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Classiques Garnier

Vie de Saint Édouard le confesseur

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Vie de Saint Édouard le confesseur

(Margherita Lecco)

(A) la prose

auteur : anonyme

dédicataire : non mentionné

commanditaire :Gui IV de Châtillon (1260/1265-1317), ou sa femme, Marie de Bretagne, comtes de Saint-Pol (Saint-Pol-en-Ternoise, Pas-de-Calais) ; daprès Russell 2009, Marie de Bretagne pourrait être « a probable patron » (p. 293). Dans lenluminure au f. 33r, un chevalier agenouillé devant le Vierge porte les armes des comtes de Saint-Pol ; linitiale qui suit contient ses armoiries (cf. Russell2009, p. 291 ; Stones2013).

datation : premier quart du xive siècle

manuscrit unique :

London, BL, Egerton 745, f. 91ra-130vb (numérisé sur le site de la BL). Plusieurs (trois ?) enlumineurs, dont lun – que A. Stones a identifié comme un enlumineur parisien actif au début du xive siècle, associé au libraire Thomas de Maubeuge – a collaboré avec les enlumineurs du Sub-Fauvel Master (Stones1998, p. 540-550). France, Paris. Parchemin, 232 f. (dont 1 blanc non numéroté, après le f. 24), et deux blancs, un au début, et un à la fin ; le f. 130ra ne contient quune ligne ; 235 x 175 mm (justification 175 x 120 mm) ; écriture gothique ; texte sur deux colonnes de 29 lignes. Des miniatures en couleur et or à pleine page sur les neuf premiers f. (1r, 2r, 3v, 4r, 5v, 6r, 7v, 8v, 9r) ; grandes lettres historiées au début de chaque vie. La Vie de saint Édouard le Confesseur est introduite (f. 91ra) par une petite enluminure en couleur et or, qui représente le 342roi portant un mendiant infirme sur son dos vers lautel de léglise de Westminster. Reliure moderne (xixe siècle ?), en velours vert.

Il sagit dun légendier méthodique, qui renferme19 articles (Pierre de Beauvais, Vie de saint Eustache, Les Dix Commendements, la Vie de saint Denis etc.). La Vie de saint Édouard est précédée dunrecueil de préceptes sur la conduite du bon chrétien (f. 81vb-90vb), et suivie de la version dite champenoise de Barlaam et Josaphat (f. 130vb-199rb).

Ce manuscrit a été acheté par le British Museum du libraire Thomas Thorpe, le 17 juin 1839 (note sur la première page de garde), grâce aux biens légués au Musée par Francis Henry Egerton, Comte de Bridgewater (1756-1829).

P. Meyer 1910, « Notice du ms. Egerton 745 du Musée Britannique », in Romania, 39, p. 532-555

Notices en ligne : Catalogue of illuminated manuscripts (BL) ; Jonas

organisation du texte

Titre : De Saint Edouart (f. 91ra, au-dessus de lenluminure, encre rouge)

Cette vie dÉdouard, roi anglo-saxon dAngleterre (1042-1066), évoque des faits historiques, mais se concentre surtout sur sa piété et ses miracles.

Après avoir rappelé lorigine des rois dAngleterre et le cadre politique et historique de lAngleterre des xe-xie siècles (f. 91r), la prose raconte la vision de lévêque de Wincester, Britunad, dans laquelle saint Pierre sacre « a roy » le jeune dÉdouard. Les chapitres suivants concernent la vie du roi, depuis son retour en Angleterre jusquà létablissement de son règne, marqué, dès le début, par sa grande piété (f. 95rb : « il visitoit et confortoit les malades et aidoit les besoigneus » ; f. 115va : « il departi tout son tresor aus povres besoigneus et aus orphelins, aus malades et aus languereus »). Le récit de sa mort est suivi par celui de nombreux miracles (f. 121rb : « li roys ot especialement le don de Dieu quil pouoit a pluseurs rendre leur veues »).

Prologue :

A la loenge et a lonneur de Dieu le tout poissant voil ci aprés raconter la vie dun saint home noble que Diex ama tant que il le couronna .ij. fois. Il fu couronnés primes en la terre et puis ou ciel par ses merites. Il prisa poi les terriennes honneurs, quar il desirroit la gloire celestiale et a veoir son criateur en la joie permanable, laquelle chose li angele desirrent, ja soit ce chose que 343il le voient touz jourz. Cil sains hom de qui je voil parler fu saint Odouart, jadis roys dEngleterre (f. 91ra ; éd. Meyer, p. 45).

Épilogue :

Il fist un autre miracle en labeie de Berkingues dune nonnain qui fu tant forment malade de mal du flanc quele en cuidoit mourir, nele ne se pouoit seir de gesir, mais ele reçut santé par les merites de saint Edouart aprés linvocation quele fist a lui. Et qui vauroit touz les miracles du saint roy metre en escrit, trop li estouveroit longuement metre. Or prions Dieu que, par les merites saint Edouart, il nous doinst venir a la gloire pardurable. Amen (f. 129vb ; éd. Meyer, p. 62).

