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Classiques Garnier

Conclusion

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Conclusion

Issues du cœur, les larmes constituent la meilleure part de lhomme. Musset ne cessera de proclamer quune larme est ce quil y a de plus vrai, de plus impérissable au monde. Une multitude de figures féminines de La Comédie humaine ont montré, par labondance de leurs pleurs, une sensibilité authentique et exacerbée. Des larmes sincères les ont accompagnées dans leurs moments de joie, de chagrin, bref dans toutes les émotions de leur cœur qui peuvent exciter leffusion des pleurs. Le langage des larmes est un langage silencieux qui témoigne de la folie du cœur, des émois du corps, des déchirements et des extases de ces héroïnes balzaciennes. Dans La Comédie humaine, vraies, fausses ou tout simplement superficielles, les larmes féminines ruissellent de toute part. Pour une grande partie de ces femmes, « il nest pas dautre salut que la voie humide1 ». La valeur des larmes est telle que les femmes coquettes les font couler artificiellement, un hommage rendu par la vie à la vertu de la sensibilité féminine.

Mais, ces créatures artificieuses, elles-mêmes, peuvent être métamorphosées par lamour, qui est au centre de la majorité des romans de Balzac. Ces dernières, faisant parfois semblant de pleurer, se transforment parfois en femmes passionnées et passionnantes tant le bouleversement qui sopère en elle est immense. Désormais, les larmes sont pour elles un moyen dexprimer leurs douleurs et leurs émotions en les révélant. Elles paraissent alors sensibles à certaines expressions délicates qui, jadis, les laissaient froides. Cest ce que traduisent leurs larmes devenues spontanées.

Ces larmes, qui véhiculent une grande émotion heureuse ou douloureuse varient en genre et en quantité selon les âges de la femme. En outre, toutes ces larmes que laissent couler les femmes de différentes catégories sociales sont soumises à la loi de la pudeur. Cette pudeur 240féminine, qui défend aux femmes de montrer ouvertement ses émotions, trouve son origine dans les conventions familiales et sociales.

La jeune fille, devenue épouse et mère, est contrainte de ravaler ses pleurs, tenue par la délicatesse de cacher lincompréhension des hommes, et de préserver la paix domestique.

Le fait de cacher ses émotions et de contenir ses larmes ne va pas sans conséquences désastreuses sur la santé des personnages. Cest sûrement dailleurs ce qui a amené Freud à inventer une thérapie pour libérer ces femmes encorsetées, devenues malades, voire hystériques à force de refouler leurs émotions et de contenir leur corps. Car tous ces yeux remplis de larmes, tous ces soupirs entrecoupés de sanglots, bref toutes ces larmes versées tout au long des textes de Balzac ne sont pas dissociés dune attitude corporelle, de mimiques spécifiques, dun jeu de regards, de bouleversements physiques et psychologiques qui reflètent aussi une multitude dautres manifestations de lémotion féminine dans La Comédie humaine.

1 Anne Vincent-Buffault, op. cit., p. 165.