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Classiques Garnier

(Roman des) sept sages de Rome (Rss) (version « D »)

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(ROMAN DES) SEPT SAGES DE ROME (RSS) (VERSION « D »)

(Marco Maulu)

(A) la prose

auteur : anonyme

dédicataire : non mentionné

datation : xve siècle

manuscrit unique :

Paris, BnF, fr. 5036 (ms D de léd. Paris 1876, Gallica), f. 42r-72v. Seconde moitié du xve siècle. Papier ; 322 f. + 3 f. de garde au début et 2 à la fin ; 285 x 205 mm ; texte sur longues lignes, en nombre très variable : 27 au f. 1, 32 au f. 42r ; plusieurs mains, dont une pour le RSS. Nombreux filigranes ; f. 12 : trois fleurs de lys, surmontées dune couronne, pied (proche de Piccard 128401, Xanten, 1463 ; et 128409, Arnhem, 1473-1474) ; f. 14, 73, 225, 235, 284 : licorne simple (Briquet 18018, Rouen, 1454). Filigrane partiellement découpé au f. 41, intègre aux f. 126, 308, 322 : tête de bœuf surmontée dune tige se terminant par une étoile (proche de Briquet 14265, Bourges, 1458). F. 103, 208 : deux fleurs de lys et deux poissons à lécu écartelé (proche de Piccard 128371, Köln, 1480) ; f. 122, peu visible : trois fleurs de lys, au-dessus lettres ou marque (cf. Piccard 128431, Friedberg, 1478 [douteux]). Dautres filigranes aux f. 172, 175 (cruche avec couvercle à une anse, Piccard 31224, provenance non précisée, 1481) ; f. 207 (pape, Briquet 7550, Troyes, 1459) ; f. 229 (lettre P gothique à fleuron à quatre feuilles, proche de Briquet 8625, La Fère, 1484). Numérotation (parfois double) à lencre, en chiffres arabes. Annotations marginales au début de chaque 326conte du RSS,de la main du scribe. Lettrine rouge de 4 UR au débutdes Sept Sages (f. 42r) ; pieds-de-mouche. Les f. 7, 12 à 14, 23, 24, 41, 73, 116, 172, 179, 196, 208, 229, 284, 291, 292, 303, 309 sont blancs. Talon entre les feuillets 302 et 303. Réclames. Traces de réglure à lencre rouge et noire. En bas du f. 1r : « illustra Deus oculum », devise du poète et bibliophile rouennais Louis Martel (xvie siècle), auquel D a dû appartenir. Le volume a appartenu ensuite à la famille Bigot (Delisle 1877, n. 235). Reliure moderne en carton en mauvais état.

Contenu : les f. 2 à 40v sont occupés par de documents historiques et politiques datant dentre 1435 et 1466. Suivent : Sept sages de Rome (f. 42r-72v) ; Histoire de Barlaam et du roy Josaphat en prose (f. 74r-103r) ; Miroir de lâme en prose (f. 103v-115v) ; Vie de saint Anthoine de Pade (f. 117r-125r, en huitains de décasyllabes) ; Simon Greban, Complainte des trois estaz de France de la mort du roy Charles dernier passé [Charles VII] (f. 126r-139v, en couplets doctosyllabes) ; Guillaume Alexis, Les Fainctes du monde (f. 140r-155r, en octosyllabes). Les f. suivants sont occupés surtout par des textes édifiants : Significacions… de la messe (f. 156r-171r, en prose) ; Arrêt du parlement de Paris… contre Louis de Luxembourg (19/12/1475, f. 173r-178v) ; Échelle de charité (f. 180r-195r, en prose) ; Trespassement Nostre Dame (f. 197r-207r, en prose) ; Compassio beate Marie circa crucem (f. 209r-215r) ; Conte dévot… dune « dame… de Boullenoiz et dun chevalier » [Jean de Saint-Quentin, Le Dit des annelés] (f. 216r-225v, en alexandrins monorimes). Des textes latins en prose et en vers ont été copiés entre le f. 209r et le f. 235r, suivis du Jeu des échecs moralisés (f. 236r-283r, prose) et dune Histoire dHérodes, de Judas et de Pilate (f. 285r-290v, en prose). Dautres textes historiques en français ont été insérés jusquà la fin du codex (f. 322).

