Présentation
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Œuvre poétique complète
- Pages : 629 à 639
- Collection : Bibliothèque du xviie siècle, n° 31-32
- Série : Voix poétiques, n° 6-7
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- EAN : 9782406094470
- ISBN : 978-2-406-09447-0
- ISSN : 2258-0158
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09447-0.p.0629
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/05/2019
- Langue : Français
Présentation
Santeul, poète sacré
Santeul, qui dans sa jeunesse n’avait écrit sur des sujets religieux qu’à la demande de sa congrégation (pièces no 5 et 6), fut sollicité dans les années 1675 lorsque prit corps dans l’église de France, de plus en plus tentée par une émancipation gallicane, le souhait de réviser le bréviaire que la Contre-Réforme avait laissé imparfait. L’exemple était donné à Rome même, où successivement Pie V en 1568, Clément VIII en 1602 et le pape Urbain VIII en 1631 avaient sollicité des commissions pour toiletter une collection où, au fil du temps, s’étaient glissé des erreurs, voire des textes indignes de leur sujet1.
On ne sait trop si c’est directement ou bien par l’intermédiaire de son frère Claude « de Saint-Magloire », qui souhaitait le voir assagir et christianiser sa muse2 – il s’était opposé à lui lors de la querelle sur la fable (cf. no 28) –, que Paul Pélisson-Fontanier, véritable animateur de la vie intellectuelle du temps, s’adressa à Santeul pour le lancer dans la carrière d’hymnographe religieux. Sous-diacre lui-même et économe de l’ordre de Cluny, Pélisson était impliqué dans la révision du bréviaire de l’ordre, d’obédience bénédictine. Parallèlement, l’archevêque de Paris François de Harlay avait décidé la refonte du bréviaire de son diocèse. C’est donc une double carrière qui s’ouvrait à Santeul.
630Il se mit donc à l’ouvrage, animé sans doute par la satisfaction d’accorder davantage son activité poétique à son état, et peut-être talonné par le remord de dissiper son talent dans le siècle en une poésie mondaine qui ne touchait finalement qu’un petit cercle. Dès l’édition du nouveau bréviaire de Paris, promulgué en 1680, on trouve des hymnes de Santeul pour la Purification et l’Assomption de la Vierge, saint Joseph, la Décollation de saint Jean-Baptiste, sainte Marie-Madeleine, sainte Marie l’Égyptienne, saint Denis et ses compagnons. De ces hymnes, certaines avaient déjà circulé sous la forme de feuilles volantes sans lieu ni date. De même, le bréviaire propre de l’abbaye accueillait en 1683 les hymnes à saint Augustin, patron des chanoines réguliers, et à saint Victor. Dans le bréviaire du diocèse de Reims, promulgué en 16853, figuraient enfin celles pour saint Remi et saint Nicaise : Santeul avait été très demandé.
Devant le succès qu’il rencontrait, Santeul continua donc à composer et se décida à rassembler une première fois ses pièces liturgiques dans un recueil personnel, le premier qu’il publiât depuis la sélection de Poèmes choisis parue en 1670. Dans le volume Hymni novi tam ex breviario Parisiensi quam ex Cluniacensi excerpti, [Parisiis,] Le Petit (1685, 156 p.), ces extraits sont augmentés des pièces écrites pour le bréviaire de Cluny, qui devait paraître quelques mois plus tard. Il s’agit précisément des hymnes du commun des saints (nos pièces 268 à 279), et pour saint Bernard, saint Paul ermite, sainte Agnès, saint Vincent, la Conversion de saint Paul, la Chaire de saint Pierre, l’Annonciation, l’Invention de la Croix, saint Barnabé, la Visitation, de saints moines, saint Pierre-ès-Liens, la Transfiguration, saint Laurent, la Nativité de la Vierge, saint Michel et tous les anges, les Défunts et saint Martin. D’autres pièces nouvelles y figuraient, qui avaient été composées sans répondre à la commande d’un bréviaire diocésain ou congréganiste : celles pour le propre de l’église Saint-Marcel, au Faubourg Saint-Marcel, et en l’honneur de sainte Fare, pour l’abbaye de Faremoutiers. Enfin, il ajoutait deux hymnes pour le jour des Morts et des pièces pour saint Jean-de-Dieu qui paraissent avoir trouvé là leur première publication. Santeul accompagna son recueil d’un envoi à son mentor Pélisson, attention habile autant qu’exacte, et le concluait par deux prières au Christ, en vers puis en prose. La disposition générale des pièces imitait celle d’un bréviaire : commun des saints, puis les hymnes propres, rangées dans un ordre peu évident.
