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Classiques Garnier

Vie de sainte Marie l’Égyptienne

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Vie de sainte Marie l Égyptienne

(Barbara Ferrari)

(A) la prose

auteur : anonyme

dédicataire : non mentionné

datation : début du xiiie s. selon Dembowski (1977, p. 18), sans arguments décisifs. Si lon accepte cette datation, il sagirait de la plus ancienne mise en prose hagiographique connue.

sept manuscrits (sigles de Dembowski 1977, version X) :

(1) Bruxelles, KBR, 9225 (B), f. 67va-71rc. Première moitié du xive siècle (voir infra). Paris, atelier de Thomas de Maubeuge. Parchemin ; 233 f. ; 420 x 310 mm ; texte sur 3 colonnes de 50 lignes. Après une grande enluminure à huit compartiments sur trois colonnes (f. 2r), chaque texte est introduit par une miniature sur deux colonnes et une grande initiale ornée ou, rarement, historiée ; lillustration est attribuée à lenlumineur du Maître de Fauvel.

Légendier méthodique appartenant au groupe G de Meyer 1906 avec les mss n. 4 et 5 de cette liste ; tous les trois sont issus du même atelier parisien. Ce manuscrit forme avec le ms Bruxelles, KBR, 9229-9230 un recueil hagiographique en deux volumes ; la table figure au commencement du ms 9225, mais le second feuillet a été détaché pour être collé en tête du 9229-9230 (Meyer 1905, p. 26). Le premier volume contient 86 légendes ; la Vie de sainte Marie lÉgyptienne est copiée entre les vies de deux apôtres, saint Mathias et saint Luc. Deux autres mises en prose font partie du recueil : la Vie de saint Jean-Baptiste et la Vie de saint Julien lHospitalier .

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Ce manuscrit a appartenu à la chartreuse de Zeilhem, près de Diest, au Brabant ; il aurait été commandité à Thomas de Maubeuge par les fondateurs Gérard de Diest et son épouse Jeanne de Flandre pour en faire cadeau à la nouvelle institution, dont la charte de fondation date de février 1329 (voir Rouse – Rouse 2000, I, p. 195).

titre :Ci commence la glorieuse vie Marie lEgyptienne (f. 67va)

incipit :« De ma dame sainte Marie lEgyptienne vous voil dire la vie. Premiers vous dirai pourquoi elle fu apelee Egyptienne » (f. 67va).

explicit : « Cy fenist la vie a la glorieuse Marie lEgipcienne » (f. 71rc).

P. Meyer 1905, « Notice du ms. 9225 de la Bibliothèque royale de Belgique (légendier français) », in Romania, 34, p. 24-43

J. Van den Gheyn 1905, Catalogue des Manuscrits de la Bibliothèque Royale de Belgique, V, Histoire, Bruxelles, Lamertin, n. 3354, p. 335-347

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 425-429)

R. H. Rouse – M. A. Rouse 2000, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500, London, H. Miller, I, p. 187-202, 216 ; II, p. 137, 180-187, 195-196

ColletMesserli 2008, p. 171-175

Notice en ligne : Jonas

(2) Bruxelles, KBR, 10326 (C, Belgica), f. 257va-264vb. Réalisé vers 1260-1270 (daprès Jonas), sans doute dans le Soissonnais. Parchemin ; 266 f. ; 278 x 187 mm ; 2 colonnes de 36 lignes. Table en français de la fin du xive s. (f. 1r-v), suivie dun f. blanc et dune autre table en italien au même contenu mais dune main différente (f. 3v). Après deux grandes miniatures à pleine page représentant respectivement le Christ en croix (f. 4v) et le Christ en majesté (f. 5r), chaque Vie de saint est introduite par un titre rubriqué et une vignette. Des initiales filigranées alternées rouges ou bleues marquent les articulations du texte.

