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Classiques Garnier

Notice bio-bibliographique des mystiques et visionnaires connus de Bloy

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Mystique et littérature. L'autre de Léon Bloy
  • Pages : 131 à 146
  • Réimpression de l’édition de : 2006
  • Collection : Archives des lettres modernes, n° 285
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406098232
  • ISBN : 978-2-406-09823-2
  • ISSN : 0003-9675
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09823-2.p.0135
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 07/11/2019
  • Langue : Français
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NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE DES MYSTIQUES ET VISIONNAIRES CONNUS DE BLOY ANGÈLE DE FOLIGNO (1248/49-1309), sainte. Mystique italienne, canonisée, elle était de famille noble, châtelaine d'un bourg de l'Ombrie, près d'Assise. Elle perdit à 37 ans, coup sur coup, après avoir souhaité être déhvrée de ses attaches, sa mère, son mari et ses fils, vendit son château et fit vœu de pauvreté, entrant dans le Tiers-Ordre de la communauté franciscaine en 1291. Ayant intégré la dimension ascétique de la pauvreté et de la souffrance issue de sa dévotion envers François d'Assise, Angèle centre sa pratique sur la contemplation amoureuse et sensuelle du Christ en croix, et cherche à dépasser ses visions pour trans¬ mettre à son entourage un enseignement d'une grande force fondé sur la quête du vide et du dépouillement intérieur, hors des certitudes apprises. Son témoin et secrétaire, que l'on nomme « frère Amaud », a recueilli par écrit les récits de visions d'Angèle, qui ne savait ni tire ni écrire, et les rassembla en deux parties : les Memoriale et les Instructiones. La première partie retrace les 26 étapes du développement spirituel d'Angèle entre 1285 et 1296. La seconde, plus didactique, présente une collection de 36 textes hétérogènes. C'est avant tout à ces enseignements qu'Angèle de Fohgno doit d'avoir été quahfiée ultérieurement de «maîtresse des théologiens» {magistra theologorum). Elle fut appréciée par François de Sales, Bossuet, Fénelon, et également par des auteurs protestants. Elle fascina des écrivains tels que Huysmans, Bloy et Bataille. Édition : Il libra délia beata Angela da Foligno, S. Andreoli ed. (Milan, San Paolo, 1996). Traductions françaises : Le Livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno, trad. Ernest Hello (1868), réédité avec une préface de Sylvie Durastami (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1991). - Le Livre d Angèle de Foligno : d'après les textes originaux, trad. Jean-François Godet, introduction Paul Lachance (Grenoble, Jérôme Millon, « Atopia », 1996).

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BÉRULLE, Pierre de (1575-1629). Mystique, ecclésiastique et homme politique français, nommé cardinal par Urbain VIII en 1627. Il est une figure majeure de la spiritualité des xvf-xvn® siècles, et fut poursuivi pour sa volonté de vœu de servitude à la sainte Vierge. Sa première œuvre témoigne de l'influence de Ruysbroeck. Il introduit le Carmel thérésien en France et fonde la congrégation sacer¬ dotale de Γ «Oratoire» en 1611. Son Élévation sur Sainte Madeleine (1625), issue des homélies prononcées devant Henriette de France, dont il avait appuyé le projet de mariage avec Charles P"" d'Angleterre, prône l'anéantissement du moi humain devant Dieu, ou le pur amour. La piété mariale bérullienne est intimement liée à la portée capitale qu'il donne à l'événement de l'incarnation. Éditions : Correspondance du Cardinal Pierre de Bérulle, édition critique par Jean Dagens (Paris-Louvain, Desclée De Brouwer, 1937-1939. 3 vol.). - Opuscules de piété, Gaston Rotureau ed. (Paris, Aubier, 1944). - Textes inédits, traduits du latin et présentés par Michel Dupuy, dans Bérulle et le sacerdoce (Paris, Lethielleux, 1969). - Élévation sur Sainte Madeleine, Joseph Beaude ed. (Paris, Cerf, 1987). - La Vie de Jésus (Paris, Cerf, 1989). - Œuvres complètes (Paris, Oratoire de Jésus, Cerf, 1995). Études critiques : Rosaire Bellemare, Le Sens de la créature dans la doctrine de Bérulle (Paris, Desclée De Brouwer, 1959). - Michel Dupuy, Bérulle, une spiritualité de l'adoration (Paris, Tournai, Desclée, 1964). - Anne Ferrari, Figures de la contemplation. La « rhétorique divine » de Pierre de Bérulle (Paris, Cerf, 1997). - Jean Orcibal, Le Cardinal de Bérulle, évolu¬ tion d'une spiritualité (Paris, Cerf, 1965). BRIGITTE DE SUÈDE (1302/1303-1373), Brigitte Birgersdotter, sainte. Issue de la lignée royale des FoUcungar, Brigitte montra très tôt des dispo¬ sitions mystiques mais fut néanmoins mariée dès l'âge de 14 ans à un aristocrate à qui elle donna huit enfants. Nommée gouvernante à la cour royale, elle se retira, à la suite de son mari, au monastère sistercien d'Alvastra, puis tenta de fonder un nouvel ordre : les « Brigittines » qu'elle ne put cependant jamais implanter sur le sol français, bien qu'il ait reçu l'approbation pontificale en 1370. En 1449, elle gagna Rome et y vécut jusqu'à sa mort, y proclamant ses visions et révélations, menant une vie quasi-monastique puisqu'elle fut tertiaire de saint François. Elle possédait des dons prophétiques, mais le caractère menaçant de ses révélations lui attira maintes hostihtés. Ce sont les voix de Jésus ou de Marie qui lui auraient ordonné de ramener la papauté à Rome et de renverser le roi de Suède. Ses confesseurs ont consigné en latin ses révélations dans les huit hvres des Revelationes caelestes (Révélations célestes) et dans les Extra¬ vagantes. Bien que ces ouvrages aient été théologiquement controversés à

