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Classiques Garnier

Comptes rendus

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Neologica
    2010, n° 4
    . Revue internationale de néologie
  • Auteurs : Sablayrolles (Jean-François), Fabre (Gilbert), Steuckardt (Agnès), Michot (Nicolas)
  • Pages : 235 à 246
  • Revue : Neologica
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812442308
  • ISBN : 978-2-8124-4230-8
  • ISSN : 2262-0354
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4230-8.p.0235
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 15/02/2011
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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— Lisyova, Olga, «  Integraciôn de los anglicismos en espanol (el caso de los adjetivos derivados a partir de los anglicismos)  », p. 1001-1011.
— Marâdi, Krisztina, « Néologie dans le langage juridique  », p. 1013-1023. —Messina Fajardo, Luisa A., « Neologismo y fraseologia  », p. 1025-1038.
— Montané March, M. Amor ; Ramis Llaneras, Josep M., «  Un pern del mecanisme. La creaciô neoldgica en Antdnia Font  », p. 1039-1053.
— Panculescu, Dorina; Ionescu, Ileana Alice, «  Le roumain après 1990  : créations néologiques expressives  », p. 1055-1064.
— Prestigiacomo, Carla, «  El alquimista de la palabra  : Procedimientos neolôgicos en las novelas de Gômez de la Serna  », p. 1065-1077.
— Regis, Riccardo, « Per uno studio del linguaggio della critica musicale italiana l'apporto neologistico  », p. 1079-1094.
— Stoichitoiu-Ichim, Adraina, «  Un aspect socio-linguistique de la neologie  : la feminisation des noms de profession en roumain contemporaine  », p. 1095-1105. — Tomescu, Emilia Domnita, « Les néologismes déonomastoiquesdavs le langage politique roumain  », p. 1107-1116.
Section 6  : Projets
—Bernard-Beziade, Mélanie, « Les anglicismes du sport en français  : valeurs sociales et sociolinguistiques  », p. 1119-1128.
— Cartoni, Bruno «  La traduction automatique des néologismes construits  »,
p. 1129-1140.
— Cougnon,Louise-Amélie;Fairon,Cédrick,«  Lanéologiedansl'écrit«  spontané » étude d'un corpus de SMS en Belgique francophone  », p. 1141-1155.
—Fuentes, Mary; Gerding, Constanza; Canete, Paola; Pecchi, Alma; Kotz, Gabriela, «  Neologia léxica en prensa escrita chilena  », p. 1157-1163.
— Issac, Fabrice; Benhariz Ouenniche, Soundous, « Telanaute  : url outil de veille lexicale  », p. 1165-1173.
—Janssen, Maarten, « NeoTrack— on Online Neologism Tracker  », p 1175-1188. — Martinez Lanzân, Gloria, « Los neologismos en et dominio vitivinicola  »,
p. 1189-1200.
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COMPTES RENDUS

ARRIVÉ, Michel 2de édition de Verbes sages et verbes fous, Belin, coll. «  Le Français retrouvé  », 286 pages, mars 2010.
Le livre de Michel Arrivé Verbes sages et verbes fous, dont nous avions fait un compte rendu de la 1~° édition (chez Lambert-Lucas) dans Neologica 1, a été réédité, corrigé et augmenté de 90 notices (250 au lieu de 160) en 2010 dans la collection Le Français retrouvé des éditions Belin.
L'avant-propos a été légèrement étoffé avec quelques développements supplémentaires sur la « futurologie linguistique  » au sujet des erreurs de prévision des linguistes sur l'avenir des mots (d'où le refus de l'auteur de se prononcer sur l'avenir de talibaner ou d'autres verbes), sur l'expansion de la créativité lexicale sur internet, sur la multiplication des mutations syntaxiques de néologismes avec de nouveaux exemples (styler votre salon, votre coiffure...), sur les réflexions épilinguistiques et les marques dont un auteur de néologismes entoure, ou pas, sa/ses créations (les guillemets entre autres), sur des domaines actuellement productifs (l'informatique et la crise financière) alors que l'auteur n'a pas choisi de privilégier un secteur du lexique a priori, etl'avant-propos se clôt sur l'ajout d'un appel aux lecteurs à communiquer informations, remarques, avis.
