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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Parade sauvage
    2017, n° 28
    . Revue d’études rimbaldiennes
  • Auteurs : Bardel (Alain), Eyestone (Emily), Lhermelier (Cyrille)
  • Pages : 221 à 250
  • Revue : Parade sauvage
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406080916
  • ISBN : 978-2-406-08091-6
  • ISSN : 2262-2268
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08091-6.p.0221
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 26/04/2018
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Henri Sztulman, Rimbaud, limpossible amour, Rue des gestes, janvier 2017, 160 p.

Rimbaud, limpossible amour, sous-titré Lecture, se présente comme une invitation à lire, ou à relire une sélection de textes, à la lumière dune approche psychanalytique. Henri Sztulman témoigne avoir mené tout le long de sa vie et de sa carrière de psychanalyste une « conversation ininterrompue avec Arthur ». La vie psychique de Rimbaud se reflète naturellement dans sa poésie et cest en interrogeant ses textes tout autant que sa biographie que lauteur nous propose de cheminer dans lélucidation de ce quon appela jadis « le problème de Rimbaud » (Marcel Coulon).

Comme lindique le titre de son livre, cette quête de lImpossible dont on a tant parlé à propos de Rimbaud fut en tout premier lieu pour lauteur une quête de lamour : « lhistoire dun amour jamais trouvé puisquil na pas existé au départ ». Telle est la thèse centrale, à lappui de laquelle Henri Sztulman cite cet aphorisme de Freud, extrait des Trois essais sur la sexualité : « trouver lobjet sexuel nest au fond que le retrouver ». Or, et je laisse la parole à lauteur : « À Arthur furent refusés : la tendresse maternelle source de vie, le socle dune enfance triangularisée par lŒdipe, la fermeté dun père présent et enfin, la possibilité de rejouer à ladolescence, dans une nouvelle donne, un New-Deal, cette expérience non faite. »

Révolté, au moment de ladolescence, contre une mère excessivement exigeante et intolérante, Arthur, nous dit Henri Sztulman, présente le symptôme dune « contre-identification partielle à limage maternelle » dont on trouve la trace évidente dans Les poètes de sept ans : « elle avait le bleu regard, – qui ment ! » Répertoriant les éléments qui ont fait de Madame Rimbaud une « femme de devoir », lauteur note quelle nétait pas incapable damour, « mais il fallait alors que lobjet de son amour se pliât totalement à sa volonté ». Cet amour pour son fils, Vitalie la suffisamment démontré : adolescent, elle « saura tolérer ses incartades » (cf. son étonnante correspondance avec Verlaine, sa relation 222apaisée et compréhensive avec lami de son fils), adulte, elle répondra avec constance aux appels quil lui lance depuis son exil africain. Ses errances, dailleurs, ramèneront sans cesse Rimbaud à Roche, auprès des « siens ». Et Sztulman va jusquà conclure : « Il y eut une véritable histoire damour non exprimée entre Arthur et sa mère ». Mais, cette affection maternelle, tout laisse deviner que lenfant ne la pas ressentie. Du poème Les Étrennes des orphelins, on déduit qu« Arthur a le sentiment dêtre orphelin [] À lévidence, Arthur dans ce poème écrit avant ses seize ans, évoque sa propre enfance : point de rêverie maternelle… et le père est bien loin. »

En ce qui concerne le capitaine Rimbaud, son absence dans la correspondance, dans la poésie et apparemment dans la vie de Rimbaud ne peut être quun leurre pour un psychanalyste. Et, de fait, on repère des « signes » dune « présence psychique de Frédéric Rimbaud dans la pensée, voire lœuvre de son fils Arthur » : le portrait plutôt flatteur des conquérants français de lAlgérie dans la composition en vers latins Jugurtha (1869) ; laffirmation « Ma mère est veuve » dans une lettre à Verlaine de 1871 ; le curriculum vitae (Brême, 1877) dans lequel Rimbaud se prétend un déserteur du 47e Régiment de lArmée française, le régiment de son père ; la note de Bardey déclarant son agent à Harar natif de Dole dans le Jura, la ville où est né Frédéric Rimbaud. Si lon ajoute à ces détails « bizarres » le tropisme africain qui a marqué lâge adulte de Rimbaud, on ne peut que conclure à lexistence latente chez lui dune « identification inconsciente à son père ». Du côté de lœuvre, le poème zutique Les Remembrances du vieillard idiot, qui a lallure dune « autobiographie freudienne du très tourmenté Arthur [], caricature des inquiétudes adolescentes sur la naissance de la sexualité [], montre avec éclat la présence paternelle dans le psychisme du jeune homme : “Pardon mon père !”. »

Son histoire personnelle explique que Rimbaud ne soit jamais parvenu à établir une relation harmonieuse durable. Successivement et rapidement déçu par Izambard, Demeny, Banville, il tente aussitôt de sattacher Verlaine, « ce malheureux Verlaine qui aimait Arthur, mais quArthur naimait pas ». Pour Sztulman, en effet, létroite relation amoureuse consentie par Rimbaud pendant son compagnonnage avec Verlaine neut « dautre objet que dassurer une emprise sur son partenaire ». Cest pourquoi « rien ne permet de dire quArthur ait été homosexuel : 223ce nétait là pour lui quun symptôme dans le cadre du dérèglement général quil prônait, un moyen de tenir encore davantage Verlaine ou éventuellement, de promouvoir ses idées. » Létat de crise permanent vécu par les deux poètes dans leur « roman de vivre à deux hommes » (Parallèlement, 1889) sexplique par le fonctionnement psychologique de Rimbaud : « Arthur fonctionne sur un double registre : besoin demprise sur lautre, angoisse panique dabandon, alternant ruptures et dépendance anaclitique. » Mais, pour ce qui est de lhomosexualité, dont la pratique nest pas douteuse, « Rimbaud navait aucun goût de ce côté-là ».

Les analyses de Sztulman sont souvent convaincantes mais, sans être un groupie (jespère) de « lange de Charleville » (Claudel), javoue un certain malaise devant limage assez déplaisante que son livre finit par donner du jeune poète. Incapable daimer et calculateur, cruel vis-à-vis de Verlaine quil aurait entraîné dans une aventure déstabilisatrice alors quil ne laimait pas. Je naffirme pas que cette image soit erronée. Car il sagit dune question (les sentiments réels de Rimbaud, son organisation sexuelle fondamentale) une question ou des questions concernant lesquelles on ne peut avoir quun point de vue subjectif, faute de données factuelles. Mais enfin, est-il possible de réduire la relation homosexuelle avec Verlaine, quon associe au projet de « réinventer lamour », quon loue pour son courage face aux tabous sexuels de lépoque, à un simple procédé adopté par Rimbaud pour asseoir son emprise sur son compagnon ? Un poème comme Antique, pour ne prendre que cet exemple, est-il lœuvre de quelquun qui « navait aucun goût de ce côté-là » ? Et les lettres déchirantes de Londres en 1873 (« Le seul vrai mot, cest : reviens, je veux être avec toi, je taime ») sont-elles à mettre au seul compte de « langoisse panique dabandon » ? Est-il bien objectif dattribuer la révolte, dont toute une tradition fait de lauteur du Bateau ivre le poète par excellence et licône, à une détermination (« gauchiste avant la lettre », écrit Sztulman) à « tout bousculer et basculer », comparable dans sa rigidité iconoclaste à cette « rigidité dobéir aux normes de la mondanité et du sacrifice » que lon observe chez sa mère ? Disons que je regrette dans ce livre (comme dans bien dautres récemment parus sur le sujet) quil insiste beaucoup sur ce que jappellerais le côté « voyou » de Rimbaud (qui existe, cest certain) et pas assez peut-être sur les aspects sympathiques, et même émouvants, 224du personnage, tel quil apparaît dans ses textes : le réfractaire qui sait de quelle vie il ne veut pas mais hésite entre les autres vies possibles, entre les divers « moi » possibles ; le mal aimé qui sait où lamour lui a manqué mais hésite devant les multiples autres dévotions possibles ; ladolescent oscillant entre espoirs et angoisse, pris de vertige au seuil des choix décisifs.

Alain Bardel

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Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Un concert denfers : Vies et poésies, édition établie et présentée par Solenn Dupas, Yann Frémy et Henri Scepi. Gallimard, coll. « Quarto », 2017, 1 855 p.

Il nest pas possible de comprendre la poésie de Rimbaud et de Verlaine sans considérer les liens esthétiques et biographiques entre les deux auteurs. Le nouveau Quarto compilé par Solenn Dupas, Yann Frémy et Henri Scepi traite cette question fondamentale. Comme les auteurs le signalent dans la préface dUn concert denfers : vie et poésie, les échanges biographiques entre Rimbaud et Verlaine ont souvent été remarqués par les critiques. Ce volume est notable parce quil rassemble toute lœuvre de Rimbaud et la grande majorité de celle de Verlaine dans un seul ouvrage. En outre, le regroupement de textes montre que le style personnel de chaque poète ne peut pas être compris sans une considération parallèle de leurs œuvres. Malgré les liens remarquables entre la vie de Rimbaud et Verlaine, les éditeurs entreprennent une étude comparative qui expose, « un système de tensions, de rapprochements et déloignements…qui témoignent de lindividuation des deux poètes, de la capacité de singularisation des deux œuvres, chacune dans leur force et leur fierté » (p. 9). Louvrage réussit à travers sa démarche parallèle 225à proposer une façon dapprécier les correspondances et les moments dunisson entre les deux œuvres tout en respectant leur spécificité.