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une certaine période, ils furent traduits en suédois et en anglais et circu¬ lèrent sous formes d'extraits en latin ou en langues vulgaires. Éditions : Les œuvres complètes ne sont disponibles que dans des éditions anciennes (Rome, 1628 ; Munich, 1680). Seuls les livres 1, 5 et 7 des Révéla- tiones, les Extravagantes, le Sermo et la Régula ont été édités critiquement dans les Samlingar utg.av.Svenska Fomkriftsâllskapet, série 2, Upsal, 1956. Études critiques : André Vauchez, «Sainte Brigitte de Suède et sainte Cathe¬ rine de Sienne. La mystique et l'Église aux derniers siècles du Moyen Âge », pp. 227-48 in Terni e problemi nella mistica femminile trescentesca (Todi, Presso l'Accademia tudertina, 1983). CALVAT, Mélanie (1831-1904). Visionnaire française, bergère et illettrée, ayant vécu une enfance pauvre et difficile, rejetée très tôt par sa mère. A assisté à l'âge de quinze ans, le 19 septembre 1846, en compagnie de l'enfant Maximin Giraud, âgé de dix ans, à une apparition de la Vierge sur la montagne au lieu-dit « La Salette » (Isère). La prophétie contient trois parties : le discours public de mise en garde, le secret, publié en novembre 1879, et la règle de l'ordre des «Apôtres des derniers temps» ou «Ordre de la mère de Dieu». Bien qu'elle ait reçu l'approbation épiscopale en 1851, la prophétie anticléricale et apocalyptique de La Salette fut jugée dérangeante par les autorités ecclé¬ siastiques, et Mélanie, qui s'en faisait la messagère, ne parvint jamais à se faire admettre dans un ordre religieux ni à fonder l'ordre des «Apôtres des derniers Temps ». Elle passa sa vie en exil entre l'Angleterre et l'Italie, et sur la demande de son confesseur, écrivit en 1900 le récit de sa vie, de ses malheurs et de ses visions. Sa personnalité fut très controversée, mais certains écrivains la considèrent comme une grande mystique : c'est le cas de Léon Bloy, Jacques Maritain et Louis Massignon. Bibliographie : Vie de Mélanie, bergère de La Salette, écrite par elle-même en 1900. Son enfance. 1831-1846, introduction par Léon Bloy (Paris, Mercure de France, 1912). Études et témoignages : Émile Combe, Journal de l'abbé Combe. Dernières années de la vie de Sœur Marie de la Croix, bergère de La Salette (Paris, Pierre Tequi, 1978). - Dominique Millet-Gérard, «Les Écrivains et La Salette», Catholice [Toulouse, Privât], n°54, 1997. - Jean Stern, «La Salette vue par Léon Bloy», pp. 161-70 in Léon Bloy, Pierre Glaudes et Michel Arveiller eds (Paris, L'Herne, «Cahier de l'Heme», n°55, 1988). CATHERINE DE GÊNES (1447-1510), sainte. Mystique italienne, tertiaire franciscaine, issue de la noble et puissante famille génoise des Fieschi. Mariée à un homme débauché, elle sombra dans la mélancolie pendant cinq ans avant sa crise religieuse de 1473, suivie par des années d'ascétisme rigoureux : anorexique, elle se flagellait et

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portait un cilice. Tertiaire de l'ordre franciscain, elle convertit progressi¬ vement son mari et s'occupa de malades et d'enfants abandonnés. Grave¬ ment malade à la fin de sa vie, elle eut un directeur spirituel, Cattaneo Marbotto, devenu co-auteur de V Opus Catharinum, dont, semble-t-il, seule la seconde partie (le Dialogue) doit être attribuée à Catherine de Gênes elle-même. Son œuvre enseigne les vertus purificatrices de l'ascèse pour parvenir à l'union avec le divin, en la personne du Christ. Ses écrits sur le Purgatoire présentent les âmes souffrantes et par la suite consolées. Édition : Opus Catharinum (Libra de la Vita mirabile et Dottrina santa de la beata Catarinetta da Genova) (Gênes, 1551). Études critiques : S. Spano, « Catherine de Gênes », pp. 9-101 in Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, VII, André Vauchez ed. (Paris, Hachette, 1987). CATHERINE DE SIENNE (1347-1380), sainte. Mystique itahenne, stigmatisée, tertiaire dominicaine dès l'âge de 17-18 ans, elle était la fille cadette d'un teinturier qui l'avait destinée au mariage. Après avoir vaincu les résistances de sa famille, elle continua à habiter chez ses parents, constituant autour d'elle une famille spirituelle. Elle joua à partir de 1370 un rôle diplomatique dans le retour à Rome du Pape Grégoire XI, alors installé en Avignon. Elle tenta d'apaiser les querelles entre les répubhques italiennes ennemies et lança une nouvelle Croisade. Elle aida Urbain VI lors du schisme de 1378. En 1379, elle fut placée sous l'autorité d'un dominicain, Raymond de Capoue, qui fut son biographe. Comme François d'Assise se consacrait aux marginaux, elle secourut les pestiférés. Sa spiritualité, centrée sur la dévotion mariale, est marquée par une ascèse rigoureuse : anorexique, dormant peu, Catherine de Sienne cessa tout à fait de manger les dernières années de sa vie. Elle eut très peu de visions. Elle a laissé des Lettere (Lettres), qui témoignent d'une extraordinaire personnalité, et un Libra (Livre) ou Dialogo (Dialogue) : une pieuse tradition veut que la sainte ait dicté ce dernier lors d'une extase qui dura cinq jours. Le Dialogue, son ouvrage majeur, fut probablement composé entre 1377 et 1378. Il s'agit moins d'un ouvrage mystique que d'une synthèse de foi et de vie spirituelle marquée par la pensée de Thomas d'Aquin. Elle enseigne que le chemin de perfection passe par la connaissance de soi et la reconnaissance en soi du divin. Son influence fut déterminante sur Thérèse d'Avila, davantage par des parallé- lismes de vie que par ses écrits. Éditions et traductions : Le Lettere di santa Catarina da Siena, Di Ciaccia éd.. (Bologne, Studio Domenicano, 1996-1999. 3 vol.). - Il Dialogo délia divina Providenza, G. Cavaluni ed. (Rome, Cateriniana, 1980). - Oraisons et élévations par Catherine de Sienne, trad. R.P. Augustin Bernard (Saint-

