Aller au contenu

Classiques Garnier

Empereur Constant

85

empereur Constant

(Alessandro Turbil)

(A) la prose

auteur : anonyme

dédicataire : non mentionné

datation : deuxième moitié du xiiie siècle

manuscrit unique :

Paris, BnF, fr. 24430 (Gallica). Parchemin ; 355 x 255 mm ; 181 f. + 4 f. de garde au début et à la fin ; texte distribué sur deux (f. 60r-124r et 145r-181r) ou trois colonnes (f. 1r-58v et 124v-144r) denviron 52 lignes chacune. Orné de grandes initiales, le manuscrit a été mutilé à la fin. Il contient les ouvrages suivants : f. 1ra-58vb, Cleomadés dAdenet le Roi ; f. 60ra-81ra, Récits dun ménestrel de Reims ; f. 81ra-112va, Vie des Pères en prose ; f. 113ra-116rb, Chroniques de Tournay dites aussi Buscalus ; f. 117ra-124rb, Vie de saint Lehire [= Éleuthère, évêque de Tournai] ; f. 124rb-144ra, Eracle de Gautier dArras ; f. 145ra-150va, Lettre de Jean de Villiers sur la prise dAcre ; f. 151ra-169ra, Chroniques de Tournay (deuxième partie) ; f. 170ra-175vb, Li contes dou rois Flore et de la bielle Jehanne ; f. 176ra-178ra, Li Contes dou roi Constant lempereur en prose ; f. 178ra-181ra, Li estoire dou roi Labiel et du roi Laban.

Ce recueil factice a été exécuté en Flandre à la fin du xiiie siècle ou au début du xive (cf. Coveney 1955, p. 8). Ex-libris du xve siècle au f. 181v : « Ce livre chy est a Vilamme de Le Mote grant ballit de le Bierne… » ; « Ce livre chy est a Michiel de Le Fontaine » ; « Iste liber pertinet Michaely de Fonte… ».

Au xviie siècle le codex a appartenu au Cardinal de Richelieu, dont les armes sont gravées sur la reliure de maroquin rouge. Il fut légué 86ensuite à la Bibliothèque de la Sorbonne (ancienne cote sur le premier f. de garde : « Sorb. 454 »).

incipit : « Cis contes nos fait mention ki fu jadis emper[er]es de Bisanche, ki ore est apielee Coustantinoble, mais ancienement iert elle apiellé Bisanche. Il ot jadis ancienement en ceste cité un empereour ; paiiens estoit et fu tenus a sages de sa loi » (f. 176ra).

explicit : « … Et engendra li enpereres Coustans en sa fame un oir marle ki ot a non Coustentins, ki fu puis mout preudom. Et si fu puis la cités apielee Coustantinoble, pour son pere Coustant ki tant cousta, ki devant avoit esté apielee Bisanche. Si finist chi atant li contes dou roi Coustant lempereur » (f. 178ra).

P. Cifarelli 2017, « Récits brefs et mise en prose », in Raconter en prose, xive-xvie siècle, Paris, Classiques Garnier, p. 303-324 (p. 305-306)

Notices en ligne : Archives et Manuscrits ; Jonas

organisation du texte

Le titre napparaît pas en tête du texte (f. 176ra : « Cis contes nos fait mention ki fu jadis emper[er]es de Bisanche »), mais il figure dans lexplicit : « li contes dou roi Coustant lempereur » (f. 178ra).

Le texte est réparti en paragraphes, chacun introduit par une lettrine ; cette division coïncide habituellement avec la disposition des initiales décorées dans le seul manuscrit conservé du poème (Copenhague, KB, GKS 2061 4o). Lorganisation du récit est identique à celle du Dit en vers quant aux faits essentiels ; le prosateur sen éloigne néanmoins pour quelques épisodes, où son récit est nettement plus vivant (cf. le passage où lempereur se moque des chrétiens devant labbé, ou lorsque Constant porte avec lui la lettre qui contient lordre de sa mort).

Le rapport entre le Dit et le Conte nest pas entièrement éclairci. Selon Söderhjelm, le Conte est probablement un remaniement du Dit (Söderhjelm 1910, p. 15-19). Tout en avançant lhypothèse de deux récits indépendants lun de lautre – le Dit et le Conte pourraient alors dériver dune source commune – Coveney souligne la proximité entre la prose et le texte du ms de Copenhague en relevant en particulier des expressions identiques dans six passages (Coveney 1955, p. 85-88 et p. 90). Selon Cifarelli, les traces de vers et de rimes quon peut identifier dans le Conte sont lindice 87ultérieur que celui-ci est bien une mise en prose, sans exclure néanmoins lexistence dune version non conservée du poème qui aurait servi de base pour le récit en prose (Cifarelli 2017, p. 314-315).

