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Classiques Garnier

Propos liminaire

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Méditations
  • Pages : I à V
  • Réimpression de l’édition de : 1980
  • Collection : Classiques Jaunes, n° 520
  • Série : Littératures francophones
  • Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
  • EAN : 9782812414541
  • ISBN : 978-2-8124-1454-1
  • ISSN : 2417-6400
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-1454-1.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/04/2014
  • Langue : Français
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ON trouvera ici, pour la première foisréunies et com- mentées en un seul et même volume, la totalité des pièces de vers auxquelles, à un moment ou à un autre de sa longue existence, Lamartine a donné le nom de Médi- tations : i ° les Méditations poétiques proprement dites, com- prenant vingt-quatre poèmes dans l'originale du début de mars 1820, vingt-six dans la seconde édition parue à la mi-avril suivante, trente dans la neuvième publiée aux premiers jours de 1823, quarante et un enfin dans les Œuvres complètes de 1849; 2° les Nouvelles Méditations poétiques, soit vingt-six morceaux sortis des presses en sep- tembre 1823 et dont le nombre fut augmenté de deux unités en 1849; 3® seize compositions intitulées à cette dernière date Méditations poétiques inédites et que l'on nomme parfois Troisièmes Méditations ; 4° Te Désert enfin, édité en 1856 et qu'il nous a paru légitime de joindre au présent recueil puisqu'il est, sur manuscrit, sous-titré Méditation philo- sopbique. Si les Méditations sont une des œuvres les plus célèbres de notre xix® siècle, elles doivent leur réputation surtout à quelques-unes d'entres elles {L'Isolement, Le λ/αΙΙοη, Le Lac, L!Automne, Le Crucifix notamment), souvent invoquées et qui ont acquis droit de cité dans les antho- logies. Mais, jusqu'à présent, seules les quarante et une pièces que nous avons mentionnées en premier ont été l'objet d'une édition critique sérieuse, celle déjà ancienne établie par Gustave Lanson dans la « Collection des Grands Écrivains de la France » et qui passa pour un modèle du genre. Préparée avant la Grande Guerre et mise en vente en 1915, cette « magistrale étude » fut alors, selon l'expres- sion d'Albert Cahen, « un vrai symbole d'énergie fran-

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çaise et de foi dans l'avenir de la patrie* »; on ne saurait relever dans ses gloses « ni lacune, ni superfluité » et « son introduction restera comme le travail le plus ample, le plus informé, le plus satisfaisant qui ait été consacré aux Premières Méditations, à la formation intérieure qui en explique l'éclosion, aux circonstances qui les inspirèrent l'une après l'autre, à leur succès enfin, à leur diffusion et aux vicissitudes de leur influence et de leur renommée. » Le mérite de cette somme lamartinienne ne doit pas être sous-estimé et l'on aurait peine à souscrire à l'opinion tranchante du caustique Fernand Vandérem, condamnant Lanson « dont on sait que le sens artistique n'est pas plus fort que le sens littéraire » et qui a semé dans ses notes « un irrésistible et désopilant comique** ». Cependant l'éminent professeur de la Sorbonne n'avait pas évité certaines conclusions hâtives ou incomplètes; il abusait peut-être, comme pour diminuer l'originabté du poète, de rapprochements faits avec des minores du xviii® au détriment de ceux qu'il aurait pu tenter avec d'autres écrits de Lamartine lui-même; il manquait de précision dans certaines de ses références, en particulier dans celles qui concernent l'Écriture sainte; enfin, après cinquante années écoulées, des travaux plus récents permettent de compléter sa documentation ou d'apporter à sa manière de voir des rectifications nécessaires et d'indispensables nuances. Pour ce qui est des Nouvelles Méditations poétiques, Maurice Le vaillant avait projeté, à l'occasion de leur premier centenaire, une publication analogue à celle de G. Lanson; mais.le délicat poète, qui fut aussi un des maîtres historiens du Romantisme, ne donna pas de suite à son intention. Quant aux Méditations inédites de 1849, elles ont été le plus généralement ignorées ou, du moins, passées sous silence.

* Compte rendu de rédition G. Lanson, Revue Histoire littéraire de la France, janvier-mars 1917, ρ p. 144-148. ** F. Vandérem, La Neuvième Édition des « Méditations », Bulletin du Bibliophile, 1925, pp. 541-546.