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~ Maximin [Var], Editions de la Vie spirituelle, 1923). - Le Dialogue, trad. J.-L. Poirier (Paris, Cerf, 1992). Étude critique : André Vauchez, « Sainte Brigitte de Suède et sainte Catherine de Sienne. La mystique et l'Église aux derniers siècles du Moyen Âge», pp. 227-48 in Terni e problemi nella mistica femminille trescentesca (Todi, Presso l'Accademia tudertina, 1983). CHANT AL, Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal (1572-1641), sainte. Mystique, de famille noble, elle fonda l'Ordre de la Visitation — sans vœux ni clôture — sous l'influence de François de Sales, qui fut son direc¬ teur spirituel à partir de 1604. Sa spiritualité s'inspire de la mystique théré- sienne, en mettant l'accent sur des actes de foi simples et la pratique de l'oraison de repos, ou abandon et arrêt de l'esprit absorbé dans le divin, telle que la décrit François de Sales dans le Traité de Γ amour de Dieu (1616). Édition : Correspondance, M. P. Burns ed. (Paris-Chambéry, Cerf-CEFI, 1986-1991.4 vol.). Étude critique : Henri Brémond, Sainte Chantal (Paris, Gabalda, 1912). EMMERICH, Anne-Catherine (1774-1824). Visionnaire allemande, de milieu modeste, bergère et illettrée, abandonnée par sa mère à l'âge de trois ans, s'est fait admettre comme augustine pendant neuf ans au couvent de Agnetenberg, puis mena, après sa ferme¬ ture en 1802, ime vie laïque aux côtés de l'abbé Lambert à Diilmen, conti¬ nuant à respecter la règle du couvent. Elle fut célèbre par sa stigmatisa¬ tion, rendue publique en 1813, et pour ses visions sanglantes du supplice de la croix et des enfers. Tourmentée par les autorités, elle fut l'objet de deux enquêtes publiques pour ses stigmates : l'une, ecclésiastique, en 1813, l'autre, civile, en 1819. Cinq ans plus tard, épuisée par ces épreuves, elle meurt. Son procès de béatification est introduit à Rome en 1892. Graba¬ taire pendant douze ans, ayant cessé de s'alimenter en 1812 et jusqu'à sa mort, elle avait reçu des visites de tous pays, et attiré le poète allemand Clement Brentano, qui vécut à ses côtés les six dernières années de sa vie et recueillit ses visions ainsi que les éléments de sa biographie, consignés en trois volumes. Au xx® siècle, le père Schmoeger s'inspira des notes de Brentano pour rédiger une biographie en trois volumes de la visionnaire. Aux XIX® et au xx® siècles, Anne-Catherine Emmerich fascina des écrivains tels que Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Bloy, Bataille. Traductions : Récits de visions rédigés par Clément Brentano, traduits de l'alle¬ mand par l'abbé de Cazalès : La Vie de la Sainte Vierge (Paris, Sagnier

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& Bray, 1854). - La Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Paris, Bray, 1861). - La Douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Paris, Bray & Retaux, 1875). Biographie rédigée par l'abbé K.E. Schmoeger, traduit de l'allemand par l'abbé E. de Cazalès, Vie d'Anne-Catherine Emmerich (Paris, Pierre Tequi, 1774-1924. 3 vol.). Études : G. Dirheimer, Anne-Catherine Emmerich, la visionnaire stigmatisée de Diilmen, et Clement Brentano son secrétaire. Étude sur l'authenticité des visions d'Anne-Catherine Emmerich (Paris, Pierre Tequi, 1923). - N. T. Loutrel, Anne-Catherine Emmerich racontée par elle-même et ses contemporains (Paris, Pierre Tequi, 1992). FÉNELON, François de Salignac de La Mothe-Fénelon (1651-1715). Écrivain mystique français, docteur en théologie, archevêque de Cambrai (1695). Il fut élu à l'Académie française en 1693 pour la valeur littéraire de deux ouvrages qui l'ont rendu célèbre : Traité de l'éducation des filles (1687) et Du Ministère des pasteurs (1688), écrits à l'usage des conver¬ ties issues du protestantisme, dont il dirige le couvent. En 1688, il fait deux rencontres décisives : celle de M™® de Maintenon — il devient précepteur de son fïls, pour lequel il écrit les Aventures de Télémaque (1699) — et Guyon, qui avec lui exerça une influence considérable à la Cour, avant d'être l'objet de l'hostilité de M·"® de Maintenon, qui la fit accuser par Bossuet. Fénelon prit sa défense et écrivit le Mémoire sur l'état passif et Le Gnostique de Saint Clément d'Alexandrie. Commença alors une contro¬ verse avec Bossuet : Fénelon écrivit une importante Explication des articles d'issy, ainsi que VExplication des Maximes des saints sur la vie intérieure, richement documentée sur l'enseignement de la prière mystique. Alors que Bossuet, appuyé par l'opinion publique, considérait les phénomènes extra¬ ordinaires comme des grâces touchant au merveilleux, Fénelon les voyait en harmonie avec la Tradition. Malgré la sympathie du Pape, il ne put cependant éviter d'être condamné, sous l'instigation de Louis XFV, par un Bref et non par une Bulle. Ses écrits ne furent pas considérés comme hérétiques, mais 23 phrases furent condamnées, ainsi que des mots tels que pur amour ou indifférence, points forts de sa mystique héritée de M'"® Guyon : le pur amour renvoie à une relation désintéressée au divin, hors de la problématique du salut; l'indifférence traduit la conformité du vouloir humain au vouloir divin, au risque de la damnation « pour aimer Dieu même en enfer». A côté de ses œuvres sur la prière mystique, marquées par la controverse, Fénélon a laissé de petits traités, des sermons et des lettres. Édition : Œuvres, vol. I, Jacques Le Brun ed. (Paris, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1983). - Correspondance, Jean Orcibal éd., avec la collabora-

