Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Maurice Scève . Le poète en quête d’un langage
- Pages : 553 à 560
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 121
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406090106
- ISBN : 978-2-406-09010-6
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09010-6.p.0553
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/01/2020
- Langue : Français
Résumés
Michèle Clément, Vân Dung Le Flanchec, Anne-Pascale Pouey-Mounou, « Introduction »
En herméneutique textuelle, l’erreur est un risque interprétatif augmenté par l’obscurité du texte. Doit-on la faire disparaître de nos procédures ou bien l’intégrer comme une possibilité de penser le texte scévien et la construction de son sens ? Ce colloque se propose de relever ce défi herméneutique en remontant aux origines de l’erreur, à la pratique scévienne des signes, vraisemblablement fondée sur une méfiance pour les codes usuels dont on trouve des traces récurrentes dans Délie.
François Cornilliat, « “Salmodier vers, non vers ambitieux”. Pourquoi (et comment) dire sans avoir à le dire ? »
La poésie inspirée coule de source. Lui prêter un auteur, une ambition, c’est la faire mentir. Présumer proche la source désormais lointaine tient aussi du mensonge ; y remonter exige un effort, qui n’a pas à se vanter de soi. Ainsi Microcosme fait-il un poème du récit de révélations qu’il s’empêche de transmettre, alors même que leur contenu a été transmis. C’est leur événement, dans son évidence, qui nous est obscur ; et qu’il faut dire en vers qui prennent acte et mesure de cette obscurité.
François Rigolot, « 1544, quand Scève corrige Marot. Pour donner une “plus haulte vertu” à sa Delie »
En 1544 paraissent chez le même libraire lyonnais une édition posthume des épigrammes de Clément Marot et la princeps de celles de Maurice Scève, « à l’enseigne du rocher ». Tout se passe comme si Scève voulait transcrire dans ses âpres dizains le fameux topos hésiodique d’une « plus haulte vertu ». Ainsi il mettrait en place une théorie poétique de l’effet, imitée du Pseudo-Longin, qui refuserait la « suavité » marotique pour valoriser l’impact affectif du langage difficile d’un poète inspiré.
554Xavier Bonnier, « Scève et la forme du sonnet »
L’examen systématique des sonnets composés par Maurice Scève, qui sont des pièces de dédicace, montre d’abord un nomadisme des formes et des propos bien compréhensible vu la variété des contextes ; mais la singulière complexité scévienne, faite de densité et d’ambiguïté, et qui est parfois digne de celles de Delie ou Microcosme, revient au cœur de ce genre d’apparat, à l’encontre d’une encomiastique qui simplifie le monde réel, pour imposer une logique de concurrence, de hiérarchie et de compensation.
Thomas Hunkeler, « “Se composer au fil du temps qui court”. Portrait du poète à travers ses sonnets liminaires de 1547 »
Si, en 1547, Maurice Scève se présente comme un poète pastoral dans l’églogue Saulsaye, il reste polyvalent et insaisissable dans ses pièces d’accompagnement de la même année : humaniste italianisant dans l’édition de Dante que de Tournes publie à la suite de son Pétrarque, c’est un moraliste espiègle dans le sonnet qui accompagne le Philosophe de court de Philibert de Vienne et enfin un habile courtisan dans les sonn ets d’escorte des Marguerites de la Marguerite.
Michel Jourde,« Maurice Scève et Jean de Tournes. La pensée du livre »
Les documents disponibles sur les dix-huit années de relation entre Maurice Scève et Jean de Tournes, en particulier 1545 et 1562, tendent à montrer qu’à partir de compétences et de situations sociales très différentes, ils ont pu penser le livre conjointement, dans ses aspects poétiques et typographiques, jusqu’à imaginer un livre (Microcosme) dont la structure matérielle (mise en page, ornements, paratexte) viserait à faire éprouver aux lecteurs les effets déployés dans le discours poétique.
Adeline Desbois-Ientile, « La fabrique de la rime. Scève lecteur des Epistres de l’amant vert »
Contribuant au débat au sujet des relations intertextuelles unissant Maurice Scève et Jean Lemaire de Belges, l’article entend montrer que les emprunts du poète d’Arion, de Delie et de la Saulsaye à l’auteur des Epistres de l’amant vert sont plus nombreux qu’il n’a été dit, et que la rime y joue un rôle structurant. Signes d’une intertextualité latente entre les œuvres, ces emprunts donnent à 555voir un poète au travail et révèlent l’attention portée par Scève à un Lemaire lui aussi poète, chantre de la nature.
