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Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Politien, humaniste aux sources de la modernité
  • Auteur : Viti (Paolo)
  • Résumé : Angelo Poliziano est l’une des figures les plus importantes et significatives de la littérature italienne pour son travail de poésie et pour l’activité philologique visant les textes grecs et latins : la récupération et la connaissance du patrimoine classique acquièrent avec Poliziano des contours pratiquement inconnus avant lui. À cet égard, la Conférence de Paris a apporté une contribution fondamentale à la connaissance de sa personnalité culturelle.
  • Pages : 7 à 16
  • Collection : Rencontres, n° 519
  • Série : Lectures de la Renaissance latine, n° 15
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406119883
  • ISBN : 978-2-406-11988-3
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11988-3.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 03/11/2021
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Politien, colloque, édition, culture, humanisme, Europe
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Préface

Le livre présenté ici est issu dun colloque organisé à Paris, à lUniversité Paris-Sorbonne les 11-13 mai 2015, grâce à la collaboration étroite et fructueuse avec Hélène Casanova-Robin, Professeure de littérature latine dans cette Université1.

Cette rencontre parisienne a bénéficié également de limplication de la Commission de lÉdition Nationale des Œuvres dAnge Politien qui a été associée au partenariat entre lUniversité du Salento (Lecce) et de lUniversité Paris-Sorbonne, pour mettre en lumière lancrage parisien de la fortune de Politien, dont la Bibliothèque nationale de France conserve, pour des raisons diverses, une partie de lœuvre et notamment plusieurs autographes. Il sagit de manuscrits et dincunables indispensables, au vu de leur caractère unique, pour explorer la méthode de travail de lun des plus grands auteurs de la littérature italienne de tous les temps et de la philologie de lâge de lHumanisme. Remigio Sabbadini affirmait avec la plus grande conviction qu« à Florence, personne na égalé [] le talent de chercheur dAngelo Ambrogini, dit le Politien. Il explora toutes les bibliothèques des collectionneurs et des savants florentins et il y découvrit des textes précieux2. »

Ce nest pas le lieu ici, de sarrêter sur le rôle joué par Politien au cours du xve siècle, ni sur son excellence, au-delà des polémiques qui lopposèrent aux savants de son temps, de Lorenzo Valla à Domizio Calderini, de Giorgio Merula à Bartolomeo Della Fonte, de Paolo Cortesi à Giovanni Pontano, de Nicolò Leoniceno à Michele Marullo. À Florence, Politien est considéré comme un personnage de premier plan, riche dune formation intellectuelle orientée sur lapprofondissement méthodique des traditions littéraires et culturelles antiques. Cristoforo 8Landino en offre un vibrant témoignage dans sa dédicace à Pierre de Médicis, en préface à son commentaire de lÉnéide de Virgile, définissant Politien en ces termes : virum multa ac varia doctrina eruditum, poetam vero egregium egregiumque oratorem ac denique totius antiquitatis diligentem perscrutatorem3 (« un homme érudit en de nombreux domaines, variés, mais aussi un poète exceptionnel, un exceptionnel orateur, et enfin un ardent explorateur de toute lantiquité »). On pourrait également ajouter, parmi dinnombrables attestations de ce type, les mots de Filippo Redditi lorsquil prit position en faveur de Pierre de Médicis, convaincu que le jeune homme aurait su reprendre et poursuivre lœuvre magnifique de son père Laurent, précisément parce quil avait bénéficié de lenseignement de Politien (romanae grecaeque facundiae doctissimus, ex quo nihil est, quod te discere oporteat, quin ille te abunde edocere non possit (« très savant dans lart oratoire romain et grec, dont il ny a rien quil te faudrait savoir et quil ne saurait tenseigner largement4. », lui écrit-il).