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tion de Jacques Le Brun et Irénée Noye (Genève, Droz, 1972-1992. 15 vol.). - Madame Guyon et Fénelon. La correspondance secrète. Benjamin Sahler ed. (Paris, Devry-livres, 1982). Études critiques : Louis Cognet, Crépuscule des mystiques : Bossuet - Fénelon, nouvelle édition par J. R. Armogathe (Paris, Desclée De Brouwer, 1991). - Gabriel Juppin, Fénelon et la mystique du pur amour (Paris, Beauchesne, 1938). - Denise Leduc-Fayette, Fénelon et l'amour de Dieu (Paris, PUF, « Philosophies », 1996). - Fénelon, philosophie et spiritualité. Actes du colloque organisé par le Centre d'Étude des philosophes français, Sorbonne, 27-28 mai 1994 (Genève, Droz, 1996). - François Tremolières, « Approches de l'indicible dans le courant mystique français», XVIF siècle, n°207 : ''L'Indicible et la vacuité au xvif siècle", LU. 2, avril-juin 2000. FRANÇOIS D'ASSISE (1181-1226), Giovanni Bernardone, surnommé «Francesco», saint. Mystique itahen. Fils d'un riche marchand de drap, il rompt à l'adoles¬ cence avec son existence bourgeoise et se convertit au contact de lépreux. Il vit en communauté une vie vouée à la pauvreté qui attire de nombreux adeptes, donne lieu à la création d'ime branche féminine sous l'impulsion de Claire d'Assise, enfin se structure en Ordre avec sa propre Règle, confirmée par le Pape Honorius III. Stigmatisé, il termina sa vie dans les souffrances et fut canonisé dès 1228. Il vivait ses expériences mystiques au contact des exclus. Possédant le goût de l'abjection, il pratiquait des expériences paradoxales, transformant le froid, le dégoût, la douleur et l'humiliation en occasions d'élévation spirituelle. Il a dicté de petits ouvrages, les Opuscula, et laissé, outre les deux Règles pour l'Ordre franciscain et celles pour Claire d'Assise, un Testament pour les ermites, de nombreuses lettres et des textes liturgiques. y Edition : Opuscula Sancti Patris Francisci Assisiensis, L. Canonici et G. Boccali eds (Assise, Porziuncola, 1978). Traductions : St François d'Assise, Écrits (Paris, Cerf, 2003). - Les Fioretti de saint François, traduction, introduction et notes de A. Masseron (Paris, Éditions franciscaines. Seuil, « Points Sagesse », 1967). GRIGNION DE MONEORT, Louis-Marie (1673-1716), saint. Canonisé par l'Église, il est l'auteur d'un ouvrage retrouvé 126 ans après sa mort, et intitulé Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, paru en 1842. Il y prône la dévotion mariale comme voie de salut et annonce la venue des « Apôtres des Demiers Temps », « serviteurs de Marie, qui tonneront contre le péché, [...] gronderont contre le monde, seront les vrais disciples de Jésus-Christ [...] enseignant la voie droite de Dieu dans la pure vérité» (éd. 1966, pp. 53-4). Selon Léon Bloy et l'abbé Tardif de

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Moidrey, cet ouvrage préfigurerait d'un siècle les prophéties de Notre- Dame de La Salette. Édition : Œuvres complètes (Paris, Seuil, «Livre de Vie», 1966). - Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge (Paris, Seuil, « Livre de Vie », 1966). JEAN DE LA CROIX (1542-1591), Juan de la Cruz, Juan de Yepes y Alvarez, saint. Mystique, poète, de milieu modeste, il entra en 1563 dans l'Ordre du Carmel. Il étudia à la célèbre université de Salamanque et fut ordonné prêtre en 1567. En collaboration étroite avec Thérèse d'Avila, il se consacra à la réforme de son Ordre. Après avoir fondé la première maison mascu- hne de Carmes déchaux, et comme il refusait de revenir à l'ancienne obser¬ vance, il fut emprisonné à Tolède de décembre 1577 à août 1578. Parvenu à s'échapper, il travailla jusqu'à l'épuisement à étendre la réforme. Béatifié en 1675, canonisé en 1726, il fut déclaré Docteur de l'Éghse par Pie XI. Trois poèmes lyriques constituent son œuvre majeure. Les deux premiers furent écrits durant la captivité. Il s'agit de En una noche oscura (Dans une nuit obscure), Cantico espiritual (Le Cantique spirituel), et Llama de amor vivo (Flamme du vivant amour). Par la suite, à la demande de tiers, il rédigea des commentaires de ses poèmes : c'est le cas de La subida al monte Carmelo (La Montée du Carmel), ouvrage incomplet datant de 1578-83, et de Noche oscura del alma (Nuit obscure de l'âme), datant de 1583-85. Ses trois poèmes évoquent le thème du désir amoureux. Quant aux écrits exégétiques, ils développent une doctrine exigeante centrée sur la sublimation de l'humain, qui s'opère par un travail sur les facultés et les vertus. Jean de la Croix se méfiait de ses extases, refusant les conso¬ lations spirituelles, leur préférant le retrait des sens. Il préconisait l'anéan¬ tissement absolu des représentations, illustré par la traversée de la nuit obscure. Pour lui, il ne s'agit pas seulement de rechercher l'ascèse, mais le renoncement à soi, à ses sens, à son intellect, afin de se perdre dans l'amour. Il préconise la perte des repères mentaux : l'entendement, la mémoire, la volonté. C'est pourquoi la démarche de Jean de la Croix est éminemment critique. Édition : Obras complétas, Luciano Ruano de la Iglesia ed. (O.C.D., 12® édit., Madrid, « BibUoteca de Autores Cristianos », 1989). Traductions : Œuvres spirituelles, trad. R.P. Grégoire de Saint-Joseph (Paris, Seuil, 1947). - Œuvres complètes, trad. Marie du Saint-Sacrement, Dominique Poirot ed. (Paris, Cerf, 1990). - La Montée du Carmel (Paris, Seuil, «Livre de Vie», 1995). - La Vive Flamme d'amour (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1995). - Le Cantique spirituel (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1995). - Poésies, trad. Benoit Lavaud, Bernard Sesé ed. (Paris, Flammarion, 1993). - La Nuit obscure, trad. R.P. Grégoire de Saint-Joseph (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1984).