631Cette publication ne concluait pas une époque dans l’œuvre du poète. Au contraire, il continuait à composer, si bien qu’une seconde publication fut nécessaire dès 1689. Hymni sacri et novi, autore Joa. B. Santolio (Parisiis, D. Thierry, 1689, 254 p.) ne se présente plus comme un recueil d’extraits de bréviaires. Ouvert par un envoi au cardinal de Bouillon, promoteur du bréviaire de Cluny, précédant celui à Pélisson, repris de l’édition de 1685, le livre apparaît comme une collection largement augmentée, et cela de plusieurs manières. Dans une présentation qui suit la dignité des sujets (les fêtes liées à la vie du Christ, celles de la Vierge, enfin les saints), Santeul a intercalé des compléments relatifs au Christ (pour la Passion et l’octave de l’Ascension) et aux fêtes de la Vierge : 3e hymne de la Visitation (no 228c), 4e de l’Assomption (no 243d). Quant au propre du sanctoral, il accueille de nouvelles pièces sur des saints (Étienne, Nicolas, Loup, Gilles, Merry, Cloud, Josse et Frambourg) comme aussi relativement à certaines dévotions (reliques du pied de saint Victor ; martyrium de Montmartre). Des hymnes à l’eucharistie (no 227) précédent les prières au Christ, que suivent deux poèmes anciens, hors d’œuvre : la pièce consacrée à Thomas de Saint-Victor (no 6) et un poème de son frère Claude de Santeul4.
Cette « unité codicologique » n’est elle-même pas close. Selon une pratique usuelle à l’époque, les exemplaires invendus furent augmentés de cahiers à la pagination plus ou moins continue. Ces suppléments « tenaient à jour » l’activité hymnographique du poète et constituent pour no cus un terminus a quo pour la composition des pièces qu’on y trouve5. Nous disposons toutefois souvent de détails plus précis sur 632les hymnes nouvelles : ainsi, d’une lettre de Bossuet, datée du 15 avril 1690, évoquant les hymnes à saint Bruno annoncée par Santeul6, mais non encore entre les mains de l’évêque pouvons-nous dater celles-ci du printemps de cette année ; du fascicule présentant la première édition des hymnes à saint Henri, nous savons aussi qu’elles furent écrites en 1692.
Santeul continuait donc à exploiter sa veine sacrée. Par rapport à l’édition de 1689 elle-même augmentée, une édition posthume de 1698, constituée sur cette base, est encore grossie d’hymnes pour sainte Barbe, saint Lucien, saint Antoine, saint Vaast, saint Jacques-le-Majeur, saint Lazare – signées de son frère Claude –, saint Quentin, saint Arnoul, sainte Maxence, ainsi que pour les reliques de la Passion conservées à la Sainte-Chapelle. Comme dans l’édition précédente, on constate des ajouts hors d’œuvre7, réalisés in extremis sans doute après la découverte de fascicules imprimés, mais qui contreviennent au reclassement alors adopté, lequel paraît avoir été voulu par Santeul : un ordre des pièces suivant cette fois le fil de l’année liturgique8. Pour faire bon poids, est enfin adjoint un cahier de musiques adaptées à quelques hymnes, et signées de Hébert, Drouaux, Dumont, Lebègue, Robert, Dubois de l’Hôtel de Guise, Mignon et Chastelain. Si l’édition ne renonce pas aux pièces non liturgiques – elle en ajoute une sur l’art de chanter à l’église –, elle supprime bien le tombeau du Père Cossart, la déploration du Père Lallemand, le poème adressé à l’abbé de Mailly et encore les strophes sur le roi défenseur de la religion.