À la Bibliothèque nationale de France sont conservés divers documents littéraires de Politien tout à fait remarquables pour leur originalité propre et pour les informations quils apportent sur lactivité ecdotique de Politien. On pense en particulier au manuscrit, certes fragmentaire, contenant les livres XVI-XXXVII de lHistoria Naturalis de Pline lAncien (Lat. 6798), qui avait appartenu à Coluccio Salutati et à Leonardo Bruni, ou bien à lun des Zibaldoni autographes (Grec. 3069), constitué de fascicules et dexcerpta variés, élaborés entre 1483 et 1494, riche aussi de transcriptions, dextraits et même de textes grecs dauteurs antiques. À partir de certains feuillets de ce manuscrit, que lon a dissociés de lensemble, sont dérivés dautres morceaux parisiens isolés, comme certains excerpta de lOnirocriticus dArtémidore de Daldis (Collection Dupuy 673) et une liste dabréviations grecques (Franç. 9467).

À ces écrits dautorité, dun intérêt insigne, il faut ajouter les nombreuses notes autographes de Politien que lon trouve sur des éditions aux titres évocateurs des intérêts marqués de lHumaniste : sur leditio princeps des Scriptores rei rusticae, volume paru à Venise chez léditeur Nicolò Jenson en 1472, édité par Giorgio Merula, et sur lédition des 9œuvres de Virgile publiée à Rome chez Conrad Sweynheym et Arnold Pannartz en 1471, volume estimé pour la richesse de ses annotations que lon considère comme les plus intéressantes de tout le xve siècle et tout à fait exemplaire de la méthode danalyse de Politien.

Toujours à Paris, sont conservés des manuscrits des Stanze et de lOrfeo de Politien, le post-scriptum dune de ses lettres, non autographe, datée du 23 avril 1491 et adressée à Bernardo Ricci, chancelier de lambassadeur florentin à Milan, ainsi que sa lettre du 18 mai 1492 à Iacopo Antiquario sur la mort de Laurent de Médicis survenue le 8 avril précédent (Ital. 1543). On y compte aussi une de ses lettres en vernaculaire, autographe, adressée depuis Pistoia à Laurent de Médicis le 24 août 1478 (Ital. 2033), dans laquelle Politien transmet les Consilia de Bartolomeo Socini et ne manque pas de souligner que ses relations avec Clarice Orsini, lépouse du même Laurent, sont déplorables : cette lettre était conservée jusquà la fin du xixe siècle aux Archives nationales de Florence, avant de passer, au terme de diverses péripéties, dans le giron de la Bibliothèque nationale de France.

À loccasion de ce colloque, nous avions souhaité revenir à une enquête exhaustive sur toutes ces ressources relatives à Politien offertes par la Bibliothèque nationale de France et en particulier sur le Zibaldone Grec 3069, à la fois pour son intérêt propre et parce que nous voulions le confronter aux autres Zibaldoni de Politien, notamment avec celui de Munich en Bavière, conservé à la Staatsbibliothek : les manuscrits La. 748, 754, 755, 756, 807 et Gr. 182. Malheureusement, ce projet na pu être mené jusquà son terme pour un certain nombre de raisons, alors quil sagit dun matériel en partie autographe et dun intérêt majeur pour appréhender les passions de Politien pour les textes dans leurs degrés divers. Nous avons pu en examiner seulement un échantillonnage limité et partiel, néanmoins assez significatif, à la fois pour rendre compte, à partir danalyses minutieuses, de la très grande variété des contenus étudiés par lhumaniste et de la diversité de ses méthodes de travail. Dans une telle perspective, ce fut un bénéfice non négligeable quà loccasion de cette rencontre scientifique, la Bibliothèque nationale de France ait pu mettre en ligne et donc rendre accessible, lun des Zibaldoni de Politien cité ci-dessus, le manuscrit Grec 3069 qui constitue lun des riches témoignages de son ample érudition et de sa capacité de travail et, dans le même temps, un instrument global de sa 10propre manière de sapproprier et dorganiser le matériel quil étudiait. On peut donc reconstruire la préparation culturelle et le dévouement philologique dAnge Politien, et, partant, sa force intellectuelle ainsi que les résultats de son savoir, qui ont dépassé les limites de sa propre cité et de son siècle. Girolamo Tiraboschi – lun des plus fameux historiens de la littérature italienne du xviiie siècle – reconnut le rôle extraordinaire de Politien au regard des auteurs qui furent ses contemporains : « Politien fut lun des premiers, à mon avis, qui inculqua à ses élèves non seulement les préceptes, mais aussi lexemple dun style raffiné aussi bien en prose quen vers ; il fut dautant plus digne déloge quil appliqua son talent à des objets nombreux. Il sut le développer brillamment non seulement en latin, mais aussi en italien, en grec et même en hébreu. Il aimait sadonner à la littérature divertissante, comme aux sujets les plus sérieux, à la philosophie platonicienne et à celle aristotélicienne et il cultiva même la science juridique. On admire dautant plus le grand nombre dobjets détude quil embrassa avec un tel succès quand on considère la brièveté de son existence, puisquil mourut à seulement quarante ans. Il mérite pour cela de rester immortel parmi les grands noms de la littérature italienne. [] Pour moi, il me suffit de lui avoir rendu un rapide hommage, dans ce que je viens décrire à son sujet, pour que lon puisse mesurer combien la littérature italienne doit à ce grand homme dont elle reçut, de tous côtés, un honneur et un bienfait immenses5. »

