Avant-propos
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Mondes à l’envers. De Chamfort à Samuel Beckett
- Pages : 7 à 8
- Collection : Investigations stylistiques, n° 9
- Thème CLIL : 3154 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Stylistique et analyse du discours, esthétique
- EAN : 9782406071068
- ISBN : 978-2-406-07106-8
- ISSN : 2271-7013
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07106-8.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/11/2018
- Langue : Français
Avant-propos
Le plaisir que nous donne un artiste, c’est de nous faire connaître un univers de plus.
Proust, Contre Sainte-Beuve, 1971, p. 559.
Leibniz a créé la théorie des mondes possibles pour éclaircir si les romans pouvaient se réaliser un jour, par l’opération de la Providence, bien entendu. Notre monde n’est sans doute pas le meilleur, mais l’on peut craindre que le Meilleur des mondes ne s’y réalise un jour.
Alors qu’une littérature vendeuse répète à chaque rentrée l’existant journalistique, les classiques ménagent des surprises renouvelées et récusent les interprétations convenues. À première lecture, leurs mondes semblent à l’envers ; mais c’est le nôtre qu’il faut remettre sur ses pieds en approfondissant la culture cosmopolite dont témoignent toutes les grandes œuvres.
Par la distance qu’ils supposent, les mondes littéraires exercent une critique silencieuse et sans merci à l’égard des préjugés qui nous obsèdent. Nous apprenons auprès des écrivains à nous en défaire, au risque de devenir peu à peu des personnages de leurs fables.
Les mondes que décrit ce livre sont des mondes d’œuvres plus que d’écrivains. Les grands auteurs ne parviennent pas à se répéter : apprenant de leurs propres œuvres, ils innovent en rivalisant avec la tradition. Aussi l’ordre chronologique se trouve-t-il ici inversé à bon droit : Balzac ne préfigure pas Proust, mais Proust innove avec et contre lui, car les grandes œuvres du passé hantent toute création nouvelle. Les classiques résistent à l’histoire comme aux historiens et dessinent ainsi leur avenir comme le nôtre.
En laissant la parole aux œuvres, en limitant au nécessaire le recours à l’histoire littéraire, j’ai souhaité témoigner de leur vigueur intacte. 8Si la méthode choisie tire implicitement profit de la linguistique, de la philologie et de l’herméneutique, ces disciplines n’assument ici qu’un rôle noblement ancillaire.
Ce livre comprend des études conduites sur plus de vingt ans, certaines inédites, d’autres non, mais toutes refondues. De Chamfort à Beckett, on ne présente plus les auteurs qui l’honorent. J’ai cherché à varier les propos, les méthodes, l’étendue des analyses, pour ménager les lectures imprévues que méritent leurs œuvres.
Je remercie de leurs précieux avis Ivan Almeida, Michel Ballabriga, Évelyne Bourion, Christine Chollier, Françoise Canon-Roger, Françoise Douay, Carine Duteil, François-Charles Gaudard, Louis Hébert, les regrettés Ronald Landheer et Georges Molinié, Yvan Leclerc, Covadonga Lopez Alonso, Odile de Guidis, Michèle Noailly, Arnau Pons, Arlette Séré de Olmos, Catherine Verdonnet et Pierre Temkine.