Skip to content

Classiques Garnier

Two notes on Rimbaud and the army

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Parade sauvage Revue ­d’études rimbaldiennes
    2022, n° 33
    . varia
  • Author: Hodin (Geneviève)
  • Abstract: In these two small articles, we point out, on the one hand, the hypothesis that Rimbaud was the recipient of a medal from the Société de Topographie, on the other hand, the possible intertextual relationships between rimbaldian poetry and La Vie Parisienne.
  • Pages: 345 to 347
  • Journal: Parade sauvage (Wild Parade)
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406146322
  • ISBN: 978-2-406-14632-2
  • ISSN: 2262-2268
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14632-2.p.0345
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 03-15-2023
  • Periodicity: Annual
  • Language: French
  • Keyword: medal, topography, intertextuality, trajectory
345

Deux notules sur Rimbaud et larmée

Rimbaud médaillé ?

Dans la Revue des Conquêtes de la Civilisation (LExploration du 1er semestre 1881), figure la liste des récompenses distribuées le 20 novembre par la « Société de Topographie », à Paris : « Les médailles dargent de 2e classe ont été attribuées à : MM. Humbert, Rimbaud, Meder. »

Il est possible que le patronyme médian désigne ici Arthur Rimbaud. Dans une lettre à sa famille du 15 janvier 1881, du Harar, il demande lenvoi du « Guide du voyageur ou Manuel théorique et pratique de lexplorateur, cest là le titre ou à peu près », traduit de lallemand, et publié chez Lacroix. Ce qui motive la commande auprès du libraire-éditeur parisien, cest que « louvrage, me dit-on, est un compendium très intelligent de toutes les connaissances nécessaires à lexplorateur en topographie, minéralogie, hydrographie, histoire naturelle, etc., etc. ». Ce souhait épistolaire mincite à penser que Rimbaud fut bien médaillé par la Société de Topographie.

346

Rimbaud fils de soldat

Dans « LÉclatante victoire de Sarrebrück1 », Rimbaud reprend limage fort répandue de lEmpereur, « Doux comme un papa », tenant son fils par la main. Le courage des soldats est célébré partout dans la presse ; toutefois, dans La Vie Parisienne2, le journaliste Marcelin, précise le 9 aout 1870 : « Les victoires de Sarrebruck ont été déplorables ». Léloge des soldats est cependant précisé, dans une même page, avec ces commentaires : « Dumanet et Pitou splendides », « Pitou et Dumanet admirables », « Dumanet et Pitou merveilleux. Très gai, le ballet de Compiègne » ou encore « Dumanet et Pitou héroïques et merveilleux ». Rimbaud reprend ces noms, Pitou et Dumanet (aux vers 5 et 9), auxquels il ajoute Boquillon, qui fera donc partie aussi des « bons Pioupious ».Ce mot, que Rimbaud déclinera en pioupiesque dans « Le cœur du pitre », est presque toujours en italique dans les revues.

Dans Éclatsdobus de Ferdinand Dugué, une mère, dans le poème « Avant Sarrebruck », pleure « lenfant quon habille en troupier », « Sous la chaux, dans un trou / Dormira mon pauvre Pitou ». Les sous-titres des trois gravures de La Vie Parisienne de 1870, montrant des francs-tireurs, des zouaves et moblots, sont ironiques et brutales :« juste ce quil faut pour tuer et être tué », « Faire le voyage de Paris aux frais du gouvernement, quelle occase ! », « un qui est revenu de tout et un qui y va. »

Dumanet sera défini dans le Dictionnaire de la langue verte comme « un soldat crédule à lexcès ». Dick de Lonlay, auteur de deux tomes sur la guerre3, évoque « lenragé Dumanet »qui, le bras cassé, sécrira : 347« Donnez-moi un sabre ! » Le troupier se sentirait mal protégé par son uniforme. Les soldats avaient parfois des « casquettes ou couvre-nuques ». On signale un colonel qui possède « un cache-nuque blanc par-dessus son képi. » Le schako fait, bien sûr, partie de cet uniforme guerrier que Rimbaud cite en fin de poème. On lit dans La Vie Parisienne de juillet 1870 (p. 587) : « Tant vaut le shako. Lhomme fait le shako et le shako influe sur lhomme. » À la fin de « Léclatante victoire… », le poète fait de Pitou, un soldat craignant pour sa vie qui « sent frémir sa nuque en brosse ». Le verbe frémir est très présent dans les volumes de La Vie parisienne : « Tout ce sang versé est horrible à voir ; on frémit » ; « Au réveil, je me sentais frémir dans tout mon être. »

Dans le « Chant de guerre parisien », Rimbaud écrit : « Ô Mai ! quels délirants culs nus » ; au vers 13 de « Léclatante victoire… », il évoque Boquillon « présentant ses derrières » reprenant sans doute ces propos de Bismarck :« Héros du Nord, je savais bien que vous aviez vu les derrières des soldats du roi… »

Quelques années plus tard, en 1873, Rimbaud situera à « Laïtou, (Roches) (Canton dAttigny) » une lettre à Ernest Delahaye. A-t-il le souvenir des gravures de La Vie Parisienne sous-titrée « … Laïtou – pif, paf, pouf, pouf Trala Laïtou, Trala, pif, paf, pouf ! ! ! » ? De même, quand il écrit : « la mother ma mis là dans un triste trou », on peut se demander sil fait ironiquement allusion à la gravure placée à côté du « Laïtou » et sous-titrée : « Sur lair : où peut-on être mieux quà la mamelle de sa famille ? » Dans les pages précédentes un journaliste commente encore la musique dun régiment avec ce refrain : « Où peut-on être mieux quau sein de sa famille ? »

Geneviève Hodin

1 Voir Steve Murphy, Stratégies de Rimbaud, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 284-287.

2 La Vie Parisienne, dirigée par Marcelin et publiée de 1870 à 1871, comportant une quarantaine de pages intitulées « La Vie Parisienne pendant la guerre ». En juillet 1870, le terme « Illumination » apparait plusieurs fois, ce qui permet denvisager un lien éventuel entre ces pages sur la guerre et lœuvre rimbaldienne – « …les cercles de la place de la Concorde en illumination » ; « … pour se perdre à lautre bout de Paris, sous les feux des illuminations » ; « … rue noire au sortir de cette illumination » ; « … jadorais les nuits sans sommeil, avec les illuminations brillantes ».

3 Dick de Longlay, Français et Allemands, 2 tomes, 1870-1871. Il évoquera M. Raimbeaux (p. 380) parmi les Cent-gardes, voyageant comme écuyer à droite de lempereur, et il cite parmi les soldats, le « caporal Raimbaud » (p. 208).