Par ce colloque parisien, nous souhaitions montrer dautre part comment on pouvait mettre en valeur, en partant dun point de vue multidisciplinaire, les modalités de compréhension de lœuvre de Politien et les convergences intellectuelles des chercheurs français, italiens et allemands. Nous avons cherché à surmonter – du moins telle fut notre intention – les difficultés que lon rencontre aujourdhui dans un monde toujours plus détourné de la réflexion à mener sur certaines valeurs fondamentales et incontournables pour la civilisation et pour la mémoire de lEurope entière. En effet, cest à partir des acquis de lHumanisme italien et de la revalorisation de la formation humaine qui en est issue, puis de la reprise de ces valeurs, bien au-delà des Alpes, ainsi que de la position morale qui en a dérivé, que lEurope a bâti les fondations de 11son histoire moderne, ou dune moins dune partie – certainement la plus noble – de son histoire.

Aussi, après lexpérience de ce colloque, nous plaisons-nous à espérer que de nouvelles recherches pourront être approfondies dans lavenir, soit sur les œuvres déjà connues, soit sur celles qui sont restées à lécart de notre enquête mais qui demeurent utiles non seulement pour définir la personnalité globale de Politien, mais aussi pour comprendre sa fortune européenne et linfluence quil a exercée dans la transmission des textes antiques. Une telle reconstitution apporterait sans aucun doute une contribution très précieuse à la connaissance spécifique de Politien hors dItalie, et permettrait de mesurer la dimension littéraire quon lui a accordée, dans lEurope entière, et enfin lincidence de sa personnalité sur la consolidation de la formation aux études classiques. Incontestablement, Politien est devenu la référence par excellence, que lon choisisse de retracer son expérience dans lecdotique et dans la critique des textes ou que lon entende sa démarche, associée à celle développée à Florence et au sein de lEurope, comme celle qui fut capable dallier la récupération et la connaissance du patrimoine antique et la pratique philologique, celle-ci se dotant, grâce à lui, dune méthode tout à fait novatrice. Assurément, sur cette pratique et, plus largement, sur son activité philologique, les documents, pérennes et sans cesse rassemblés, ne manquent pas, que lon considère ses écrits propres à sa recherche textuelle, ou, plus encore, son œuvre personnelle. Ainsi, pourrait-on citer en exemple la Fièvre, ancienne divinité romaine, quil met en scène dans ladmirable épicède composé à loccasion de la mort de la toute jeune Albiera degli Albizzi : sous des atours mythologiques, la Fièvre est devenue lobjet dune création poétique qui compte parmi les plus admirables de toute la littérature italienne et pas seulement du Quattrocento. Composée à partir des sources les plus insolites auxquelles Politien a puisé, limage de la Fièvre, issue dune tradition collective, est introduite dans la narration pour exposer lorigine de la maladie de la jeune fille. Or il apparaît manifeste quune telle figure symbolique, comme lécrit Alessandro Perosa, « est le produit dun jeu complexe où se mêlent toutes sortes de références antiques et dallusions. La figure de la déesse constitue ainsi une mosaïque de fragments soigneusement sélectionnés et habilement ordonnés. Mais, pour autant, la dimension artistique de la vision nen est pas affaiblie car les divers éléments sont 12fondus dans un ensemble cohérent, animé par le souffle puissant et vivifiant de limagination du poète. Celui-ci démontre son extraordinaire capacité à sapproprier les éléments de la culture antique et à les transformer en une création toute personnelle6. » Je cite Alessandro Perosa, lun des spécialistes les plus éminents de Politien, à qui lon doit le remarquable catalogue de la Mostra del Poliziano nella Biblioteca Medicea Laurenziana7, auteur également déditions de textes de Politien et de travaux modernes sur cet humaniste.