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Études critiques : Jean Baruzi, Saint Jean de la Croix et le problème de l'expé¬ rience mystique (Paris, Félix Alcan, « Bibliothèque de philosophie contem¬ poraine», 2® édit, 1931). - André Bord, Mémoire et espérance chez Jean de la Croix, préface de Henri Gouhier (Paris, Beauchesne, 1971). - Max Milner, Poésie et vie mystique chez saint Jean de la Croix, préface de Jean Baruzi (Paris, Seuil, 1951). - Jean Orcibal, Saint Jean de la Croix et les mystiques rhéno-flamands (Paris, Desclée De Brouwer, 1966). - Jean Krynen, Saint Jean de la Croix et l'aventure de la mystique espagnole (Toulouse, PUM, 1990). LYDWINE DE SCHIEDAM (1380 7-1433), sainte. Visionnaire, ayant contracté une pleurésie à l'âge de 16-17 ans, elle devint grabataire et de plus en plus malade, trouvant des consolations dans rEucharistie et l'imitation du Christ. Stigmatisée, anorexique, ne se nourris¬ sant que de l'hostie, elle eut de nombreuses visions et attira beaucoup de visiteurs à Schiedam pour ses guérisons miraculeuses. Sa vie fut écrite dès le XV® siècle entre autres par Thomas a Kempis. En 1901, Huysmans publia une hagiographie littéraire de sainte Lydwine. Bibliographie : M. Carosso-Kok, Repertorium, van verhalende historische bronnen uit de middeleeuwen ('s-Gravenhage, M. Nijhoff, 1981). Étude : Joris-Karl Huysmans, Sainte Lydwine de Schiedam, 2 vol.. Œuvres complètes, t.XV (Paris, Grès & 1932-1933). MARIE DE JÉSUS D'AGREDA (1602-1665), Maria Coronel, vénérable. Visionnaire, issue d'une famille de petite noblesse consacrée aux Ordres religieux, elle fonda, à 16 ans, dans sa propre maison et avec le soutien de sa mère et de ses sœurs, un couvent de Franciscaines conceptionistines. En 1627, elle en devint prieure et le resta jusqu'à sa mort. Sa renommée parcourut toute l'Espagne et ses conseils en politique furent appréciés par Philippe IV. Son œuvre principale, Mistica ciudad de Dies y vida de la Virgin (La Cité mystique de Dieu et la vie de la Vierge) parut après sa mort en 1670. Cet ouvrage de l'époque baroque se présente sous la forme d'un volumineux récit très imaginatif, où se mêlent science théologique et légendes populaires sur la Sainte-Famille, et dont le principal sujet est la vie exemplaire de la Vierge. La narratrice fonde l'origine merveilleuse de son récit d'édification, en affirmant qu'il lui a été dicté par la Vierge. Ce livre, lu et traduit avec passion dans toute l'Europe, avait été condamné par la Sorboime en 1696, et mis à l'Index par l'Inquisition en 1713, malgré que le pape Clément X eût accordé à Marie de Jésus d'Agreda le titre de vénérable. Éditions et traductions : Mistica ciudad de Bios. Vida de la Virgen Maria, A.M. esposito ed. (Potomac [États-Unis], Scripta humanistica, 1990). -

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La Cité mystique de Dieu, traduit de l'espagnol par Thomas Groset (Paris, Berche et Tralin éditeurs, 1898. 6 vol. ). PAUL, saint (vers 10 après J.-C. - après 58-59), Saiil. Issu d'une famille juive de stricte observance, il reçut une éducation de juif hellénistique et reçut par son père la citoyenneté romaine, d'où la latini¬ sation de son prénom en Paulus. Ayant appris le métier de fabricant de tentes, il fut toujours indépendant des communautés visitées lors de son activité missionnaire. Il cormaissait la langue grecque, les philosophes hellé¬ nistiques et stoïciens, les cultes païens et la mythologie gnostique et orien¬ tale. N'ayant probablement pas connu le Christ de son vivant, il était au départ persécuteur des chrétiens, et fut converti par une apparition du Christ sur le chemin de Damas. Propagateur du christianisme à travers une impor¬ tante activité missionnaire, il possède des caractéristiques propres aux mystiques : les visions et états extraordinaires, la recherche d'union, la logique paradoxale de la perte. Tout comme il lie sagesse et folie, il lie force et faiblesse, coercition et liberté. Hostile à tout esprit de système, sa pensée apparaît en constante recherche. Il est considéré comme le fonda¬ teur de la mystique occidentale. Études critiques : A. Schweitzer, La Mystique de l'apôtre Paul, traduit de l'alle¬ mand par Marcel Guéritot (Paris, Albin Michel, 1962). - Claude Tresmon- tant, Saint Paul et le mystère du Christ (Paris, Seuil, « Maîtres spirituels », 1956). PÈRES DU DÉSERT (dès le iv« siècle). On appelle ainsi les groupes de moines, anachorètes ou cénobites, qui affluèrent à partir du rv® siècle dans les déserts d'Égypte, de Palestine, de Syrie, d'Asie Mineure, du Sinaï, etc. Parmi eux se trouvaient Antoine (+ 356) et Macaire l'Égyptien (+ 390). Les Pères du Désert inventèrent ime prière courte, répétée, centrée sur le travail sur le souffle. Cette recherche culminera au mont Athos, entre le x® et le xrv® siècles, avec l'hésychasme (de hesychia, du mot grec qui signifie repos, quiétude, silence). Evagre du Pont (345-399), dans son Traité de l'Oraison, évoque une contemplation extatique dans la nudité de toute pensée. Ses ouvrages, accusés de désin- camer et d'intellectualiser le christianisme, furent condamnés en 553. Jean Climaque (vers 575-650 ou vers 525-600), dans son ouvrage en grec Klimax tau paradeisou (Échelle du paradis), évoque l'ascension vers le divin sur le mode du détachement et d'une prière fondée sur la maîtrise du souffle. Les Pères du Désert reçurent de nombreux visiteurs qui leur posèrent des questions et recueillirent les réponses — sous forme de sentences — dans le recueil le plus important, les Apophthegmata Patrum (Sentences des Pères, fin du v® siècle). Mais l'ouvrage le plus ancien est