Lauteur du Conte demeurant anonyme, il sagit vraisemblablement dun clerc, peut-être un moine, assez versé dans la langue juridique : la prose accentue encore lopposition entre paganisme et christianisme et fait recours à un vocabulaire plus précis que le modèle en vers (Coveney 1955, p. 98-100).

La prose ne contient pas de prologue.

Épilogue :

Apriés çou, fist li enpereres Coustant, son nouviel fil, chevalier, ki estoit maris sa fille, et li douna et otria toute sa tiere apriés son deciés. Et cil Coustans le tint bien et sagement conme boins chevaliers et preus et hardis, et se deffendi mout bien de ses anemis. Si ne demora pas lontans ke ses sires li enpereres moru ; et fu ses siervices fais selonc la loi paiienne mout ricement. Et li enpereres Coustans fu enpereres. Si ama mout et onoura labé ki lavoit nori, et le fist tout segnour de lui. Et fist li emper[er]es Coustans, par le consel labé et par le volenté de Dieu le tout poisant, sa fame crestiiener ; et tout cil de la tiere furent convierti a la loi Jhesucris. Et engendra li enpereres Coustans en sa fame un oir marle ki ot a non Coustentins, ki fu puis mout preudom. Et si fu puis la cités apielee Coustantinoble, pour son pere Coustant ki tant cousta, ki devant avoit esté apielee Bisanche. Si finist chi atant li contes dou roi Coustant lempereur (f. 178ra).

(B) la source

Li dis de l empereour Constant, histoire fabuleuse de la naissance et jeunesse de lempereur Constant (630 vers octosyllabiques à rimes plates) ; xiiie siècle.

manuscrit unique : Copenhague, KB, GKS 2061 4o (f. 149vb-154ra ; en ligne). Parchemin ; 247 x 170 mm, 161 f., 2 colonnes de 36 lignes chacune, réglures tracées à la pointe sèche. Datable au second tiers du xive siècle, réalisé dans le nord de la France ; le f. 1r (début du Roman de la Rose) est le seul décoré : miniature représentant lauteur endormi, grand « M » (4 UR), marges ornées.

88

éditions

A. Wesselofsky 1877, « Le dit de lempereur Coustant », in Romania, 6, p. 161-198

J. Coveney 1955, Édition critique des versions en vers et en prose de La légende de lempereur Constant avec une étude linguistique et littéraire, Paris, Les Belles Lettres

(C) histoire de la prose

La prose na connu aucune diffusion ultérieure.

(D) bibliographie

(1) éditions

L. Moland – C. d Héricault 1856,Nouvelles françoises en prose du xiiie siècle publiées daprès les manuscrits avec une introduction et des notes, Paris, Jannet

J. Coveney 1955, Édition critique des versions en vers et en prose de La légende de lempereur Constant avec une étude linguistique et littéraire, Paris, Les Belles Lettres

(2) bibliographie critique

Cl.-Ch. Fauriel 1847, « Baudouin Butors, auteur de romans en prose », in Histoire Littéraire de la France, 21, p. 565-573

A. Wesselofsky 1875, « Constantinische Sagen », in Russische Revue, 6, p. 178-207

A. Wesselofsky 1877, « Le dit de lempereur Coustant », in Romania, 6, p. 161-198

E. Kuhn 1895, « Zur byzantinischen Erzählungsliteratur », in Byzantinische Zeitschrift, 4, p. 241-249

W. Söderhjelm 1910, La nouvelle française au xve siècle, Paris, Honoré Champion, p. 15-19

S. M. Taylor 1980, « Constantine the Great : Folk Hero of the Fourth Crusade », in Neophilologus, 64, p. 32-37

K. Krause 2009, « Édifier, moraliser et plaire : les Vraies Cronikes de 89Tournai et le manuscrit Paris, BnF, fr. 24430 », in Archives et manuscrits précieux tournaisiens, Tournai – Louvain-la-Neuve, Archives de la Cathédrale – UCL, p. 85-94

P. Cifarelli 2017, « Récits brefs et mise en prose », in Raconter en prose, xive-xvie siècle, Paris, Classiques Garnier, p. 303-324