À travers la diffusion européenne de ses textes et de ses manuscrits, à Paris, à Munich, à Oxford, cest un Politien qui se manifeste plus que par ses travaux originaux, justement par la prédilection pour la philologie, dont on retrouve des traces exceptionnelles dans les matériaux cités précédemment : dabord les Zibaldoni, les excerpta latins et grecs et des annotations ou des indications sur les manuscrits ou sur des éditions destinées à être imprimées. Bien quil sagisse de textes fragmentaires, tous ceux-là fournissent des indices précieux sur la méthode de Politien que lon peut reconstruire à partir de passages particuliers jusquà la rédaction de commentaires complets sur les auteurs antiques. Il faut y inclure les chapitres de la première et de la seconde centurie des Miscellanea, modèle extrêmement éloquent de ses connaissances en matière de littérature latine et grecque. Ce recueil doit occuper une place de choix dans lenquête que lon mène, propre à linfléchir, car on y décèle des recherches, parfois, révolutionnaires, orientées pour réviser la compréhension générale dun monde qui apparaît soudain plus proche, grâce au travail que lui consacre Politien. Son regard sétend au gré dune vision – par certains aspects, une interprétation – du savoir qui va de pair avec un encyclopédisme destiné à produire des correspondances heureuses dans les périodes suivantes. Il nest pas fortuit que Politien ait jugé que lon pouvait diffuser les premiers écrits des Miscellanea, les traductions du grec et les Silvae qui sont des leçons préliminaires poétiques à ses cours universitaires.

Vittorio Branca, lun des plus grands spécialistes de Politien et lun de ses éditeurs, a écrit au sujet de son activité philologique quil sagit d« une philologie entendue plus comme une histoire intégrale 13de lhomme et de lhumanité, comme une méthode suprême pour rassembler et réduire, en un certain sens, à une unité, toute expression de lexistence humaine. Pour cette raison, <Politien> ne se limite pas à des discussions ponctuelles et à des formulations abstraites, mais il affronte courageusement les textes et les documents quil a rassemblés, il assume avec humilité la préparation artisanale même des instruments critiques et des outils de travail (jusquaux listes dressées par les juristes), il présente non seulement des occurrences élégantes ou polémiques mais il offre aussi scrupuleusement des exemples à visée méthodologique et pour ainsi dire scolaires. Lœuvre et la philologie de Politien sont alors résolument orientées “non ad persuadendum sed ad docendum” (“non pour persuader mais pour instruire”). La philologie est entendue comme la science préliminaire et implicite à tout savoir, quil soit philosophique ou pratique, littéraire, scientifique ou technique8. »

Cest à cette fin que nous avons cherché à créer, et pas uniquement à travers ce colloque parisien, une rencontre fructueuse entre savants qui reconnaissent – si cest encore nécessaire – la figure intellectuelle et transnationale de Politien, la suprématie de sa poésie, loriginalité exceptionnelle de sa philologie. Plus que tout autre genre quil a su pratiquer et avec lécriture épistolaire, incontournable pour définir et comprendre les questions textuelles dintérêt varié mais aussi pour elle seule, la philologie de Politien a ouvert la voie à une nouveauté sans précédent.

