Résumés

Dominique Boutet, « Paul Zumthor et les études sur l’épique au Moyen Âge »

Le texte porte sur la question de l’épique, de sa théorie, de son écriture, de son oralité-vocalité, et évoque l’influence mutuelle des travaux de Paul Zumthor et des médiévistes spécialisés dans le domaine de la chanson de geste. L’auteur se réfère particulièrement à l’Essai de poétique médiévale, à l’Introduction à la poésie orale, à La lettre et la voix, et aux conférences prononcées au Collège de France à l’invitation d’Yves Bonnefoy (La poésie et la voix dans la civilisation médiévale).

Mots-clés : épique, oralité, vocalité, chanson de geste.

Christopher Lucken, « Paul Zumthor et la poésie lyrique. Style formulaire, mouvance du chant et présence de la voix »

Si la « spécificité de l’expression poétique » médiévale, que Paul Zumthor a toujours cherché à définir, ne se réduit pas à la poésie lyrique, elle en figure néanmoins comme la forme emblématique. L’analyse de la topique caractéristique de cette poésie, la question de son énonciation dans un contexte marqué par la performance et la mouvance, et enfin la place centrale accordée à la voix le montrent particulièrement.

Mots-clés : poésie lyrique, topique, énonciation, oralité, performance, voix.

Patrick Moran, « Paul Zumthor et le problème du roman médiéval »

L’œuvre de Paul Zumthor donne souvent l’impression de vouloir limiter l’empire du roman au sein des études médiévales. Dans l’Essai de poétique médiévale, le roman est considéré comme un moment historique où la poétique médiévale commence à se transformer ; dans la Lettre et la Voix, le genre romanesque est repoussé aux marges. Il faut reconnaître là moins un désamour du roman qu’une volonté de lutter contre les distorsions liées à l’idée que nous nous faisons du « Moyen Âge ».

Mots-clés : roman, poétique, « littérature », études médiévales.

Jean-Yves Tilliette, « Paul Zumthor et l’histoire littéraire »

La pensée de Paul Zumthor entretient avec le temps qui passe un rapport problématique. Inapte à fournir des outils d’interprétation adéquats aux objets littéraires, l’histoire est également inutile pour en saisir l’avènement. Et pourtant, le premier grand livre de la maturité de Zumthor est une Histoire littéraire de la France médiévale. C’est ce livre qui retient l’attention de Jean-Yves Tilliette : l’auteur se demande si, et essaie de montrer comment, il prépare les avancées théoriques des décennies suivantes.

Mots-clés : histoire littéraire, France médiévale, temps, interprétation.

Raísa França Bastos, « L’œuvre carolingienne par-delà siècles et frontières. Cordel et mouvance, de l’Europe médiévale au Brésil contemporain »

Le Nordeste brésilien donnait naguère à entendre, sur la place du marché, les hauts faits de Roland et Olivier contre les Sarrasins. L’influence de la tradition carolingienne sur la littérature brésilienne de cordel, forme de littérature de colportage en vers née à la fin du xixe siècle, est en effet primordiale. Cet article s’intéresse à quelques textes ponctuant ce parcours dans ses étapes européennes et brésiliennes. Cette œuvre mouvante a suscité l’intérêt de Paul Zumthor.

Mots-clés : cordel, matière carolingienne, mouvance, œuvre.

Alexandra G. Dumas, « Corps, geste et mémoire. L’Auto de Floripes, tradition carolingienne et théâtre de rue en Afrique »

L’Auto de Floripes, spectacle de rue populaire donné sur l’île de São Tomé et Principe, exploite la relation entre le format scénique et le format écrit en prenant comme livre de référence Carlos Magno e os doze pares de França. L’étude propose une lecture de l’Auto de Floripes à partir de la performance, en montrant que ce concept permet de rendre compte des particularités de la communication scénique. Ne repose-t-il pas sur l’idée que la « la voix est une émanation du corps » ?

Mots-clés : Auto de Floripes, tradition carolingienne, performance, communication scénique.

Élodie Pinel, « Pour une poétique des béguines »

Cet article confronte la notion de poétique élaborée par Paul Zumthor à un corpus médiéval qu’il n’a pas abordé, celui des poèmes béguinaux. En 343s’appuyant sur la caractérisation de ces poèmes établie par Geneviève Hasenohr (« D’une “poésie des béguines” à une “poétique des béguines” », 2009), l’étude entend examiner en quoi la notion de poétique telle qu’elle est développée dans l’Essai de poétique médiévale (1972) peut donner accès à la beauté de ces textes.

Mots-clés : poétique, poésie, oralité, mouvance.

Dominique Lagorgette, « Paul Zumthor et la mouvance »

L’article propose une synthèse de la mouvance afin de voir en quoi la conception d’une œuvre en mouvement reste féconde. Paul Zumthor construit en effet une esthétique de l’intertextualité et de la polyphonie en articulant notamment les notions d’oralité, d’expression de soi, de « genres » et de canons « littéraires ». Fondateur une interdisciplinarité dynamique résolument (post)moderne, il a fait de la mouvance le lieu d’une mise en abyme des idées portant sur le Moyen Âge, la recherche ou l’art.