On signale souvent les ajouts, moins souvent les suppressions. Nous en avons relevé une (dé(s)apprécier) et une inversion d'entrée pour manager et gérer. Quelques modifications, peu nombreuses, ont aussi été apportées à des notices reprises. Ainsi ont été ajoutés un renvoi interne à composter et filmer à la fin de la rubrique engueuler, le verbe dîner à la rubrique déjeuner, le verbe fichtre à la rubrique ficher, le verbe sarkoryser à la rubrique pohériser, rocardiser, le verbe talibaniser à la rubrique talibaner, le verbe tégéver à la rubrique turboter. Mais ce sont bien sûr les ajouts de rubriques qui retiennent l'attention. On trouve des emplois particuliers, des doublets, des curiosités étymologiques ou historiques, mais essentiellement des néologismes. Voici la liste des ajouts  :agonir et agoniser, anonymes, anonymiser et désanonymer, badges, bidouiller, boboïser, bordéliser, bossnapper et dognapper, brader, cafter et cafeter, candidates, canuler, capter, (se) casser, césariser, chambrer, chiner, chinoiser et siniser, clopes, cuisiner, de jeûner, débocaliser et décager, décerveler et écerveler, délocaliser, démanger, démathématiser, dérober et enrober, désinterpréter et mésinterpréter, emmontagner et démontagner, enjoindre, étonner et surprendre, focusser, formater, fragnoler, googler, googliser, dégoogler et dégoogliser, guillemeter, harceler, hasbeener, humaniser, insulter et traiter, intuiter et intuitionner, labeurer, malufer et malusser, manifer, marraines, marronnes, matches, médiques et s'automédiquer,mégot(t)er, modérer, moll~er, moraliser, mython(n)er, nettoyer, paparazzer,
Neologica, 4, 2010, p. 235-246
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peop(e)liser, pers~er, photocopiller et copiller, pirater, plast~er et plastiquer, plumer et déplumer, podcaster, ponter, prédater, psychoter et traveloter, pater, ramasser, ranger et déranger, rapter, remercier, retracer, roulotter, rupturer, sanctuariser, shopper, simbloquer et désimbloquer, sous-vider et dé-sous-vider, stigmatiser, styler, styliser, titriser, tomber, tourner, turbuler, twitter, verdir, yourser, zaper et enfin nipper.
La lecture de cette nouvelle édition est aussi passionnante que la première, même amputée des dessins de Brito. Elle révèle aussi bien des tendances linguistiques profondes dans l'évolution de la langue française et de son lexique en ce début du deuxième millénaire, que des évolutions de la société, de ses préoccupations et de ses manières de penser. Si on doit faire un reproche à ce livre, c'est de continuer à analyser dégraisser comme un parasynthétique alors que la cohérence de la terminologie linguistique aurait voulu y reconnaître un préfixé puisque le ~r est une marque flexionnelle et non un suffixe dérivationnel et que flasher a ét créé par conversion et non par suffixation.
Jean-François SABLAYROLLES
Investigaciones en neologia Codificaci6n y creatividad en lenguas romances, Re- vista de Investigaci6n Lingüistica,l2, ediciones de la Universidad de Murcia, 2009.
La revue du Département de Langue espagnole et de linguistique générale de la Faculté de Lettres de l'Université de Murcie (Espagne) couvre tous les domaines de la linguistique hispanique, sans exclusivité de méthodes, et aborde les problèmes aussi bien dans une perspective synchronique que diachronique. Elle comporte régulièrement une première partie thématique et une seconde section plus généraliste. Dans le numéro 12, cette dernière se compose de sept articles  :deux études de stylistique  : « Aproximaci6n al habla femenina del siglo XVII » de M. Dolores Boluda Rodriguez et « El lenguaje poético de la sàtira  : traducci6n al espanol de Satyrs upon the Jesuits  » de  ?~ngeles Garcia Calder6n, deux de traductologie  : «  De la (in)traductibilidad de la metàfora a la luz de alguna locuciones y unidades fraseol6gicas del espanol, fiancés y catalàn » de Rafael Cala Carjaval et « Los limites de la investigaci6n traductol6gica  » de Nicolàs Campos Plana, une de lexicographie
« Las consecuencias de las ediciones anotadas y glosadas para la lexicografia espaiïola » de M.  ?~ngeles Garcia Aranda, et une de neurolinguistique  : « Neurologia y lingüistica  : la « teoria de redes relacionales » como ana alternativa ante Chomsky  », de José M. Gil et enfin une étude de sociolinguistique « Discusi6n sobre la lengua national en Argentins
posiciones en et debate y repercusiones en la actualidad » de Maria L6pez Garcia.
Le compte rendu qu'on lira ici se rapporte au thème du numéro consacré à la néologie. Les neuf études que M. Carmen Sànchez Manzanares a réunies sous le titre Recherches en néologie. Codage et créativité dans les langues romanes concernent l'espagnol, le catalan et sa variante valencienne, mais aussi le français et un idiome rhétique, le ladino des Dolomites. Les problèmes d'identification soulevés par le concept même de néologisme appellent sans cesse de nouveaux critères et de nouvelles méthodes de travail. Les réflexions qu'apportent, à cet égard, les travaux des différents auteurs constituent une intéressante contribution non seulement aux recherches appliquées au domaine, mais d'une façon plus générale aussi à la pensée linguistique.
239 Pendant longtemps, la détection, le stockage et l'analyse des mots nouveaux se sont effectués manuellement, de façon individuelle et sur la base de critères intuitifs. L'apparition des nouvelles technologies a considérablement changé la pratique traditionnelle et ses ré- sultats. L'article de M. Teresa Cabré Castellvi et Rosa Estopà Bagot, « Trabajar en neologia con un entorno integrado en figea  : la estaci6n de trabajo OBNEO » («  Travailler en néo- logie àl'aide d'un environnement mis en ligne  : la station de travail OBNEO  »), analyse le changement méthodologique qu'a entraîné l'utilisation d'une station de travail en ligne comme celle d'OBNEO (Observatoire de Néologie de Barcelone). La possibilité de consul- ter àtravers Internet la banque de données néologiques élaborée par diverses équipes et la possibilité de dialoguer à distance à travers le moteur de recherche automatique des néolo- gismespotentiels sont des atouts d'une très grande portée pour le chercheur d'aujourd'hui.