Nous avons fait le choix ici, à la suite de l’édition posthume, de regrouper les hymnes dans l’ordre du calendrier liturgique d’alors, en glissant à leur place calendaire celles qui figuraient hors d’œuvre en 6331698, ainsi que les hymnes à saint Hippolyte conservées par un fascicule (in 12o, s. l. n. d.) donné comme une production de Santeul par le catalogue de la BnF, qui le conserve9. Par contre, nous avons écarté les pièces qui ne sont pas de Santeul : deux hymnes pour les reliques sacrées, au 4 décembre, dont Santeul écrivait en les éditant Non mihi vindico hos Hymnos « Je ne revendique pas ces hymnes » ; deux hymnes pour saint Josse au 13 décembre, signées d’un B.S.J. que Bernard de La Monnoye, dans un excursus critique10, identifie avec un jeune frère (neveu, plutôt) du poète ; deux hymnes à saint Lazare, pour le 2 septembre, signées de Claude Santeul de Saint-Magloire ; enfin, les proses du Père Gourdan pour sainte Maxence, le 30 novembre, et sainte Barbe, le 4 décembre. Nous avons également laissé à sa place chronologique dans le parcours du poète la pièce sur Thomas de Saint-Victor (cf. plus haut, notre no 6).
En préliminaire aux hymnes proprement dites, on trouvera les poèmes d’envoi des deux éditions, successivement à Paul Pélisson, qui engagea Santeul sur la voie de la poésie liturgique, et au cardinal de Bouillon, promoteur du bréviaire de Cluny, ainsi que la pièce sur la manière de chanter à l’église. Après les hymnes, figurent les trois prières conclusives : celles au Christ, en prose et en vers, et celle pour le roi, qui tient en quelque sorte, dans les éditions procurées par Santeuil, la place du Salvum fac regem chanté alors à la fin des grands offices dans les églises de France. Suivent enfin, dans cette section, les pièces ayant trait aux hymnes ou à leur commande (hymnes à saint Magloire, à sainte Hunégonde et saint Quentin) et le poème Solitudo sancta, composé dans le mouvement des hymnes à saint Bruno11.
634Choix et circonstances
de composition
Santeul, malgré sa prolixité, n’a pas « couvert » tout le calendrier – variable du reste d’un diocèse, ou d’une congrégation, à l’autre. Son choix obéit, sans qu’on connaisse exactement le détail de la répartition, à deux principes, qui sont la commande et l’initiative personnelle. Dans l’édition de 1685 sont clairement indiqués les destinataires : l’ordre de Cluny, les diocèses de Paris, et Reims, ainsi que la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Victor et la paroisse Saint-Marcel. Pour autant, il n’est pas dit que toutes les hymnes répondent à des commandes précises plutôt qu’elles n’ont été proposées par Santeul lui-même. La Bibliothèque Sainte-Geneviève conserve, à la suite et sous la même cote que le fascicule imprimé portant le texte original des trois hymnes à saint Victor (no 232), une autre série de trois hymnes pour ce saint, signées B V, où l’on retrouve, dans la doxologie finale, les deux premiers vers de celle que Santeul abandonnera dès 1685 : il semble qu’on ait là affaire à deux versions « concurrentes » sollicitées par le prieur de Saint-Victor auprès de Santeul et du bibliothécaire de la communauté, Eustache Bouette de Blémur, ou bien encore auprès de Paul Bouin, autre victorin ami de Santeul (cf. annexe 1 Santeüilliana 45 et 71). On peut supposer également que l’abbesse de Faremoutiers (diocèse de Meaux)12, à l’instar du curé de Saint-Marcel, dans le faubourg de Paris, avait obtenu à sa demande expresse des hymnes propres – celles de saint Marcel ne sont pas retenues dans le bréviaire de Paris. Pour les autres destinataires dont existe alors un sanctuaire à Paris13, on peut hésiter 635entre la commande ou l’expression d’une dévotion personnelle du Parisien qu’est Santeul. Dans cette dernière catégorie, on rangera ainsi celles pour les reliques de la Sainte-Chapelle (dans l’édition de 1689, les hymnes sont dites inspirées par sa piété), tout comme les hymnes à l’eucharistie destinées aux filles de l’adoration perpétuelle de la rue Cassette, au faubourg Saint-Germain. L’accomplissement d’un vœu dicta celles pour les sœurs de la Visitation ; quant à saint Loup et saint Gilles, ils étaient les patrons de la paroisse familiale des Santeul, Saint-Leu-Saint-Gilles.