Ce manuscrit et le n. 7 de cette liste seraient les plus anciens témoins du Passionnaire français primitif, un ensemble de passions dapôtres, évangélistes, martyrs et saintes vierges, considéré par Jean-Pierre Perrot (Perrot 1992, p. 16-21) comme antérieur au légendier A de Meyer. Selon ce dernier, en revanche, notre manuscrit et le n. 7 formeraient le groupe B, chronologiquement postérieur (Meyer 1906, p. 400-406). Le 433recueil comprend 44 morceaux ; au Passionnaire français primitif fait suite une deuxième série de martyrs et un groupe de légendes diverses parmi lesquelles figurent deux mises en prose : la Vie desaint Julien lHospitalier et la Vie desainte Marie lÉgyptienne, celle-ci précédée de la Madeleine et suivie de saint Luc comme dans le ms n. 1.

Ce manuscrit figure dans les inventaires des ducs de Bourgogne à partir de 1467-1469 (Falmagne – Van den Abeele 2016, 5.428, 8.334).

titre : Ici commence la vie ma dame seinte Marie lEgypcienne (f. 257va)

incipit :« A ce premier vos dirai porquoi ele fu apelee Egipcienne » (f. 257va).

explicit : « … aveques le Pere et le Fill et le Seint Esperit et sera tant com li siecles durra. Amen » (f. 264vb).

J. Van den Gheyn 1905, Catalogue des Manuscrits de la Bibliothèque Royale de Belgique, V, Histoire, Bruxelles, Lamertin, n. 3356, p. 350

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 400-411)

C. Gaspar – F. Lyna 1937, Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque royale de Belgique, Paris, Société française de reproductions de manuscrits à peintures, I, p. 131-134

J.-P. Perrot 1992, Le passionnaire français au Moyen Âge, Genève, Droz, p. 16-21

ColletMesserli 2008, p. 163-165

FalmagneVan den Abeele 2016, 5.428, 8.334

Notice en ligne : Jonas

(3) London, BL, Add. 6524 (D), f. 168vb-172rb. Rédigé au xive siècle en Angleterre. Parchemin ; 173 f ; 305 x 205 mm ; deux colonnes de 45/46 lignes ; une seule main, sauf pour la table, à lencre rouge, qui aurait été ajoutée postérieurement. Une initiale ornée au début de chaque Vie ; titres de chapitres rubriqués (indications pour le rubricateur).

Ce recueil de 51 articles constituerait, selon Meyer 1906, une édition augmentée du Légendier B : il comprend en effet toutes les Vies du manuscrit précédent (sauf saint George), à peu près dans le même ordre, et quelques ajouts. Dernier texte du recueil, la Vie de Marie lÉgyptienne est précédée de la Vie de Marie-Madeleine ; on y lit une autre mise en prose : la Vie de saint Julien lHospitalier .

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Deux mentions de possesseurs : « Ri. Neuport » (f. 1v) ; « Roberto Goodwin » (f. 173v).

titre :Ci comence le vie seinte Marie lEgypciene (f. 168vb, éd. Knust 1890, p. 315)

incipit :« De primes vous diroi por qoi ele fust apelee Egypciene » (f. 168vb, éd. Knust, p. 315).

explicit : « … avecqes le Pere e le Filz e le seint Espirit, et sera tant come li siecles durra. Amen » (f. 172rb, éd. Knust, p. 346).

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 406)

J. Lemaire 1969, Édition de quelques vies de saints daprès le texte des manuscrits Bruxelles, BR 10326, Paris, BNF, naf 10128, Paris, Ste-Geneviève 588 et Londres, BL, Addit 6524, mémoire inédit, Université Libre de Bruxelles

ColletMesserli 2008, p. 169

Notices en ligne : Archives and Manuscripts ; Jonas

(4) London, BL, Add. 17275 (A, numérisé sur le site de la BL ; manuscrit de base de lédition Dembowski 1977) ; f. 343rb-347ra. 1325-1340 (Archives and Manuscripts), ou 1326-1328 (Rouse – Rouse 2000, I, p. 184, 193). Paris, atelier de Thomas de Maubeuge. Parchemin ; 353 f. sur 3 colonnes de 48 lignes ; 404/409 x 303/305 mm. Table des matières en tête du volume, inaugurée par une enluminure sur 2 colonnes ; chaque texte est introduit par un titre rubriqué, une miniature sur deux colonnes et une initiale ornée ; lenlumineur serait le Maître de Maubeuge. Jean de Senlis, lun des copistes, a également participé au ms Paris, BnF, fr. 183 (n. 5 ci-dessous).