S'appuyant sur la méthodologie d'OBNEO, Ona Domènech Bagaria et Rosa Estopà Bagot s'intéressent dans leur article, «  La neologia en textos orales  » («  La néologie dans les textes oraux  »), aux spécificités de la néologie orale par rapport à la néologie écrite. L'enquête permet d'observer que l'oralité favorise, du fait même de son caractère spontané, une créati- vité que les textes écrits ne développent pas au même degré. Cela se traduit notamment par la prédominance de la néologie syntagmatique et sémantique et un recours plus fréquent aux emprunts. Les auteurs de l'article font remarquer enfin que l'explicitation des données prag- matiques concernant l'émetteur, ici indispensable, amènera sans doute les recherches futures à mieux comprendre les origines et les motivations de la création néologique.
Dans leur article intitulé «  La composici6n culta y la neologia de la prensa escrita  » («  La composition savante et la néologie de la presse écrite  »), Gloria Guerrero Ramos et Fernando Pérez Lagos montrent que la composition savante réservée dans le passé aux langues de spécialité occupe dans les créations néologiques actuelles une place privilégiée. L'examen statistique de ce type de rénovation lexicale met en évidence l'étroitesse du lien entre langue et société. En effet, la fréquence d'emploi des compositions recensées par les auteurs dans la presse espagnole et hispano-américaine (base de données OBNEO) est souvent liée aux références culturelles propres à une zone géographique. La productivité variable des préfixes afro— et euro— est éloquente de ce point de vue. Ainsi, la formation néologique afrodescendientes, très courante en espagnol d'Amérique, l'est beaucoup moins en espagnol péninsulaire. La réalité ethnique de l'Amérique du Sud y est sans doute pour quelque chose puisque un tiers de la population latno-américaine est d'ascendance africaine. Inversement, les compositions avec euro— sont peu productives ailleurs qu'en Espagne où le formant est lié, à travers des néologismes, comme eurozona, euromediterrâneo, eurorregi6n, euroescepticismo et euroorden aux réalités politiques et économiques de l'Union Européenne dont l'Espagne fait partie.
L'article de Claire Meul et Pierre Swiggers, « Neologia y morfologia variacional verbos con infijo en et ladino dolomitico » («  Néologie et morphologie variationnelle verbes à infixe dans le ladino des Dolomites  »), analyse l'interaction entre néologie et morphologie dans un certain nombre de verbes empruntés récemment à l'italien par le ladino des Dolomites et montre, en particulier, que la complexité dialectale que cette langue minoritaire présente sur le plan de la morphologie verbale tient à des facteurs sociolinguistiques. La plupart des verbes néologiques du corpus étudié s'intègrent dans la flexion paradigmatique caractérisée par l'infixe —ID(I) —. Cette tendance varie cependant d'une vallée à l'autre. Dans le Trentin et la province de Belluno où le ladino ne s'enseigne pas à l'école, le patron infixal est moins récurrent. C'est surtout dans la province de
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Bolzano où cette langue est enseignée à l'égal de l'allemand et de l'italien que les sous- groupes du ladino, tels le badiote, le gardenois ou le mareban font un usage majoritaire de l'infixe en question. Cette particularité micro-régionale indique que l'infixe —ID(1) —joue pour l'utilisateur du ladino un rôle démarcatif face à l'italien.
J.-F. Sablayrolles dans son article « Néologisme ou pas ? Essai de clarification de quelques problèmes d'incorporation » , traduit par M. Carmen Sànchez Manzanares en espagnol, apporte une réflexion nuancée sur les outils informatiques qui ont permis de dépasser les limites dans lesquelles l'intuition fragile et variable a longtemps enfermé les lexicologues et lexicographes enquêtant dans le domaine de la néologie. J.-F. Sablayrolles constate avec pertinence que ces outils indispensables n'offrent pas de réponses automatiques à la question de savoir, par exemple, si telle lexie fait partie du vocabulaire courant, n'en fait pas partie ou pas encore. Notre collègue y voit deux raisons  :d'une part, les réalités hétérogènes auxquelles correspondent les chiffres bruts, ce qui nécessite de questionner la nature des sources et ce à quoi elles renvoient; d'autre part la difficulté de tracer la frontière entre ce qui est accidentel et général dans la mesure où il existe un continuum entre les deux pôles. Aussi J : R Sablayrolles recommande-t-il d'associer en permanence « l'esprit de finesse » à« l'esprit de géométrie  ». C'est dans cette perspective que sont questionnés des néologismes plurilexicaux tels que composés, synapsies, etc. L'auteur insiste sur la nécessité de les soumettre à une analyse rigoureuse pour vérifier s'il s'agit de lexies ou de syntagmes dépendant de règles syntaxiques. Ces précautions prises, on peut alors faire appel à l'outil informatique pour établir des critères de fréquence qui permettent, en cas de doute, d'apprécier le degré de lexicalisation de père célibataire, par exemple, mais aussi celui de la création néologique nouveau père. Ce dernier cas, sans doute le plus intéressant en raison de sa capacité à transcrire dans le lexique une évolution récente de la société, suscite toutefois une interrogation dont je voudrais faire part à notre collègue, car celle-ci va dans le sens de ses préoccupations et du questionnement exigeant qu'il appelle de ses voeux pour compléter les résultats fournis par les nouvelles technologies. Qu'en sera-t-il de cette séquence si la prochaine génération ne connaît plus que la manière d'assumer la paternité de ces nouveaux pères d'aujourd'hui ? Le terme nouveau pourra-t-il encore subsister ? La réponse évidente que l'on peut faire à de telles questions n'implique-t-elle pas alors que le lexème « nouveau » de l'actuel néologisme en voie de lexicalisation n'est pas vraiment figé et ne le sera probablement jamais ? N'auralt- onpas affaire ici à un exemple de néologisme dont le sort serait réglé par des phénomènes de transition, au codage encore assez mal définis, propres à toute civilisation ?
