Hommage
À Jean-Claude Boulanger

Jean-Claude Boulanger nous a quittés le 19 janvier 2018, après une longue maladie.

Jean-Claude Boulanger était non seulement membre du comité de lecture de Neologica et l’auteur d’un article marquant sur les bibliographies de la néologie (paru en 2008 dans le volume 2 de la revue), répertoires indispensables qu’il avait lui-même conçus, mais il était aussi – et surtout – un des pères des études de néologie.

Membre de la Régie de la langue française (aujourd’hui l’Office québécois de la langue française) à l’époque héroïque, il baignait dans un milieu où terminologie et néologie ne faisaient qu’un. Pris d’un ardent désir de théoriser son expérience d’aménageur de la langue, il a accepté un poste de professeur à l’Université Laval, où il a exercé pendant plus de 30 ans. C’est pendant cette période qu’il a développé des activités de lexicographe, qu’il a menées à la tête d’une équipe de linguistes aguerris. Mieux que quiconque, Jean-Claude Boulanger a réussi la synthèse idéale de la linguistique appliquée entre théorie et pratique. S’appuyant sur une étude approfondie et pluridisciplinaire de la langue en général et du lexique en particulier, il était en mesure d’intervenir dans la société pour résoudre les problèmes ayant une dimension langagière. C’est ainsi qu’il a conçu la socioterminologie, comme démarche en prise directe avec les besoins des utilisateurs. Si, aujourd’hui, on ne saurait imaginer une terminologie qui ne tiendrait pas compte de la dimension sociale, c’est largement grâce à ses initiatives.

Ce sont sans doute ses activités d’aménageur qui lui ont fait prendre conscience de l’importance d’un suivi régulier des études en la matière, théoriques et pratiques, et c’est dans cet esprit d’outillage de la recherche que Jean-Claude Boulanger a conçu la Bibliographie de la néologie, publiée pour la première fois en 1981 par l’Office de la langue française. Une deuxième édition, réalisée avec la collaboration de Roselyne Turcotte, a vu le jour en 1990. Les bibliographies ont été maintenues dans les 244différents organes du Réseau international de néologie et de néologie, ou Rint, par le biais de la revue Terminologies nouvelles, et ensuite sous l’égide du Réseau international francophone d’aménagement linguistique, ou Rifal, dans les Cahiers du Rifal. La poursuite de la bibliographie de la néologie fait partie des missions de Neologica, et depuis le premier numéro en constitue une rubrique régulière. Encore une réalisation qui perpétue sa mémoire.

Au Québec, Jean-Claude Boulanger est connu du grand public comme auteur du Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, dont la publication, en 1992, a défrayé la chronique. S’il est largement admis aujourd’hui que ce dictionnaire a ouvert le chemin à la reconnaissance d’une norme québécoise, il a été la cible, ainsi que son concepteur, de nombreuses critiques, y compris de la part des instances officielles. Notre lexicographe a répondu à ses détracteurs avec conviction, courtoisie… et courage.

Ses liens avec la France et les institutions française de lexicologie, de lexicographie et de néologie furent nombreux et variés. Un des auteurs de ces lignes se souvient de sa première visite à l’Institut national de la langue française (INaLF) dans ses locaux de Villetaneuse, Université Paris 13, où se déroulait à l’époque (les années 1970) l’essentiel des activités de néologie (la base Bornéo était déjà en préparation !). Gabrielle Quemada, responsable du pôle néologie, qui faisait la visite, s’est tout de suite rendu compte qu’elle avait affaire à une âme sœur, un chercheur, un scientifique et un passionné du lexique. Ils ne se sont pas quittés de la journée.

Jean-Claude Boulanger nous a quittés et le chagrin est immense. Mais son héritage est vivant, et se manifeste, entre autres, dans les missions scientifiques de cette revue.

John Humbley
et Jean-François Sablayrolles