Politien, en un sens, porte jusquà son accomplissement le long « voyage » des Humanistes, commencé avec Pétrarque, dans la reconquête de la culture antique – latine et grecque – et leurs efforts pour reconstruire un patrimoine sans égal et poser les fondations originelles de la formation moderne de lhomme. Voilà quelle mission et quel objectif sétaient fixés les Humanistes de toutes les générations et toutes les origines géographiques : valoriser le rôle et les fonctions de lindividu à travers les formes les plus insolites – parfois les plus exaltantes – des expériences de vie, et cela à travers la reconstitution densemble dune civilisation où ils se reconnaissaient toujours davantage et dont ils exaltaient les liens avec le monde antique. Dans une telle perspective, Politien joua un rôle décisif et incontournable, pour ainsi dire inégalé, comparable à celui de 14Lorenzo Valla (encore vivant jusquen 1457) ou à celui dErmolao Barbaro, son contemporain : tous trois incarnent lexpression la plus haute dune force intellectuelle capable de dépasser les frontières de lItalie pour sétendre jusquaux limites les plus admirables et les plus importantes de lHumanisme européen, force qui repose sur une suprématie absolue, rigoureuse, de la langue que lon entend comme un moyen dassimilation, dintégration et dexégèse efficace et talentueux.

Les nombreuses éditions des œuvres de Politien produites en Italie mais surtout dans toute lEurope – en France et en Allemagne, notamment – démontrent la grande attention, sinon la fascination avec lesquelles on lut et on jugea les écrits de Politien et, partant, la circulation de ses idées et de ses représentations. Cest en France, tout particulièrement, à partir de la fin du Quattrocento que les œuvres de Politien connurent un succès majeur : dabord grâce à un heureux succès éditorial, dans lequel jouèrent un rôle important les imprimeurs et les éditeurs comme Nicolas Wolf, Jean Petit et Josse Bade. Ce dernier en particulier, formé en Italie, imprégné de culture humaniste, fut lun des grands acteurs de la fortune de Politien en France – il publia aussi les Elegantie latine lingue de Lorenzo Valla – dans la première moitié du xvie siècle, comme le montrent certains travaux développés à loccasion de ce colloque.

Les sections qui ont fourni larmature de cette rencontre parisienne sur Politien – la poésie, la philologie, la philosophie, la science et lhistoire, lépistolaire, la fortune – rendent compte, au moins dans leur ensemble, de la variété des champs disciplinaires auxquels se consacra lHumaniste et de la diversité des sujets qui lintéressaient en général. Mais unique et homogène mapparaît le regard que lon porte sur lui : la reconnaissance de sa personnalité singulière et la conscience du rôle quil joua dans la littérature européenne du xve siècle et bien au-delà de cette limite temporelle.

De ce point de vue aussi le colloque parisien porta ses fruits et, malgré le temps passé entre cette manifestation et la publication des actes, il sest inscrit dans une étroite continuité avec les manifestations antérieures ou ultérieures qui ont eu lieu sur Politien au cours de ces dernières années. Je pense au colloque organisé par mon ami et collègue Thomas Baier sur Angelo Poliziano9 et à celui soutenu par 15la Commission pour lÉdition Nationale des Œuvres dAnge Politien intitulé Cultura e filologia di Angelo Poliziano10 qui visait prioritairement à faire le point sur les éditions et sur les études concernant les traductions et les commentaires de Politien. Ces deux rencontres ont été précieuses : la première, en particulier, a permis de poser le problème, sur le plan méthodologique, dune nouvelle édition des Opera omnia de cet auteur, assortie dun appareil critique et philologique solide, édition moderne désormais absolument indispensable. LÉdition Nationale des Œuvres dAnge Politien sest fixé cet objectif. Elle a été programmée par le Ministère dédié au Patrimoine et aux Activités culturelles (aujourdhui Ministère de la culture) le 27 avril 2006, avec Gianvito Resta comme Président et lauteur de ces lignes comme Vice-Président, devenu ensuite Président lors de la disparition de Gianvito Resta le 25 février 2011. Le projet a été défini, à linstar des autres projets des Éditions Nationales consacrées aux poètes et aux écrivains italiens depuis Dante Alighieri jusquaux représentants les plus importants de la culture italienne du xxe siècle, pour donner une reconnaissance, pour ainsi dire officielle, aux plus grands auteurs de la littérature italienne. Il sagit de publier leurs œuvres à partir déditions critiques fondées sur des témoins solides et fiables. La situation est certes très variable lorsquil sagit dauteurs dont on possède les manuscrits autographes ou dautres pour lesquels il ne reste rien de tel. Concernant Politien, la situation est à la fois lune et lautre, si bien quil faut prendre en compte surtout lécriture et donc la conservation de ses textes, mais aussi les caractéristiques propres à un humaniste. Or, plus celui-ci est intégré dans la culture de son époque, plus grandes apparaissent de telles caractéristiques qui doivent être, de fait, recueillies et prises en compte.