M. Carmen Sànchez Manzanares dans son article « Procedimientos tr6picos en la néologia semàntica  : sistematicidad y creatividad  » («  Procédés rhétoriques en néologie sémantique  : systématicité et créativité  ») observe que le néologisme sémantique doit son existence à la polysémie au même titre que n'importe quel trope, ce qui permet d'identifier le concept de néologie sémantique à la notion de figure de style. C'est pourquoi l'auteur propose d'appeler « néologie rhétorique » toute rénovation lexicale résultant d'une modification du signifié par métaphore, métonymie, ellipse métonymique ou synecdoque. L'article privilégie le procédé métonymique, néologiquement très productif, car il concerne la référence, donc le nominalisable. À la suite des travaux de M. Le Guern et de M. Bonhomme', l'auteur rappelle que la réutilisation d'unités lexicales pour nommer un
1 Uoir M. Le Guern, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris  :Larousse,
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objet n'ayant pas de nom dans la langue relève du principe d'économie linguistique. Plutôt que de recourir à une périphrase, la langue préfère souvent désigner l'objet problématique par un autre en étroite relation avec lui.
Dans son article « El neologismo desde una perspectiva contrastiva  :entre lo cogni- tivo y lo lexicogràfico  » («  Le néologisme dans une perspective contrastive  :entre le cogni- tif et le fait lexicographique  »), Julia Sanmartin Sàez examine lasituation socio-linguistique de la Communauté de Valence dans laquelle la coexistence de plusieurs langues officiel- les favorise les interférences entre celles-ci. Elle examine plusieurs néologismes relevés dans la presse valencienne entre 2004 et 2007 par le CorpusYal (Corpus de neologismos de Palencia) élaboré par le Grupo de Neologia de la Universitat de Yalència. Le critère retenu pour détecter ces nouvelles unités est le critère d'exclusion qui conduit à considérer comme un néologisme tout lexème ou signifié attesté dans la presse, mais non enregistré dans les dictionnaires de référence DRAE (2000) et Lema (2001). Cette position méthodologique a permis à l'auteur de bénéficier des acquis d'OBNEO avec lequel le Groupe de Valence a signé un protocole de collaboration dans le cadre du NEOROC (Red de Observatorios de Neologia del Castellano /Réseau d'Observatoires de Néologie du Castillan) à l'échelle de la Péninsule. Ce contexte méthodologique, homogène et contrastif à la fois montre que le caractère néologique d'une occurrence dépend bien de la communauté qui l'utilise et à laquelle elle s'adresse. Dès lors, la presse éditée dans les différentes régions de l'État espa- gnol tient lieu de laboratoire recueillant des mots et des réalités spécifiques et entretenant, de ce fait, les différences qui contredisent, au moins partiellement, l'homogénéité des mé- dias. Julia Sanmartin Sàez cite à titre d'exemple le néologisme politique zaplanista, courant dans la Communauté de Valence et formé sur l'anthroponyme Zaplana. Elle remarque que le suffixe —ista ne fonctionne pas ici comme dans les dérivations à base adjectivale du type comunista, socialista, etc., car le lexème ne signifie pas partisan d'Eduardo Zaplana par opposition au camp adverse, mais par opposition, à l'intérieur du même parti, au repré- sentant d'un autre courant, celui de Francisco Camps dont les partisans sont les campistas. On peut objecter toutefois que pour un Madrilène, étranger par définition à la vie politique valencienne, la restriction de sens du suffixe est certainement moins néologique que la base nominale, car les oppositions felipista (partisan du socialiste Felipe Gônzalez) / guerrista (partisan du socialiste Guerra) ou aznarista (partisan d'Aznar du PPE) l marianista (partisan de Mariano du PPE), usuels en espagnol standard, renvoient aussi à des conflits internes.