Plus quun simple résumé des moments partagés entre Verlaine et Rimbaud, Un Concert denfers trace la durée de la vie individuelle de chaque poète en notant les croisements entre les deux. Le livre commence avec une chronologie détaillée, qui puise largement sur les correspondances de chaque poète. La sélection très riche de documents originaux, y compris des photographies, des dessins et des revues de presse qui accompagnent la chronologie, permet de situer ces deux poètes révolutionnaires dans une continuité historique et concrète. Le volume adopte une approche chronologique pour classifier de façon exhaustive toutes les œuvres de Rimbaud et Verlaine, en commençant par leurs toutes premières tentatives – notamment dans le cas de Rimbaud, cette évolution commence avec « Le Cahier des dix ans » et les « Vers latins ». La rigueur et le souci du détail apportés par les éditeurs aux analyses des recueils et à la contextualisation historique des œuvres aboutissent à une étude riche et originale. Pourtant il ne sagit pas dune édition critique. Les préfaces qui introduisent chaque recueil offrent des commentaires pertinents et parfois novateurs mais labsence des références critiques et une bibliographie complète se situe louvrage dans une autre catégorie.

Dès le début, laccent est mis sur leffet de linfluence qui rapproche Verlaine et Rimbaud, et comment leur poésie répond à la tradition poétique du xixe siècle. Les éditeurs retracent les sources qui inspiraient le style des deux poètes, ce qui permet de comprendre leurs vers dans la continuité des développements poétiques du xixe siècle. Linfluence puissante de Baudelaire occupe une place déterminante dans la poétique émergente de ces deux jeunes poètes. Dans une lettre à Demeny en 1871, Rimbaud écrit que Baudelaire est pour lui « le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu ». En ce qui concerne Verlaine, les éditeurs du volume reproduisent plusieurs documents qui accompagnent ses premiers vers des années 1860, y compris plusieurs lettres qui précisent linfluence fondamentale de Baudelaire, premier poète de la modernité. Les éditeurs ont raison de signaler non seulement limportance de ce précurseur dans lévolution de la poétique verlainienne-rimbaldienne, mais aussi comment – peut-être paradoxalement – limitation les mène à développer leur propre style. Ce nest pas étonnant de voir à quel point Verlaine et Rimbaud sappuient sur lexemple de Baudelaire, la 226figure décisive qui a vraiment déclenché une crise dans la tradition de poésie lyrique au xixe siècle. Néanmoins, étant donné que linfluence est un aspect central de lanthologie, il est efficace de montrer comment Rimbaud et Verlaine sinspirent de lesthétique de Baudelaire, qui met en question la fiabilité du sujet lyrique. Louvrage démontre à quel point Rimbaud et Verlaine contribuent à la problématisation du sujet lyrique, et la situation de leur poésie par rapport à linfluence de Baudelaire nous aide à retracer lévolution de la poésie moderne. Le rôle des influences dans la création poétique complique davantage le statut dun sujet lyrique unique et unifié, en montrant quen réalité, la poésie surgit dun ensemble – ou bien, dun concert – de voix, de sources, et dinfluences.

La présence puissante de Baudelaire sannonce notamment dans « Les déserts de lamour » de Rimbaud. Ces textes sinspirent clairement de la forme du poème en prose baudelairien, même sils séloignent de lexemple des « Tableaux parisiens » de façon significative. Dans sa préface, Yann Frémy sappuie sur les découvertes de Christophe Bataillé dans sa thèse doctorale qui examine « Les déserts de lamour ». La thèse de Bataillé contribue beaucoup à létude de louvrage, en établissant une chronologie pour la production du manuscrit, qui permet dévaluer à quel point les textes pourraient être considérés comme un ensemble. Il adopte ensuite une approche générique pour interroger leur classification comme poèmes en prose. Frémy élabore cette approche, en suggérant que le récit de rêve qui caractérise les textes leur confèrent une certaine unité, même si cest une association qui surgit de leur résistance dêtre catégoriser dune façon générique.

Le titre de la préface du volume, « Le roman de vivre à deux hommes », est inspiré du poème « Læti et Errabundi » de Verlaine. La formulation verlainienne dun « homo duplex » est également évoquée à plusieurs reprises. Cest à travers lexpérience dune division identitaire, dune instabilité et dun mouvement constant que le sujet poétique se définit. Un concert denfers nous invite à considérer cette phrase dans le contexte de la relation entre Verlaine et Rimbaud. Une lecture de cette anthologie nous permet de voir à quel point litinéraire de chaque poète implique et incorpore linfluence de lautre, tant et si bien que leurs styles uniques se définissent non pas par une singularité mais par une relation double. La reformulation du vers, « Le roman de vivre à deux hommes » est ainsi une extériorisation du dédoublement intérieur évoqué par Verlaine. Cette 227thèse suggère une pratique littéraire et un mode de vie qui émergent dune relation entre deux esprits.

La notice de Yann Frémy sur La Bonne Chanson apporte une perspective novatrice à un recueil qui est souvent considéré le plus autobiographique et transparent de lœuvre verlainienne. Plutôt quune simple idéalisation de la vie bourgeoise, Dupas propose que la crise identitaire de Verlaine est toujours opérante dans La Bonne Chanson même sil est dissimulé ou caché sous la surface. Il semble que Verlaine souvre de manière transparente à lexpression intime dans La Bonne Chanson. La contribution de cette notice est dexaminer de plus près la lucidité apparente de lœuvre. La Bonne Chanson représente plutôt un report ou même une suppression des tensions et des contradictions qui pèsent sur le poète. Une considération de La Bonne Chanson dans le contexte de toute la production poétique de Verlaine exige une interrogation de la simplicité naïve du recueil.

La proposition dun art poétique qui sétablit sur la notion de dédoublement correspond bien aux autres thèmes identifiés par les éditeurs, surtout lexpérience du corps. Bien entendu, il sagit de deux poètes, de deux hommes distincts, dune union amoureuse entre les deux, et de leur séparation physique. La dimension sensuelle de la poésie de Rimbaud et Verlaine confère une dimension affective à leurs vers. Par exemple, Scepi note la primauté de la sensation et de lérotisme dans ses introductions aux Fêtes galantes et aux Illuminations, qui constituent les efforts de reformuler les formes proscrites de la poésie lyrique. Scepi note que Verlaine essaye de rapprocher le corps à lexpression poétique : « [Verlaine] combine avec des motifs convenus une polyphonie subtile qui démontre que tout lenjeu, en loccurrence, réside dans ces broderies du dire, dans le froissement des voix satinées de la chair » (p. 291). Scepi poursuit cette même voie danalyse dans son introduction à Romances sans paroles ; il met en lumière limportance de la dimension musicale du langage pour donner une sorte dimmanence au poème.

En outre, le corps est important dans larticulation des positions politiques pour chaque poète. En commençant avec « Le Rêve de Bismarck », la petite caricature écrite par Rimbaud en 1870 sur lempereur prussien, Yann Frémy montre lévolution de la pensée politique chez Rimbaud. Il met lemphase sur la tension constante entre le statut éphémère de la poésie qui est plutôt du côté de fantaisie et de rêve et la nature concrete du corps de Bismarck. Il semble que la poésie est impuissante 228et inutile face au pouvoir absolu de létat. Cependant, Frémy insiste sur la métaphore utilisée par Rimbaud pour décrire lempereur, qui est souvent comparé à la fumée (« lempereur est bien délicat comme une bougie »). On voit quil y a un mouvement constant entre les états de matérialité et de rêve. La contradiction entre la présence forte et corporelle de Bismarck et sa fugacité est clarifié dans la phrase suivante. Frémy note que « de Napoléon III à Bismarck, le corps du politique assure la jouissance de pouvoir ». Même si lincarnation de pouvoir sachève en jouissance, ce pouvoir nest jamais fixé dans un seul corps politique. Il semble possible de voir dans ce texte lémergence dune vision politique où le pouvoir momentanément concentré dans le corps de lempereur passe éventuellement au corps politique du peuple.

Dès les premiers vers de 1871, Rimbaud identifie aussi son corps comme « lieu de connaissance ». À différents moments la chair est le lieu de plaisir et de libération sexuelle, qui est mis en évidence également par Verlaine dans les recueils tels que Romances sans paroles ou Parallèlement. Le corps devient le site principal de la subversion poétique dans lAlbum zutique, et aussi le lieu de la plus grande souffrance pour Rimbaud dans Une saison en enfer. Les recueils qui datent de 1872-1874 révèlent linfluence réciproque entre Rimbaud et Verlaine, ainsi que la construction dune esthétique qui se cristallise grâce au rapport entre les deux poètes. Comme lécrit Scepi (p. 765),

Les poèmes que Rimbaud écrit pendant le printemps et lété 1872 réverbèrent les échos dune recherche sinon convergente du moins sensiblement parallèle. Ils révèlent la porosité dune écriture qui accorde la voix verlainienne aux accents déliés dun écrivain en quête dune autre voix.

Cest définitivement dans les liens entre Romances sans paroles et les Vers de 1872 de Rimbaud quon voit lélaboration dune poétique unique à chaque poète, mais qui se constitue au même temps à travers des échanges. Cette poétique émergente qui peut être qualifiée par le vers, « le roman de vivre à deux hommes ». Dans une étude attentive de la correspondance de Rimbaud de cette époque, Scepi reconstruit la manière dont le jeune poète sinspire du style plutôt musical et impressionniste de Verlaine pendant cette période, en adaptant lapproche de son aîné pour créer une poétique qui se définit par « linvention du simple » ou « une esthétique de lindicible » (p. 767).