Le RSS et lHistoire de Barlaam et du roy Josaphat ont été transcrit lun après lautre par le même copiste ; la transcription du deuxième texteest cependant moins soignée (réserves pour les lettres capitales restées vides, notamment linitiale de 5 UR, lettrines non rehaussées en rouge, pas de pieds-de-mouche). La proximité de ces deux textes en prose relève de leur provenance orientale commune et dune tradition littéraire, didactique et sapientielle similaire (cf. Y. Foehr-Janssens, « De Jérusalem à Rome. Le Roman des Sept Sages dans le manuscrit de Paris, BnF fr. 1553 », in DOrient en Occident : les recueils de fables enchâssées avant les Mille et une Nuits de Galland (Barlaam et Josaphat, Calila et Dimna, Disciplina 327Clericalis, Roman des sept sages), Turnhout, Brepols, 2014, p. 329-349). Comme le ms BnF fr. 1553, le ms D transmet non seulement lHistoire de Barlaam et du roy Josaphat, mais égalementune Vie de Pilate.

incipit : « Jadis aprés la destruction de Troye la grant fut par une nourrice saulvé Marcomeris, fils de Priamus et frere de Paris, et fut par ladicte nourrice aporté à Romme et depuis en Constantinopole [sic] … » (f. 42r).

explicit : « … Quant ces choses furent ainsi faittes et accomplies, lempereur ama et chiery son enfant et ses maistres tout son vivant, et donna à chascun des maistres grans tresors et grans richesses, et retourna chascun en son pays et en son lieu. Explicit des sept sages de Romme » (f. 72v).

L. Delisle 1877, Bibliotheca Bigotiana manuscripta. Catalogue des manuscrits rassemblés au xviie siècle par les Bigot, mis en vente au mois de juillet 1706, aujourdhui conservés à la Bibliothèque nationale,Rouen, Doissel, n. 235, p. 63-64

Notices en ligne :Archives et Manuscrits ;Jonas

organisation du texte

Titre :Sept sages de Romme (f. 72v). Le texte est réparti en 15 unités narratives correspondant à chaque exemple ; celles-ci sont signalées par des lettres majuscules précédées de pieds-de-mouche et accompagnées de rubriques marginales. Ces rubriques, insérées aux f. 44r, 44v, 46v, 48r, 50r, 51v, 53r, 55v, 57r, 57v, 59v, 60v, 61v, 64v, 66v, 68v, énumèrent régulièrement les contes narrés par chaque personnage (par ex. f. 44r « Le premier exemple par la dame » ; f. 44v « La response Boucillas contre la premiere adventure » etc.). Cette typologie dannotation marginale est fréquente dans la tradition occidentale et française des Sept sages, dans la mesure où elle permet au lecteur de mieux se repérer dans une narration complexe, articulée entre récit cadre et un nombre variable de contes brefs. Elle permet aussi une lecture sélective et/ou discontinue du recueil.

Prologue :

Jadis aprés la destruction de Troye la grant fut par une nourrice saulvé Marcomeris, fils de Priamus et frere de Paris, et fut par ladicte nourrice aporté à Romme et depuis en Constantinopole, et luy venu en eage et en estat de discrecion, obtint lempire de Romme et de Constantinopole et fut roy de 328France, et print par mariage la fille du roy de Cartage, qui moult estoit noble dame, sage et de bon gouvernement ; et durant leur mariage eulrent ung filz de belle venue. Et lui estant de leage de sept ans environ, la dame alla de vie à trespas, aprés le trespassement de laquelle ledit empreur [sic] et roy manda en Constantinopole où il estoit les sept sages de Romme, cest assavoir Bencilas, Lentulus, Cathon, Mauquidas, Gessé, Aussire, Meros. Auquelz .vii. sages il bailla sondit filz pour aprendre les .vii. ars, lesquelz se submirent de lui aprendre tout, cest assavoir : ledit Bencilas en .vii. ans, ledit Lentulus en six ans, ledit Cathon en .v. ans, ledit Mauquidas en quatre ans, ledit Gessé en .iii. ans, ledit Aussire en .ii. ans et ledit Meros en ung an ; et lenmenerent à Romme, et proffita moult es ars (f. 42r).

Épilogue :

Quant lempereur lentendit, il fut tant courrouché quil ne sçavoit que faire ne que dire, car pour riens ne se voulsist desdire de chose quil eust accordee. Lenfant, qui plain de grant sens estoit, sailli avant et dist oyans tous : « Seigneurs, dist il, vecy ung droit dyable que de ceste femme ; pour Dieu ostez la moy, car je dis et puis prouver par raison que mon pere lempereur est ame et os et char, ne encores nest ce pas terre : cela peult on veoir et jugier à loeul ; mais quant le corps sera trespassé, mis en terre et tourné en corrupcion et pourriture, adoncques sera il terre excepté les os qui encores ne le seront pas ». Les barons et tous ceulx qui là estoient se accorderent generalement au dit et opinion de lenfant, parce quil leur sambloit que il disoit droit et raison. Lors fut la dame saisie et dedens le feu jettee, arse et broye sans mercy ne dilacion aucune. Quant ces choses furent ainsi faittes et acomplies, lempereur ama et chiery son enfant et ses maistres tout son vivant, et donna à chascun des maistres grans tresors et grans richesses, et retourna chascun en son pays et en son lieu (f. 72r-72v).