Mots-clés : mouvance, intertextualité, polyphonie, oralité, esthétique, genres.

Idelette Muzart-Fonseca dos Santos, « À l’écoute des voix. L’incursion de Paul Zumthor dans l’oralité vivante brésilienne »

À la fin des années 1970, Paul Zumthor se tourne vers les voix poétiques parlées ou chantées qu’il découvre lors de ses voyages. Ce détour par les chemins de la voix dépasse la fonction méthodologique initiale en créant une approche nouvelle des voix vivantes dans les cultures ancrées dans l’oral, Zumthor se montrant attentif à leur complexité. La poétique des voix peut ainsi se transformer en une voie sonore, empruntée par des artistes contemporains dans leur quête d’une « matière sonore » médiévale.

Mots-clés : voix, poétique, oralité, Brésil.

Francis Gingras, « Dans l’atelier du poéticien. Lire et écrire sur la voix, analyse des archives de Paul Zumthor pour la préparation de l’Introduction à la poésie orale »

Paul Zumthor a mené une recherche qui met en jeu des perspectives comme l’ethnologie, la musicologie et les arts et traditions populaires. Il adapte ensuite les outils développés à la civilisation puis à la « littérature » médiévale. Les prépublications et articles de cette période invitent à suivre l’élaboration des concepts qui structureront ses travaux sur l’oralité et la 344vocalité. Ces documents permettent d’entrer dans la fabrication de l’ouvrage pour voir le lecteur en action et le poéticien à l’œuvre.

Mots-clés : poéticien, genèse, oralité, vocalité, littérature.

Gérard Dessons, « La question de l’oralité chez Paul Zumthor et Henri Meschonnic »

En 1982, Henri Meschonnic coordonnait un numéro de Langue française portant sur « Le rythme et le discours », dans lequel figurait un article de Paul Zumthor intitulé « Le rythme dans la poésie orale ». Dans la présentation du volume, Henri Meschonnic soulignait l’orientation commune de leurs travaux vers « une poétique et une anthropologie de la voix ». Cependant leurs points de vue divergeaient, notamment à propos de leur conception respective du rythme.

Mots-clés : oralité, rythme ; Henri Meschonnic, anthropologie de la voix.

Claire-Akiko Brisset, « Voix et texte. Autour de l’“épopée” au Japon »

Impressionnante et magistrale, l’œuvre de Paul Zumthor constitue une source inépuisable de réflexion. Au cours de son propre travail sur le corpus japonais, Claire-Akiko Brisset a puisé dans l’œuvre de Paul Zumthor une inspiration et des outils fondateurs permettant de réfléchir sur l’« épopée », en mettant en perspective et en interrogeant nos catégories implicites. Son étude entend poser quelques questions autour de la voix et du texte, et réfléchir à ce que cela veut dire dans le cas japonais.

Mots-clés : épopée, Japon, voix, texte.

Edilene Dias Matos, « La voix comme performance. Voir, entendre, chanter et danser »

Cette étude porte sur les possibilités combinatoires des différentes dimensions de la voix qui, d’une part, redimensionnent les genres de l’oralité présents dans l’univers des cultures et qui, d’autre part, provoquent des expériences esthétiques permettant au signe verbal de dépasser ses propres limites. La parole se révèle comme une scène de lettre et de voix, mais aussi de corps en mouvement, d’images sonores, sémantiques et visuelles, espace de friction entre diverses formes poétiques de création.

Mots-clés : voix, performance, corps, création.

Alain Vaillant, « La Voix de la lettre. À propos de la renaissance poétique du xixe siècle »

Paul Zumthor fut l’un des rares à rappeler l’importance capitale de l’oralité. On ne doit pas en conclure que la poésie orale (et à dire) s’oppose à la poésie écrite (et à lire). Au contraire, c’est au moment même où la poésie quitte le domaine de la rhétorique pour passer du côté du livre que les poètes retrouvent la vertu du chant poétique et ressuscitent l’esthétique du vers, comme s’il fallait que la poésie soit devenue « lettre » pour se reconnaître comme « voix ».

Mots-clés : oralité, poésie, littérature du xixe siècle, rhétorique, esthétique, lettre, voix.

Gérard Le Vot, « “Danser la voix” jusqu’à jubiler. Le corps et l’incantation dans le Rock »

Aux frontières du chant, de la parole et de la danse, entre tradition et nouveauté, énergie et jubilation, la vocalité dans le Rock doit beaucoup aux caractères des musiques de provenance afro-américaine. Il s’agit d’étudier ici l’expression de certaines permanences anthropologiques dans le chant, le corps constituant un instrument prépondérant dans le Rock. On relève diverses manières de « danser » la voix, de l’incantation simple et pratique jusqu’au chant le plus expressif, le plus inarticulé.