L'article de Marie Steffens et Esther Balwir, « Neologia semàntica y polisemia  : et caso del truncamiento  » («  Néologie sémantique et polysémie  : le cas de la troncation  »), s'intéresse à la réduction du syntagme univoque téléphone portable aboutissant à l'unité portable, plurivoque si l'on en juge par la capacité dénotative de cette issue lexicale désignant aussi bien un ordinateur qu'un télèphone ou même une télévision. Au cours de leur analyse, les auteurs discutent avec beaucoup de pertinence la position théorique de B. Bosredon qui considère que l'adjectif s'étant chargé du sens global de la combinaison N +Adj, celui-ci peut être tenu pour polysémique 2. Pour que ce transfert de sens puisse se réaliser il faut, selon Bosredon, que la combinaison N +Adj soit une séquence
1973 et M. Bohomme, Linguistique de la métonymie, Berne  : Peter Lang, 1987.
2 Voir B. Bosredon, «  Le paramètre catégoriel dans les unités polylexicales  : de la

polysémie à la néologie  », in S. Mejri (dir.), Syntaxe et sémantique  : Polysémie et
polylexicalité, Caen  :Presses Universitaires de Caen, p. 47-58.
242 polylexicale, c'est-à-dire une combinaison formée de différentes unités non autonomes, mais retrouvant leur autonomie en dehors de la séquence 3. L'exemple canonique est cerf- volant. Cependant, comme le fait remarquer Bosredon, les troncations qui impliquent un transfert de sens ne sont pas toutes possibles. Ainsi, âne bâté et cerf-volant ne peuvent s'abréger respectivement en *bâté et *volant. Marie Steffens et Esther Baiwir s'accordent sur ce point avec Bosredon, mais ne le suivent pas, en revanche, lorsqu'il considère comme polysémiques les adjectifs substantivés après troncation. D'après Marie Steffens et Esther Baiwir, les différents emplois de un portable, notamment, ont beau désigner un ordinateur ou un téléphone, ils ne correspondent pas à des changements sémantiques, car l'adjectif portable conserve son sens originel. À la suite de D. Corbin et M. Temple 4, les auteurs de l'article estiment que ce phénomène constitue un fait de polyréférence. Ce point de vue permet d'ajouter aux deux types reconnus de néologie, la néologie formelle et la néologie sémantique, un troisième type que Marie Steffens et Esther Baiwir proposent d'appeler néologie de référent. Dans cette perspective, les emplois de blonde pour désigner une femme, une cigarette ou une bière ne relèvent donc ni de la polysémie ni d'un type d'homonymie que motiverait la présence d'un sème commun comme le pensait Bosredon. Ils n'ont pas, en effet, un seul sème en commun, mais tous ceux qui composent le sémantisme de blonde. Ce n'est pas le sens de l'adjectif qui change ici, c'est le nom qu'il qualifie et par conséquent le référent de la combinaison N +Adj.
Dans leur article « Modelos comunicativos y producci6n e interpretaci6n neol6gi- cas  » («  Modèles de communication et production et interprétation néologiques  »), Carmen Uaro, M. Tadea Diaz Hormigo et M. Jesûs Paredes Duarte abordent les stratégies cogniti- ves utilisées par les sujets parlants pour encoder et décoder des néologismes. Leur étude s'appuie sur la psycholinguistique dont le principal objectif est de déterminer les processus mentaux par lesquels les individus produisent du langage. Cette science postule l'existence d'un lexique mental appelé « lexicon » qui correspond à la représentation cognitive d'un savoir sur les mots. C'est ce savoir qui, s'il porte, par exemple, sur les signifiés de autobtiis et du suffixe —ero permettra d'aboutir à la représentation sémantique d'un mot jamais lu ou entendu comme autobusero. À cela s'ajoutent des paramètres contextuels qui facilitent aussi le décodage. Des unités connues telles que cartero ou zapatero, parricidio ou fra- tricidio faciliteront, en effet, la compréhension de néologismes formels comme pistera et ecocidio figurant dans le même contexte linguistique. Quant au décodage des néologismes sémantiques, il dépend beaucoup lui aussi du contexte dans lequel apparaissent les oc- currences. Ainsi, une création comme dinerofagia sera aisément comprise si le contexte a déjà utilisé codicia ou avaricia. La neurolinguistique que n'oublient pas de mentionner les auteurs contribue, pour sa part, à expliquer le rôle joué par le substrat anatomique dans l'ac- tivité néologique. L'un de ses modèles explicatifs est le «  coarse coding model  »proposé
3 Les auteurs rappellent que la notion de polylexicalité est au centre des travaux de G. Gross, « Les formes être Prep X du français  », Linvisticae Investigationes, XX, 2, 1996, p. 217-270 et de S. Mejri, Le figement lexical. Descriptions linguistiques et structuration sémantique, Tunis  :Publications de la Faculté des Lettres de la Manouba, 1997 et « Unité lexicale et polylexicalité  », Linx, 40, 1999, p. 70-95.
4 Uoir D. Corbin et M. Temple, «  Le monde des mots et des sens construits  :catégories référentielles  », Cahiers de lexicologie, 65, 1994, p. 5-28.