La commande, en revanche, est plus nette pour saint Pierre Moron, le pape Célestin V, fondateur des célestins : Santeul s’en explique dans l’édition de 1689. De même, pour celles à saint Cloud, écrites pour le chapitre de l’église paroissiale de ce village à la demande du victorin Jacques Marsolier, lui-même chanoine en ce lieu. L’abbé Aubery, restaurateur de l’abbaye Sainte-Hunégonde d’Homblières considérait manifestement que disposer d’hymnes écrites par Santeul achèverait de conférer à son œuvre de redressement le lustre qu’il lui voulait associer, et le curé de Saint-Sulpice, Baudrand, dont l’église était un chantier ouvert, trouva sans doute là un moyen de ramener l’attention sur sa paroisse pour des raisons autres qu’architecturales. Le chapitre de la collégiale de Saint-Quentin poursuivit aussi le poète de son impatience (cf. no 286 et 287), La paroisse Saint-Jean-en-Grève, dont le bureau de bienfaisance a intéressé le poète (cf. no 158), peut l’avoir sollicité pour l’apôtre Jean, son patron officiel, tout comme Claude Bosc, futur prévôt des marchands, qui réhabilitait alors la chapelle Saint-Frambourg située dans ses terres d’Ivry, dut intéresser Santeul au saint qu’il honorait. Hors du diocèse de Paris, les hymnes à sainte Cécile furent écrites à la demande de l’évêque d’Albi. Pour le saint évêque de Beauvais, Lucien, on se souviendra que la puissante abbaye constituée autour de ses reliques, sise aux portes de la ville épiscopale, avait Bossuet comme abbé commendataire… C’est peut-être aussi l’abbé commendataire de Saint-Vaast d’Arras, le cardinal de Bouillon, dédicataire de l’édition de 1689, qui obtint de Santeul des hymnes pour le patron de cette puissante abbaye14. Enfin, le patronage 636du nouveau prince de Condé (depuis 1687), Henri-Jules, expliquera la dévotion personnelle les hymnes à saint Henri, souverain canonisé.
Par ailleurs, l’amitié pour Rancé avait dicté à Santeul les hymnes pour les saints moines (éd. 1689, p. 211), et il avait dédié à Bossuet, déjà, celle aux docteurs (ibid., p. 207). Connaissant le curé de Saint-Jacques-de-la-Boucherie (cf. no 355), Santeul peut avoir écrit les hymnes à saint Jacques le Majeur par amitié pour lui. L’admiration teintée d’attirance éprouvée pour l’érémitisme, au moins autant que la démarche du fils de bourgeois de Paris, explique sans doute les hymnes pour saint Antoine et saint Paul Ermite, pères du monachisme (dans le bréviaire de Cluny), ainsi que celles, tardives, pour saint Bruno. Du reste, tant les hymnes pour saint Benoît que celles pour saint Bruno sont augmentées de pièces supplémentaires, respectivement sur les saints moines (no 218) et la solitude de la Trappe (no 28215)… Notons pour finir cette revue, le remarquable silence du parisien Santeul sur sainte Geneviève, pourtant patronne vénérée de Paris et titulaire d’un sanctuaire voisin de Saint-Victor. Ce silence dénote, si l’on peut dire, la rivalité des deux abbayes royales, dont nous avons un reflet dans la pièce sur le tableau votif destinée à la prestigieuse église abbatiale du haut de la Montagne (plus loin, notre no 334).
