Résumés

Johan Heilbron, « Introduction. Comment comprendre une œuvre scientifique ? »

L’introduction présente la démarche adoptée dans l’ensemble du livre. Elle situe cette démarche empruntée à la sociologie de Bourdieu par rapport, d’une part, aux pratiques dominantes en histoire des sciences humaines et sociales et, d’autre part, aux principales approches en histoire intellectuelle (l’histoire conceptuelle et l’histoire contextualiste de l’école de Cambridge).

Amín Perez, « Les révélations du terrain. Les premieres expériences ethnographiques de Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad »

Cette étude met en lumière la production d’une science sociale réflexive et engagée qui s’est forgée lors des premières expériences ethnographiques de Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad. Elle restitue les conditions biographiques et d’enquête atypiques constitutives de ce processus créateur, entrepris entre un enseignant universitaire français et un instituteur et militant anticolonial algérien, dans un contexte de guerre coloniale et de crises de la paysannerie entre la France et l’Algérie.

Johan Heilbron et Pernelle Issenhuth, « Une recherche anamnestique, le Béarn »

Cette étude sur les différentes enquêtes de Bourdieu en Béarn montre le déroulement frénétique de travaux portant sur l’ensemble de son village d’origine et son histoire et, simultanément, sur son rapport à ce terrain particulier. Faisant équipe avec ses proches (ses parents, sa femme), cette recherche anamnestique contribue non seulement à une véritable réconciliation avec son passé, mais aussi à l’idée que la socioanalyse représente une composante fondamentale et libératrice de la pratique sociologique.

Johan Heilbron, « Au Centre de sociologie européenne »

Après avoir évoqué l’expansion générale des sciences humaines et sociales dans les années 1960, ce chapitre reconstitue la création du CSE (1959), l’orientation que lui donne Raymond Aron puis l’arrivée de Bourdieu qui, nommé secrétaire général (1961), transforme, par sa politique de recherche, le projet initial. Le chapitre analyse ensuite la spécificité de l’orientation scientifique, des pratiques de recherche et du recrutement des membres du CSE. Il traite, pour finir, de mai 68 et de ses effets.

Pernelle Issenhuth, « Les débuts d’une sociologie du goût. L’esthétique, Kodak et les classes sociales »

Cette étude revient sur les enquêtes développées, entre 1962 et 1964, sur les pratiques et attitudes à l’égard de la photographie (y compris auprès d’artistes et professionnels) et sur les enjeux sous-tendant la publication d’Un art moyen (1965). Il retrace la logique de cette recherche qui, combinant ethnographie et statistiques, contribue à fonder empiriquement le concept d’habitus, marque les débuts d’une sociologie du goût et initie les travaux sur les champs de production culturelle.

François Denord, « Sociologie de la banque ou de la classe dominante ? L’enquête sur le crédit et sa postérité (1963-1990) »

Principalement rédigé par Luc Boltanski et Jean-Claude Chamboredon, La Banque et sa clientèle (1963) est un rapport pionnier en matière de sociologie économique. Ses auteurs, dirigés par Pierre Bourdieu, s’imaginaient élaborer un projet plus vaste sur le crédit et la consommation. Il n’a pas abouti. Ce semi-échec tient moins aux relations difficiles qui se sont nouées avec le commanditaire qu’à un changement de perspective théorique.

Pernelle Issenhuth, « La “clef de voute de toute sociologie de la culture”. Enjeux des premières enquêtes “Éducation” »

Cette étude détaille les premières enquêtes « éducation », aux fondements des Héritiers et de La Reproduction, qui recouvrent des enjeux pédagogiques, politiques et scientifiques. Combinant les méthodes, elles mobilisent un réseau de collaboration impliquant également les étudiants. En retraçant la logique 451de la recherche, l’étude introduit aussi l’extension des enquêtes à l’ensemble du système d’enseignement et rappelle l’unité profonde des travaux sur la culture et l’éducation.

Julien Duval, « L’entremêlement de la sociologie et des mathématiques. La recherche sur les musées »

Cette étude retrace, à l’aide d’archives et d’entretiens, le déroulement de l’enquête sur le public des musées à l’origine de L’Amour de l’art. Elle souligne les spécificités de l’enquête : elle est issue d’une commande ministérielle, elle revêt une dimension européenne, un grand nombre de questionnaires sont collectés, une modélisation mathématique sophistiquée est proposée. L’étude évoque aussi le rôle de l’improvisation et des aspects matériels du traitement des questionnaires.

Julien Duval et Sophie Noël, « Édition, éditeurs. Les stratégies de publication de Pierre Bourdieu et du CSE (1958-1975) »

À partir d’archives et d’entretiens, cette étude analyse les stratégies de publication de Bourdieu et des autres chercheurs du CSE dans les années 1960. L’équipe développe dès cette époque une réflexion sociologique sur l’acte de publication et l’univers de l’édition. L’étude traite des publications dans des revues (intellectuelles ou universitaires) et des livres paraissant chez Mouton (« Les Cahiers du CSE ») et aux Éditions de Minuit, dans la collection « Le Sens commun » créée en 1965.

Julien Duval et Johan Heilbron, « Conclusion. Un retour aux sources »

Après un retour sur la démarche générale du livre, notamment le choix de travailler sur la première décennie de l’entreprise scientifique animée par Pierre Bourdieu, ce texte de conclusion récapitule les grandes caractéristiques des pratiques de recherche mises au point au Centre de sociologie européenne dans les années 1960, avant de poser la question de l’héritage aujourd’hui des pratiques de recherche étudiées dans le livre, notamment au regard des transformations actuelles de la recherche.