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Lapport de cet ouvrage nest pas de proposer de nouvelles approches critiques qui sont radicalement différentes aux études de Rimbaud et Verlaine individuellement. Les lecteurs qui connaissent déjà les œuvres de ces poètes reconnaîtront plusieurs commentaires et approches critiques que les éditeurs apportent à leurs œuvres individuelles. Cest plutôt dans la confrontation de leurs textes et lanalyse de linfluence réciproque, quémerge un portrait de leur poésie qui est dautant plus riche et profond dans toute sa complexité. Ce volume nous invite à considérer leurs vies et leur poésie côte-à-côte, en proposant que le style de chacun est inséparable de linfluence de lautre, et que lesthétique de chaque auteur est en fait le résultat dune relation.

Emily Eyestone

Princeton University

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Eddie Breuil, Du Nouveau chez Rimbaud, Paris, Honoré Champion, 2014.

Les poèmes en prose dArthur Rimbaud publiés sous le titre Les Illuminations (ou plus souvent, et à tort, sous celui dIlluminations) seraient en réalité certaines des Notes parisiennes, composées par Germain Nouveau (1851-1920) : voici ce que prétend établir la démonstration de lauteur. Afin de parvenir à cette conclusion, le chercheur pose dindispensables prémisses, désormais numérotées en gras.

1. À Stuttgart, il ne fut point question de littérature.

Fin février, ou tout début mars 1875, lors de la rencontre de Stuttgart, qui fut la dernière entre Verlaine et Rimbaud, les deux poètes nont pas parlé de littérature, ni évoqué de projets éditoriaux (p. 22-25) :

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Le caractère idyllique de la rencontre et le mythe de la concertation autour dun projet éditorial sont une pure invention de ce critique [Bouillane de Lacoste] : au contraire, daprès les témoignages de Rimbaud et Delahaye, la rencontre a été violemment animée et na certainement pas été placée sous langle littéraire. [] Il serait étonnant que la rencontre ait pris une tournure éditoriale.

Or, Rimbaud écrit dans sa lettre à Delahaye du 5 mars :

Verlaine est arrivé ici lautre jour, un chapelet aux pinces… Trois jours après on avait renié son dieu et fait saigner les 98 plaies de N. S. Il est resté deux jours et demi, fort raisonnable et sur ma remonstration [sic] sen est retourné à Paris, pour, de suite, aller finir détudier là-bas dans lîle1.

« Remonstration » est un substantif anglais qui évoque pour le lecteur complice quest Delahaye le terme « remontrance », très dans le ton de la lettre : Rimbaud aurait « grondé » Verlaine, comme on gronde un enfant. Souvenons-nous des lettres de 1872 où Verlaine écrivait : « Toi, martyriseur denfant2 » ou encore « Le “petit garçon” accepte la juste fessée [] et de même que je ne temmiellerai plus avec mes petitgarçonnades []3 ». Aussi trouvons-nous excessif de voir derrière ce terme « une allusion à un conflit physique » (p. 17), comme de décréter que cette entrevue fut « de courte durée » (ibid.) : en « deux jours et demi », et deux nuits, les deux poètes eurent largement le temps de parler littérature. Mais Eddie Breuil veut que lors de ce séjour, Verlaine nait eu en tête que de « tenter de ramener un Rimbaud égaré à la foi » en une vaine « tentative de conversion » (p. 23-24). Ceci paraît en contradiction avec les saignements infligés aux plaies du Christ, mais également avec les dires mêmes de Verlaine :

Jai besoin atrocement de calme. Je ne me sens pas encore assez reconquis sur mes idiotismes passés, et cest avec une espèce de férocité que je lutte à terrasser ce vieux-Moi de Bruxelles et de Londres, 72-73… de Bruxelles, JUILLET 73, aussi… et surtout, au fond, cest ce MOIS [sic] – là qui a été à Stuttgart. Je tavoue quavec les moyens humains seuls, avec le bon sens de ce siècle, je ny parviendrais pas4.

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Le Verlaine de juillet 73, cest le désespéré rendu fou par la passion, la fatigue, les soucis et lalcool. On peut donc raisonnablement penser que ces deux jours et demi furent davantage loccasion de libations et de velléités détreintes que de catéchèse. Le 16 avril 1875, Verlaine déclare à Delahaye avoir « tout fait pour ne pas [s]e brouiller [avec Rimbaud]. [] Donc, je ne me suis pas brouillé5 ». En ce qui concerne la terrible bagarre laissant Verlaine assommé, épisode qui, étrangement, annulerait selon lauteur toute possibilité de discussion littéraire antérieure, la même lettre dévoile un homme certes blessé, qui qualifie Rimbaud de « mufle » et de « crasseux », qui regrette amèrement sa « grossièreté », sa « méchanceté », son « égoïsme », son « escroquerie », son « impolitesse », mais qui à aucun moment ne fait état de violence physique. Il lui « garde (et très sérieusement) toute sympathie6 ». Et lon voit mal pour quelle raison il ne gémirait pas auprès de Delahaye, en cette période très tendue, dune cuisante raclée infligée par Rimbaud, ni de ses possibles séquelles. Si nous nous en tenons aux principaux intéressés et à leurs témoignages synchrones, aucun indice ne permet dappuyer lidée dun affrontement physique. Cest Delahaye, dans son Verlaine de… 1923, qui racontera un combat nocturne et champêtre, à poings nus, et la découverte au petit matin dun homme « à demi-mort » et recueilli, puis soigné, par de bons paysans désintéressés, comme dans un conte. Ajoutons que nul na encore mis à jour ni document de police, ni déposition de médecin, ni témoignage visuel. Nous acquiesçons à des désaccords métaphysiques profonds, des ivresses terribles et des moments plus intimes (pourquoi sinon Jésus saignerait-il ?), mais refusons denvisager que des poètes dun tel niveau et si concernés par leur art passent soixante heures ensemble sans parler de manuscrits… car manuscrits il y a.

2. Verlaine ne sait rien des documents quil a rapportés de Stuttgart.

Selon Verlaine7, Rimbaud le charge en mars denvoyer à Nouveau des manuscrits quil détient.

Si je tiens à avoir détails sur Nouveau, voici pourquoi. Rimbaud mayant prié denvoyer pour être imprimés des « poèmes en prose » siens, que javais ; à ce même Nouveau, alors à Bruxelles (je parle dil y a deux mois), jai envoyé (2 232fr. 75 de port ! ! !) illico, et tout naturellement ai accompagné lenvoi dune lettre polie, à laquelle il fut répondu non moins poliment ; de sorte que nous étions en correspondance assez suivie lorsque je quittai Londres pour ici. Je lui écrivais quelques jours avant que je lui enverrais mon adresse quand installé. []

La formulation syntaxique ne laisse guère de place au doute, même si Eddie Breuil le conteste :

Il est par ailleurs possible que par « poèmes en prose siens », Verlaine nait pas fait allusion à des poèmes de Rimbaud mais à ceux de Germain Nouveau. En effet, la tournure de la phrase dans laquelle « siens » est lue comme une référence à Rimbaud est ambiguë : Nouveau et Rimbaud ayant été évoqués précédemment, le « siens » peut faire référence à Nouveau []

À cela nous objectons que le point qui précède « Rimbaud » et le point-virgule qui suit « javais » unissent syntaxiquement le sujet Rimbaud et ladjectif « siens ». Cest tout de même Paul Verlaine qui écrit, et sil avait voulu évoquer des textes de Nouveau, il laurait fait sans « ambiguïté8 ». Rimbaud et lui ont tant copié et échangé leurs textes respectifs que la formulation « siens, que javais » semble trop évidente, trop naturelle, pour que ladjectif possessif (dont le Littré nous rappelle quil signifie « à soi », donc réfléchi par rapport au sujet) renvoie à un personnage inconnu cité dans une phrase différente. Nous avons, pour les besoins de ce petit travail, donné à lire cet extrait à dix personnes, sans les influencer. Nous obtenons une quasi-unanimité de réponses « Rimbaud » à la question : « selon vous, de qui sont les “poèmes en prose” cités » ? Les hésitations proviennent de cogitations ultérieures, mais spontanément, nos lecteurs pensent à 90 % quil sagit bien de « poèmes de Rimbaud envoyés à Nouveau par Verlaine ». Peut-on soupçonner le grammairien émérite quétait ce dernier davoir si mal formulé sa pensée ? Les lettres de Verlaine sont truffées dellipses (surtout darticles et de pronoms), danglicismes, de régionalismes, de détournements phoniques souvent très amusants, mais jamais dincorrections syntaxiques qui en compliqueraient laccès au sens. Notons au passage les guillemets quutilise Verlaine pour « poèmes en prose », qui témoignent selon nous de sa volonté de rapporter les termes exacts employés par Rimbaud.

233

La suite de la longue phrase explicative de Verlaine est escamotée par Eddie Breuil, qui larrête à « illico ». Elle nest pourtant pas sans importance, comme nous le verrons plus loin, car elle rend moins crédible cette assertion du critique (p. 53) :

Le plus vraisemblable est que Verlaine ignorait la véritable nature des documents contenus dans le dossier de Stuttgart, même sil sétait fait un avis sur la question en pensant détenir – parmi la masse de documents transmis – un recueil intitulé Illuminations.