La prose se distingue du modèle K (voir infra) sous plusieurs aspects : au niveau du récit-cadre, on remarque en premier lieu la présence du roi Marcomeris, fils de Priam, qui règne à Constantinople, à Rome et en France, tandis que dans K cest Vespasien qui règne sur Rome tout en sétablissant à Constantinople. Dans les deux cas, lépouse décédée après six (K) ou sept (D) ans de vie de leur enfant est la reine de Carthage. En général, D se borne à présenter les évènements en omettant des détails tels que la maladie du roi, la tour où les sages enferment le prince afin de le protéger des tentations, ou lanecdote de la feuille cachée sous le lit de lenfant qui lempêche de dormir et qui relève de la tradition orientale. La succession des récits coïncide jusquà Puteus ; pour la suite, lordre est modifié : dans DSapientes, Roma et Gaza remplacent, respectivement, Roma, Gaza et Sapientes de K.

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Les quatre derniers contes (Vidua, Virgilius, Inclusa et Vaticinium) sont les mêmes dans les deux versions. La conclusion diffère : dans D, comme dans les versions L et S du (Livre des) Sept Sages de Rome (LSS), on a recours à lescamotage du combat judiciaire, mais à la différence de L et S, où le prince peut compter sur un champion, dans D le garçon se bat lui-même contre le champion de limpératrice. En outre, par suite dune embuscade, le duel est interrompu par une scène de bataille inspirée de la tradition épique. Avant dêtre condamnée au bûcher, limpératrice demande deux dons : « La plus chiere toise de terre pour estre arse avec elle » (éd. Paris 1876, p. 54) et la grâce. Encore une fois, cest le prince qui, à travers son discours, fera condamner à mort la marâtre.

(B) la source

La plus ancienne version française est la version dite : 5068 octosyllabes à rimes plates, datant du dernier quart du xiie siècle. Probablement lauteur était originaire de lOuest.

manuscrit unique : BnF, fr. 1553, f. 338vb-367va (recueil de la fin du xiiie siècle, Gallica)

Une version mixte en vers et en prose se lisait dans le ms de Chartres, BM, 620, f. 27-44, détruit sous les bombardements de 1944 (version dite C). Une partie de cette rédaction, déjà lacunaire avant les bombardements, a survécu grâce à la transcription diplomatique de Hugh A. Smith (H. A. Smith, « A Verse Version of the Sept sages de Rome », in Romanic Review,3, 1912, p. 1-67). Smith (p. 4) observe que « C undoubtedly represents fairly well this model of D ». En revanche, selon Speer – Foehr-Janssens 2017 (p. 22) « C et D dépendent tous deux dun modèle α perdu », une opinion que nous partageons.

éditions

H. A. Keller 1836, Li romans des sept sages,nach der pariser Handschrift, Tübingen, Fues

J. Misrahi1933, Le roman des sept sages, Paris, Droz, 1933 (Genève, Slatkine, 1975)

M. B. Speer 1989, Le roman des Sept Sages de Rome : A Critical Edition of the two Verse Redactions of a twelfth-century Romance, Lexington, French Forum

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M. B. Speer – Y. Foehr-Janssens 2017, Le roman des Sept Sages de Rome. Édition bilingue des deux rédactions en vers français, Paris, Honoré Champion [édition de référence]

(C) histoire de la prose

Aucune diffusion ultérieure.

(D) bibliographie

(1) éditions

G. Paris 1876, Deux rédactions du Roman des Sept Sages de Rome, Paris, SATF, p. 1-54

L. Constans 1906, Chrestomathie de lancien français (ixe-xve siècles), précédée dun tableau sommaire de la littérature française au Moyen Âge et suivie dun glossaire étymologique détaillé, Paris – Leipzig, Welter, p. 86-88 [conte Virgilius]

(2) bibliographie critique

R. Colliot 1987, « La mauvaise vieillesse des Sept sages de Rome », in Vieillesse et vieillissement au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, p. 55-71

M. B. Speer – Y. Foehr-Janssens 2017, Le roman des Sept Sages de Rome. Édition bilingue des deux rédactions en vers français, Paris, Honoré Champion, p. 22