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Classiques Garnier

Avertissement

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Méditations chrétiennes et métaphysiques
  • Pages : 71 à 72
  • Collection : Textes de philosophie, n° 18
  • Thème CLIL : 3126 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie
  • EAN : 9782406105268
  • ISBN : 978-2-406-10526-8
  • ISSN : 2261-0693
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10526-8.p.0071
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/04/2021
  • Langue : Français
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AVERTISSEMENT

Comme je suis convaincu que le Verbe Éternel est la Raison universelle des esprits1a, et que ce même Verbe, fait chair, est lAuteur et le consommateur de notre foi2b ; je crois devoir le faire parler dans ces Méditations, comme le véritable Maître, qui enseigne tous les hommes par lautorité de sa parole, et par lévidence de ses lumières3c. Mais jappréhende extrêmement de ne pas rendre ses réponses telles que je les reçois ; et de ne pas même les discerner toujours de mes préjugés, ou de ces sentiments obscurs et confus quinspirent les sens, limagination, et les passions. Je sais que je suis homme, et que si le Verbe auquel je suis uni comme le reste des Intelligences, me parle clairement dans le plus secret de ma raison, jai un corps insolent et rebelle que je ne puis faire taire, et qui parle souvent plus haut que Dieu même : jai un corps qui me paraît faire plus de la moitié de mon être : je ne puis séparer mes intérêts des siens : ses biens et ses maux font actuellement ma félicité et ma misère. De sorte que je ne puis lentendre sans émotion, lui imposer silence sans inquiétude, lui contredire sans peine et sans douleur ; en un mot le maltraiter, ou le frapper sans me blesser.

Il ne faut donc pas attribuer à notre Maître commun toutes les réponses que je donne dans cet Ouvrage comme de sa part. Les vérités, qui y sont répandues, sont de lui, les erreurs sont de moi. Car je ne doute nullement que mon imagination ne mait séduit, quelque effort que jaie fait pour lobliger à se taire, et pour rejeter ses réponses. Ceux qui aiment uniquement la vérité, ne doivent jamais croire personne sur sa parole. Si je leur parle comme de la part du Verbe Éternel, ce nest point que je veuille surprendre leur piété ; cest encore un coup que je ne reconnais point dautre Maître que lui, et que je nen veux point 72proposer dautres à personne. Que les Lecteurs linterrogent fidèlement. Quils écoutent attentivement ses réponses. Quils ne se rendent quà lévidence, et ils discerneront assez si cest un homme trompeur qui leur parle, ou si cest leur Maître qui les instruit. Au reste je soumets toutes mes réflexions non seulement à lautorité de lÉglise, qui conserve le sacré dépôt de la tradition ; mais encore au jugement des personnes éclairées qui savent mieux que moi consulter la Raison, et faire taire leurs sens, leur imagination, et leurs passions. Je crois néanmoins devoir avertir que pour comprendre clairement ces Méditations, il est comme nécessaire davoir lu la Recherche de la Vérité, ou du moins de sappliquer à cette lecture avec une attention sérieuse, et sans aucune préoccupation desprit. Ces conditions sont un peu dures. Mais comme je nai pas écrit ceci pour toute sorte de personnes, ce ne sont point tant là des conditions que jexige que des avis nécessaires pour ne pas perdre son temps, et condamner la Vérité sans lentendre. Il est permis aux Auteurs de supposer pour connues des vérités déjà prouvées. Les jugements peu équitables que quelques personnes ont porté sur le Traité de la Nature et de la Grâce, mobligent à donner encore ici cet avis.

1 Joan., I, 9 [NdA].

2 Hebr., XII, 2 [NdA].

3 Matt., XXIII, 10 ; Aug., De magistro [NdA].