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par M. Beeman5. D'après ce chercheur, l'hémisphère gauche procède à une activation sé- mantique sélective; celle-ci se limite aux traits sémantiques étroitement liés entre eux à l'intérieur d'un réseau de sens réduit tandis que l'hémisphère droit active un ensemble plus vaste de traits à l'intérieur d'un champ sémantique beaucoup moins exclusif. Ces affirma- tions permettraient ainsi le différencier le processus de néologie sémantique du processus qui met en oeuvre les unités ordinaires de la langue et les métaphores conventionnelles. La production et la compréhension de nouveaux signifiés lexicaux relèveraient, alors, des mécanismes d'une analyse holiste, propre à l'hémisphère droit.
Gilbert FABRE
Université Paris 13, LDI — UMR 7187

MERCIER, Louis-Sébastien, Néologie, édition Jean-Claude Bonnet, Paris, Belin, 2009, 592 pages.
La Néologie de Mercier, assez mal reçue par ses contemporains, n'avait pas, depuis sa publication en 1801, été rééditée. Jean-Claude Bonnet nous invite à réexaminer l'aeuvre, à la lumière d'une savante Introduction (p. I à XXIV), d'un important appareil de notes (p. 485-535), d'une précieuse « Liste des auteurs (et des oeuvres) cités » (p. 537-570), de documents d'époque (p. 573-583) et d'utiles repères chronologiques et bibliographiques
(p. 585-591).
L'Introduction restitue le contexte de cette publication, où Alexis François voyait «  le véritable couronnement de l'entreprise néologique du dix-huitième siècle  » (cité p. II). Mercier se place, dès ses premiers ouvrages, dans le camp des néologues, d'ailleurs triomphant à l'époque où il écrit, même au sein de l'Académie, comme le note J.-C. B. (p. VIII). Dans sa Néologie, feignant d'abattre un adversaire devenu quelque peu chimérique, il met en application ces principes, comme s'y était activement employée la période révolutionnaire. De son oeuvre cependant, il bannit le vocabulaire politique. Il avait pourtant rassemblé le matériau nécessaire  : J : C. B. signale l'existence, dans le fonds Mercier conservé à l'Arsenal, de milliers de fiches, dues à « une sorte d'amicale de néologues  » (p. XIII), et qui restent à exploiter. Découragé peut-être par la labilité des mots en politique, comme il l'avait été lorsqu'il avait renoncé à son projet de « petit dictionnaire des modes  » vestimentaires (Tableau de Paris, chapitre CLXXIII, cité p. IX), ou rendu circonspect par la Terreur et par la mise au pas qui s'annonce en 1801, il abandonne l'enregistrement des néologismes politiques et compose, avec sa Néologie, un ouvrage résolument littéraire et personnel.
On n'y trouvera pas le relevé fidèle des néologismes de son temps. Au hasard de l'ordre alphabétique, Mercier juxtapose aux mots nouveaux qui lui agréent, ceux qu'il voudrait tirer de la désuétude (abâtardir, abécédaire (adj.), accoutumance, affaireux et bien d'autres, lus, pour une grande partie, dans Montaigne), mais aussi des mots qui, sans être ni obsolètes, ni néologiques, lui donnent occasion de s'exclamer6 ou de citer un trait
5 Voir M. Beeman, « Coarse semantic coding and discourse comprehension » in Mark Beeman &Christine Chiarello (ed.), Right hemisphere language comprehension Perspectives from cognitive neuroscience, Mahwah, Nj  : Erlbaum, 1998, p .255-284.
6 Par exemple « Myopie  : État de ceux qui ont la vue courte. Ô Myopie de nos prétendus
244 d'esprit', et surtout des mots qu'il invente et dont il illustre l'emploi par des exemples de son cru. C'est pourquoi J.-C. B. est-il réticent à voir dans la Néologie le « Vocabulaire  », annoncé par Mercier en sous-titre; il préfère présenter l'ouvrage comme un « recueil d'extraits  » (p. XXN sq.).
Les néologismes cependant s'y taillent la part belle, et, grâce à la « Liste des auteurs (et des oeuvres) cités  », nous pouvons trier entre néologismes empruntés à d'autres et créations de Mercier. On trouvera dans cette utile liste, présentée chronologiquement, les références précises des extraits cités ou arrangés par Mercier 8. Si Pougens, à cause de ses privatifs, est le plus abondamment repris (78 entrées), les plumes inventives de la Révolution, notamment Mirabeau, Desmoulins, Grégoire, sont également représentées. On sait gré à J.-C. B. de signaler, à l'adresse de l'auteur (ou de l'aeuvre) cité, les fiches disponibles dans le fonds Mercier, mais non retenues dans la Néologie 9.