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le Gêrontikon (Le Livre des Anciens) dans lequel les sentences sont classées par ordre alphabétique des moines qui les ont écrites. À ce livre succède VAnonyma, ou recueil de sentences anonymes. Les Apophthegmata (Apophtegmes), qui ressemblent au Livre biblique des Proverbes, enseignent une voie de sagesse dans le prolongement de l'Évangile et placent la figure du Christ au centre de la piété. Bien que, par prudence face aux excès dans lesquels pourraient tomber les fidèles, ils évoquent peu les états extatiques, ils constituent un manuel de mystique pratique adaptée à la vie quotidienne. Toutes les sentences des Pères du Désert évoquent le contenu d'une vie d'ascèse, d'amour et de prière. Éditions et traductions : Sentences des Pères du Désert, L. Regnault ed. (Solesmes, Abbaye de saint-Pierre de Solesmes, 1970-81. 3 vol.). - Paroles des Anciens. Apophtegmes des Pères du Désert, traduits et présentés par Jean-Claude Guy (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1976). Études critiques : Jean Brémond, Les Pères du Désert (Paris, Gabalda, 1927). - Lucien Regnault, La Vie quotidienne des Pères du Désert en Égypte au rV siècle (Paris, Hachette, 1990). PSEUDO-DENYS L'ARÉOPAGITE (auteur inconnu, fin v® siècle-début VI® siècle). Sous le pseudonyme de ce personnage, membre de la haute cour de justice d'Athènes converti par Paul (Ac xvn, 34), un inconnu a rédigé, vers la fin du Y® ou le début du vi® siècle, quatre importants traités et onze lettres. Du K® au XIX® siècle, il a été identifié de façon fautive avec Denis, l'évêque martyr de Paris. Ses écrits témoignent de l'influence du néoplatonisme tardif ainsi que du platonisme christianisé de Grégoire de Nysse. Ils ne rendent comptent d'aucun état extraordinaire, ni d'aucune connaissance expérimentale du divin. Le Péri tês ouranias hierarchias (La Hiérarchie céleste) propose une description du monde angélique. Le Péri tês ekkle- siastikês hierarchias (La Hiérarchie ecclésiastique) interprète les ordres et sacrements de l'Éghse en fonction de la hiérarchie céleste. Le Péri théiôn onomatôn (Les Noms divins) tente d'approcher le divin inconnaissable par la voie des noms divins bibhques. Enfin, le Péri mystikês theologias (La Théologie mystique) prône la voie apophatique dans la contemplation du divin, dont rien ne peut exprimer l'essence puisqu'il est au-delà de l'être et indicible, et au-delà de tout attribut et indéfinissable, si ce n'est par l'usage des négations. L'union mystique s'opère selon Pseudo-Denys en trois étapes : la purification, l'illumination et l'union. L'union mystique dépasse l'entendement humain et ne peut s'appréhender que dans le non- savoir, telles sont les idées décisives qui ont marqué de leur influence la théologie orientale et surtout, les plus grands auteurs de la mystique occidentale : Thomas d'Aquin, Maître Eckhart, Nicolas de Cues, Jean de la Croix, Thérèse d'Avila s'en sont inspirés.

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Éditions et traductions : La Hiérarchie céleste (Paris, Cerf, 1970). - La Théologie mystique. Lettres, trad. Madeleine Cassingena (Paris, Migne, les Pères dans la Foi, 1991). Étude critique : R. Roques, L'Univers dyonisien (Paris, Aubier, 1956). RUYSBROECK (ou RUUSBROEC) Jan van, dit «l'Admirable» (1293-1381). Bienheureux, appartenant au clergé séculier bruxellois, il se retira en 1343 dans la solitude de la forêt de Groenendael, où se fonda une communauté augustinienne dont il devint premier prieur. Il y poursuivit son activité litté¬ raire, recevant de nombreux hôtes. Elève de Maître Eckhart, qu'il critiqua par la suite, il transmet dans ses traités toute la substance de la mystique rhénane — une théologie apophatique, une spirituahté abstraite — mais en un style imagé et oxymorique. Contemporain de Tauler — autre élève de Maître Eckhart — il ne le rencontra sans doute jamais. Il n'a pas composé de traités de morale ou d'ascèse. Il décrit simplement les expériences intérieures de la vie contemplative. Il cherche à synthétiser une mystique d'union et la réahsation de l'identité. Tout, dans l'individu, converge vers cette union divine. Il fut accusé en 1399 de prôner la déification de l'humain, et d'identifier la clarté à la nature divine. Au xvif siècle, la diffu¬ sion de ses ouvrages fut entravée par Gerson et Bossuet. Il écrivait en un dialecte néerlandais, le brabançon, et exerça une influence décisive sur Harphius (Henri Herp), auteur de La Perle évangélique, qui, par sa traduc¬ tion latine, répandit sa doctrine en Europe. Il influença notamment Benoît de Canfeld. Des onze traités et sept lettres écrits par Ruysbroeck, Die chierheit der geesteliker brulocht (L'Ornement des noces spirituelles, vers 1335) est considéré comme son chef-d'œuvre, à cause de sa structure harmonieuse et vaste, qui développe les phases de la vie mystique, en cherchant à distinguer l'authentique mystique de ses imitations. Cette œuvre a donc également valeur polémique. Le grand mystique flamand y part en guerre contre les quiétistes et les faux mystiques auxquels il reproche de brûler les étapes en voulant être immergés dans le divin sans la pratique des vertus. Aussi propose-t-il un parcours exigeant, selon lequel l'homme intérieur doit franchir trois étapes pour s'unir au divin : la vie active {inchoatio), la vie de désir (progressio), et la vie contemplative (perfectio). Les autres œuvres célèbres de Ruysbroeck sont : Van der blinkenden steen (L'anneau ou la pierre brillante, vers 1336) présente une synthèse géniale de sa doctrine ; Van der geestliken tabernakel (Le Tabemacle spirituel, vers 1336-45) donne une interprétation du tabemacle de l'Ancien Testament; Die spieghel der eewigher salicheit (Le miroir de la béatitude étemelle, vers 1359) traite de la relation de l'âme à Dieu et du rapport du créé et de Γ incréée ; enfin le Boecsken der verclaringhe (Opuscule de la plus haute