Ce légendier méthodique appartient au groupe G de Meyer 1906 avec les mss n. 1 et 5 de cette liste. Il sagit dun recueil hagiographique de 154 légendes, dont une soixantaine sont tirées de la traduction complète de la Legenda aurea attribuée au pseudo-Belet (cf. Collet – Messerli 2008, p. 171-172) ; lincipit de la table présente ce personnage comme le traducteur de toutes les Vies (f. 3ra). Marie lÉgyptienne se trouve dans la dernière section, composée de 26 vies de saintes ; sa légende, copiée après celle de sainte Marthe, est suivie de celle de sainte Anastasie qui clôt le volume. Trois autres mises en prose font partie du recueil : la 435Vie de saint Jean-Baptiste , la Vie de saint Julien lHospitalier et la Vie de sainte Geneviève .

Sur le f. 1v ont été ajoutées au xvie siècle « les armes de Châteauvillain associées à celles de Coucy et dune troisième famille qui na pas été identifiée » (Meyer 1901, p. 414-415) ; selon une note de main moderne au f. 2r, le manuscrit aurait appartenu à la maison de Condé.

titre :Ci commence la vie ma dame sainte Marie lEgyptienne qui fu pecheresce (f. 343rb)

incipit :« De ma dame lEgypcienne vous conterai la vie. Premierement vous dirai pourcoi elle fu apelee Egypcienne » (f. 343rb).

explicit : « … avec le Pere et le Filz et le Saint Esperit qui vit et regne par tout le siecle des siecles sanz fin. Amen » (f. 347ra).

P. Meyer 1901, « Notice sur trois légendiers français attribués à Jean Belet », in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres Bibliothèques, 36/2, p. 409-486

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 425-426)

R. H. Rouse – M. A. Rouse 2000, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500, London, H. Miller, I, p. 184, 192-193 ; II, p. 181-190

ColletMesserli 2008, p. 171-176

Notices en ligne : Archives and Manuscripts ; Catalogue of illuminated manuscripts ; Jonas

(5) Paris, BnF, fr. 183 (H, Gallica), f. 69rb-73rb. Environ 1327. Paris, atelier de Thomas de Maubeuge. Vélin ; 249 f. (le dernier nest pas numéroté) ; 428 x 314 mm ; 3 colonnes de 48 lignes ; on peut reconnaître au moins trois mains très proches, dont celle de Jean de Senlis, qui a copié plusieurs légendiers, parmi lesquels le n. 4 ci-dessus. La riche illustration est attribuée au Maître de Fauvel ; après la grande miniature à huit compartiments sur trois colonnes du f. 1r, chaque Vie est introduite par une miniature sur deux colonnes et par une initiale ornée. Le manuscrit serait à rapprocher du ms La Haye, KB, 71-A-24, qui en constituerait la seconde partie ; la table ancienne ajoutée au commencement du fr. 183 ne concerne que le premier volume.

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Ce légendier est lié au groupe G de Meyer 1906 ainsi que les mss n. 1 et ; il présente le même contenu que le ms n. 1 dans le même ordre, à lexception de lajout des deux pièces initiales tirées de la traduction de la Legenda aurea du pseudo-Belet (Prologue, Avènement), et de lomission de la Vie de saint Christophe à la fin du recueil. Par ailleurs, le ms La Haye, KB, 71-A-24 contient les mêmes textes que le ms Bruxelles, KBR, 9229-9230 (cf. n. 1 ci-dessus ; Collet – Messerli 2008, p. 173). Comme dans le ms n. 1, la Vie de sainte Marie lÉgyptienne se situe entre les Vies de saint Mathias et de saint Luc. Deux autres mises en prose font partie du légendier : la Vie de saint Jean-Baptiste et la Vie de saint Julien lHospitalier . Lincipit du Prologue (f. 1r) attribue la traduction à Jean Belet comme dans notre ms n. 4.

Une mention dans les comptes royaux du 30 avril 1327 permet dattribuer la commande de ce légendier au roi Charles IV ; il figure en effet dans linventaire de la bibliothèque du Louvre de 1373 (cf. Rouse – Rouse 2000, I, p. 188, 194-195).

titre :Ci aprés commence la vie Marie lEgypcienne de Bloys (f. 69rb)

incipit : « Or vous dirons ci aprés la vie a la benoite sainte Marie lEgypcienne. Ci vous dirai premierement porcoi elle fu apelee Egypcienne » (f. 69va).

explicit : « … avec le Pere et le Filz et le Saint Esperit et sera tant comme li siecles durra » (f. 73rb).