Nous devons donc imaginer un grand poète français recevant de la part dun autre grand poète français, quil aime et admire, un dossier rempli de manuscrits de celui-ci, puis passant soixante heures en sa compagnie pour finir « laissé pour mort » dans la boue, avec sous le manteau un volumineux dossier dont il ignorerait tout, notamment qui a écrit quoi… Afin que Verlaine ait pu se méprendre à ce point, Eddie Breuil insiste sur lidée quil lui fut remis une « masse de documents » différents, où se seraient mêlés proses et vers de 1872 de Rimbaud9, brouillons dUne Saison en enfer, listes de mots anglais et allemands, vers de Verlaine copiés par Rimbaud, et certaines des Notes parisiennes de Germain Nouveau, quil lui aurait alors envoyées (p. 30) :

Ainsi, le projet des Notes parisiennes (dont de nombreux feuillets ont pu être perdus depuis) aurait été mis au net lors du compagnonnage avec Rimbaud, se serait retrouvé dans le dossier récupéré par Verlaine à Stuttgart et aurait été envoyé par Verlaine vers février 1875. Ainsi, il est hâtif de conclure que les « poèmes en prose » renvoient aux Illuminations ou à certains documents qui y figurent dans la tradition éditoriale actuelle. Il pouvait sagir dautres textes (puisque Nouveau en avait composé de nombreux), Verlaine ayant pu conserver sous la main dautres documents récupérés à Stuttgart.

La suite de la lettre de Verlaine à Delahaye devient donc ici fort intéressante :

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[] et tout naturellement ai accompagné lenvoi dune lettre polie, à laquelle il fut répondu non moins poliment ; de sorte que nous étions en correspondance assez suivie lorsque je quittai Londres pour ici. Je lui écrivais quelques jours avant que je lui enverrais mon adresse quand installé. – Depuis, je nen ai rien fait, pour plusieurs raisons dont tu devineras les principales et LA principale, lindifférence (au fond). Mais je ne voudrais pourtant pas passer aux yeux de ce particulier pour un salaud, qui nécrit plus tout dun coup, sans motifs et si jétais sûr quil nallât pas galvauder mon adresse, je réparerais cet oubli de grande plume, sans cette chose, de ne pas savoir son présent perchechoir [sic]. Tu pourrais sans doute, puisque tu écris (probablement) à Stuttgart, toujours soutirer, sans dire pour qui, ladresse actuelle du G. Nouveau en question et me lenvoyer. Du reste je ny tiens pas plus que ça10.

Verlaine arrive à Londres le 20 mars, et le quitte le 31 pour prendre un poste de professeur au pair à Stickney. Une « correspondance assez suivie » sest donc installée en un tout petit mois, ce qui implique léchange de plusieurs lettres « polies ». Les deux hommes, qui ne se connaissent pas, nont pu y parler, du moins au départ, que de leur objet principal : les poèmes en prose envoyés, et ont forcément abordé la raison pour laquelle ils lont été, à savoir le projet éditorial qui leur était destiné. Comme Nouveau a été aux premières loges à Londres, quil admire Verlaine, comment ne pas penser quil lui rapporte alors ce quil sait du dossier de Stuttgart, et que Verlaine en connaisse donc beaucoup plus long que ne le prétend M. Breuil ? Les deux hommes ont beaucoup correspondu et se sont peu menti. Si Nouveau reçoit en accompagnement de la toute première lettre de Verlaine Les Illuminations manuscrites de Rimbaud, ou si lon veut, ses propres Notes parisiennes, il est certain quil nen cache alors rien à Verlaine. Pourquoi le ferait-il ? Soixante heures et quelques lettres avec Rimbaud, une « correspondance assez suivie » dun mois avec Nouveau, portant évidemment sur Rimbaud et la poésie : tant déchanges avec les deux protagonistes de laffaire ne peuvent laisser supposer une ignorance totale de Verlaine quant à ce que contient le « dossier de Stuttgart ». Une fois rentré à Paris avant dembarquer pour lAngleterre, il a en outre toute possibilité de consulter la « masse de documents » restants. Pour être complet sur cette période cruciale, notons que le 17 avril, Nouveau écrit de Londres à Richepin : « On disait Verlaine ici. Mais il serait parti pour lAmérique ou lÉcosse du Sud, on ne sait pas où ». Ce qui confirme que depuis le 31 mars, il na pas de nouvelles de Verlaine, même si celui-ci a 235promis de lui communiquer sa nouvelle adresse. Lallusion à un départ lointain peut provenir dune demande de discrétion de Verlaine11, puisquil déclare dans sa lettre du 1er mai à Delahaye « [] et si jétais sûr quil [Nouveau] nallât pas galvauder mon adresse ». Le 7 mai, lancien détenu écrit à Delahaye12 : « Avoir reçu, par des voies impossibles une lettre de Nouveau qui paraît-il est à Londres ». Les deux hommes se sont manqués de quelques jours dans la capitale, Verlaine la quittant le 31 mars, Nouveau y arrivant vers le 10 avril. Verlaine ne tarde pas à rencontrer son correspondant : « dici quelques jours Vendredi ou Samedi de la semaine prochaine, jirai à Londres [] je profiterai de ce très court séjour en ville (un ou deux jours au plus) pour nouer avec Nouveau de très-circonspectes relations : au fond je le crois un très bon jeune homme qui croit que cest arrivé la philomathie : tu vois ça dici ». Cette rencontre eut lieu le 14 ou 15 mai 1875, selon M. Pakenham13. Elle fut immortalisée par le poème de Verlaine « Ce fut à Londres, ville14… », dans lequel certains passages sont, selon Delahaye, censés rappeler amicalement la « manière » de Nouveau, que Verlaine aurait ainsi honorée. Rien dans ces hémistiches qui ressemble de près ou de loin à une quelconque Illumination. Cependant, un autre poème dédié à Nouveau, « Kaléidoscope15 », reprend (ou anticipe) un passage de « Vagabonds » : le vers « Et que traverseront des bandes de musique » fait écho à « [] la campagne traversée par des bandes de musique rare16 ». Si la dédicace à Nouveau sest faite au moment de la sortie en revue, en 1885, Verlaine a daté le poème de « Br., octobre 1873 ». À cette époque, il na jamais été en relation avec Nouveau, et ignore sans doute jusquà son existence, malgré les poèmes qua publiés ce dernier dans La Renaissance littéraire et artistique. Cette similitude est très intéressante quant à la composition des Illuminations : ce poème écrit en détention nest pas de ceux dont Rimbaud eut copie17. Il faut donc croire que cet 236hémistiche faisait partie de textes à létat de projets, dont Verlaine eut connaissance avant son arrestation en juillet 187318. Quoiquil en soit, il ne peut être attribué à Nouveau ; en revanche, le fait que le poème lui soit dédié montre limportance aux yeux de Verlaine du rôle qui fut le sien à une époque décisive. Le clin dœil à « Vagabonds » est à mettre en perspective avec le poème (en vers) de Nouveau « Mendiants19 », daté de… janvier 1875. Car si lon considère que la mise au net par Rimbaud et Nouveau eut lieu à Londres en 1874, nous pensons que les deux hommes se sont revus dans les Ardennes au tout début de 1875, à linitiative de Nouveau20. Cest peut-être à cette occasion que le projet dédition des Illuminations à Bruxelles fut décidé, Nouveau se rendant probablement en Belgique avec un peu dargent en poche. Peut-être les deux hommes se disputèrent-ils (le ton de « Mendiants » est assez amer) avant que le manuscrit fût complètement prêt, ce qui empêcha Nouveau de partir avec. Doù lappel ultérieur de Rimbaud à Verlaine. Si Nouveau était lauteur de ces proses, pourquoi les aurait-il abandonnées à Rimbaud, aussi bien à Londres quà Charleville ?

Il est intéressant de relever que Verlaine qualifiait Rimbaud de « philomathe » ; quil associe Nouveau à ce terme montre que dans son esprit les deux hommes étaient liés, et que Rimbaud avait en quelque sorte trouvé un condisciple dans sa soif de tout connaître. Mais comment expliquer que Verlaine ne senthousiasme en aucune occasion de la qualité des textes, sils sont de cet inconnu, et quil qualifie seulement de « très bon jeune homme » un écrivain capable décrire de telles choses ? Dès les lettres de Stickney à Delahaye, Verlaine naurait pas manqué de sétonner de cette « prose exquise » quil décrit dans sa préface à lédition en volume de 1886. Lappellerait-il un « particulier » ? Montrerait-il pour lui de « lindifférence » ? Nous aurions aujourdhui retrouvé des traces de cette paternité littéraire de tout premier ordre, or aucune allusion ny est faite dans la longue correspondance du trio Verlaine – Delahaye – Nouveau ; 237et ces trois hommes furent dintimes amis. Alors que dans les années 1880 Germain Nouveau est très actif sur le plan littéraire, quil compose et publie pour des revues parisiennes, quen 1885 il est très lié à Verlaine et Charles Morice, et surtout quen octobre 1886, date de sortie en plaquette des Illuminations, il vit à Paris (une lettre du 6 octobre latteste21) et fréquente de près Verlaine comme le prouve une recommandation de celui-ci auprès de Léon Vanier22, comment peut-on supposer quil ne réagisse absolument pas, si ces poèmes sont de lui ? Il cherche alors une reconnaissance littéraire et lutte pour sa pitance en cherchant des postes de professeur : comment pourrait-il accepter que des poèmes dun tel calibre soient publiés, en revue puis en volume, sous un autre nom que le sien, lui qui en 1897 a encore des velléités de publication, lui qui se battra, énergiquement mais en vain, jusquen 1909 (!) pour récupérer des manuscrits et épreuves de La Doctrine de lAmour et des Valentines ? Eddie Breuil balaie ces incohérences en renvoyant à une lettre dAndré Breton, parue dans LÉclair en 1923, dans lequel le poète-théoricien écrivait : « Germain Nouveau, et cest, je crois, le sens de toute son attitude, se moquait bien de voir attribuer telle ou telle chose à qui que ce soit, et à soi-même ». En 1920, sur son grabat de Pourrières, sans doute. En 1886, dans les milieux littéraires parisiens, certainement pas.