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vérité, vers 1362) explicite la notion d'«unité sans différence» et la distingue du panthéisme. Ces œuvres ont été traduites en latin par Surius (1609), qui en donne une interprétation, purgeant le texte original de sa force. En 1869, Ernest Hello se fonde sur le texte latin lorsqu'il publie des extraits de cette œuvre, ce qui n'est pas le cas de Maeterlinck, dont la traduction publiée en 1891, est à la fois plus complète et plus fidèle : elle se fonde en effet sur le texte flamand original en brabançon, et non sur une inteφrétation. De plus, elle fournit une version intégrale de l'Orne¬ ment des Noces spirituelles. Édition : Jan van Ruusbroec, Opera omnia (Belgique, Brepols, 1988-2003. 10 vol.). Traductions : Rusbrock l'Admirable. Œuvres choisies, extraits traduits du latin par Ernest Hello (1869), préface de Georges Goyau (Paris, Perrin, 1921). - L'Ornement des noces spirituelles de Ruysbroeck l'admirable, trad, intégrale du brabançon par Maurice Maeterlinck (1891), préface de Jacques Brosse (Bruxelles, Les Éperonniers, 1990). Étude critique : P. Verdeyen, Ruysbroeck l'Admirable (Paris, Cerf, 1990).

SALES, François de (1567-1622), saint. Mystique suisse, saint, évêque de Genève, proclamé Docteur de l'Eglise en 1877 par Pie IX. Destiné à faire carrière dans la noblesse de robe, il connut la mystique Marie de l'Incarnation, fréquenta Bérulle, contribua à l'implantation en France du Carmel espagnol de l'école de Thérèse d'Avila et fonda l'ordre des Sœurs Visitandines avec Jeanne-Françoise de Chantai. Prédicateur, directeur spirituel, réformateur du clergé, il a écrit un ouvrage à succès, l'Introduction à la vie dévote (1608), qui rend accessible aux laïcs Γ «oraison mentale». Il prône ainsi une piété individualiste et privée, qui fait une place à la contemplation passive propre aux mystiques. Le modèle mystique devient ainsi une forme supérieure de dévotion. Il a égale¬ ment traité de la prière mystique dans Traité de l'amour de Dieu (1616), ouvrage au succès moins retentissant et qui s'inspire de la mystique théré- sienne et nordique (Harphius, Benoît de Canfeld), mêlant une perspective psychologique et ontologique. Éditions : Œuvres, A. Ravier et R. Devos ed. (Paris, Galhmard, 1969). - Traité de l'amour de Dieu (Paris, La Bonne Presse, 1925). - Lettres d'amitié spiri¬ tuelle (Paris, Desclée De Brouwer, 1980). Études critiques : E. J. Lajeunie, Saint François de Sales et le salésianisme (Paris, Seuil, « Maîtres spirituels », 1962). - Henri Lemaire, Les Images chez Saint François de Sales (Paris, Nizet, 1962). - Pierre Serouet, De la vie dévote à la vie mystique (Paris, Desclée De Brouwer, 1958). - Bernard Sese, Petite vie de François de Sales (Paris, Desclée De Brouwer, 1980).

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SURIN, Jean-Joseph (1600-1665). Le père Surin fut considéré au xvn® siècle comme l'un des plus grands spirituels français. Jésuite depuis 1616, il avait été envoyé en 1634 auprès des Ursulines de Loudun pour s'occuper de la sœur Jeanne des Anges à titre d'exorciste. L'ayant guérie de son mal, il tomba dans un état qu'il qualifia de «possession» pendant près de vingt ans, de 1637 à 1656 environ : il était devenu muet. Il fut ensuite écrivain et prédicateur, publia des ouvrages spirituels importants, et remporta un vif succès avec son Catéchisme spirituel (1657), traduit dans de nombreuses langues. Surin conseille l'abandon total au divin. Ses œuvres furent discutées déjà de son vivant. Éditions : Cantiques spirituels de l'amour divin pour l'instruction des âmes dévotes (Paris, Leclère, 1731). - Catéchisme spirituel (Rennes, Paris, 1657-63). - Lettres spirituelles du R.P. Surin, revues et corrigées par le père Champion (Nantes-Paris, Couterot, 1704). - Dialogues spirituels, le père Champion ed. (Paris, 1704-1709). - Le Guide spirituel, Michel de Certeau ed. (Paris, Desclée De Brouwer, « Bibliothèque européenne », 1963). - Guide spirituel pour la perfection, texte établi et présenté par Michel de Certeau (Paris, Desclée De Brouwer, «Christus», 1989). - Jean-Joseph Surin. Correspondance, Michel de Certeau éd.. Préface de Julien Green, Ouvrage publié avec le concours du CNRS (Paris, Desclée De Brouwer, «Biblio¬ thèque européenne », 1966). Études critiques : Sophie Houdard, « Expérience et écriture des Choses de l'autre vie chez Jean-Joseph Surin », Littératures classiques, n° 39 : "Littérature et religion", Gérard Ferreyrolles dir., printemps 2000, pp.331-47. - «La Donation pure et simple, la mystique contractuelle de Jean-Joseph Surin», Littératures classiques, n°40 : "Droit et littérature", Christian blet dir., automne 2000, pp. 295-308. SUSO, Henri (1295 7-1366), Heinrich Seuse, saint. Mystique allemand contemporain de Tauler et Eckhart, il entra dès l'âge de 12 ans au couvent dominicain de Constance, dont il fut par la suite prieur en 1334 et 1343-44. Sa conversion (à 17 ans) et une extase le condui¬ sirent peut-être à Strasbourg et finalement au Studium général de Cologne où enseignait Maître Eckhart. Suso a défendu contre ses opposants l'ensei¬ gnement d'Eckhart sur la plénitude mystique, ce qui l'a exposé à diverses persécutions à partir de 1330, puis en 1348, lorsqu'il est chassé de Constance. Dans le Buchlein des Warheit (Livre de la Vérité), composé vers 1326-28, il se livre à une apologie de l'enseignement d'Eckhart en tentant de concilier ses élans spéculatifs avec une psychologie mystique concrète et expérimentale, sous forme de dialogues avec le Christ et l'Époux. Le Buchlein der ewigen Weisheit (L'Opuscule de la Sagesse étemelle), pam en moyen-allemand autour de 1330, fut transposé et

