Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Portraits dans la littérature. De Gustave Flaubert à Marcel Proust
- Pages : 463 à 468
- Collection : Colloques de Cerisy - Littérature, n° 3
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406079262
- ISBN : 978-2-406-07926-2
- ISSN : 2495-2788
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07926-2.p.0463
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/10/2018
- Langue : Français
RÉsumÉs
Julie Anselmini et Fabienne Bercegol, « Introduction »
Cet article introductif présente le sujet, les enjeux et les grands axes du volume : la situation du portrait à la croisée de différents arts de la représentation, son omniprésence dans la presse et la littérature à partir des années 1860, son inscription dans le roman réaliste et naturaliste mais aussi dans bien d’autres genres, ses frontières et son statut problématiques, son potentiel fictionnel, sa dimension intensément humaine et émotionnelle, ses liens avec la mémoire et le temps.
Guy Larroux, « Les visages de Sapho (Daudet) »
Sapho, roman sur le collage, retient non seulement par son admirable héroïne, contradictoire, variable, aux multiples visages, mais aussi par une certaine écriture du portrait, finement naturaliste. Celle-ci tend à la dissémination et à la notation indicielle. Cet article prend le parti de suivre à travers le texte le destin d’un certain nombre de traits ou signifiés pertinents et de saisir le personnage dans ses manifestations locales plutôt que de lui faire porter une signification globale.
Stéphane Chaudier, « Proust et l’art du portrait »
L’art du portrait se définit contre la science : psychologie, sociologie, essentiellement. Si la science (même humaine) produit des vérités, le portrait, lui, suscite des émotions qui font penser, sans spécifier l’usage à faire de ces pensées. Sacrifiant d’abord à l’art classique des caractères, Proust s’intéresse ensuite aux représentations du personnage car elles permettent de comprendre comment et pourquoi il agit. Ainsi se constitue dans la Recherche une anthropologie éclatée.
464Lydie Parisse, « Portraits féminins dans le théâtre et l’œuvre de Villiers de l’Isle-Adam »
Le ressort du théâtre de Villiers provient d’effets de rupture qui visent à ouvrir les possibles. C’est pourquoi les portraits qu’il dresse de ses personnages féminins apparaissent comme des collages d’éléments hétérogènes : si l’on ne peut comprendre ces personnages en vertu d’une loi psychologique, c’est qu’ils relèvent d’une utopie : ils sont les prototypes d’un être humain idéal. Cet article analyse trois caractéristiques du portrait : la défiguration, la contradiction, la négation.
Sylvie Triaire, « Ce qui prend figure politique. Portraits du commun chez Flaubert »
Les portraits flaubertiens échappent généralement à la fixation et relèvent davantage d’une plasticité formelle censée laisser ouverte la « figure ». Cependant, quelques figures émanées du commun et racontant le commun se découpent nettement dans Madame Bovary : à l’image de Catherine Leroux la servante des Comices, elles inscrivent dans le roman un portrait inoubliable dans lequel se configurent le partage du sensible et l’égalité démocratique des conditions qu’a analysés Jacques Rancière.
Mourad Khelil, « Autoportraits de Vingtras. Trahisons, feu et parasitisme dans la trilogie de Jules Vallès »
Il s’agit de lire les portraits de la trilogie de Jules Vallès à l’aune des autoportraits de Vingtras en s’appuyant notamment sur le dernier « autoportrait au miroir » du narrateur, qui permet d’aborder rétrospectivement l’ensemble de l’œuvre romanesque. Vingtras, individu complexe, s’y dépeint précisément en parasite social tout en rappelant que certains insurgés, habités par le feu sacré de la révolte, brûlent et préparent les « rues en feu » de la Commune de Paris.