Interrogeons-nous enfin sur les raisons qui auraient poussé un Rimbaud désargenté à demander à Verlaine dengager des frais pour quelquun dautre que lui, à un moment où il cherchait assidûment à lui soutirer de largent. Pourquoi Verlaine aurait-il accepté de dépenser ces fameux « 2 fr 75 » pour expédier à un parfait inconnu des poèmes ne le concernant, lui Verlaine, en rien ? Encore une fois, que font ces textes entre les mains de Rimbaud sils sont de Nouveau, pour quelle raison ce dernier les aurait-il laissés derrière lui en quittant Londres ou Charleville ? Que de complexité, alors quune phrase suffit à reconstituer le parcours suivant : Nouveau à Bruxelles se voit envoyer par courrier de Verlaine les manuscrits de Rimbaud, échoue ou renonce à les publier, et les remet en septembre1877 à Arras à ce même Verlaine23 (en mains propres pour éviter les dangers de la Poste) ; celui-ci les prête ensuite 238à Charles de Sivry à des fins de mise en musique, puis connaît toutes les peines du monde à les récupérer, en raison dinfinies complications dues à son ex-épouse.

3. Rimbaud recopie des textes dont il nest pas lauteur.

Lauteur y insiste : Les Illuminations constituent tout sauf un recueil prémédité. Il reprend, sans y apporter de nouveaux éléments, les termes de la discussion, déjà assez ancienne, concernant leur pagination et leur organisation, sans dailleurs mentionner les arguments24 de Steve Murphy, qui démontre en 2000 dans le numéro 1 de la revue Histoires littéraires que la pagination ne peut avoir été étrangère à la volonté de Rimbaud. Pour que Verlaine se soit emmêlé à ce point les pinceaux quant à ces manuscrits, il faut absolument que le dossier soit un complet bazar… Eddie Breuil reprend donc des extraits de la lettre de Félix Fénéon à Henry de Bouillane de Lacoste, du 19 avril 193925 :

Le ms. mavait été remis sous les espèces dune liasse de feuilles de ce papier tout rayé quon voit aux cahiers décole. Feuilles volantes et sans pagination, – un jeu de cartes, – sinon pourquoi me serais-je avisé de les classer dans une espèce dordre, comme je me rappelle avoir fait ? Pas de ratures.

Tous les manuscrits connus aujourdhui montrent au contraire un papier non rayé, une pagination à lencre ou au crayon (ou aux deux), et des ratures assez fréquentes. M. Breuil ne mentionne pas la seconde lettre au même Bouillane de Lacoste du même Fénéon, celle du 30 avril 1939, où il évoque la composition de lédition en plaquette, et où il remet totalement en cause sa première version :

Votre ms. est-il paginé (et dune pagination qui soit antérieure à 1886, époque où il se peut fort bien que je laie paginé pour limpression) ? Persiste-t-il trace dun cahier dont le fil de brochage eût maintenu daffilée les feuillets ? Ceux-ci, avec leurs poèmes, se chevauchent-ils, ce qui serait le meilleur indice dun ordre prémédité ? – Suivant les réponses qui peuvent être faites à ces questions, et, au besoin, à dautres, car elles ne sont pas limitatrices, ma 239déposition, – à savoir que les feuillets, réglés, étaient dans une couverture de cahier, mais volants et paginés, – peut être infirmée, confirmée, rectifiée26.

On sy perd, dautant que labbé Louis le Cardonnel, par qui transita le manuscrit via Charles de Sivry, se souviendra en 1911 de « cahiers de papier à lettres dégale grandeur, bleu et blanc ; lécriture était élégante, un peu féminine, avec ça et là des ratures ; par moments lécriture changeait, mais il me semble que cétait toujours au fond la même, à certains moments plus agitée et plus hardie27 ».

Abordons maintenant lépineux problème de la copie, de la mise au net des poèmes. Selon Eddie Breuil (p. 68-71), Nouveau a copié « Villes (Lacropole officielle…) » et une partie de « Métropolitain » sous la dictée de Rimbaud, ce qui expliquerait certaines hésitations : le blanc laissé pour « Guaranies » et le « Quelle peinture ! » pour « Quelle peinture ! ». Il faut donc imaginer Rimbaud dictant à Nouveau… des poèmes de Nouveau28, à létat de brouillons, puis complétant lui-même le vide laissé par Nouveau (lauteur présumé) pour « Guaranies », « lors de linversion des rôles » (p. 72). Pourquoi donc se compliquer ainsi la tâche ? Selon lauteur, les critiques auraient commis plusieurs « erreurs cruciales », dont celle de « navoir pas cherché à savoir si les textes copiés par Nouveau résultaient dune copie visuelle ou dune copie orale (prise sous la dictée) : cette dernière hypothèse a son importance, puisquelle impliquerait de reporter les critiques formulées sur le lecteur (qui dicte et qui est assurément Rimbaud) et non sur le copiste » (p. 70).

À linverse, les ratures et repentirs de Rimbaud seraient dues à des « transcriptions visuelles » : « La majorité des interventions de Rimbaud sur les Illuminations montrent quil ne sagirait ni de brouillons ni de documents de travail, mais plutôt de copies visuelles » (p. 72). Ainsi, lorsque dans « Marine, » le mot « acier » surcharge la leçon « azur », cest parce que Rimbaud, qui recopie la composition de Nouveau, lit mal le « z » « similaire au zêta grec, qui peut avoir une variante avec 240une barre sur la diagonale » (p. 81), puis confond le « ie » de « acier » avec le « u » de « azur », et écrit donc « Les proues dazur et dargent ». Puis, relisant plus tard sa copie en bien dévoué camarade – bien que les témoignages de ses contemporains soient très loin den faire un être résolument altruiste –, il se rend compte de son erreur et surcharge « azur » pour « acier », car, selon Eddie Breuil : « la leçon “azur” » ne fait sens quen considérant que les proues des navires sont colorées comme « lazur du ciel » (p. 81)29. Cela signifie que Rimbaud aurait au départ mal lu lécriture de Nouveau, en raison dun possible « zêta ». Or, cette occurrence d« azur » dans « Marine » est la troisième du manuscrit, et les deux précédentes ne semblent pas avoir posé de problème au « copiste » Rimbaud. Surtout, dans « Villes (Lacropole officielle…) », Germain Nouveau écrit ladverbe « bizarrement » avec un « z » à hampe descendante, comme pour « azur » et « lazuli » dans le fac-similé dune des Notes parisiennes que donne lauteur (p. 101), comme pour les deux « Oyez » et le titre de « Mapparaîtrez-vous, Mamie », ainsi que le « nemportez » de « Saintes femmes », le « voyez » de « Que triste tombe », et tous les « z » manuscrits consultables dans la belle édition des Premiers vers de Germain Nouveau établie par Pascale Vandegeerde et Jean-Philippe de Wind30. De zêta, point. La chose est importante, puisque si Rimbaud a corrigé la leçon « azur » en « acier », ce nest pas pour rectifier une coquille de copiste, aucun « z » de Nouveau ne semblant problématique, notamment celui de « Villes (Lacropole officielle…) », mais bien pour apporter une modification dauteur.

Le chercheur met en lumière (p. 89) le « soulignement intriguant » du pronom personnel complément dobjet « le31 » dans « Les talus le berçaient », sans relever à quel point cette phrase d« Enfance II » rappelle thématiquement et textuellement le vers « Nature, berce-le / chaudement : il a froid » du « Dormeur du val »… Les autres exemples de repentir rimbaldiens vus à la loupe tendent tous vers la même conclusion : si Rimbaud se trompe, cest parce quil nest pas lauteur des textes quil 241copie. Ainsi, on lit au sujet d« Ouvriers » : « Rimbaud aurait copié un texte dont il ne serait pas lauteur, sans quoi il aurait évité la confusion », et (p. 72) : « [] cette hésitation du lecteur face à un manuscrit dont il ne peut pas être lauteur (puisquil nen comprend pas une leçon) ». Nous pensons au contraire quil est tout à fait compréhensible que Rimbaud hésite devant des textes antérieurs dont il dispose à létat débauches. Il suffit de consulter les brouillons dUne Saison en enfer pour entrevoir à quel point Rimbaud a pu rencontrer de difficultés à la relecture de ses propres textes32. Lequel dentre nous na jamais peiné à la reprise de notes, même récemment rédigées ? Si lon considère généralement que chez Rimbaud la mise au net venait rapidement après la composition, certaines proses peuvent avoir été recopiées plusieurs mois après leur création, et il est impossible même à son auteur de se souvenir dun texte de ce volume dans ses moindres détails. Il est donc faux de penser que les erreurs de transcription de Rimbaud viennent du fait quil « aurait mal déchiffré une leçon éventuellement peu claire sur un manuscrit, et donc en toute probabilité une leçon dont il ne serait pas lauteur » (p. 80). Enfin, si Eddie Breuil sétonne de ces « erreurs de déchiffrement auxquelles Rimbaud ne nous a pas habitués, lui qui soignait la mise au net de ses manuscrits » (p. 84), nous pensons quil faisait partie du rôle de Nouveau – qui était incontestablement dans le secret esthétique de son compagnon – de spécifier aux protes du futur imprimeur belge les toutes dernières indications.