(B) la source

Le Romanz de saint Edward rei en octosyllabes (6685 v.) de la Nonne de Barking (vers 1161-1163), tirée de la Vita dAelred de Rieuvaux (première moitié du xiie siècle).

Plusieurs versions de la vie de saint Édouard, en latin et en français, sont connues, fondées dabord sur le court récit de Guillaume de Malmesbury, Vita Aedwardi regis dans son De Gestis Pontificum Anglorum (1125), puis sur la Vita de la Genealogia Regum Anglorum dAelred de Rievaux (1161-1163).

Deux versions anglo-normandes en vers de la Vita dAelred nous sont parvenues ; la plus ancienne (1163), en couplets doctosyllabes, est lœuvre dune religieuse de labbaye de Barking : la vie et les miracles dÉdouard sont précédés dune courte généalogie des rois dAngleterre depuis Alfred le Grand ; la seconde, également en octosyllabes, est celle de Mathieu Paris, abbé de saint-Alban entre 1236 et 1245. Cest la première qui est la source de la mise en prose : le poème est actuellement inachevé, mais la rédaction en prose a pu se fonder sur un manuscrit complet. Elle abrège le texte en vers, mais sans aucun dommage.

3 manuscrits (sigles de Södergard) :

(1) London, BL, Add. 70513 (anc. Loan 29/61) (W, seul manuscrit connu par Meyer) ; (2) Paris, BnF, fr. 1416 (P) ; (3) Vaticano, BAV, Reg. lat. 489 (V)

édition

Ö. Södergard 1948, La vie dEdouard le Confesseur (Poème Anglo-Normand du xiie siècle), Uppsala, Almquist & Wiksell

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(C) histoire de la prose :

Aucune diffusion ultérieure.

(D) bibliographie

(1) édition

P. Meyer 1911, « Notice du ms. Egerton 745 du Musée Britannique. Appendice. Vie en prose de saint Édouard, roi dAngleterre », in Romania, 40, p. 41-69 (p. 41-64) [éd. partielle : f. 91r-97r ; f. 113v-121v ; incipit de chaque miracle post mortem]

(2) bibliographie critique

M. D. Legge 1950, Anglo-Norman Literature in the Cloisters. The Influence of the Orders upon Anglo-Norman Literature, Edinburgh, Edinburgh University Press, p. 80-82

M. D. Legge 1963, Anglo-Norman Literature and its Background, Oxford, Oxford University Press, p. 60-66 (p. 65)

J. Backhouse 1997, The Illuminated Page. Ten Centuries of Manuscript Painting in the British Library, London, British Library, n. 76, p. 96-97

A. Stones 1998, « The Stylistic Context of the Roman de Fauvel, with a Note on Fauvain », in Fauvel Studies. Allegory, Chronicle, Music and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français 146, Oxford, Clarendon Press, p. 529-567 (p. 549, 550)

J. K. Golden 2002, « Images of Instruction, Marie de Bretagne and the Life of Saint Eustache as Illustrated in British Library, Ms Egerton 745 », in Insights and Interpretations. Studies in Celebration of the Eighty-fifth Anniversary of the Index of Christian Art, Princeton, Princeton University Press, p. 60-84

S. Waugh 2004, « The Lives of Edward the Confessor and the Meaning of History in the Middle Ages », in The Medieval Chronicle III. Proceedings of the 3rd International Conference on the Medieval Chronicle. Doorn / Utrecht 12-17 July 2002, Amsterdam – New York, Rodopi, p. 199-218

D. W. Russell 2009, « The Cultural Context of the French Prose remaniement of the Life of Edward the Confessor by a Nun of Barking Abbey », in Language and Culture in Medieval Britain. The French of 345England c. 1100-c. 1500, University of York, York Medieval Press – Boydell Press, p. 290-302 (p. 290)

R. H. Rouse – M. A. Rouse 2010, « French Literature and the Counts of Saint Pol, c. 1178-c. 1377 », in Viator, 41, p. 101-140 (p. 118-122)

D. Farmer 2011, « Edward the Confessor », in Oxford Dictionary of Saints, Oxford, Oxford University Press, p. 138-139

A. Stones 2013, Gothic Manuscripts 1260-1320, London, Harvey Miller, I/1, p. 104, 119 ; I/2, p. 62, 132, 137 ; II/2, p. 93, 249-257

B. Ferrari 2014, « Réécritures en prose de poèmes hagiographiques français. Premier recensement », in Pour un nouveau répertoire des mises en prose : roman, chanson de geste, autres genres, Paris, Classiques Garnier, p. 151-163

C. Turner Camp 2015, « The Limits of Narrative History in the Written and Pictorial Lives of Edward the Confessor », in Anglo-Saxon Saints Lives as History Writing in Late Medieval England, Cambridge, Brewer, p. 133-172