impression d’entrer dans ces existences lointaines et d’y participer. C’est cet état que découvre le promeneur au contact de n’importe quel inconnu, sensation du nouveau souvent liée chez Proust au désir pour une femme, comme l’une des voies d’accès à la vérité qu’il recherche : « […] si réellement la vie comportait des choses qu’il ne connaissait pas, si s’en étant tenu jusqu’ici à ses apparences uniformes, soit sentimentales, soit brutales, tout d’un coup elle s’entrouvrait et lui montrait en son fond 347quelque chose qu’il ne connaissait pas et qui le remettait à une de ces heures où dans l’enfance nous croyons que la vie comporte de l’inconnu et du nouveau, du délicieux et de l’enivrant, ou dans nos rêves où nous pensons que ce que nous avons senti jusqu’ici n’était pas la vie, que c’était comme une mesure pour rien et qu’il y a quelque chose hors de la vie que nous avons vécue et qu’au lieu de continuer elle va commencer, comme si c’était un lieu où nous n’étions pas encore et où nous allons entrer26. » Cette expérience précoce d’une excitation très particulière liée à l’inconnu fait s’enchaîner des notions – « univers inconnu », « liseré », « vibration plus rapide », « autre tonalité », « essence » – liées entre elles par un fil invisible qui mène à l’écriture.
Les trois clochers
Revenons à la promenade du côté de Guermantes. Un jour elle s’achève dans la voiture à cheval du docteur Percepied. Deux clochers surgissent dans le soleil couchant, ceux de Martinville, que vient bientôt rejoindre un troisième, celui de Vieuxvicq, situé sur un plateau plus élevé dans le lointain, mais semblant tout voisin d’eux. La route serpente et le mouvement de la voiture sur les lacets du chemin donne l’illusion que ce sont les clochers qui bougent. Formes, lignes, surfaces composent le tableau, éléments observés avec attention mais auxquels l’impression ressentie ne saurait se résumer. Le narrateur sent que « quelque chose est derrière ce mouvement, derrière cette clarté, quelque chose qu’ils semblent contenir et dérober à la fois27 » sans être capable de trouver la cause du plaisir que lui procure cette vision.
Les clochers disparus, il fait l’effort conscient de se les rappeler. « Bientôt leurs lignes et leurs surfaces ensoleillées, comme si elles avaient été une sorte d’écorce, se déchirèrent, un peu de ce qui m’était caché en elles m’apparut, j’eus une pensée qui n’existait pas pour moi l’instant avant, qui se formula en mots dans ma tête, et le plaisir que m’avait fait tout à l’heure éprouver leur vue s’en trouva tellement accru 348que, pris d’une sorte d’ivresse, je ne pus plus penser à autre chose28. » Il les revoit une dernière fois, noirs dans le ciel sans soleil, avant leur disparition, et se met aussitôt à écrire dans l’excitation toute fraîche de ce qu’il vient de vivre.
Le récit tel qu’il nous est donné est la description réaliste de cette sorte de danse que mènent les trois clochers, illusion due à la fois aux conditions de déplacement – vitesse de la voiture et lacets de la route –, et à la lumière du soleil couchant qui, modifiant rapidement les couleurs et les ombres, font de cet assemblage de formes, de lignes et de surfaces des tableaux changeants et énigmatiques.
Il existe trois récits différents du même épisode : le premier précède la transcription proprement dite et analyse le ressenti de l’expérience, c’est le récit de la Recherche. Le second, le narrateur le rédige juste après avoir vu la scène. C’est celui que son père fait lire à Norpois. La publication dans Le Figaro de cette page réécrite sera évoquée plusieurs fois dans l’œuvre29. Enfin, un article publié dans le Figaro du 19 novembre 1907 sous le titre « Impressions de route en automobile », et republié dans Pastiches et mélanges en 1918, reprendra la danse des trois clochers en la remaniant. C’est dire l’importance qu’elle a prise pour l’écrivain.
