[Introduction]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Paroles dégelées. Propos de l’Atelier xvie siècle
- Pages : 7 à 8
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 109
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812434198
- ISBN : 978-2-8124-3419-8
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3419-8.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/08/2016
- Langue : Français
« Paroles dégelées » : faire surgir des voix et des regards sur la littérature de la Renaissance, conçus, nourris, animés en quelque sorte au sein de l’Atelier xvie siècle, telle est l’ambition de cet ouvrage publié à l’occasion du quinzième anniversaire du groupe de chercheurs seiziémistes réunis à la Sorbonne autour de Mireille Huchon.
Restituer à l’écrit les projets qui s’y sont déployés depuis sa création en 1999, rassembler les nombreuses présentations de travaux, réflexions encore en chantier, communications pointues ou entreprises plus vastes menées au long cours n’aurait toutefois que peu de sens. Il faudrait d’abord pouvoir évoquer l’esprit de compagnonnage qui a conduit celui-ci à venir présenter une thèse encore à ses débuts, cet autre venu soumettre à la sagacité de l’assemblée ses premiers résultats, ce chercheur de passage désireux de partager une expérience de lecture, d’édition, un projet plus vaste aux carrefours de plusieurs disciplines, celui-là encore, chercheur « confirmé », curieux des regards croisés que ses travaux ont pu susciter, soucieux de faire part de ses « itinerrances de chercheur1 ». Il faudrait aussi ressusciter les échanges, discussions animées, controverses au sein desquels ont pu trouver à s’exprimer un même enthousiasme, un même goût pour l’esprit de la Renaissance, pour la confrontation avec ses textes, avec sa langue, avec ses lectures du monde. Il faudrait enfin traduire en mots ce qui fait la spontanéité des rencontres intellectuelles propres à l’Atelier, les collaborations nées à l’occasion d’une discussion, le partage d’une intuition, d’une impression suscitée par une réflexion au détour d’une présentation, cette effervescence, en somme, à sauts et à gambades, qui devait animer les lettrés de la Renaissance lorsqu’ils frottaient et limaient leur cervelle les uns aux autres. Paroles dégelées, réchauffées au contact les unes des autres, sorties de la solitude de nos cabinets d’écriture, de cet isolement si nécessaire à la recherche qui ne trouve sens que dans la confrontation à autrui.
Paroles de chercheurs, « propos d’Atelier », tel est l’esprit avec lequel cet ouvrage voudrait faire part des témoignages, expériences de recherche,
découvertes récentes ou synthèses critiques que les membres de l’Atelier ont pris le soin de présenter sous forme d’articles recueillis pour l’occasion ces dernières années. Cette diversité ne résulte pas d’un abandon à l’arbitraire des goûts individuels : chacun, dans son domaine propre, tente méthodiquement d’éclairer un aspect particulier de l’ambitieuse entreprise collective menée au xvie siècle en France pour penser le monde moderne, qui passe, au premier chef, par l’enrichissement en théorie et en pratique de la langue française, moyen indispensable à une reconsidération et un renouvellement des outils conceptuels et des catégories esthétiques légués par les siècles antérieurs. C’est cette préoccupation centrale, fédératrice, qui motivait, à la Renaissance, les débats sur la langue et le statut de la langue vernaculaire, la place des Anciens, leur intégration aux écrits renaissants et leur transmission à la postérité, l’investigation des potentialités esthétiques de la rhétorique, la réflexion sur les pratiques et les traditions scripturaires, leurs identités complexes et le jeu des frontières entre les genres, la médiation de l’œuvre et les processus de production du sens à l’ère de l’imprimé.
Laissant libre cours au plaisir du « braconnage », cette liberté transgressive du lecteur qu’a défendue Michel de Certeau, l’ordonnancement du volume n’a dès lors été qu’esquissé, non pas selon une division en sections qui trahirait une démarche critique unique, privilégiant un champ disciplinaire au détriment d’autres approches et d’autres méthodologies, mais selon un jeu de mots-clés et de notions rassemblés à la fin de chaque article, comme autant de fils à dérouler, à mettre en réseau, à faire entrer en résonance, au gré de la curiosité intellectuelle ou des centres d’intérêt du moment. Une interdisciplinarité, un croisement des perspectives comme autant d’éclairages en condensé, nécessairement partiels et provisoires, des champs d’interrogation qui animent la recherche seiziémiste aujourd’hui. Autant de voies d’accès, directes et détournées, autant de manières de lire et d’interpréter les écrits de la Renaissance.
1 Selon le néologisme forgé par Jean Céard quand il vint partager son parcours de chercheur, à l’instar de Nicole Cazauran, Tom Conley, Jean-Claude Margolin, Jean-Claude Chevalier et Alain Legros.