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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Pontus de Tyard et son œuvre poétique
  • Pages : 7 à 9
  • Réimpression de l’édition de : 2001
  • Collection : Bibliothèque de la Renaissance, n° 49
  • Série : 1
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812453625
  • ISBN : 978-2-8124-5362-5
  • ISSN : 2114-1223
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5362-5.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 28/02/2007
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Entrepris il y a longtemps, et poursuivi avec une lente fidélité, le travail que voici tire au moins un bénéfice de sa période de gestation c'est qu'il a eu ainsi le privilège de pazticiper à l'évolution des études portant sur la Renaissance. Il a pu, en particulier, s'éloigner de la formule « L'homme et l'oeuvre », formule toutefois tentante dans le cas d'un écrivain majeur sur qui n'avait encore porté aucune «grande thèse ». Jean Baillou avait en effet commencé à préparer sur Tyazd une thèse de doctorat ès-lettres, mais il avait renoncé à l'achever. Silvio Bazidon avait donné en 1950 une étude très riche en documentation originale sur notre auteur, sans tenter une synthèse complète. Au cours des années 1960, le domaine tyazdien s'enrichit de l'étude énergiquement pensée de Kathleen Hall sur les Discours philosophiques, et de deux éditions de l'oeuvre poétique : celle de John A. McClelland, portant uniquement sur Les erreurs amoureusesl, et celle de John C. Lapp2 qui présente l'entière oeuvre poétique de Tyazd. Dès 1950, John Lapp avait publié The Universe of Pontus de Tyard, contenant le Premier curieux et le Second curieux. La synthèse restait encore à venir ; et il appazaissait de plus en plus clairement que non seulement elle ne devrait pas renoncer à une stricte présentation historique situant Tyazd pazmi ses contemporains, mais qu'elle devrait participer au renouvellement de l'histoire littéraire en reliant entre eux les textes, et non seulement les textes aux contextes. C'est ainsi que nous avons tenté de contribuer à notre tour au réexamen de la notion de Pléiade, en privilégiant les relations textuelles de Tyazd avec Ronsazd et Du Bellay, sans craindre de laisser transpazaître des lacunes ou de bousculer les hiérazchies établies ; et en nous efforçant avant tout de respecter l'individualité de notre poète.
A bien des égazds, Maurice Scève, prince de la Renaissance lyonnaise constituait un modèle car Verdun-L. Saulnier avait, avec toute son imagination et toute sa rigueur, fait vivre l'homme Scève, reconstruit son horizon intellectuel, son art, et la création scévienne dans ses rapports avec l'histoire des genres et des formes, mais aussi celle des milieux sociaux où s'est développée l'oeuvre de Scève. Paz ailleurs, Verdun Saulnier ne craignait pas de laisser appazai^tre les failles de l'édifice, les
1 GenBve, Droz, 1967.
2 ouvres poétiques complètes, Pans, Didier, 1966.
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lacunes que la recherche même la plus patiente ne pouvait combler, les discontinuités enfin. Excellent narrateur, il savait suppléer, sur le plan de la biographie, au détail manquant par des hypothèses franchement présentées comme telles, au bord de la certitude.
Par ailleurs, en prévision d'une oeuvre ou d'oeuvres sur Pontus de Tyard, Verdun-L. Saulnier nous a ouvert d'autres voies encore, et en particulier celle destinée à établir en profondeur le rapport entre Tyard ouvrier et théoricien de la parole poétique, et Tyard philosophe : « Au lieu de poser, tout fait, un lot de connaissances, les Discours proposent des problèmes. Au lieu de rédiger une encyclopédie, Pontus dresse souvent un dialogue, entre des avis opposés, pour en faire filtrer quelque lumière. Quelles que puissent être ses convictions établies, Pontus se présente avant tout comme un curieux... Cette passion de l'enquête personnelle se révèle partout. »1 Cette curiosité de Tyard vis-à-vis de l'univers et des sciences qui s'efforcent de le connaître, il fallait désormais, en élargissant notre horizon historique, la relier à ce que l'on savait du poète pétrarquisant, membre de la Pléiade. Il fallait donc pénétrer jusqu' à la face intérieure de ce discours philosophique, comme aussi celle de la poésie amoureuse. C'est dire qu'il fallait privilégier davantage les études textuelles.
Mais Tyard continua à nous surprendre et à offrir de nouveaux champs de découverte à mesure que les horizons des études portant sur la Renaissance s'élargissaient en direction de l'interdisciplinarité et de l'internationalité. Tyard théoricien intéresse l'histoire des académies2 et celle des coursa. Grâce à l'édition par Cathy Yandell du Solitaire second on voit s'établir des liens entre des recherches prolongeant celles sur Gaffurio et Glaréan -et celles qui explorent les rapports entre activité académique et Contre-Réforme. Isabelle Pantin4 et Sylviane Bokdam5 replacent magistralement Tyard dans l'histoire des sciences de son temps. L'oeuvre homilétique de Tyard évêque de Chalon, qui depuis le seizième siècle ne fut jamais rééditée, va l'être au sein de l'édition
1 Préface à Silvio F. Baridon, Pontus de Tyard (1521-1605), Editrice Viscontea, 1950.
2 Cf. Frances Yates, The French Academies of the Sixteenth century, 1947.
3 Robert J. Sealy, S. J., The Palace Academy of Henry Ill, Genève, Droz, 1981.
4 Dans La poésie du ciel en France dans la seconde moitié du seizième siècle, 1995.
5 Cf. son édition de Mantice, Discours sur la verité de Divination par Astrologie, 1995.
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critique des couvres complètes* de notre auteur, et prendra ainsi sa place dans l'histoire de l'éloquence religieuse. L'édition critique, objet d'un travail d'équipe, fait aussi une large place aux couvres dites de circonstance, qui éclaireront diverses modalités de la présence de Tyard à l'histoire de son époque.
Le travail débute par un essai biographique car il fallait étudier Tyard sous tous ses aspects successifs, indépendamment d'une Pléiade maintenant perçue comme moins dominante et moins unifiée. L'étude de l'ceuvre poétique s'efforce, sur le plan méthodologique, de ne pas traiter le poème comme document biographique mais de l'analyser dans sa spécificité esthétique (sans renoncer à y interroger les traces du vécu), de découvrir les transformations que Tyard fait subir à ses sources, l'unité et la poétique des recueils individuels, les relations formelles qui lient la poésie de Tyard à celle des poètes proches de lui. Un second tome explorera ensuite l'oeuvre en prose, philosophique aussi bien que religieuse.
Que le professeur Robert Hulotte, qui m'a guidée et encouragée tout au long de ce travail, veuille bien trouver ici l'expression de ma très profonde reconnaissance.
* A paraître aux Édifions Champion