Là n'est cependant pas l'essentiel pour Mereier, qui ne se regarde pas comme l'hum- ble secrétaire de l'usage, mais comme l'«  instituteur » du public  : « je donne, c'est au public à recevoir » (p. 20). Que lui offre-t-il donc ?Les créations de Mercier suivent, à la vérité, des procédures traditionnelles. En dépit de ses déclarations («  Latiniser  », p. 303), beaucoup de ses néologismes sont des adaptations du latin (par exemple acute  : « fine  », albeur  : « blan- cheur  », ancelle  : « petite servante  »), parfois du grec (acersocome  : « à longue chevelure  »; Alecto  :par antonomase, « envie  »). Il voudrait ne pas s'écarter de « l'analogie » de la lan- gue  :enthousiaste des préfixes privatifs de Pougens, il s'en inspire pour former illibéral (« peu généreux  »), immérite («  manque de mérite  »), impressurable («  qu'on ne peut plus pressu- rer  »), etc. ; il utilise aussi la suffixation (par exemple en —aire, abonnataires  : « celui qui n'est pas encore abonné  »), et plaide en particulier en faveur des «  agranditifs  » 10 (p. 20).
Mais c'est plutôt par sa volonté de remplir les cases oubliées du lexique que Mercier se montre innovant  :comblant les trous sémantiques du français, il donne pour antonyme à iconoclaste «  iconophile  », à oublieux, «  mémorieux  », à volition, «  nolition  » et à invincible, «  vincible  ». En héritier des synonymistes, il invente des nuanciers, distinguant de l'aventurier, l'«  adventureux  », dont les aventures appartiennent au passé et non au futur, ou de l'architecte, l' « architecteur  », qui désignera « un mauvais, un grossier, un dispendieux et un sot architecte  ». Il s'emploie aussi à combler les trous morphologiques
savants, littérateurs, académiciens, jugeurs  ! ô puérilités de nos grands hommes  ! ô ridiculités de nos grand s hommes  ! ô Myopie surtout de nos astronomes  !  » (p. 330).
7 Ou qu'il juge tel, ainsi  : « Régime (ancien)  :Tout le monde sait ce que c'était. La France, courbée pendant des siècles sous le sceptre de fer des rois, commence enfin à se relever, malgré l'énorme fardeau qui l'écrasait.
Dans un voyage que la du Barry fit à Londres, en 1790, elle rendit visite au fameux Burke. Si j'étais Français, lui dit-il, je voudrais être sous l'ancien régime... Et moi, répondit la courtisane, sous l'ancien roi » (p. 482).
8 J.-C. B. a localisé les citations littéraires. Le même travail resterait à faire pour les citations extraites des journaux et discours de la période révolutionnaire.
9 À l'adresse Mirabeau par exemple, on apprend que, outre les 41 néologismes retenus dans la Néologie, le fonds Mercier recèle des fiches sur parricide, pervertisseur, sociabilité, souverain.
10 Il n'explique pas ce qu'il entend par là. On peut supposer que le suffixe superlatif —issime, qu'il utilise pour former ridiculissime, en est une illustration.
245 du français, et préconise abominer, affrioler, dissentir. Il lui tient à coeur de procurer un féminin à des mots qui n'en ont pas encore  :l'article « Amatrice  », qui relate un débat de l'époque sur ce sujet, est le plus long de la Néologie. Pour soutenir cette flexion, Mercier forme sur le même modèle  :autrice, inventrice. Pour autant, Mercier n'est rien moins que féministe  : la série est complétée par spoliatrice (illustré par Catherine II), et les péjorants philosophesse et peinteresse, affublé d'une glose platement salace ; la flexion —trice ne garantit pas de son mépris  : « Traductionnette. Une jolie femme, quand elle a appris l'anglais, fait une Traductionnette, la voilà bien et dûment autrice dans la société.  »
On est saisi, à la lecture d'un certain nombre d'entrées, de quelque scepticisme quant à la sensibilité de Mercier au « son gracieux » et au « beau coloris  », supposée par J.-C. B. (p. XXIII-XXI~  : que penser de appéter («  rechercher  »), grandiloque («  qui dit de grands mots  »), ignivome («  vomissant la flamme  »), joculateur («  qui badine, qui joue  ») ou noverque (« belle-mère  ») ? L'autodérision n'est pas absente de la Néologie
«  Konismarck. Lame d'épée extrêmement large vers la poignée  ; elle ne peut servir que pour la parade. Les anti-Néologues vont m'assaillir, mais j'ai mon Konismarck » (p. 468). Nous sommes prévenus dès la présentation  :1'auteurpeut se passer de nos suffrages (p. 36)  ; qu'il nous soit tout de même permis de saluer quelques trouvailles  :cette « vaporante  », qui « exhale des parfums  » et dont on s'écarte « afin de ne pas succomber à des peines aromatiques  » (p. 436), ou, pour la linguistique des noms propres, le «  myrionime  », qui «  a mille noms  », à l'instar d'Orphée, Jupiter ou Hermès.
J.-C. B. révèle dans laNéologie l'ouvrage d'un créateur, annonçant les revendications romantiques, voire les pratiques rimbaldiennes et surréalistes. De façon complémentaire, on pourrait situer Mercier dans un parcours qui, depuis Girard et Beauzée, mène vers une ap- proche systémique du lexique. Par ses audaces formelles, il rompt avec la position qui était celle des remorqueurs et reste celle de l'abbé Féraud ; il met à jour, en l'illustrant, le système lexical, tel que l'expose plus théoriquement la même année Butet, dans sa Léxicologie (sic) latine et française ", ouvrant la voie à une description de la morphologie lexicale française.