Pascale Auraix-Jonchière, « Les portraits croisés de la bohémienne dans La Filleule (1852) et Les Beaux-Messieurs de Bois Doré (1858) de George Sand. Entre stéréotype et poétique »
Sensible aux personnages marginaux, George Sand a manifesté un intérêt tout particulier pour le peuple bohémien, et plus singulièrement pour la 465bohémienne, promue au rang d’héroïne dans plusieurs de ses romans. Tout en dégageant les fondements d’une poétique descriptive dans ces multiples portraits féminins, on verra en quoi ils reproduisent ou retournent les stéréotypes en vigueur pour développer une réflexion sociale critique stratégique et pour poser les fondements d’un art poétique.
Marie-Bernard Bat, « “La figure n’est-elle pas aussi un paysage ?” L’homme mis “en perspective dans la vaste harmonie tellurique” dans les premiers romans d’Octave Mirbeau »
Dans ses premiers romans, Mirbeau compose des portraits révélant les contradictions de l’homme, tout en se démarquant des théories naturalistes. Il explore la psychologie des profondeurs de ses personnages et interroge la place de l’homme dans l’univers. À la description dans le milieu, il privilégie celle du personnage dans un cadre naturel, révélateur des pulsions qu’il refoule. Il dépasse les apories du naturalisme en s’inspirant des artistes qu’il défend dans ses chroniques esthétiques.
Maud Schmitt, « Barbey d’Aurevilly et l’herméneutique des visages. Pour un usage apologétique du portrait »
Le portrait ressortit chez Barbey d’Aurevilly au « paradigme indiciaire » propre à l’époque, d’inspiration positiviste. Mais Barbey le détourne dans une perspective chrétienne. Il fait des visages et des corps le lieu d’une exégèse où se déchiffre l’Histoire du Salut. Mais la Révolution française a opacifié les signes et coupé la figure de son référent divin. La question se pose de l’usage apologétique du portrait, quand il dépeint, selon l’esthétique romantique du sublime, un visage défiguré.
Pierre Glaudes, « Le portrait de Mesnilgrand. Lecture d’“À un dîner d’athées” »
Barbey, non content d’esquisser tout au long de sa critique une théorie du portrait, la met en œuvre dans ses récits fictifs. Cet article s’efforce de le montrer en analysant le long portrait de Mesnilgrand situé au début d’« À un dîner d’athées », dans Les Diaboliques. Ce portait y est appréhendé comme une opérateur de lisibilité de la nouvelle, mais aussi comme un autoportrait de l’auteur à visée métatextuelle, dans la mesure où il présuppose un lecteur modèle et engage la lecture elle-même.
466Cornelia Klettke, « L’esthétique du portrait de Nana chez Zola »
Zola crée un mythe féminin entre l’esthétique et l’éthique. La crise du portrait, caractéristique du naturalisme, se révèle dans une fragmentation et une dissémination d’images de Nana. Le portrait mimétique se brise en une succession discontinue de rôles et de poses hétérogènes. Il se perd dans un labyrinthe de réminiscences de modèles. L’apparence de la défunte constitue la dissolution et la décomposition du portrait en tant que miroir de l’âme.
Dominique de Font-Réaulx, « “L’éclatante vérité de l’harmonie native du modèle”. Succès et ambiguïtés du portrait photographique au xixe siècle »
Genre mineur, le portrait peint avait acquis une importance nouvelle. L’invention de la photographie, à la fin des années 1830, fut un événement majeur. Le succès des premiers ateliers de daguerréotypistes, l’aspect apparemment technique du procédé, la mise à distance supposée de l’opérateur suscitèrent des critiques dédaigneuses. Artistes, peintres et écrivains furent pourtant des modèles heureux des photographes, soulignant ainsi la complexité entre l’image finale et sa conception.
Martine Lavaud, « Sous l’objectif. L’écrivain, la posture et l’instant »
L’homme de la IIIe République expérimente les mutations idéologiques et identitaires du portrait à l’ère de l’instantané et de ses angles multipliés. Prendre la pose n’ayant plus le même sens selon qu’on observe un miroir, un kaléidoscope, un folioscope ou le cinématographe, nous augmentons ici la vitesse de défilement des images pour examiner ce que l’ère de la vitesse bouscule, physiquement, idéologiquement et esthétiquement, dans la pratique photographique et photolittéraire du portrait.