P. Meyer 1901, « Notice sur trois légendiers français attribués à Jean Belet », in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres Bibliothèques, 36/2, p. 409-486

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 425-429)

R. H. Rouse – M. A. Rouse 2000, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500, London, H. Miller, I, p. 187-202, 216 ; II, p. 137, 174, 180-187, 198

ColletMesserli 2008, p. 171-174, 176

Notices en ligne : Archives et Manuscrits ; Jonas

(6) Paris, BnF, fr. 6447 (E, Gallica), f. 247ra-250vb. Dernier quart du xiiie siècle ; la datation peut être précisée grâce aux annalesqui ouvrent le manuscrit, copiées par le même scribe du volume entier jusquà 1275. 437La scripta permet de situer la copie dans le nord de la France (Flandre). Parchemin ; 376 f. ; 370 x 270 mm ; 2 colonnes de 47/51 lignes. La table occupe le f. 1v. Chaque œuvre est introduite par une miniature de dimensions variables (une colonne ou une demi-colonne).

Ce grand recueil de textes religieux contient une centaine douvrages. Les annales sont suivies de plusieurs livres de la Bible en français, parmi lesquels deux sont des mises en prose : Bible,Genèse et Bible,Macchabées . Le légendier proprement dit, appartenant au groupe D de Meyer 1906, commence au f. 115ra. La Vie de sainte Marie lÉgyptienne se situe entre Marie-Madeleine et sainte Agathe, au début de la section consacrée aux saintes femmes. La Vie de saint Julien lHospitalier figure aussi dans le recueil.

Ce manuscrit a appartenu à la librairie des ducs de Bourgogne aux xve et xvie siècles (Falmagne – Van den Abeele 2016, 5.738 et 8.96).

titre : Ci commence la vie a lEgypciiene (f. 247ra)

incipit : « A cest premier vous dirai porcoi ele fu apelee Egipciiene » (f. 247ra).

explicit : « … avoeques le Pere et le Fil et le Seint Esperit et sera tant com li siecles durra. Amen » (f. 250vb).

P. Meyer 1897, « Notice du ms. BnF, fr. 6447 (traduction de divers livres de la Bible – Légendes des saints) », in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres Bibliothèques, 35/2, p. 435-510 (p. 467-510)

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 416-421)

ColletMesserli 2008, p. 169-170

FalmagneVan den Abeele 2016, 5.738 et 8.96

Notices en ligne : Archives et Manuscrits ; Jonas

(7) Paris, BnF, n.a.fr. 10128 (G, Gallica), f. 247ra-253vb. Deuxième moitié du xiiie siècle ; région située au nord de la Loire. Parchemin ; 327 f. ; 273 x 182 mm ; 2 colonnes de 34/37 lignes. La table, dune main du xive siècle, est copiée sur le verso du f. 1 (garde ancienne). Miniature sur une colonne au début du recueil (dispute de Pierre et Paul contre Simon) ; les autres textes sont introduits par une initiale ornée.

Pour le classement de ce légendaire voir supra le ms KBR, 10326 (C), n. 2 de cette liste. Le contenu des deux recueils est presque identique ; 438au n.a.fr. 10128 ont été ajoutées une Vie des Pères en prose anonyme et la version de Barlaam et Josaphat dite champenoise. Cette réunion date du xive siècle au plus tard, comme le prouve la numérotation en continu dans la table. Ainsi que dans les mss n. 1 et 2, Marie lÉgyptienne est précédée de la Madeleine et suivie de saint Luc ; la mise en prose de la Vie de saint Julien lHospitalier figure aussi dans le recueil.

Jonas signale une note de possession à la fin du texte : « Ce present livre est a moy soulz signé qui lay achapté catre soulz dung soldatz estant larmee du roy davant Cambray lan mil Vc cinquante trois Clairefoy » (f. 327rb) ; une autre note, de main moderne, sur le f. 1r, précise que le manuscrit a été acquis en 1553 par un seigneur de Lannion.

titre : Ci commence la vie ma dame seinte Marie lEgypcianne (f. 247ra)

incipit :« A ce premier vos dirai pourquoi ele fu apelee Egipcienne » (f. 247ra).

explicit : « … avec le Pere et le Seint Esperit et sera tant comme li siecles durra. Amen » (f. 253vb).