Sources
Dans le développement des hymnes, Santeul s’attache à la vie des saints telle qu’on pouvait la lire dans les recueils hagiographiques dont la Légende dorée est encore le plus connu. À l’époque de Santeul, toutefois, 637commence à paraître les Acta sanctorum édités par la jeune Société des bollandistes selon le principe de l’année civile : le dernier volume que put connaître Santeul, concernant les premiers jours de juin, parut en 1695. Nous avons choisi de ne pas annoter, dans la présente édition, les allusions renvoyant aux détails qu’on pourra y trouver sur la vie des saints, réservant les notes pour éclairer des allusions précises à des détails ne relevant pas de l’hagiographie.
Pour les plus anciennes hymnes, trois étapes du texte peuvent être reconnues : la publication en feuille volante, celle de l’édition de 1685, puis celle de 1689, généralement reprise dans l’édition posthume, plus complète, de 1698. Nous n’avons pas pris en compte les variantes possibles des éditions « collectives », pourrait-on dire, que constituent les bréviaires du diocèse de Paris, de l’abbaye Saint-Victor, du diocèse de Reims et de l’ordre de Cluny. C’est que le texte peut y avoir subi des modifications et retouches accidentelles ou encore intentionnelles, du fait de la connaissance intime du latin qu’en avaient les éditeurs ou des nécessités de l’interprétation chantée. La recherche, longue et fastidieuse de telles modifications ne pouvaient d’ailleurs aboutir qu’à une liste de variantes textuelles sur lesquelles planait l’incertitude quant à leur origine. Le texte que nous proposons est donc celui de la dernière édition, sortie posthume en 1698.
Dans certains cas, nous pouvons cependant cerner l’intervention de Santeul. Les hymnes à saint Augustin sont ainsi déjà dans le bréviaire de Cluny, mais la quatrième, Aurea qui nunc…, est le produit d’une récriture de la troisième et dernière du bréviaire de Saint-Victor : sous cette forme nouvelle, elle est dédiée, dans l’édition de 1689, p. 96, à Augustin de Mailly, prieur de Saint-Victor, évêque désigné de Lavaur. Le texte des hymnes à saint Victor a été particulièrement travaillé, comme on pourra s’en rendre compte dans l’appendice critique (annexe 3), et l’édition de 1685 offre des modifications qui seront abandonnées ultérieurement. C’est en fait plus tard, après la mort du poète, que ces hymnes, en circulant d’un diocèse à l’autre, seront adaptées avec de multiples changements et récritures : il y a là un vaste sujet pour une étude en soi, dépassant largement le cadre de notre présente édition.
638Traduction
Reflet de l’admiration largement partagée que suscitaient les hymnes parmi les fidèles de l’époque, de nombreuses traductions françaises ponctuelles ont vu le jour, certaines figurant dans les éditions du bréviaire. Deux traductions systématiques ont aussi paru : celle de Saurin, qui connut trois éditions du vivant de Santeul, et celle de l’abbé Jean Poupin, parue à Paris, chez Barbou, en 1760. Nous avons fait le choix de proposer ici celle de l’abbé Saurin, Traduction en vers françois des Hymnes de Monsieur de Santeul, chanoine régulier de Saint-Victor, Paris, Claude Mazuel, 1691, [xii]-298 p. Le travail de cet obscur16 et méritant littérateur bénéficiait en effet de l’approbation officielle de Santeul, comme on peut lire, à l’avant-dernière page (297, dernière numérotée), après la dernière hymne et avant l’extrait du privilège : Je suis très-obligé à l’auteur de la traduction de mes Hymnes. Je la reconnais comme une copie parfaite de l’original. De Santeul, de Saint-Victor. La même approbation figure à nouveau dans les rééditions de l’ouvrage de 1693 (ibid.) et de 1699 (Paris, chez la veuve Daniel Hortemels), sans qu’on sache si elle avait été expressément renouvelée par Santeul au vu des nouvelles traductions insérées par Saurin. En effet, Saurin enrichit son travail de nouvelles productions du poète, et nous procure en plus, en 1693 la traduction des hymnes à saint Sulpice et aux reliques de son bras (17 janvier), à saint François de Sales, à ses tribulations et à ses filles (29 janvier), à saint Pierre Moron (19 mai), à saint Gaëtan (7 août), à sainte Cécile (22 novembre), toutes pièces nouvelles dans l’édition que Santeul livra en 1689. Les hymnes à saint Gilles (1er septembre) et à saint Bruno (6 octobre) attendirent, elles, la troisième édition, de 1699. Comme d’autres pièces nouvelles de cette édition figuraient déjà dans la première édition des traductions de Saurin, il faut admettre que cet ecclésiastique avait dans un premier temps omis de propos délibéré les pièces qu’il introduisit dans la suite.