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développé en latin par lui-même entre 1331 et 1334 sous le titre Horolo- gium Sapientiae (L'Horloge de la Sagesse) : ces deux ouvrages d'édifica¬ tion, célèbres dans toute l'Europe, décrivent la vie mystique comme le prolongement de la passion du Christ. Tandis qu'il se consacre à la direc¬ tion spirituelle dans les couvents de Constance, il rédige 38 lettres rassem¬ blées ensuite dans le Kleinen Briefl?uch et le Grossen ΒήεβΜεΗ (Petit et Grand recueil de Lettres). Enfin, il a rédigé sa Lehen (Vie) avec un co¬ auteur, la sœur Elisabeth Stagel : dans ce récit exemplaire qui emprunte au roman courtois et à l'hagiographie, le narrateur se présente comme un aventurier spirituel. Éditions et traductions : Deutsche Schriften, K. bihlmeyer ed. (Stuttgart, 1907). - H. Suso Gudeliga snilles vàckare (Horologium aetemae Sapientiae) (Stockholm, Nordstedt & fils, 1968-70). - Henri Suso, Œuvres complètes, trad. Jeanne Ancelet-Hustache (Paris, Seuil, 1977). Étude critique : Jeanne Ancelet-Hustache, Le Bienheureux Henri Suso (Paris, Aubier, 1943). TAULER, Jean (vers 1300-1361). Mystique, prédicateur dominicain strasbourgeois issu de la bourgeoisie aisée. Contemporain de Henri Suso lors de ses études à Cologne, de Ruysbroeck qu'il a peut-être rencontré, de Maître Eckhart dont il suivit l'enseignement et devint le disciple, il n'a pas laissé de témoignage sur son cheminement personnel, mais ses prédications, qui ont propagé les idées de Eckhart, ont été recueilhes par ses auditrices moniales. Sa concep¬ tion s'écarte du système thomiste fondé sur la triade des domaines des sens, de l'intellect et du spirituel. C'est dans l'instinct profond (le Gemiit) ou le cœur, ou fondement de l'âme, que s'actuahse l'union avec le divin. Depuis le xdc® siècle, il fait partie, avec Maître Eckhart, Henri Suso et Ruysbroeck, des quatre étoiles de la mystique allemande. Édition : Johannes Taulers Predigten, G. Hoffmann ed. (Fribourg-en-Brisgau, Eisiedeln, 1971). Traductions : Œuvres complètes de Jean Tauler, trad. Ε. Pierre Noël (Paris, TrasUn, 1911). - Sermons, trad. Hugueny-Théry (Paris, Cerf, 1991). Étude critique : CoGNET, H., Introduction aux mystiques rhéno-flamandes (Paris, Desclée De Brouwer, 1968). THÉRÈSE D'AVILA (1515-1582), Thérèse de Cepeda y Ahumada, sainte. Mystique espagnole et écrivain, patronne de l'Espagne depuis 1617, béati¬ fiée en 1622, déclarée Docteur de l'Église en 1970. Personnahté impor¬ tante de la mystique espagnole, elle réforma le Carmel et eut pour succes-

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seur Jean de la Croix (1542-1591), avec lequel elle noua une étroite amitié spirituelle. Entrée au Carmel contre la volonté paternelle à l'âge de vingt ans, elle provient d'une famille pieuse de juifs convertis au christianisme, plutôt favorables aux idées de la Réforme qu'à celles de l'Inquisition, rétablie alors en pleine période de conflits. En tant que réformatrice du Carmel, elle dut subir de fortes persécutions, car elle prônait une piété intériorisée contre le modèle de piété traditionnelle, l'égalité des âmes contre l'élitisme, l'humilité contre le faste, la formation intellectuelle contre l'obscurantisme, la raison contre l'illuminisme. Traquée par les théologiens antimystiques et antiféministes pendant la Réforme, Thérèse d'Avila vit ses œuvres largement diffusées pendant la Contre-Réforme, et sa conception de la prière passive fut dominante dans le mouvement du renouveau catho- hque après 1600. En dehors des Constituciones (Les Constitutions) et du Libros de las Fundaciones (Le Livre des Fondations), qui racontent l'his¬ toire de la réforme de son ordre, toute son œuvre tente de faire comprendre et partager son expérience mystique. Elle a écrit, sur l'ordre de son confes¬ seur, divers ouvrages autobiographiques et didactiques à l'usage des carmé- htes. Le plus célèbre est le Castillo interior ο Las Moradas (Le Château intérieur), qui expose les sept demeures de l'âme avant de parvenir à l'union ou mariage spirituel, et le Libro de su Vida (Livre de sa Vie), récit rédigé en deux versions (1562 et 1569), saisi par l'Inquisition en 1575, et rendu en 1587, cinq ans après sa mort Elle est aussi l'auteur du Camino de perfeccion (Le Chemin de la perfection, deux versions entre 1562-69). Elle fut beaucoup lue par les écrivains du dernier tiers du xix® siècle, tels Flaubert, Barbey d'Aurevilly, Bloy, Huysmans, et ceux du xx® siècle tels René Daumal. Édition : Obras complétas (Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 8^ édit, 1986). Traductions : Œuvres complètes, traduit de l'espagnol par le père Grégoire de Saint Joseph (Paris, Seuil, 1949). - Vie écrite par elle-même, traduit de l'espagnol par le père Grégoire de Saint Joseph (Paris, Seuil, «Points Sagesse», 1995). - Le Château intérieur, traduit de l'espagnol par Marcel Bouix (Paris, Payot et Rivages, 1998). - Le Chemin de perfection (Paris, Seuil, «Livre de Vie», 1961). Études critiques : Dominique de Courcelles, Thérèse d'Avila femme d'écriture et de pouvoir (Grenoble, Jérôme Millon, 1994). - Emmanuel Renault, Sainte Thérèse d'Avila et l'expérience mystique (Paris, Seuil, «Microcosme. Maîtres spirituels », n° 38, 1985). - Rosa Rossi, Thérèse d'Avila (Paris, Cerf, 1989). - Denis Vasse L'Autre du désir et le Dieu de la foi. Lire aujour¬ d'hui Thérèse d'Avila (Paris, Seuil, 1911).

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