Mots-clés : vocalité, Rock’n Roll, chant, corps, voix.

Michel Zink, « Paul Zumthor et l’écriture nomade »

Dans Écriture et nomadisme, Zumthor se définit comme un nomade. Pourtant, ce nomadisme, il l’a subi avant de le choisir. Le nomade ne se laisse pas entamer par son entourage changeant : partout il est lui-même et habite en lui-même. Nul n’a fait plus que lui pour implanter la notion de poétique : l’immense succès de son Essai de poétique médiévale en est le signe. Mais sous la poétique, il y avait la poésie, et avant le poéticien, le philologue. Derrière le professeur nomade, il y avait le poète constant

Mots-clés : nomadisme, poétique, poésie, philologie, écriture.

Andréa Betânia Da Silva, « Voix et corps nomades. Les poètes improvisateurs dans le Nordeste brésilien »

Cet article constitue une réflexion sur la performance des improvisateurs et poètes et, plus spécifiquement, sur ceux qui se consacrent à la cantoria improvisée, afin de comprendre comment leur création poétique est constituée par une mouvance qui se fait nomade. Le nomadisme qui est présent dans les voix et le corps se rencontre dans de nouveaux supports, parcourt d’autres espaces et gagne d’autres dimensions de la scène contemporaine. Il est analysé à partir d’hypothèses proposées par Paul Zumthor.

Mots-clés : cantoria, Nordeste brésilien, mouvance, nomadisme, improvisation.

Marie-Christine Gomez-Géraud, « Relire la Mesure du monde (1993) à l’aune du temps qui passe »

La lecture de la Mesure du monde oblige à reconsidérer la mesure du temps. En premier lieu, comment ne pas s’interroger sur la frontière entre le « Moyen Âge » et la « Renaissance » ? Comment ne pas s’interroger aussi sur la relation que le chercheur entretient avec son objet, la période médiévale, saisie depuis la modernité ? Le subtil jeu des pronoms – en particulier dans certains usages du « nous » – invite à poser cette question : les bornes établies par Paul Zumthor sont une invitation à poursuivre la quête.

Mots-clés : temps, Moyen Âge, modernité, histoire.

Bernard Zumthor, « Espace, lieu, projet »

Prenant pour point de départ l’épilogue de La Mesure du monde où Paul Zumthor pointe « la perte du sens de la lumière et de l’harmonie » propre aux temps modernes, l’auteur de cet article affirme, en historien de l’architecture, l’importance et l’enjeu de la sauvegarde de l’espace entendu sous l’angle patrimonial comme lieu concret d’histoire. Cet espace, tout particulièrement urbain, est dès lors compris comme le lieu où se joue la nécessité pour l’homme de trouver un point d’ancrage, par-delà les siècles et dans le respect des mémoires.

Mots-clés : histoire, mémoire, espace, mesure, patrimoine.

Helen Solterer, « Amériques pré-modernes ? Départ pour le Grand Nord »

Cette contribution reprend l’idée de l’étendue proposée par Paul Zumthor, dans la Mesure du monde. Partir en quête d’une pré-modernité aux Amériques 347mène généralement vers l’Amérique du Sud, vers les Tropiques ; et pourtant la culture inuit mérite une recherche de fond. Peut-on poser l’hypothèse d’une culture pré-moderne des Amériques du Nord ? Comment l’avancer par rapport aux cultures européennes, notamment celles de la Romania ? Et jusqu’à quelle limite s’étendent l’espace et le temps des « littératures » médiévales ?

Mots-clés : mesure, culture, modernité, espace, temps.

Sylvie Lefèvre, « Paul Zumthor côté roman »

Cet article entreprend de lire le Zumthor des romans, tout en conservant le souvenir du versant critique de son œuvre. L’écriture romanesque, dense et tendue, de la Fête des fous (1987), de la Traversée (1991) et des Hautes eaux (1958), est interrogée à l’aune de la démarche du critique. Par la mise en relation de la Mesure du Monde, mais aussi du Masque et la Lumière, le style de Zumthor se révèle riche et travaillé, et son œuvre d’une grande complexité, offrant tantôt le visage, tantôt le masque de l’écrivain.

Mots-clés : roman, romanesque, écriture, critique.

Éric Méchoulan, « Peur et littérature »

À partir des ouvrages de Paul Zumthor traitant de la gestualité et de la performance, cet article interroge l’idée de « peur », qui traverse son œuvre. Il en sonde l’origine et en décrit les effets en intégrant l’opposition des médiums (voix vs écriture, manuscrit vs imprimé) à une histoire plus complexe. Alors que l’époque moderne redéfinit les rapports entre intériorité et extériorité, sujet et objet, le Moyen Âge se caractérise par une identité collective et un monde perçu comme clos.

Mots-clés : geste, performance, vocalité, oralité, histoire.