639Saurin ne se limitait toutefois point à Santeul : il ajoutait à la date du 25 août deux hymnes pour saint Louis, qui ne sont pas du victorin17 et proposait, à la suite des hymnes pour saint Nicolas (6 décembre), l’Annonciation (25 mars), saint Victor (21 juillet) et saint Bernard (20 août), reprises de la première édition, une seconde traduction de chacune, traduction que nous n’avons pas reprise. Modifiant (déjà !) le texte original, il ajoutait enfin, à la fin de telles hymnes la doxologie de telles autres, et composait, tant pour la première hymne à saint Paul Ermite (no 201a) que pour l’hymne à saint Barnabé (no 225), la première de l’Ascension (no 226a), les deux de la Décollation de saint Jean-Baptiste (no 247) et les deuxième et troisième de la Toussaint (no 262b et c) une nouvelle strophe doxologique18. Nous n’avons gardé de son travail que ce qui traduit ce qu’a écrit Santeul.
Les hymnes, dans la liturgie des heures, étaient chantées aux vêpres de la vigile, aux matines, laudes et vêpres du jour. Quand, dans une série, il y a trois hymnes seulement, on peut supposer – et cela était parfois explicitement précisé : cf. apparat – que l’hymne des vêpres est commune à la vigile et au jour même. Quand il y a plus de quatre hymnes, entrent en jeu les « petites heures » de tierce, sexte et none. Certaines hymnes cadrent moins avec la liturgie d’un des heures, et sont destinées à une fête d’ostension de reliques (no 204, 234, 236b). Signalons le cas particulier des hymnes à saint François de Sales, dont les premières versions nous livrent le projet d’un découpage biographique en six poèmes, dont restent finalement les trois hymnes et l’Affectus ; c’est dans un troisième temps qu’a été ajoutée une hymne décrivant la règle des visitandines, dont l’ordre fut créé par ce saint. Enfin, les hymnes du jour des morts sont dupliquées (no 262 d et e, eodem die) par une version personnelle du Dies irae.
1 Dans le poème 285, où sainte Hunégonde apparaît à l’abbé d’Homblières pour lui reprocher de ne pas faire chanter les hymnes que le poète vient de lui composer (à la demande, d’ailleurs, de ce même abbé), on lit un jugement sévère (vers 22 et suiv.) du style des hymnes anciennes qu’il s’agissait de remplacer. Ce jugement, fruit d’une éducation classique, était partagé par les promoteurs du nouveau bréviaire.
2 Le Dictionnaire de Moréri, dans l’article consacré à Claude Santeul de son édition bâloise, précise que c’est à Claude que s’était d’abord adressé l’archevêque de Paris pour composer les hymnes, mais qu’il préféra s’effacer devant son frère jaloux de cette sollicitation, dans le but de le conduire à une inspiration chrétienne.
3 L’archevêque était alors, depuis 1671, Charles Maurice Le Tellier (1642-1710), frère de Louvois.
4 Précisément, la pièce qui l’avait emporté sur celle du victorin (no 28b) lors du débat sur la place de la fable (i.e. la mythologie) dans la poésie : Claude de Santeul affirmait, contre son frère, qu’elle n’avait plus sa place dans le monde chrétien.