Dominique Massonnaud, « Le moment photographique du portrait romanesque »
Le portrait est un objet d’étude pertinent pour tenter de saisir quelques marqueurs significatifs d’un moment photographique dans le roman. La photographie ne semble pas être un médium propre à susciter une rivalité d’art valorisante. Pourtant l’histoire du portrait photographique et l’étude de 467procédés narratifs et stylistiques permettent de préciser en quoi cette forme de saisie de la réalité a pu transformer le traitement littéraire du portrait chez Flaubert, les Goncourt ou Anatole France.
Julie Anselmini, « Théophile Gautier, un portraitiste romantique à l’ère du réalisme »
Écrivain-peintre, Gautier élabore, à travers l’Histoire du romantisme mais aussi d’autres textes parus de son vivant ou à titre posthume, une galerie de portraits littéraires où peintres et poètes, majores et minores, se côtoient. Par ces portraits qui manifestent un art « spirite » de la résurrection et se livrent à une quête du Temps perdu, Gautier, impénitent romantique à l’heure du réalisme, retrouve les compagnons de sa jeunesse enthousiaste et rebelle, se retrouvant lui-même parmi ceux-ci.
Marie Blaise, « L’anonyme et le génie. Médaillons et portraits en pied de Mallarmé »
L’œuvre de Mallarmé est riche en portraits, presque tous d’artistes : ainsi les « Tombeaux » et les « Toasts » des Poésies ou les « Quelques Médaillons et portraits en pied » des Divagations. Mallarmé y sacrifie certainement à un effet de mode mais, comme Poe et Baudelaire, il inscrit néanmoins la question de l’auteur dans une poétique du cadre qui cherche à capturer, au-delà de la personne « décomposée », la « marque », à la fois « sacrée » et historique, du présent face à la mort.
Marie-Catherine Huet-Brichard, « Portrait et caricature dans les Odes funambulesques »
Dans son recueil Odes funambulesques paru sans nom d’auteur en 1857, Théodore de Banville célèbre les grands artistes de son temps dont il esquisse les portraits. Par son dialogue ludique avec d’autres arts et avec d’autres textes littéraires, le portrait ancré dans le présent et dans l’actualité perd tout ancrage temporel et toute dimension référentielle pour ne s’incarner que dans l’espace du texte.
468Fabienne Bercegol, « Usages romanesques du portrait peint »
Au xixe siècle comme dans les siècles précédents, il n’est guère de romans où n’apparaissent des portraits peints qui jouent souvent un grand rôle dans la progression de l’intrigue comme dans la caractérisation des personnages. Cet article enquête sur la place de tels portraits dans l’économie narrative et symbolique de quelques romans du xixe siècle, afin de voir comment ils ont continué à jouer de l’effet magique de l’image mais aussi comment ont été renouvelés ces dispositifs fictionnels.
Nathalie Solomon, « Portraits flaubertiens en voyage. La fabrique du roman »
« Car j’ai cette manie de bâtir de suite des livres sur les figures que je rencontre. » Cette phrase du Voyage en Orient dessine une poétique du portrait comme récit possible. La rencontre est un thème essentiel dans le voyage flaubertien où aucune perspective en surplomb ne vient éclairer l’expérience vécue par le voyageur. Dans ces conditions, les portraits de voyage se présentent souvent comme des romans miniatures, dont l’inachèvement dessine de fascinantes promesses.
Marine Le Bail, « Pierre Loti, portraits au fil de l’ancre »
Écrivain voyageur par excellence, Pierre Loti s’efforce dans ses romans de saisir l’identité des êtres et des paysages lointains auxquels il se trouve confronté. Cette fonction pittoresque de la description n’échappe toutefois pas toujours à l’écueil du cliché. Il s’agit donc de voir en quoi le portrait lotien dans les romans des cycles turcs et japonais, ainsi que dans Le Mariage de Loti, se trouve motivé par une dialectique constante entre l’autre et le même, l’étranger et le familier.