P. Meyer 1906, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », in Histoire Littéraire de la France, 33, p. 378-458 (p. 400-411)

J. Lemaire 1969, Édition de quelques vies de saints daprès le texte des manuscrits Bruxelles, BR 10326, Paris, BNF, naf 10128, Paris, Ste-Geneviève 588 et Londres, BL, Addit 6524, mémoire inédit, Université Libre de Bruxelles

ColletMesserli 2008, p. 171

Notices en ligne : Archives et Manuscrits ; Jonas

– organisation du texte

Peter Dembowski, éditeur des Vies françaises médiévales de lÉgyptienne, désigne notre mise en prose comme « version X ». Daprès son examen, les textes des sept manuscrits, très proches en ce qui concerne le contenu, diffèrent surtout dans les détails ; il propose un classement des témoins en deux groupes : lun formé par quatre manuscrits exécutés au cours du xiiie siècle (n. 2, 6, 7), ou au siècle suivant (n. 3), lautre par trois volumes de la première moitié du xive (n. 1, 4, 5) dont les leçons sont jugées – mais sans exemples à lappui – « souvent supérieures » (Dembowski 1977, p. 114) ; le manuscrit de base choisi par léditeur 439(n. 4) appartient à cette dernière famille. Dans tous les légendiers du premier groupe, notre Vie suit celle dune autre grande pécheresse repentie, Marie-Madeleine.

Le titre présente quelques variantes dans les différents témoins (voir supra) ; le plus intéressant est celui du ms n. 5 : Marie lEgypcienne de Bloys. La présence de ce toponyme avait été signalée par Knust 1890 (p. 315), alors que Dembowski (1977, p. 219, note 24.11) affirme, à tort, quil ne figure que dans la version O1, transmise par les mss Paris, BnF, fr. 413 et 23117. Le culte voué à sainte Marie lÉgyptienne à Blois est très ancien : un pèlerinage sest développé autour du chef de la sainte conservé dans léglise abbatiale de Saint-Laumer-de-Blois ; la première mention de cette relique et de la fête qui sy rattache date de 1215 (G. Clerc, « Saint-Laumer-de-Blois (no 2) », in Inventaire des sanctuaires et lieux de pèlerinage chrétiens en France, en ligne). Par ailleurs, « église de lÉgyptienne de Blois » est lun des titres sous lesquels est désignée au xive s. une chapelle située à la conjonction des rues Montmartre et Jussienne à Paris, lieu de provenance du manuscrit n. 5 (J. de Gaulle, Nouvelle histoire de Paris et de ses environs, Paris, Pourrat frères, 1839, vol. 2, p. 63-65).

Le texte ne présente ni prologue ni épilogue. Le ms n. 5 est le seul qui divise le texte en deux chapitres, chacun introduit par un titre rubriqué : « Ci aprés commence la vie Marie lEgypcienne de Bloys » (f. 69rb) ; « Ci devise comment Marie lEgypcienne entra ou desert pour fere sa penitance et nenporta o li que .ii. pains et demi » (f. 70vb).

Evdokimova 2000 analyse dans les détails le travail du prosateur ; celui-ci aurait fusionné la source en vers (cf. infra) et une traduction française perdue dune vie latine dérivée de la version byzantine de Sophronios. Il aurait eu recours à une pluralité de modèles afin d« unir deux lectures de la légende », celle du poème, « centrée sur la figure de la pécheresse pénitente », et celle des traductions en prose qui, se rapprochant davantage de la tradition byzantine, font du moine Zosimas le personnage principal (Evdokimova 2000, p. 433). Ayant rencontré Marie dans le désert, vieillie et réduite presque à létat sauvage par les privations, celui-ci écoute le récit de sa vie ; lhistoire de la sainte, qui occupe les 700 premiers vers du poème, est réduite ici au rôle dexemplum pour Zosimas et pour sa communauté (Dembowski 1977, p. 21-22).