5 Successivement, dans l’exemplaire très complet que nous avons consulté, les hymnes à saint Magloire, affectées d’une pagination redondante 224 et 225, puis, en continu avec une numérotation reprise à 249, les hymnes pour saint Jean l’évangéliste, saint Landry, les saints Corneille et Cyprien, saint Henri, saint Gaëtan, sainte Hunégonde, saint Bruno avec la pièce Solitudo sancta, (composée lors d’un séjour de Santeul, malade, à la Trappe en 1690, selon Sainte-Beuve), le plaidoyer adressé à Bossuet (no 292), la pièce à l’abbé de Mailly (no 109), les plaintes de sainte Hunégonde, le tombeau du Père Cossart (no 87), le poème dédié à Paul Pélisson sur le roi défenseur de la religion (no 36), une antérieure prière pour le roi amplifiée et une pièce en mémoire de Pierre Lallemand (no 77). Suivent des séries d’hymnes, cette fois toutes remises en contexte par une note individuelle de Santeul, concernant saint François de Sales et ses filles, saint Pierre Moron, sainte Cécile, la dédicace de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. Enfin, une liste d’errata, sur deux pages non numérotées, portant sur toutes les strates précédentes précède un ultime ajout, d’hymnes relatives à saint Sulpice, également accompagnées d’une note explicative, p. 375-382.
6 Dans la note qui suit le texte finalement imprimé, Santeul précise le souhait du pape Alexandre VIII de solenniser ainsi le jour anniversaire de son élection, le 6 octobre 1689. Avec la vanité qu’on lui connaît, le poète avait peut-être initialement évoqué son projet comme une commande pontificale !
7 Les hymnes à saint Arnoul, placées à la fin du propre des saints et non au 18 juillet, jour de sa fête, celles à sainte Maxence, en toute fin d’ouvrage. Il est vrai que les éditeurs ont alors dû reconstituer la collection des derniers travaux du poète.
8 La disposition liturgique du bréviaire distingue temporal puis sanctoral (commun puis propre des saints apôtres, martyrs, confesseurs, docteurs, etc.). Le commun des saints sans destinataires spécifiques, est rejeté à la fin, après un calendrier mêlant temporal (succession des dimanches et fêtes liturgiques) et sanctoral (succession des fêtes des saints).
9 Rien, dans la thématique comme dans le traitement ou même l’aspect du document ne permettait d’émettre la moindre réserve sur ce qui paraît bien être un oubli des éditeurs de 1699.
10 Paru à la faveur d’une édition qu’il assura des Menagiana ou Les bons mots et remarques critiques, historiques, morales et d’érudition de Monsieur Ménage recueillis par ses amis, nouvelle édition Paris, Veuve Delaulne, vol. II, 1729, p. 250.
11 On pourra se reporter à la thèse de doctorat de M. Pierre Brugeas, Traduction annotée et commentée des Hymni sacri et novi de Jean de Santeul, où l’on trouvera, outre une analyse métrique que nous avons utilisée (cf. notre annexe 2), une étude du lexique (p. 62-68) et une liste d’exemples de l’inspiration antique (p. 68-78) où Virgile domine très largement ; citons pour mémoire no 206, vers 2 quo ruis ? cf. Én. X 811 ou encore no 251b 11-12 dux / femina facti repris de én. I 364.
12 Anne de Beringhen, sœur d’un marquis de Beringhen lui-même le gendre du duc d’Aumont (no 189a) et de la fille du chancelier Le Tellier (no 60 et 61).
