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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Publication type: Article from a collective work
  • Collective work: Pour une philologie analytique. Nouvelles approches de la micro-variance textuelle en domaine roman
  • Authors: Floquet (Oreste), Giannini (Gabriele)
  • Abstract: L’éditeur de textes médiévaux est toujours confronté à des questions qui relèvent de niveaux d’analyse disparates et ne dispose que rarement d’études dégageant des lignes de force qui lui permettraient de s’orienter dans la multiplicité des variables. Peut-on dépasser une méthode forgée sur le cas par cas pour atteindre un degré de généralisation comparable à celui des autres sciences humaines ? C’est l’effort de fournir une réponse à ces questions qui anime les contributions de ce volume.
  • Pages: 7 to 8
  • Collection: Encounters, n° 581
  • Series: Medieval civilization, n° 54
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406146209
  • ISBN: 978-2-406-14620-9
  • ISSN: 2261-1851
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14620-9.p.0007
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 08-16-2023
  • Language: French
  • Keyword: Philologie romane, linguistique romane, édition critique, littérature française, littérature espagnole, littérature occitane
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Avant-propos

On ne peut que souscrire à cette constatation du regretté David Trotter : « Faire une (bonne) édition, signifie aborder dun coup et incontournablement la quasi-totalité des grandes questions que pose la langue médiévale, et lhistoire de la langue, que ce soit au niveau du lexique, ou en matière de paléographie/codicologie, ou encore en analyse littéraire1 ». De fait, dans lapproche reconstructionniste classique, léditeur de textes médiévaux est confronté simultanément à une multiplicité de questions qui relèvent de niveaux danalyse disparates : matériels, linguistiques, formels, génériques et historico-littéraires.

Intrinsèquement locale – dans la mesure où lenquête concerne toujours la tradition manuscrite dune seule œuvre – et holistique – puisque léditeur est confronté à lhétérogénéité extrême des types de données (paléographiques, linguistiques, littéraires, etc.) quil est censé organiser en un système cohérent dont le produit final est lédition et son commentaire –, lapproche traditionnelle, que lon pourrait qualifier de ponctuelle (quant à son objet)et de synthétique (quant à sa méthode), ne peut que rarement viser à une quelconque généralité. Ce fait la rend davantage lapplication dun savoir-faire complexe mais empirique quune démarche de type scientifique articulant induction, deduction et abduction et sériant les problèmes pour les aborder séparément. Essayons dêtre plus clairs sur ce point, qui touche à lépistémologie de lecdotique. Lors de son travail, léditeur de textes anciens ne dispose que rarement détudes dégageant des lignes de force plus ou moins intenses qui lui permettraient de sorienter dans la multiplicité des variables. Les informations quil cherche – par exemple, sur la fréquence et les variantes dune forme graphique, grammaticale ou stylistique au sein dautres traditions, sur les néologismes des auteurs ou des copistes, sur la disposition des lettrines et sa fonction, etc. –, si elles sont disponibles, se trouvent le plus souvent sous une forme non organisée, tantôt noyées dans 8dautres éditions où il faut les repérer et dont il convient de les extraire, tantôt dispersées dans des études historiques, linguistiques ou littéraires qui poursuivent dautres objectifs. Or, il existe bel et bien une spécificité du travail de classement et dinterprétation des données présentes dans une tradition manuscrite qui na rien à voir avec une analyse paléographique, linguistique ou littéraire. Les recherches en métrique nous le prouvent, qui peuvent aborder des phénomèmes propres à la versification (synalèphe, dialèphe, diérèse, anisosyllabisme, etc.) – et qui ne sont à proprement parler ni exclusivement linguistiques ni exclusivement littéraires – en prenant en considération de grands corpus analysés minutieusement.

Doù la question : en dehors, à la marge ou aux fondements de tout projet éditorial précis, est-il possible denvisager une approche complémentaire de type aussi bien comparatif quanalytique ? Comparative, dans la mesure où elle essaiera de donner une structure, et donc une régularité, au trésor dinformations éparpillées au sein des différentes traditions manuscrites, éditions et recherches transversales. Analytique, puisquamenée à aborder séparément (et non « dun coup et incontournablement ») les multiples niveaux danalyse de plusieurs textes. Par là, sera-t-il légitime de ne prendre tour à tour en considération que la variation de certaines catégories afin den dégager les régularités, oppositions ou combinaisons, sil y en a ? Pourrait-on ainsi dépasser une méthode forgée sur le cas par caspour viser, voire atteindre un degré de généralisation comparable à celui des autres sciences humaines ?

Cest leffort généreux de fournir une réponse à ces questions qui anime les contributions réunies dans ce volume. Elles portent sur la logique de la variation au sein dobjets, de milieux et de domaines culturels différents, dans le but de vérifier sil est possible de faire émerger des tendances significatives dans le domaine de la micro-variance textuelle affectant les textes du Moyen Âge roman.

Oreste Floquet

Sapienza Università di Roma

Gabriele Giannini

Université de Montréal

1 David Trotter, « Introduction : état de la question », Manuel de la philologie de lédition, éd. par Id., Berlin/Boston MA, de Gruyter, 2015, p. 1-18, en part. p. 7.