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Aussi bien l'éditeur de notre temps se voit-il en présence de multiples mises au point à réaliser et d'un grand nombre de problèmes à résoudre, qui parfois n'ont même pas été soupçonnés; il se heurte également à de fausses compli- cations, posées par des commentateurs de Lamartine qui, comme leur écrivain d'élection, se sont complu dans le vague et l'imprécis. Dans le détail, chaque pièce soulève isolément des questions souvent épineuses de date, d'origine, de signification, etc. Nous nous sommes efforcé d'y apporter réponse dans notre annotation, en recourant à une information aussi abondante que possible et parfois fort dispersée; lorsque nous n'avons pu parvenir à un résultat vraiment positif et assuré, nous avons sim- plement dressé le constat de notre ignorance, avec l'espoir qu'il servira de point de départ à quelque chercheur plus heureux ou mieux éclairé. D'autre part, l'édition des Méditations prises dans leur ensemble offre une double difficulté méthodologique : celle du texte à retenir et celle de l'ordre à adopter dans la publication des poèmes. Dès l'origine, on le verra, les volumes de mars 1820 et de septembre 1823 étaient fort composites; on y cher- cherait vainement une réelle unité ou, pour parler selon la mode de notre époque, il serait difficile d'en préciser la structure. A diverses reprises, Lamartine bouleversa leur économie interne pour leur donner une disposition nouvelle, aussi indécise en vérité que la précédente. Par commodité, nous avons adopté — sans y attacher plus de valeur que l'auteur ne le faisait probablement lui-même — le dernier classement en date, c'est-à-dire celui de 1849; mais nos lecteurs auront à leur disposition tous les rensei- gnements qui leur permettent de connaître celui des originales et des tirages successifs. Plus déhcate apparaît de prime abord la méthode à suivre en vue de l'établissement du texte. Il suffit pour s'en convaincre (et s'en effrayer!) de Hre l'article du baron de Nanteuil consacré à ce sujet dans la Revue d'Histoire littéraire de la France en 1936. Ce fervent spécialiste de Lamartine a pu compter, entre 1820 et 1866, vingt-quatre

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éditions des Premières Méditations et seize des Nouvelles : en faisant abstraction des différences dues à la typographie, à l'orthographe, à la ponctuation, aux coquilles évidentes, il a relevé dans celles-ci 163 variantes et 108 dans celles-là; de ces variantes, dont il n'a pas publié la liste exhaustive, il s'est livré à une analyse méticuleuse qui, déclare-t-il, lui a demandé « plusieurs années d'études et de réflexions », et ce, pour arriver à quoi? A conclure que la majeure partie des diversités constatées peuvent rarement être attribuées avec certitude à la volonté de l'écrivain et qu'au total « il ne faut jamais modifier le texte original sans motif péremptoire ». L'idée directrice de Nanteuil était en effet de réaliser, à partir d'un examen de la totalité des éditions, une version optima des Méditations, telle qu'il n'en a jamais existé lorsque leur auteur était en vie, ni depuis qu'il est mort. Façon de procéder qui est celle des paléographes et philologues s'efforçant, à partir des manuscrits qu'ils possèdent, de donner des auteurs anciens les textes les meilleurs possibles. Pour nous, nous nous sommes rangé au parti suivant. Comme le poète n'a guère modifié ses œuvres après les avoir une première fois offertes à son public, notre édition (comme celle de G. Lanson) reproduit l'originale des Premières Méditations et de celles de 1849. Mais, pour les Nouvelles, on a choisi le texte de la seconde, parce que VAvertissement de la première reconnaît ouvertement les incorrections de celle-ci et que la suivante apporte de visibles améliorations. Toutefois, afin d'éclairer au maxi- mum le travail de l'écrivain, les Notes critiques contiennent tout ce que peuvent apporter d'essentiel et les manuscrits existants et les impressions successives. Au moment où j'aperçois le terme de quelque cinq années de recherches souvent délicates, ce m'est un agréable devoir d'exprimer des sentiments de sincère gratitude à ceux qui m'ont fourni l'occasion de les rendre moins imparfaites. J'éprouve une toute particulière reconnaissance envers M. le comte de Noblet, arrière-neveu de Lamartine, qui, avec autant de générosité que de courtoisie, m'a permis de consulter les documents dont il est le vigilant

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gardien au château de Saint-Point, qui fut la résidence favorite du poète. A Mâcon, sa ville natale, j'ai rencontré un très obligeant accueil auprès de MM. Gabriel Badet, bibliothécaire municipal maintenant disparu, Émile Ma- gnien, conservateur du Musée Lamartine, Maurice Chervet, professeur agrégé au lycée et secrétaire général des Jour- nées d'Études lamartiniennes de 1961 et 1965. Je dois aussi des remerciements à Mlle Y. de Montjamont, de Dijon, descendante de Louise Duréault qui inspira en 1847 une des Troisièmes Méditations, à M. de Champeaux de la Boulaye, de la Selle-en-Morvan, à M® Marcel Thomas, notaire à La Ciotat, et à Mlle R. de Chastellier, de Besançon, arrière- nièce de Lamartine, qui m'ont l'un et l'autre apporté de curieux détails sur le crucifix d'Elvire, à M. Antoine Fongaro, professeur aux Instituts français de Rome et de Florence. Je dois enfin une mention spéciale aux précieuses indications qu'ont bien voulu me fournir M. Marius- François Guyard, professeur à la Sorbonne, récent éditeur des Œuvres poétiques complètes dans la « Bibliothèque de la Pléiade », et M. Henri Guillemin qui, depuis un quart de siècle, a renouvelé par ses découvertes notre connaissance de Lamartine. Je voudrais que ce livre ne fût pas trop indigne de œux qui se sont intéressés à son élaboration, ni de la mémoire de Maurice Levaillant qui, peu avant de mourir, m'aviit adressé ses bienveillants encouragements pour la tâcKe entreprise. Celle-ci ne me paraîtra pas inutile, si elle aide à mieux comprendre le poète des Méditations et à le faire aimer davantage.