Les procédés adoptés dans le passage du vers à la prose vont de la simple déconstruction du vers aux modifications et à la réduction ou élimination 440de sections entières de la source, parfois dune grande qualité littéraire (le prologue, la description de la beauté de Marie, les prières prononcées par la sainte). Selon Evdokimova 2000, lauteur de la mise en prose sest inspiré de la doctrine du decorum développée dans les arts poétiques médiolatins ; dans les portraits de lÉgyptienne et de Zosimas, par exemple, des détails inconvenants sont éliminés, les manifestations des émotions et les traits excessifs de lascétisme monastique sont atténués, les personnages sont plus nobles. Cependant, « [l]e style de X nen est pas moins resté plus expressif et plus coloré que celui dautres versions en prose de la légende » (Evdokimova 2000, p. 448) ; ce travail sur les sources permet au remanieur de développer les possibilités stylistiques de la prose française naissante.

(B) les sources

(1) Vie de Marie l Égyptienne, poème anonyme de 1532 octosyllabes à rimes plates (dernier quart du xiie s.) ; version T de Dembowski 1977.

(2) Traduction française perdue dune version latine dérivée de Sophronios.

Selon Evdokimova 2000, lalternance des sources dans X serait la suivante (paragraphes de léd. Dembowsky) : § 1-54, mise en prose de T, avec quelques extraits dune traduction française en prose ; § 55-65,mise en prose de T et traduction française en prose ; § 66-78, traduction française en prose.

six manuscrits et deux fragments (sigles de Dembowsky 1977) :

(1) London, BL, Add. 36614 (première moitié du xiiie s.) (L) ; (2) Oxford, Bodl. Libr., Canonici Misc. 74 (début du xiiie s.) (B) ; (3) Oxford, CCC, 232 (début du xive s.) (C) ; (4) Paris, B. Arsenal, 3516 (vers 1267) (E) ; (5) Paris, BnF, fr. 23112 (seconde moitié du xiiie s.) (A) ; (6) Paris, BnF, fr. 19525 (seconde moitié du xiiie s.) (D) ; (7) Manchester, J. Rylands UL, French MS 6 (seconde moitié du xiiie s.) (F1, fragm. de 162 v.) ; (8) Dimashq (Damas), Qubbat Al-Hazna, sans cote (xiiie s. ?) (F2, fragm. de 38 v.)

Selon Baker 1916-1917 (p. 271-272), les deux témoins les plus proches du modèle utilisé par le prosateur seraient les mss London, BL, Add. 36614 e Paris, BnF, fr. 23112 (ms de base de léd. Dembowski), tous les deux du xiiie siècle, mais provenant de régions différentes : le premier présente 441des traits linguistiques champenois (P. Stirnemann, « Some Champenois Vernacular Manuscripts and the Manerius Style of Illumination », in Les Manuscrits de Chrétien de Troyes, Amsterdam – Atlanta, Rodopi, 1993, I, p. 208), alors que le deuxième est fortement picardisé (Dembowski 1977, p. 30-32).

éditions

M. Cooke 1852, Robert Grossetestes Chasteau dAmour ; to which are added La vie de sainte Marie Egyptienne and an English Version of the Chasteau dAmour, London, J. R. Smith, p. 62-113 [texte du ms C]

A. T. Baker 1916-1917, « Vie de Sainte Marie lÉgyptienne », in Revue des langues romanes, 59, p. 145-401 (p. 165-267, 283-379) [version anglo-normande : texte du ms ; version continentale : texte critique fondé sur tous les mss continentaux]

F. Dembowski 1977, La vie de sainte Marie lÉgyptienne. Versions en ancien et en moyen français, Genève, Droz, p. 16-17, 25-111 [texte du ms A]

M. Schiavone de Cruz-Saenz 1979, The Life of Saint Mary of Egypt : an Edition and Study of the Medieval French and Spanish Verse Redactions, Barcelona, Puvill [texte du ms C]

(C) histoire de la prose

Selon Dembowski 1977 (p. 18), la version V, une Vie anonyme en prose transmise dans deux manuscrits picards du xve siècle (Cambrai, BM, 811 et 812), serait un abrégé très rajeuni du contenu de X ou de T (éd. aux p. 141-151).

