Aller au contenu

Classiques Garnier

Préface

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Pathé Marconi à Chatou. De la musique à l’effacement des traces
  • Auteur : Woronoff (Denis)
  • Pages : 9 à 11
  • Collection : Histoire des techniques, n° 2
  • Série : Recherche, n° 1
  • Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
  • EAN : 9782812442193
  • ISBN : 978-2-8124-4219-3
  • ISSN : 2264-458X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4219-3.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/01/2012
  • Langue : Français
9

Préface

En 2004, l’usine Pathé de Chatou a été rasée. La friche industrielle, née de la fermeture du site en 1992 laisse place à un ensemble immobilier : fin d’une histoire, début d’une réflexion. Jean-Luc Rigaud a voulu comprendre ce qui s’était passé. Comment un lieu qui avait tant d’atouts et, en apparence, tant de défenseurs a pu être ainsi effacé du paysage ? Comment cette usine Art déco, si fortement inscrite au cœur du territoire de la ville, a-t-elle pu disparaître sans laisser la moindre trace patrimoniale ? La sauvegarde du patrimoine industriel s’apparente souvent, en France, à un chemin de croix. Même les usines protégées au titre des monuments historiques n’échappent pas toujours aux bulldozers. Mais on pouvait supposer, argumente l’auteur, que ces ateliers-phares de l’industrie des biens culturels, symboles d’une des originalités de la seconde industrialisation, n’auraient pas un destin de friches. D’où le souci de reconstituer cette aventure et de repérer au passage les moments où l’histoire aurait pu s’infléchir favorablement. Près de cent ans d’une histoire d’entreprise, familiale puis multinationale, ont donc été oubliés et sont ici restitués. Voilà un patrimoine qui nous était encore proche, qui était, semble-t-il, lisible, séduisant. Pourtant, les échos des caf’conc’, des caves où s’élaborait le jazz, des mélodies qui donnaient la sonorité d’une époque n’y ont rien fait. Il n’empêche, prendre un échec de la conservation du patrimoine industriel comme sujet d’une première recherche pouvait étonner. Les pages qui suivent montrent au contraire la fécondité de cette approche paradoxale. Au demeurant, l’histoire des entreprises n’a-t-elle pas bénéficié souvent d’une lecture attentive des faillites ?

L’histoire de l’usine de Chatou, nous explique Jean-Luc Rigaud, s’inscrit dans une double dimension, celle de la scène internationale et celle de la ville. De la première, l’auteur retient bien sûr les sciences et les techniques qui ont porté l’enregistrement des sons à sa plus haute performance. Il rend justice au français Scott de Martinville, inventeur oublié du « phonautographe » en 1857, vingt ans avant Edison. Il évoque

10

aussi la question des capitaux et de l’évolution de l’entreprise, de la société Charles Pathé à Pathé Marconi. Il montre enfin comment cette industrie nouvelle -dont Pathé a été un des fleurons- a suscité des besoins et créé un marché à l’échelle du monde. Le lien avec Chatou est très précoce. Deux ans après la création de La Compagnie générale de phonographes, cinématographes et appareils de précision (1897), Charles et Émile Pathé installent leur première usine dans ce bourg un peu endormi, lieu de villégiature plus que de fabrique. En 1931, la nouvelle usine qui fonctionnera pendant soixante ans est établie à proximité de l’ancienne. C’est désormais un véritable quartier industriel qui se constitue au cœur de la ville. Les municipalités successives ne ménagent pas leur soutien à ce partenaire essentiel qui comptera en fin de période 3 000 employés. La « capitale du disque », comme elle se présente volontiers, sait qu’elle tient là la source de sa prospérité. Pourquoi alors ce désamour qui conduit les autorités locales à abandonner l’usine à son sort, à hâter, par son refus d’intervenir, sa destruction ? On lira l’analyse fine que propose Jean-Luc Rigaud de cet attentisme fatal. Il est vrai que la ville a horreur du vide et que la pression foncière est redoutable. Mais le conflit des mémoires, « Chatou, la ville des Impressionnistes » contre « Chatou, capitale du disque » a-t-il sans doute davantage pesé. L’histoire choisie, « filtrée » selon l’expression de l’auteur, rendait inaudible l’autre message. En outre, il ne suffit pas d’un style Art déco et d’un catalogue magnifique pour sauver des traces de la mémoire de l’entreprise. Ici les ouvriers n’ont pas « fait patrimoine » comme aime à le dire Anne-Françoise Garçon. À défaut, ce livre rappelle et alerte. Il est à la fois un hommage et une promesse.

Denis Woronoff,
professeur émérite d’histoire,
université Paris Panthéon-Sorbonne

11

J’exprime d’abord toute ma gratitude à Madame Anne-Françoise Garçon, professeur et responsable du département Histoire des techniques à l’université de Paris Panthéon-Sorbonne, de m’avoir fait confiance, il y a quelques années, en me permettant de rejoindre l’équipe d’étudiants et de chercheurs et d’avoir porté un regard favorable à mon travail.

Je remercie vivement Monsieur Pierre Arrivetz, président de l’association Chatou Notre Ville et conseiller municipal de Chatou, d’avoir porté à ma connaissance l’action qu’il menait pour la réhabilitation des anciennes usines Pathé Marconi.

Mille mercis à Madame Agnès Kaloum et à travers elle à toutes les personnes qui m’ont apporté leur témoignage, de m’avoir si bien accueilli au centre des archives sonores EMI Music France qu’elle dirige.

Je remercie Monsieur Denis Woronoff, professeur émérite d’histoire à l’université de Paris Panthéon-Sorbonne pour la préface qui ouvre mon étude, et je lui suis très reconnaissant ainsi qu’à Madame Gracia Dorel-Ferré, présidente de l’Association pour le patrimoine industriel de Champagne-Ardenne, pour les encouragements et les conseils avisés qu’ils m’ont prodigués.