Agnès STEUCKADT Université de Provence
PODHORNÂ-POLICK.~ Alena, Universaux argotiques des jeunes  : analyse linguistique dans les lycées professionnels frappais et tchèques Vyd 1. Brno, Masarykova univerzita, 2009, 571 p.
Alena Podhornà-Polickà s'intéresse dans cet ouvrage aux caractéristiquesargotiques du langage pratiqué par trois groupes de jeunes locuteurs  :Tchèques de Brno, Français de Paris et Français d'Yseure. L'objectif est d'analyser les langages de ces jeunes —provenant de différents lieux géographiques et de différents milieux sociaux —sur le plan du lexique utilisé, de façon à mettre au jour des critères sociolinguistiques universels, c'est-à-dire attestés d'une langue à l'autre ou d'un groupe de jeunes à l'autre dans une même langue,
11 P. R. F. Butet, Léxicologie latine et française. Abrégé d'un cours complet de lexicologie, Paris, Crapelet, 1801. La créativité métalexicologique de Butet dépasse celle de Mercier  :pour les suffixes par exemple, si Mercier propose agranditifs, Butet n'a pas moins de quinze mots, parmi lesquels les « dégradatifs » (rougeâtres), les «  exagératifs  »(grotesque), les «  régionatifs  » (Danois, Marseillais).
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notamment en ce qui concerne les traits psychologiques et sociologiques des locuteurs, ou encore les phénomènes de création, de renouvellement, ou de construction des lexiques argotiques. En outre, dans son étude comparative, l'auteure articule sa réflexion autour de « ce qui est propre aux jeunes en général tout en essayant d'aller au-delà de la simple présentation de ce qui est uniquement plus prononcé par rapport aux adultes ou encore plus facilement observable chez eux  » (p. 15).
Aux fondements de son étude, l'auteure procède à une enquête de terrain auprès des jeunes scolarisés dans des lycées professionnels situés dans les différents lieux cités supra. Cette enquête s'appuie, d'une part, sur des interviews et, d'autre part, sur des ques- tionnaires écrits portant sur les pratiques langagières non conventionnelles extra-scolaires. Notons que l'auteure choisit l'exemple de pratiques argotiques des jeunes, de façon à faire ressortir les propriétés linguistiques les plus générales et les plus représentatives possibles des universaux argotiques. En effet, il semble que ce sont les jeunes qui présentent le plus d'innovation et de diversité dans leurs pratiques langagières entre pairs, et notamment sur le plan du lexique utilisé. Enfin, toutes les réflexions incontournables pour le recueil des données dans le cadre d'une enquête sociolinguistique sont consultables dans la descrip- tion méthodologique de l'ouvrage.
La mise en comparaison de deux langues pratiquées de façon non conventionnelle, le français et le tchèque, ainsi que des pratiques de jeunes provenant de trois lieux différents, et pouvant donc présenter des références communautaires et culturelles variables, apparaît comme étant pionnière en la matière. L'intérêt et l'originalité d'une telle étude sont donc évidents  :l'argot des jeunes présente-t-il des caractéristiques communes d'une langue à l'autre, d'un groupe à l'autre, ou encore d'un lieu à l'autre ? C'est ce que l'auteure s'attache à analyser en organisant méthodiquement sa réflexion de la manière suivante  :d'abord, elle fait un point sur l'origine de l'argot en expliquant de manière générale ce qu'est l'argot et en décrivant la situation linguistique actuelle des jeunes usagers d'une part, et le positionnement de la recherche argotique en France et en République Tchèque d'autre part ; ensuite, elle décrit son corpus du point de vue méthodologique, c'est-à-dire du point de vue de l'enquête effectuée sur le terrain auprès des jeunes eux-mêmes ; puis, elle s'intéresse aux dynamiques argotiques se manifestant à travers les échanges entre jeunes en fonction du contexte et de la situation d'énonciation ; elle termine par une analyse technique des procédés formels observables dans les lexiques argotiques des jeunes sur le plan néologique, ainsi que par une réflexion sur la néologie en l'articulant autour des critères d'expressivité lexicale et de dynamique d'innovation lexicale au sein d'un groupe donné.
L'examen s'articule autour de deux axes principaux  : le premier concerne les aspects néologiques des lexiques argotiques des jeunes selon les différents critères avancés par l'auteure en vue d'une typologie détaillée, et le second concerne l'organisation et l'exploitation du corpus écrit présenté dans les annexes de l'ouvrage. En effet, ce dernier point est fondamental quant à la représentativité des lexiques argotiques analysés.
Le lexique argotique des jeunes se présente comme étant un phénomène encore ré- cent.Ainsi, l'auteure décrit les aspects néologiques selon plusieurs critères qu'elle met en évi- dence. Elle distingue deux catégories au niveau de la néologie  : la néologie proprement dite (forme et sens non encore attestés), et la néologie recyclée (reprise de vieil argot). En outre, elle dissocie trois catégories principales de néologismes, pour reprendre ses termes, à savoir les néologismes formels, les néologismes sémantiques, et les empnutts. Cependant, pour caté-