traductions anciennes

Une traduction castillane du xive s. de la version X a été copiée, avec dautres textes de provenance française, dans le ms El Escorial, B. Mon, h-I-13 (fin xive, début xve s.). Éditions : H. Knust, Geschichte der Legenden der h. Katharina von Alexandrien und der h. Maria Aegyptiaca nebst unedirten Texten, Halle, Niemeyer, 1890, p. 315-346 (texte de X en regard) ; M. Alvar, Vida de Santa María Egipciaca, II, Madrid, Consejo superior de investigaciones cientificas, 1970, p. 151-167 ; R. M. Walker, Estoria de Santa María Egiçiaca, Exeter, University of Exeter, 1972 ; C. Zubillaga, Antología castellana de relatos medievales (Ms. Esc. h-I-13), Buenos Aires, Seminario de Edición y Crítica Textual “Germán Orduna”, 2008, p. 37-55.

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(D) bibliographie

(1) éditions

H. Knust 1890, Geschichte der Legenden der h. Katharina von Alexandrien und der h. Maria Aegyptiaca nebst unedirten Texten, Halle, Niemeyer, p. 315-346 [texte de 3, réputé être la source de la vie en octosyllabes, avec les leçons de 5]

C.R. : P. Meyer, Romania, 19, 1890, p. 372 ; H. Varnhagen, Goettingische Gelehrte Anzeigen, 15, 1890, p. 593-608 ; s. n., Giornale storico della letteratura italiana, 15, 1890, p. 286-288

A. T. Baker 1916-1917, « Vie de Sainte Marie lÉgyptienne », in Revue des langues romanes, 59, p. 145-401 (p. 268-272, 285-377) [texte de 4 au bas des pages du texte du poème]

P. F. Dembowski 1977, La vie de sainte Marie lÉgyptienne. Versions en ancien et en moyen français, Genève, Droz, p. 17-18, 113-140 [texte de 4]

C.R. : G. Hasenohr, Bibliothèque de lÉcole des chartes, 136, 1978, p. 131-134 ; P. Le Rider, Le Moyen Âge, 3-4, 1978, p. 523-524 ; B. Merrillees, Speculum, 53, 1978, p. 800-803 ; P. H. Stäblein, French Review, 51, 1978, p. 890 ; J. Chaurand, Cahiers de Civilisation Médiévale, 22, 1979, p. 376-380 ; O. Jodogne, Scriptorium, 33, 1979, B. 566 ; G. Roques, Zeitschrift für romanische Philologie, 95, 1979, p. 176-177 ;A. Vitale-Brovarone, Studi francesi, 67 1979, p. 131-132 ; P. Zumthor, Vox Romanica, 38, 1979, p. 339-340 ; D. Robertson, Romance Philology, 34, 1980, p. 258-262 ; R. Mantou, Revue belge de philologie et dhistoire, 60, 1982, p. 650-652

(2) bibliographie critique

O. de Rudder 1982, « La version X de la Vie de sainte Marie lÉgyptienne : mise en prose et catéchèse », in Médiévales, 1, p. 39-46 

P. F. Dembowski 1983, « Traits essentiels des récits hagiographiques », in La nouvelle : formation, codification et rayonnement dun genre médiéval, Montréal, Plato Academic Press, p. 80-88 (p. 84)

L. Evdokimova 2000, « La version X de la Vie de sainte Marie lÉgyptienne entre la prose et le vers : du style sublime au style moyen », in Romania, 118, p. 431-448

A. Bengtsson 2010, « Les approches linguistiques de la mise en prose 443de lhagiographie : les cas de sainte Marie lÉgyptienne et de sainte Geneviève de Paris », in Mettre en prose aux xive-xvie siècles, Turnhout, Brepols, p. 65-75

B. Ferrari 2014, « Réécritures en prose de poèmes hagiographiques français. Premier recensement », in Pour un nouveau répertoire des mises en prose. Roman, chanson de geste, autres genres, Paris, Classiques Garnier, p. 151-163

B. Ferrari 2020, « Qualche osservazione sulla prima circolazione manoscritta delle più antiche mises en prose agiografiche francesi », in La prosa medievale. Produzione e circolazione, Roma, « LERMA » di BRETSCHNEIDER, p. 103-113