À Londres, Nouveau avait un projet littéraire, il en parle à Jean Richepin dans sa lettre du 26 mars 187433 : [] je tenverrai des études pour la Renaissance, dans quelques jours (quinze ou vingt), que tu présenteras au directeur de ce journal comme une primeur grande [] », puis, un an plus tard, dans une autre lettre copiée par Richepin34 :

jaurai alors, si je compte bien, deux volumes publiés : Odyssée enfantine, Saintes femmes, Les Villes, Dévotes, etc., etc., et « Stations », un autre en versses [sic] déjà presque de quelque cent pages, quest tout en alexandrins serrés []

242

Eddie Breuil affirme que ces études sont « au nombre de quinze ou vingt », ce qui en ferait déventuelles Illuminations. Nous pensons que la mention entre parenthèses « (quinze ou vingt) » se rapporte plutôt aux « jours » qui la précèdent. Grammaticalement dune part, mais aussi parce quà la toute fin de cette lettre, Nouveau écrit : « Une note particulière dans ta réponse sur mon projet pour La Renaissance : dis-moi ce que tu en penses. Cela me serait rudement utile dans un mois » (nous soulignons). Nouveau à son arrivée à Londres pense donc composer quelques textes, quil enverra dici « quinze ou vingt » jours, à Richepin, alors quEddie Breuil écrit que Nouveau « entend pouvoir envoyer [ces quinze ou vingt études] dans quelques jours », ce qui nest pas la même chose. Des titres donnés par Nouveau dans la deuxième lettre (Dévotes, Villes), lauteur infère quil sagit de « Villes » et de « Dévotion » des Illuminations, et que « la nouvelle attribution simpose » (p. 99). Il établit que la mention « Stations, un autre en versses » marque « une opposition » avec « un premier recueil qui ne comporterait que des proses » (p. 98). Nous ne pensons pas que cette mention signifie forcément que les volumes précités soient en prose, « un autre en versses » peut simplement signifier « *un de plus en versses35 ». Malheureusement, Eddie Breuil ne donne pas les lignes suivantes, dans lesquelles Nouveau précise son projet : « [] je me casse pieds et bras et reins et je me vide la cervelle sur Les Amants féeriques (A pleasant history), à qui je tâcherai de donner un tour rigolo. Ce sera une sorte de relation de viveurs dans certains temps et mondes vaguement définis avec beaucoup de réel36 ». Un viveur étant selon le Littré quelquun qui « aime à jouir de tous les plaisirs, de tous les agréments de la vie », on peine à trouver dans Les Illuminations un quelconque « personnage » correspondant à cette dénotation. Idem pour le « beaucoup de réel ». Or, Amour féerique fut le premier titre des Notes parisiennes avant dêtre raturé par Nouveau, ces mêmes poèmes en prose dont certains ont, selon lauteur, constitué Les Illuminations. Eddie Breuil évoque une prose de Nouveau, « La Sourieuse », parue dans La Revue du Monde nouveau de Charles Cros, au moment précis où il partit pour Londres. Ce poème, excepté le fait quil soit « en prose », na 243thématiquement, stylistiquement, ni formellement aucun lien avec Les Illuminations. Cela suscite dailleurs une interrogation supplémentaire : les quatre Notes parisiennes, contemporaines de la fréquentation assidue de Rimbaud, et dont deux dentre elles contiennent assurément des liens avec « Enfance », ne sont esthétiquement annoncées par nul écrit antérieur, ni suivies daucun élan poétique ultérieur. Les poèmes connus de Nouveau en 1874 sont de longs – et très beaux – poèmes faits de quatrains dalexandrins à rimes croisées, ou des sonnets assez hermétiques envoyés à Mallarmé, mais de proses semblables aux Illuminations, aucune, ni avant 74, ni après. Rimbaud, lui, a écrit Une Saison en enfer.

« Saintes femmes » est bien un poème de Nouveau, et il est composé dalexandrins. Il est vrai que la proximité des titres intrigue, mais il faut y voir le résultat esthétique du compagnonnage avec Rimbaud, ce que jamais nous ne confondrons avec du « plagiat37 », comme lauteur linsinue parfois, notamment dans le cas du vers de « Cadenette » (« Faite dune brûlante éternité de larmes38 ») qui reprend une phrase d« Enfance II » : « Les nuées samassaient sur la haute mer faite39 dune brûlante éternité de chaudes larmes ». Ne négligeons pas le probable clin dœil : « Cadenette » paraît en 1879 dans la revue dAndré Gill La Lune rousse ; Gill est lun des premiers parisiens qua rencontrés Rimbaud en 1871, alors quil était encore presque un enfant, la rime charmes : : larmes permet à Nouveau de réutiliser, mais sans la plagier, une phrase particulièrement marquante du poème en prose de Rimbaud, quil est à lépoque probablement le seul (avec Verlaine) à connaître. Il est également fort possible que lors de la mise au net des Illuminations une collaboration ait eu lieu, linspiration de lun pouvant fort bien être acceptée par lautre. Ainsi, nous concédons volontiers à lauteur que Nouveau ait pu influencer Rimbaud sur la tournure avec complément de nom « de rêve », jusqualors inemployée par lui, que lon relève dans 244« Enfance I » et « Villes (Ce sont des villes…) », respectivement « fleurs de rêve » et « Libans de rêve » (p. 129)40. De même, il nest pas interdit de penser que Nouveau lui ait proposé quelques titres de poèmes, ladjectif « éphémère » (p. 128), ou lemploi comme substantif du participe présent « couchant » (p. 136). Deux artistes travaillant ensemble, quils soient écrivains, musiciens, peintres, ou aujourdhui cinéastes, échangent sans cesse, perfectionnent leurs œuvres, sans que lun prenne forcément le pas sur lautre. La relation de subordination nest pas systématique dans une association ; de même, lorsque ces artistes, plus tard, créent séparément, des clins dœil, sous forme de reprise textuelle, de parodie ou de réécriture à la manière de ne sont pas à considérer comme des larcins ou des plagiats. Lorsque Miles Davis reprend dix mesures dun solo de Charlie Parker, il ne le plagie pas. Il le fait revivre, il indique aux initiés une complicité harmonique, et il marque limportance symbolique ou novatrice de ce passage, à une époque précise de lhistoire du jazz. La relation ultérieure entre Nouveau et Rimbaud (et Verlaine) nous semble avoir été de cet ordre. Ni soumission, ni contrefaçon, mais communion esthétique. Et puis la vie a fait le reste.

4. Les thématiques des Illuminations sont proches des préoccupations de Nouveau.

Selon lauteur, Germain Nouveau était fasciné par le jardin Mabille, ou « bal Mabille », quil cite dans lune de ses Notes parisiennes (« le Mabille de rêve ») et un texte en prose, « Le Père de famille », paru dans Le Gaulois en 1883. Quelques poèmes des Illuminations seraient des échos aux ambiances musicales, festives et artificielles qui y régnaient, en raison notamment des puissants et très modernes éclairages, et des décors exotiques, comme les « palmiers de zinc », ou « palmiers factices » (p. 117). Or on peut lire dans le poème « Villes (Ce sont des villes…) » : « Les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux ». Eddie Breuil voit dans cette tournure une reprise par Nouveau de lactualité du bal Mabille, qui sétait bien doté dans les années 1840 de palmiers de zinc et de métal, la couleur cuivre du poème sexpliquant par « leffet de la lumière », ces palmiers 245étant éclairés par « un nombre impressionnant de becs de gaz » (Ibid.). Le poème évoque justement des « cratères » et « des feux », il y est question d« oriflammes éclatants comme la lumière des cimes », de « lardeur du ciel » qui « pavoise les mats », dune lune qui « brûle et hurle ». Pourquoi ne sagirait-il pas simplement pour le poète de vrais palmiers, dont la couleur changerait au gré des fortes lumières, dautant quil est également question de « Libans » et de « Bagdad » – comme dailleurs d« Alleghanys », qui font partie de la chaîne des Appalaches en Amérique du Nord, et de « Mabs » typiquement britanniques, la Mab étant la fée des songes (doù peut-être les « Libans de rêve ») dans la tradition anglaise au Moyen Âge41 ? En outre, si lon veut absolument que ces « palmiers de cuivre » prennent leurs métalliques racines dans le réel, alors quil sagit selon nous de pure poésie, il est possible daller les chercher… à Londres, dans les jardins botaniques royaux de Kew, à louest de la capitale, desquels Wikipédia nous indique (nous soulignons) :

Sans être la plus grande, Palm house (« serre des palmiers ») est certainement la construction la plus connue des jardins. Elle abrite une collection de palmiers et une grande variété darbres tropicaux du monde entier et des plantes vivaces. Les plans de de larchitecte Decimus Burton et surtout de lingénieur Richard Turner, entre 1844 et 1848, ont livré pour la première fois un bâtiment utilisant une si grande quantité de fer forgé. Chaque carreau de verre a été fait à la main, pour sadapter à la forme très particulière de la serre. À lorigine, les serres étaient chauffées par des chaudières au charbon, la fumée étant évacuée par la cheminée dun campanile de style italien.