La teneur littéraire de cette rédaction ne peut justifier une telle insistance. Proust dit l’avoir écrite dans son enfance. Sûrement voulut-il la garder comme la première pierre d’un édifice qui en compterait beaucoup d’autres. Celle-ci, dans sa naïveté, le charmerait toujours. Au-delà de l’anecdote, elle témoigne surtout d’une expérience existentielle proche de la révélation de la madeleine. En portant le morceau de gâteau à ses lèvres, un plaisir délicieux l’avait envahi, il avait alors éprouvé une puissante joie, sentant tressaillir en lui quelque chose qui se déplaçait, aurait voulu s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré à une grande profondeur, écrit-il, cela montait lentement. Devant les clochers, ce sont les lignes et les surfaces qui se déchirent, laissant apparaître dans une impression similaire une chose cachée30. Les mots affluent en même 349temps que le plaisir. « […] j’eus une pensée qui n’existait pas pour moi l’instant avant, qui se formula en mots dans ma tête […]31. » Ce plaisir, décuplé, devient ivresse sous la poussée des mots. La joie qui précède l’écriture, l’inspiration qui accompagne son surgissement, le texte écrit dans la voiture sur le vif n’en parle pas. Il raconte simplement, sur le mode réaliste, ce que le promeneur a vu, afin de commémorer cet instant et d’en rappeler la genèse. Il n’a de prix que comme témoin de cet instant magique où soudain ont jailli la pensée et les mots. Ce moment unique d’où naît la disposition intérieure exceptionnelle nécessaire à l’écriture – qu’on peut rapprocher de l’inspiration mais qui en est plutôt la réalisation –, le narrateur n’aura de cesse de la retrouver. Si le texte écrit juste après est décevant, c’est qu’il lui manque l’épaisseur temporelle, qui, comme d’un vin lentement vieilli en cave, permet seule d’opérer la transsubstantiation du vécu. L’écriturepour advenir devra traverser le temps, se détourner du réalisme et fouiller sa propre genèse.
1 RTP, I, p. 153.
2 JS, p. 41.
3 RTP, I, p. 153.
4 RTP, I, p. 419-420.
5 JS, p. 322-323.
6 JS, p. 323.
7 Ibid., loc. cit.
8 JS, p. 323-324.
9 JS, p. 324.
10 Voir le passage dans RTP, I, p. 154-157.
11 RTP, I, p. 154.
12 RTP, I, p. 155.
13 Cette expérience se rapproche de la perception gestaltiste des autistes, perception paradoxale puisque la scène est vue à la fois avec une infinité de détails et de manière globale, sans que rien ne puisse en être dissocié. Par exemple, la personne autiste ne reconnaîtra pas quelqu’un si elle le voit dans un lieu différent de celui où elle l’a rencontré la première fois.
14 RTP, I, p. 165.
15 RTP, I, p. 170.
16 RTP, I, p. 176-177.
17 RTP, I, p. 177.
18 Comme le suggère certains passages de Jean Santeuil. Voir par exemple JS, p. 215 ; 225 : « Jean était en joyeuse communication avec le soleil et le vent imprégné de l’odeur des bois, car tous deux allaient déposer lentement en sang riche, au creux de ses joues, quelques parcelles de leur éternelle vie et santé, et au fond de son cœur une gaieté, qui, au plus charmant des beaux jours, lui faisait oublier sa tristesse. »
19 RTP, I, Esquisse 50, p. 839.
20 Malheureusement, le passage s’arrête brutalement. RTP, I, Esquisse 57, p. 842.
21 RTP, I, p. 156-157.
22 RTP, I, Esquisse 46, p. 875.
23 RTP, III p. 762-763.
24 Voir RTP, II, p. 16-19.
25 Pour tout le passage de la laitière aperçue du train, voir RTP, II, p. 16-19.
26 JS, p. 822-823.
27 Voir RTP, I, p. 178.
28 RTP, I, p. 178.
29 Le Côté de Guermantes, II, p. 643 ; La Prisonnière,III, p. 523 et 626.
30 Cette expérience sensorielle qui prend l’apparence d’une révélation, soudaine illumination d’une latence créatrice, se trouve, chez beaucoup d’artistes, à l’origine de leur vocation. Voir l’exemple de Kandinsky dans Vladimir Kandinsky, Regards sur le passé et autres textes, Paris, Hermann, 1974, p. 91-92 ; ou de Dostoïevski, dans Jacques Catteau, La Création littéraire chez Dostoïevski, Paris, Institut d’Études Slaves, 1978, p. 27-28.
31 RTP, I, p. 178.