13 Les paroisses Saint-Landry, Sainte-Madeleine et de la Sainte-Croix, dans la Cité, tout comme la maison des barnabites et la petite chapelle Saint-Michel-du-Palais ; Saint-Étienne, Saint-Nicolas, sur la Rive Gauche (« l’Université »), avec Saint-Hippolyte, au faubourg Saint-Marcel, et les maisons régulières des Théatins (de saint Gaëtan ; sur les quais), des chartreux, des oratoriens de Saint-Magloire, l’hôpital de la Charité (ordre fondé par saint Jean-de-Dieu). Sur la Rive Droite (« la ville »), sont situées les paroisses Saint-Merry et Saint-Laurent, ainsi que la chapelle vouée à Marie-l’Égyptienne, sur le territoire paroissial de Saint-Germain-l’Auxerrois, à l’angle de la rue actuelle de la Jussienne (corruption de « l’Égyptienne ») et de la rue Montmartre. Plus loin dans le diocèse, le village de Saint-Arnoul, aujourd’hui dans les Yvelines. Quant à la vénérable abbaye Saints-Cyprien-et-Corneille de Compiègne (diocèse de Senlis), elle avait été réunie à l’abbaye royale du Val-de-Grâce par une bulle pontificale de 1657.
14 On conserve (Santeüilliana, seconde partie, p. 55-58) une lettre de l’évêque de Carcassonne, Louis Joseph Adhémar de Monteil de Grignan (frère du gendre de la marquise de Sévigné), datée d’octobre 1693, qui passe commande pour les patrons de son diocèses, les saints Celse et Nazaire : « Tout ce qu’on y chante en leur honneur sent la rudesse et l’ignorance des siècles passés et tout ce que vous faites ferait l’honneur du siècle d’Auguste […] Vous trouverez dans la vie de s. Ambroise écrite par le prêtre Paulin et dans les annotations du cardinal Baronius sur le martyrologe au 28 juillet de quoi vous instruire sur la vie de nos saints. Je vous envoie les hymnes que je veux réformer afin que vous preniez la peine d’en composer sur la même mesure ; je serais bien aise de conserver le même chant dans mon église, pour éviter l’embarras d’une note nouvelle, etc. » Nous n’avons pu trouver trace d’un début de composition de ces hymnes par Santeul.
15 Pièce que nous avons sortie du calendrier liturgique en raison de son caractère lyrique plus qu’hagiographique : Santeul peint moins la vie des trappistes que des paysages qui le touchent et un mode d’existence qui l’attire.
16 L’abbé Saurin, dont on sait fort peu de chose, se dit secrétaire de l’Académie royale de Nîmes, laquelle avait été fondée en 1682. Nous ne pouvons ajouter d’éléments complémentaires sur ce traducteur, malgré les recherches du président de cette académie (aujourd’hui Académie de Nîmes), Monsieur Jean-Louis Meunier, et du directeur adjoint des archives départementales du Gard, Monsieur Vincent Mollet, que nous remercions de leur obligeance.
17 Quoiqu’anonymes dans les premières éditions du bréviaire de Harlay, elles sont d’Isaac Habert (1598-1668), évêque de Vabres. Contrairement à ce qu’il avait fait pour toutes les autres hymnes, Saurin n’introduisait pas celles-là par leur incipit latin, ce qui était tout au moins l’expression d’une nuance quant à leur auteur.
18 Respectivement, 201a : « Qu’on chante jour et nuit dans toute la nature / Les louanges du Créateur, / Du Fils qui racheta l’humaine créature / et de l’Esprit consolateur. » ; 225 : « Adorons la Bonté suprême, / La suprême Beauté, la suprême Grandeur, / L’être qui trouve dans lui-même / Sans le secours d’aucun son suprême bonheur. » ; 226a : « Au Fils qui monte au ciel rendons nos saints hommages ! / Bénissons le Père en ce jour ! / Que leur Esprit soit en tous âges / Comme eux l’unique objet de notre ardent amour. » ; 247 a et b : « Adorons de tout bien la source, / Dieu Père, Fils, Esprit, ineffable Unité, / Qui seul peut couronner notre pénible course / de l’ineffable prix de son éternité ! » ; 262 b et c : « Chantez incessamment, troupe du ciel bénite, / “Gloire au Dieu tout-puissant, de sa gloire jaloux, / Qui pour couronner le mérite / Se donne tout entier à nous” » !