Dans « Villes (Ce sont des villes…) », pourquoi les « forgerons » nauraient-ils rien à voir avec la structure de fer forgé de cette serre des palmiers, pourquoi la lumière des « chalets de cristal » ne viendrait-elle pas des carreaux de verre, « les feux » des chaudières qui « rugissent » ; quant à « la chasse des carillons » ne pourrait-elle rappeler la campanile, qui est une tour abritant des cloches ? Que dire alors des « jardins de palmes » de « Royauté42 » (p. 119) ? Quand il fait allusion à lexpression « “le jardin [qui] séteignait” dans un poème de Nouveau » en pensant à léclairage du jardin Mabille « qui lexplique certainement » (ibid.), 246nous ne pouvons donner absolument tort à lauteur, mais il ne voit pas la référence au néologisme du Rimbaud des « Poètes de sept ans », poème dans lequel « le jardin sillunait »… Les « pavillons de viande saignante » de « Barbare » auraient un rapport avec « deux obus, tombés autour de mai 1871, [qui] avaient été signalés par la presse » (p. 92). Eddie Breuil pense que ces « cratères » ont ensuite servi demplacements pour « faire une attraction autour de grillades ». Doù le rapprochement avec la « viande saignante » et le participe « carbonisé » : « par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous ». Soit. Dans ce cas, toute interprétation en vaut bien une autre. Songeons que le music-hall The London Pavilion (nous soulignons), inauguré sous ce nom en 1859, et situé à Piccadilly Circus, endroit le plus éclairé, illuminé de la capitale anglaise43, partagea jusquen décembre 1873 ses locaux avec le « Delectable Museum of Anatomy and Pathology » du Dr Kahn, au sein duquel des mannequins de cire représentaient le corps humain dans certaines de ses plus dégradantes pathologies. Des croquis montraient également de façon très réaliste lintérieur dorganismes atteints de maladies, vénériennes entre autres. Il fallut tous les efforts de lordre des médecins, une plainte au nom de lObscene Publications Act de 1857 et une campagne furieuse des associations bien-pensantes (notamment la « Society for the Suppression of Vice44 ») pour que les modèles fussent détruits, en décembre 1873 et lendroit fermé début 187445…Voici une description du hall dentrée du London-Pavilion, on verra que la lumière ny manque pas :

Les halls dentrée sont brillants et accueillants. Miroirs, dorures et couleurs vives rencontrent lœil avant que les guichets soient atteints. Le théâtre, on sen souvient, est abordé par un passage en forme de tunnel inhabituellement long. Cela a été transformé en une belle arcade scintillante. Sur le côté gauche, il y a de nombreux renfoncements ; dans ceux-ci sont placées des plantes et des fleurs, derrière lesquelles se trouvent des miroirs. Le miroir, entouré de cadres dorés, est utilisé pour orner les pilastres entre les alcôves et le mur opposé. Le couloir est éclairé par une douzaine de gaziers en cristal suspendus 247au plafond. Un autre splendide lustre au gaz rayonne dans le hall dentrée. Un magnifique rayon de soleil, fixé près du joli plafond du théâtre, éclaire46 le plus efficacement lintérieur47.

Si nous partagions le goût immodéré de linterprétation et de la justification en poésie, nous pourrions prétendre que le « rayon de soleil » de la dernière phrase de cette citation nest autre que le « rayon blanc, tombant du ciel, [qui] anéantit cette comédie », dans Les Ponts. Mais nous ne le ferons pas, simplement parce que nous nen savons rien. Quoiquil en soit, Rimbaud et Verlaine ont très bien pu en 1872 et 1873 samuser dans ce théâtre, dautant que Rimbaud y emmena Nouveau en mars 1874 : « Jai été au café-concert de London-Pavillon [sic] ; des gigues et des airs de la mère Angot. Les nègres les font toujours rire48 ». Nous ne contestons pas davantage que Germain Nouveau ait pu être « le peintre des villes » (p. 124), mais est-ce lui qui écrivit dans Une Saison en enfer et Adieu : « Et à laurore, armés dune ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ! », les adjectifs « ardente » et « splendide » dénotant justement la lumière vive, létincelant ? Nouveau fut un bon peintre (p. 135-140), il se passionna pour larchitecture (p. 127), il aimait le théâtre (p. 130-134), et son enfance fut submergée par les deuils : voilà autant déléments supplémentaires qui incitent Eddie Breuil à lui attribuer Les Illuminations, où se retrouve souvent le lexique du théâtre (« Scènes », « Parade », « Soir historique »), et dont quelques titres de poèmes pourraient être proches de titres de tableaux (« Parade », « Aube », « Fête dhiver », « Fleurs », « Marine »). Certes, mais que dire de « Sensation », « Ophélie », « À la Musique », « Au Cabaret-vert, cinq heures du soir », « Venus anadyomène » ou « Le Buffet », en sen tenant aux tout premiers poèmes de Rimbaud ? Pourquoi vouloir placer les deux hommes sous des rapports dopposition ? M. Breuil opère de la sorte à propos du thème du soleil (p. 152) : « Cest pourquoi la chaleur et lété sont dans sa poésie [celle de Nouveau] constamment associés à la stérilité et au malheur. Sur ce point, les poésies de Nouveau et de Rimbaud sont antithétiques : pour Rimbaud, lété et la chaleur du soleil 248sont des motifs du bonheur. Il lécrit dans “Soleil et chair” : “Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie” ». Or Nouveau écrit à Richepin49 : « [] mais le pur, le simple, le choisi ; aller toujours à la plus grande lumière qui est le soleil ! – Pouah ! les lunes ! », et les nombreuses références au soleil dans La Doctrine de lamour ne sont pas négatives. En ce qui concerne Rimbaud, affirmer sa conception du soleil en se basant sur un seul vers de 1870 est pour le moins superficiel. Citons seulement ce passage de « Mauvais sang » : « Assez ! Voici la punition. – En marche ! Ah ! Les poumons brûlent, les tempes grondent ! La nuit roule dans mes yeux, par ce soleil ! Le cœur… les membres… ». Ce nest pas non plus parce que Nouveau était artiste que Rimbaud ne sintéressait pas à lart50 : ses amis furent Jolibois51, Forain, André Gill52, sans parler des « Vilains Bonshommes » Michel de lHay, Félix Régamey, ni des zutistes Antoine et Henri Cros ; Rimbaud adorait en outre, comme Verlaine, truffer sa correspondance de dessins. Ce nest pas davantage parce que Nouveau fit du théâtre que Rimbaud ne fréquentait pas les foyers53 ; il aimait notamment les opérettes dHervé, et fréquenta à Londres le Royal Theatre de lAlhambra54, où il vit avec Verlaine un opéra-bouffe-féerie de Sardou, Le Roi Carotte, sur une musique dOffenbach. À propos de larchitecture, Vitalie Rimbaud note dans son Journal, exactement contemporain de la présence à Londres de Nouveau : « Nous vîmes la cathédrale Saint-Paul qui semble revêtue de siècles et dannées, si solennelle et massive, etc. Arthur nous fait remarquer les sculptures du portail, et, de suite, je me trouve réconciliée avec la lourdeur du monument. [] Arthur tire mon attention vers quelques tableaux []55 ». Ajoutons sa réelle amitié avec le musicien Ernest Cabaner : Rimbaud sintéressait à toutes les formes dart populaire. Lart institutionnel figé des musées semblait en revanche le laisser 249froid, si lon en croit les souvenirs de Forain56. Mais se désintéresser des tableaux néo-classiques des salons ne signifie pas négliger la puissance poétique des arts visuels, et lon connaît limportance de lœil et de la vision dans lart de Rimbaud.

Nous terminons ce compte-rendu par un point lexical sur lequel sappuie lauteur. Le « baou » de « Dévotion » et le « vent du Sud » d« Ouvriers » lui permettent daffirmer que « Dévotion, dont le manuscrit est inconnu, nest assurément pas un texte de Rimbaud mais de Nouveau, le texte ayant suivi le même cheminement que les autres documents remis à Stuttgart et qui furent recueillis dans les Illuminations » (p. 151). Cest douter des compétences linguistiques étonnantes de Rimbaud, et que viendrait donc faire dans « Ouvriers » la « flache », régionalisme ardennais présent dans « Le Bateau ivre » ? Que vient faire ladjectif « norwégien » dans « Villes (Lacropole officielle) », alors que Rimbaud a employé le nom « Norwège » dans « Ophélia » puis dans « Comédie de la soif », et que Nouveau ne la jamais fait, à notre connaissance ? Que fabriquent dans « Démocratie » « roués pour le confort », dans « Solde » « les féeries et comforts parfaits », ce même « comfort » que le locuteur dUne Saison en enfer disait détester dans « Adieu » ? Pourquoi ne pas signaler que la phrase de « Soir historique », « on joue aux cartes au fond de létang » rappelle « Alchimie du Verbe » et « je voyais [] un salon au fond dun lac » ? Dans « Fairy » se remarque la proximité typographique de « sèves ornamentales », « de clartés impassibles », « doiseaux muets », d« anses damour », de « frissonnèrent les fourrures et les ombres », de « ses yeux et sa danse supérieurs », des « influences froides » ; or les mots « sèves », « impassibles », « oiseaux », « anses », « frissons », « ombres », « yeux », « dans[é] » et « froide » sont tous dans « Le Bateau ivre » Et que dire dans ce même poème de lenchaînement (nous soulignons) « Jai vu le soleil bas, taché dhorreurs mystiques / Illuminant de longs figements violets57 », où se succèdent le titre (au pluriel) dun poème en prose et une forme verbale de celui du recueil ? Ce nest quun exemple, assez rapidement repéré. Si nous voulons pousser le raisonnement dans ce quil peut avoir dexcessif, lorsque Nouveau compose pour son beau poème « Les Hôtesses » le vers : « Miaulant au roulis dimpassibles berceaux », la présence autour de la césure de deux mots présents dans 250« Le Bateau ivre » doit-elle nous faire penser que cest Nouveau, et non Rimbaud, qui aurait écrit ce chef-dœuvre ? Dans les Notes parisiennes de Germain Nouveau dont nous disposons, où donc sont passés ces longs tirets omniprésents dans la prose de Rimbaud ? Où trouve-t-on dans ces Notes la si riche autotextualité, ou intertextualité interne aux poèmes, que lon rencontre dans Les Illuminations ?

Autant quEddie Breuil, qui hélas semble sous-estimer létendue de lœuvre du poète Arthur Rimbaud, et fort peu considérer lhomme quil fut, nous aimons les poèmes de Germain Nouveau, et nous admirons sincèrement sa droiture et son courage. Ses Notes parisiennes, du moins celles dont nous disposons, truffées de noms de lieux et de personnages fantaisistes, sont toutefois fort différentes et, nous le pensons, poétiquement très inférieures aux poèmes des Illuminations58.

