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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Parade sauvage Revue ­d’études rimbaldiennes
    2022, n° 33
    . varia
  • Auteurs : St. Clair (Robert), Saint-Amand (Denis)
  • Pages : 11 à 13
  • Revue : Parade sauvage
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406146322
  • ISBN : 978-2-406-14632-2
  • ISSN : 2262-2268
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14632-2.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/03/2023
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Avant-propos

Vous tenez entre vos mains, chers lecteurs et chères lectrices, la trente-troisième livraison de la revue Parade sauvage – numéro qui sort de presse au moment même où nous nous apprêtons à marquer le sesquicentenaire de la publication (aux frais toutefois de son auteur) du chef-dœuvre que fut, et que demeure, Une saison en enfer. Nous osons espérer que, tout comme nous, vous vous réjouirez de constater en parcourant le présent numéro que la situation actuelle des études de lœuvre de ce « passant considérable » de Charleville ne perd en rien son souffle : tant sen faut, elle est plus vivace et active, plus répandue globalement et plus pluridisciplinaire ainsi que méthodologiquement stimulante que jamais. Ainsi, vous trouverez en ouverture de ce trente-troisième numéro de Parade sauvage une étincelante intervention de la plume du fondateur de la revue autour de la polyphonie, les enjeux de la parodie et le topos de la crise du lyrisme, lesquels posent dans un rapport malicieusement et ironiquement intertextuel « Le Cœur volé » ainsi que ses variantes avec Baudelaire (et, au premier chef, « LAlbatros ») ou Corbière. Vous découvrirez par la suite une étude de la temporalité révolutionnaire et du problème du kairos dans la Saison signée dune comparatiste de Stanford (Victoria Zurita) ; une cartographie tropologique et intertextuelle exhaustive des « Mains de Jeanne-Marie » (Marc Dominicy) ; un état de la question écopoétique se penchant sur la présence de lisotopie florale chez le premier Rimbaud (Karen Quandt) ; une lecture d« Alchimie du verbe » qui la positionne en dialogue avec la lettre du 16 avril 1874, adressée à Jules Andrieu et dans laquelle Rimbaud évoqua cette énigmatique et éphémère projet pour un volume de poèmes en prose qui se serait intitulé LHistoire splendide (Alain Bardel) ; une archéologie communarde et benjaminienne des « Corbeaux » qui insiste sur la nécessité dialectique de lexpérience de lhistoire comme échec pour toute politique et/ou poétique à-venir (Frédéric Thomas) ; une étude du rapport Rimbaud-Hugo dans le poème-fragment « H » (Gilles Lapointe), de même quune 12microlecture du spectre de la Commune dans les Illuminations (Rafika Hammoudi). Figurent aussi, dans les pages qui suivent, une série de singularités relatives à un possible intertexte balzacien dans « Michel et Christine » (Circeto), à déventuels échos rimbaldiens aux articles de La Vie parisienne (Geneviève Hodin), aux rouages et logiques de la première phrase dUne saison en enfer (Paul Claes) ou à linscription dune double violence, poétique ainsi que politique, à travers le motif des « poucettes » dans « Les Mains de Jeanne-Marie » (Alain Chevrier). Le présent volume propose également un retour crucial sur la prétendue attribution des Illuminations à Germain Nouveau (Cyrille Lhermelier et Yalla Seddiki), prolégomène passionnant à une ambitieuse étude définitive sur la question.

Depuis plusieurs livraisons, le seuil quest lavant-propos de Parade sauvage assume malgré lui une pénible fonction nécrologique. Lannée qui vient de se clore ne nous a pas épargnés plusieurs pertes parmi les amis, collègues et collaborateurs de Parade sauvage. 2022 fut marqué par la disparition de Marc Ascione, qui insuffla une vitalité dans le domaine des études rimbaldiennes : ses travaux autour des conditions matérielles, culturelles, et linguistiques dans les productions rimbaldiennes (parmi lesquels limportant article sur « Les “zolismes” de Rimbaud », en 1973, en collaboration avec J.P. Chambon) ont marqué des générations de chercheurs. Peu avant son décès, Marc Ascione avait composé pour Parade sauvage un dernier compte rendu, que nous publions ici avec émotion ; le prochain numéro de la revue contiendra un dossier spécial dhommage, coordonné par Steve Murphy. Nous avons aussi été bouleversés dapprendre le décès brutal de Jean-Pierre Bertrand, éminent spécialiste de lœuvre de Laforgue, inter alia ; nous avions eu le plaisir et la fierté de voir paraître dans la précédente livraison de Paradesauvage un texte dont nous ne pouvions deviner quil serait lun de ses derniers, portant sur la question des influences chez Rimbaud. Comment parler de telles pertes – dêtres, de mondes, de sens ? Comment maintenir avec lautre (avec ce quil ou elle ont désormais de tout autre, la nature totalement indialectique, sans appel, dune disparition) ce rapport vital, essentiel, qui continue à nous relier les uns aux autres, qui continue à nous faire vivre, vibrer, lire, et réfléchir ? Cest en partie pour tenter de relever ce défi que ce trente-troisième volume de Parade sauvage se clôt sur un témoignage in memoriam à Jean-Pierre Bertrand signé par Denis 13Saint-Amand qui ne rentre pas dans (in) ses souvenirs afin de faire le point dune vie désormais passée, mais pour esquisser un tableau vif et vivant dun être cher qui lui ouvrit, à un moment crucial, tout un monde de réflexions, lectures, pensées, et damitiés possibles.

Enfin, alors que nous apportions la dernière touche à cette livraison, cest Bruno Claisse qui nous a quittés. Ami de longue date et véritable compagnon de route de Parade sauvage, Bruno Claisse avait notamment publié en 1990 un brillant essai, Rimbaud ou « le dégagement rêvé », qui rassemblait plusieurs propositions de lecture sociopolitique des Illuminations. En ouverture de ce livre, Bruno Claisse choisissait deux citations éloquentes – « Pourquoi ne pas tenter de comprendre ? » de Francis Ponge et le fameux « Ça ne veut pas rien dire » de la lettre du 13 mai 1871 –, qui suffisaient à établir une attitude face au texte, une posture herméneutique revendiquant lenquête, le dialogue et louverture comme principes et valeurs.

Les travaux de ces trois collègues et amis resteront, bien sûr, mais les leçons quil nous ont transmises vont bien au-delà du petit monde rimbaldien.

Robert St. Clair
et Denis Saint-Amand