Il me semble important de rappeler que lÉdition Nationale des Œuvres dAnge Politien – représentée au colloque parisien par Gabriella Albanese, Donatella Coppini, Raffaella Maria Zaccaria – prévoit la publication de deux sections spécifiques : une intitulée « Textes », destinée à rassembler et à publier les œuvres de Politien, lautre « Instruments », destinée aux travaux annexes, ouvrages critiques et bibliographie concernant Politien et son environnement. Jusquà ce jour, ont été publiés dans les « Textes », 16deux volumes : ses Praelectiones, livre édité par Giorgia Zollino11 et sa traduction des Amatoriae narrationes de Plutarque, éditée par Claudio Bevegni12 ; dans les « Instruments », est paru un volume dActes du colloque sur Politien (déjà mentionné) qui sest tenu à Florence en 201413 ; paraîtra bientôt la publication du matériel préparatoire rassemblé par Alessandro Perosa pour lédition (jamais parue) de la première centurie des Miscellanea.

Le colloque de Paris a donc apporté une contribution essentielle, solide et prestigieuse pour la mise en lumière de la personnalité et de lactivité scientifique de Politien et ce livre montre, confirmant lespoir et la confiance en cette entreprise, que les objectifs de cette rencontre ont abouti à des études stimulantes et à des appréciations constructives.

Paolo Viti

Università del Salento

1 Je tiens à lui témoigner ici toute ma reconnaissance pour sa grande disponibilité, pour son implication constante et pour son amitié sincère.

2 R. Sabbadini, Le scoperte dei codici latini e greci ne secoli XIV e XV, a cura di E. Garin, Firenze, Sansoni, 19672, p. 151.

3 Cristoforo Landino in Vergilii Maronis Opera, Firenze, [Tipografia del Virgilio], 1488, f. IIa.

4 F. Redditi, Exhortatio ad Petrum Medicem con appendice di lettere, a cura di Paolo Viti, Firenze, Olschki, 1989, p. 23.

5 Girolamo Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, Modena, presso la Società Tipografica, 1791, p. 1098-1099, 1108.

6 A. Perosa, Studi di filologia umanistica, I, Angelo Poliziano, a cura di P. Viti, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2000, p. 82.

7 Firenze, Sansoni, 1955.

8 Vittore Branca, Poliziano e lumanesimo della parola, Torino, Einaudi, 1983, p. 250-251.

9 Angelo Poliziano. Dichter und Gelehrter, hrgg. von Th. Baier, T. Dänzer, F. Stürner, Tübingen, Narr Francke Attempto, 2015.

10 Cultura e filologia di Angelo Poliziano. Traduzioni e commenti, Atti del Convegno di studi (Firenze, 27-29 novembre 2014), a cura di Paolo Viti, Firenze, Olschki, 2016.

11 Angelo Poliziano, Praelectiones, II, a cura di G. Zollino, Firenze, Olschki, 2016.

12 Angelo Poliziano, Traduzione delle « Amatoriae narrationes » di Plutarco, a cura di C. Bevegni, Firenze, Olschki, 2018.

13 Cultura e filologia di Angelo Poliziano, cit.