Enfin, sur la paternité de ces « poèmes en prose », lisons ce quécrivait Nouveau lui-même, lorsquil sadressait directement à Rimbaud dans le très amer sonnet À J.-A. R… composé après 1898 et inédit jusquen 194859 :

[]

Tous vos jolis brillants ne valent pas leur boîte,

Ni votre imagerie un peintre dornement60.

[]

Que peuvent donc bien être ces « jolis brillants » ?

Cyril Lhermelier

1 Paul Verlaine, Correspondance générale, t. I (1857-1885), édition de Michael Pakenham, Paris, Fayard, 2005, p. 387. Les extraits de la correspondance entre Verlaine et Rimbaud cités ici proviennent de cet ouvrage.

2 Verlaine, Correspondance générale, op. cit., p. 236.

3 Ibid., p. 234.

4 Ibid., p. 393.

5 Ibid., p. 390.

6 Ibid., p. 391.

7 « Lettre à Delahaye du 1er mai 1875 », in ibid., p. 395-396.

8 On peut imaginer quelque chose comme : « Javais je ne sais comment en ma possession des poèmes en prose de Nouveau, que Rimbaud ma prié de lui envoyer »…

9 Cest très probablement après avoir récupéré auprès de Nouveau les « poèmes en prose » que Verlaine les ajouta aux vers de 1872, quil détenait depuis leur première fuite : Rimbaud avait recopié pour lui ses poèmes les plus récents et ceux abandonnés chez les Mauté. Madame Verlaine mère les avait conservés pendant la détention de son fils. Voir Pierre Petitfils, « Les manuscrits de Rimbaud », dans Germain Nouveau, Avant-siècle 2, coll. « Études rimbaldiennes », Paris, Minard, 1970, p. 72-73.

10 Verlaine, op. cit., p. 395-396

11 Vis-à-vis de Rimbaud mais également du milieu littéraire parisien.

12 Op. cit., p. 398.

13 V. op. cit., n. 2, p. 399.

14 Paul Verlaine, Œuvres poétiques complètes, édition de Jacques Borel, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1962, p. 561. Les poèmes cités ici se réfèrent à cette édition, désormais indiquée OCV, suivi du numéro de la page.

15 OCV, p. 321.

16 Olivier Bivort a relevé ce fait dans son édition des Romances sans paroles et de Cellulairement, Paris, Le Livre de poche, coll. « Classiques », 2002, p. 160.

17 Verlaine, Correspondances, op. cit., p. 357.

18 Ou pendant sa détention, par lintermédiaire de sa mère, qui fit passer des poèmes de son fils à Rimbaud.

19 Lautréamont, Germain Nouveau, Œuvres complètes, édition de P.-O. Walzer, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1970, p. 380, édition désormais indiquée OCN, suivi du numéro de la page.

20 Selon le Journal de Vitalie Rimbaud, son frère Arthur resta sagement en famille du 29 décembre au 13 février 1875. Vitalie Rimbaud, Journal, édition de Jean-Luc Steinmetz, coll. « Bibliothèque sauvage », Charleville, Musée-Bibilothèque Arthur Rimbaud, 2006, p. 90.

21 OCN, op. cit., p. 867. Son adresse est alors 6, rue de lArrivée.

22 Ibid., p. 868.

23 Verlaine déclare à Delahaye en avril : « Je vais écrire à Nouveau pour lui rappeler sa promesse ». (Correspondance, op. cit., p. 559.) Pourquoi diable, sil en était lauteur, Nouveau rendrait-il ces poèmes à Verlaine ?

24 Notamment celui-ci : la numérotation du feuillet 12, coupé en haut par Rimbaud, est de la même encre que le texte (comme celle du feuillet 18, lui aussi coupé), donc de Rimbaud (ou à la rigueur de Nouveau). Comment imaginer que Rimbaud ait numéroté seulement la page 12 et la page 18, et que les autres laient été par Félix Fénéon plus de dix ans plus tard ?

25 Citée par Jean-Jacques Lefrère, Rimbaud, Paris, Fayard, 2001, p. 961.

26 Autre contradiction : le 19 avril, Fénéon déclare avoir « préparé » Les Illuminations « à titre officieux » et « sans contrôle de Kahn ». Le 30, il écrit : « [] Gustave Kahn mayant confié le soin de préparer [le manuscrit] pour limpression et den revoir les épreuves ». Ibid.

27 Lettre de Louis le Cardonnel à Paterne Berrichon, citée par Pierre Petitfils, art. cité, p. 82.

28 Laccent ardennais de Rimbaud aurait-il facilité la bonne compréhension auditive par le méridional Nouveau de… ses propres textes ?

29 Un grand poète nemploierait donc le mot « azur » que pour évoquer la couleur bleue ?

30 Éditions de la Société de découragement de lEscrime, Bruxelles/Liège, 2009. Seul, le « z » final d« allez » dans la « chanson retrouvée » « La Porqueronne » comporte une hampe descendante, certes, mais moins descendante que les autres, bien quelle descende tout de même. Cependant, tous les « z » internes présentent cette hampe, le plus souvent bouclée.

31 Et non de « larticle défini masculin le », comme lécrit M. Breuil.

32 Dénuement matériel, fatigue (les journées de Rimbaud à Londres étaient faites dépuisants déplacements, de longues lectures et de traductions), manque probable de protéines et consommation de liqueurs bon marché ont certainement accru cette difficulté. Cela vaut également pour son colocataire Nouveau.

33 OCN, op. cit., p. 817.

34 OCN, op. cit., p. 821.

35 Eddie Breuil ne cite pas une lettre à Richepin de juillet 1875 dans laquelle Nouveau déclare (nous soulignons) : « Pour moi, toujours en train de composer des histoires rimées que je tenverrai aussitôt finies [] ». Ibid., p. 827.

36 Ibid., p. 821.

37 Le plagiat dénote une imposture, une volonté de profit ; on se demande quel profit aurait bien pu tirer Nouveau de cet emprunt.

38 OCN, op. cit., p. 408.

39 Le manuscrit de Rimbaud semble adopter la leçon « faîte », avec un circonflexe, ce qui ferait de la « haute mer » le point culminant, le toit, lapogée de cette « éternité de chaudes larmes »… Mais plusieurs accents sur les « i » de Rimbaud ressemblent à des circonflexes, par exemple sur « enfin » et « soif » d« Enfance III ». Il sagit en fait de traits de plume qui relient le point sur le « i » à une courbe ou trait de la lettre suivante, ou à la barre du « t » suivant, comme cest le cas quelques lignes plus haut dans le même « Enfance III », avec le verbe « voit ».

40 Mais Verlaine emploie également le complément du nom « de rêve », justement dans le poème Kaléidoscope évoqué plus haut, cest le vers liminaire : « Dans une rue, au cœur dune ville de rêve ».

41 Cest le personnage de la Reine des fées (« Queen Mab ») dans Roméo et Juliette de Shakespeare.

42 Mr V.-P. Underwood avait travaillé sur limportance du Crystal Palace dans son Rimbaud et lAngleterre, Paris, Nizet, 1976, p. 71-78.

43 Le mot « cirque » et son lexique apparaissent dans « Ornières », mot que Rimbaud utilise dès sa lettre du 13 mai 1871 à Georges Izambard : « On se doit à la Société, mavez-vous dit ; vous faites partie des corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière ».

44 Le fait que le Dr Kahn était juif semble avoir entretenu le feu de lexécration.

45 Pour en savoir plus : http://digitalstories.wellcomecollection.org/pathways/2-the-collectors/5-obscene-doctor/. Consulté le 10/10/2017.

46 Le site ci-dessous donne en anglais la forme verbale « illuminates ».

47 Consultable sur le site Arthur Lloyd.co.uk, « Pavilion Theatre and Wonderland, White Chapel road, Stepney », in The Music-Hall and Thater History site Dedicated to Arthur Lloyd, 1839-1904.

48 OCN, op. cit., p. 817.

49 Ibid., p. 827.

50 Un excellent bachelier à cette époque (ce que fut également Nouveau) possédait une très solide connaissance de lart, en particulier de la tragédie antique et du théâtre français du xviie siècle.

51 Dont malheureusement nous navons jamais retrouvé la trace, malgré des courriers désespérés à nombres dinstitutions artistiques de Bretagne, région où, selon Jean Richepin, « Jolibois dit La Pomme » se rangea des voitures.

52 Sans oublier Fantin-Latour ni Carjat, avec lequel la relation fut plus turbulente.

53 Son ami Henri Mercier fut régisseur à lAthénée-Comique.

54 Mentionné par Nouveau dans sa lettre du 17 avril 1875 à Richepin. OCN, op. cit., p. 821.

55 Vitalie Rimbaud, Journal, op. cit., p. 64-65.

56 Lefrère, Rimbaud, op. cit., p. 391.

57 Ici encore, une image assez peu engageante du soleil.

58 Si un rapport commun à lenfance entre les deux poètes est très probable – ainsi, Germain Nouveau eut une petite sœur, Élisabeth, qui mourut le 19 octobre 1854, cest-à-dire la veille de la naissance dArthur Rimbaud – et explique certainement une similitude textuelle entre les Notes parisiennes et la section Enfance des Illuminations, ces quatre Notes parisiennes se réfèrent aussi à la poésie en prose de Charles Cros, comme lavait bien vu Maurice Saillet. OCN, op. cit., p. 1213.

59 Ibid., p. 697.

60 Nouveau fait ici référence aux Silènes du prologue de Gargantua : « Lors / congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien daultre valeur que / ne promettoit la boite ». Rabelais, Œuvres complètes, Paris, Seuil, Coll. « LIntégrale », 1993, p. 39.