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Classiques Garnier

Notice sur Margot

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Nouvelles
  • Pages : 321 à 322
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 759
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
  • EAN : 9782406143062
  • ISBN : 978-2-406-14306-2
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14306-2.p.0321
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/02/2023
  • Langue : Français
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Notice sur Margot

Margot, qui paraît le 1er octobre 1838 dans la Revue des Deux Mondes, confirme lorientation prise dès Le Fils du Titien. Après les trois premiers récits, que lon pourrait qualifier de « nouvelles contemporaines », les trois derniers relèvent davantage du conte : éloignement dans le temps et dans lespace, et, dans les deux dernières nouvelles, construction dune intrigue qui entretient peu de liens avec la vie de lauteur.

Musset présente ainsi le texte à Buloz : « Si vous jugiez à propos dannoncer la nouvelle, elle a pour titre : Margot. (Cest lhistoire dune fille de la campagne1). » Celle-ci se déroule sous lEmpire, mais elle est imprégnée de latmosphère du xviiie siècle, par lintermédiaire du personnage de Mme Doradour. Elle fait aussi appel à des souvenirs denfance. La famille Musset passa les vacances de 1818 près de Viarmes au nord de Paris, et les habitants de la ferme des Clignets, les Piédeleu, nom qui a été conservé dans Margot, auraient frappé limagination dAlfred enfant. Un deuxième événement, une vingtaine dannées plus tard, aurait déclenché lécriture : la rencontre chez un voisin médecin dune jeune servante de la campagne, que Musset se serait plu à faire parler de son pays et de sa famille. Pierre Odoul suppose que cette servante était au service des Musset – mais il sagit là dune simple hypothèse –, et que lauteur se serait peint sous les traits de Gaston2. La ressemblance physique avec ce garçon aux « beaux cheveux blonds qui frisaient naturellement3 », et certaines anecdotes iraient en ce sens, comme celle des grisettes de Strasbourg, où Musset est passé lors de son voyage à Baden en 1834.

Cest limaginaire proche du merveilleux qui frappe, comme lépisode de la résurrection qui fait songer à La Belle au bois dormant4. Plongée 322dans un monde de rêves, lhistoire convoque de nombreuses figures littéraires ou mythologiques, voire bibliques : Margot évoque tour à tour les nymphes, Diane, Ève, Ophélie, ou encore la princesse des contes de fée5. Le récit nous fait pénétrer dans limaginaire de la jeune paysanne amoureuse : lépisode du retour en voiture de nuit à la Honville est sur ce point remarquable. Lévanouissement brutal du rêve de Margot rappelle la triste fin de Rosette dans On ne badine pas avec lamour et annonce lécroulement du monde illusoire où vit Emma Bovary.

Lultime chapitre nous replonge dans lhistoire en évoquant les batailles de la campagne de France aux derniers jours de lEmpire. Cest ce mélange des genres que Balzac nappréciait pas, et qui lui fit déclarer quil naimait pas Margot6. Tout rentre dans lordre pour la jeune fille : la petite fermière na pas épousé le prince charmant, quelle finit par oublier. Comme dans Louison (1849), où Lisette décide de devenir la femme de Berthaud, fils dun des fermiers du Duc, lordre social reprend ses droits.

1 Correspondance I, [mi-août 1838], p. 272 (fonds Lovenjoul, Correspondance Musset-Buloz, F 982 bis, f. 27).

2 Pierre Odoul, op. cit., 1976, p. 394.

3 Ch. iv, p. 339.

4 Paul de Musset qualifie cette histoire de « fable »(Bio., p. 202). Musset sest inspiré dune nouvelle de Bandello, la quarante et unième de la deuxième partie, où il est question de la résurrection dune femme aimée (Bandello, Nouvelles, Paris, Imprimerie Nationale, 2002, II, 41, p. 399). Il avait adapté lune de ses nouvelles pour composer La Quenouille de Barberine (1835).

5 Pour les références à Ève et au jardin dÉden, voir Esther Pinon, « Écrire le sacré : Musset et ses modèles », Poétique de Musset, PURH, 2013, p. 69.

6 « Je naime ni Croisilles, ni Margot. » Ce jugement de Balzac était connu de Musset, qui écrit dans le poème « À Madame O. qui avait fait des dessins pour les nouvelles de lauteur » : « Ma brunette Margot, que Balzac naime pas / Est là, le cœur battant, prête à mordre à sa pêche » (PCp, p. 638). « Mme O. » est Mathilde Odier, qui avait illustré les Nouvelles, et dont les dessins nont pas été retrouvés. Voir annexe III, p. 384.