Emmanuel Buron, « Scève et Léon L’Hébreu. Discours poétique et discours philosophique dans Delie »
Cet article analyse, à partir de quelques dizains de Delie, le travail de Maurice Scève sur ses emprunts aux Dialogues d’amour de Léon L’Hébreu : termes philosophiques, concepts, configurations d’idées suffisamment stables pour être fixées dans une forme (formule, image ou mot), qu’il modifie afin d’exprimer ses propres conceptions. Comme le dit Sébillet, Scève utilise la force des mots pour déceler « l’énargie dés choses ».
Alice Vintenon, « Les “miracles d’amour” dans la Delie »
Cet article étudie la composante badine de Délie : le mode d’insertion de la fable mythologique dans la forme brève du dizain, les éléments de variété qu’elle apporte au recueil (notamment la dramatisation, un vocabulaire concret, des micro-récits qui peuvent parfois tirer vers le comique…).
Roland Béhar, « “En désir suspenduz”. Maurice Scève à l’école de la prose sentimentale espagnole dans La deplourable fin de Flamete (1535) »
Le rapport du jeune Maurice Scève à la prose et au vers dans La Deplourable fin de Flamete est abordé à la lumière du texte source. Scève a probablement utilisé une édition dépourvue des pièces rimées, qui, cependant, inscrivent ce récit dans le genre de la « fiction sentimentale » espagnole, défini précisément par sa nature hybride entre prose et poésie. L’importance de la « stase lyrique » propre à ce genre invite à poursuivre l’enquête au-delà, dans une appréhension rythmique de la prose même.
Véronique Duché, « “Pamphile au desert”. Maurice Scève traducteur »
Cet article examine le projet de traduction mis en œuvre par Maurice Scève dans La Deplourable Fin de Flamette, et l’importance accordée au thème du désert. Comment Scève a-t-il abordé cette « translation de langaige Espaignol en Francoys » ? Quelle inflexion a-t-il apportée au texte de Juan de Flores ? En 556somme, quel était son « projet de traduction » ? Pour répondre à ces questions, nous analyserons un épisode qui nous semble au cœur du projet scévien, celui de l’homme sauvage, ou « Pamphile au désert ».
Mathilde Thorel, « Scève entre vers et prose. Un langage “point tant obscur, qu’elaboré et non vulgaire” »
De la Deplourable Fin de Flamete (1535) à Délie, comment appréhender l’élaboration d’un « langage scévien », chaque fois redéfini par le genre auquel il s’essaie ? Comment caractériser la singularité d’un style « élaboré et non vulgaire » (Guillaume Des Autels) ? Cet article propose d’approfondir les convergences et divergences mises en évidence par les échos textuels par l’examen de quelques traits saillants de la syntaxe du groupe nominal observés dans l’« Epistre proemiale » de la traduction en prose.
Audrey Duru, « Poétique de la traduction chez Maurice Scève. La Deplourable fin de Flamete (Lyon, 1535) et les psaumes 26 et 83 (Lyon, 1542) »
L’obscurité de la langue scévienne s’évalue par rapport à d’autres normes langagières. La notion de projet de traduction (Antoine Berman), appliquée à Flamete et aux psaumes 26 et 83, permet de mettre en relation, chez Maurice Scève, un examen de la langue, un rapport au fait littéraire et une inscription sociale. La langue scévienne est-elle un usage du français qui suspend son institutionnalisation comme langue royale (1539) ? Nous constatons du moins qu’elle déjoue les jargons cléricaux et universitaires.
Jean Lecointe, « Les habitudes d’écriture de Maurice Scève. Un état des lieux »
Les habitudes de Maurice Scève ne sont pas fortement singularisées. Certaines évolutions sont sensibles, mais avec une grande stabilité globale. Pour trois textes dont l’attribution à Scève a pu être proposée, le Paradoxe contre les Lettres, l’Entrée de 1549 et les Euvres de Louise Labé, aucun ne présente une totale correspondance avec les habitudes constantes de Scève, sans qu’on puisse relever pourtant d’incompatibilité majeure.
557Romain Menini, « Microcosme : “poésie pérenne” ? »
Dans les vers si denses de Microcosme, Maurice Scève a tenté de « réduire en art » rien de moins que la Création elle-même. À la faveur d’une langue inouïe, qui paraît n’avoir pas d’âge parce qu’elle défie modes et époques, le poète s’est risqué – non sans humour – à l’invention d’une véritable poésie pérenne où sont sommés de se condenser les efforts d’un Agostino Steuco pour édifier quelque « perennis philosophia ».
Agnès Rees, « Rudesse et “énergie” dans la Delie de Maurice Scève »
Cet article suit l’élaboration d’une poétique de « l’énergie » dans Délie, en rapport avec les débats et les réflexions contemporaines sur les qualités et plus particulièrement sur l’expressivité de l’écriture poétique (Thomas Sébillet, théoriciens italiens).
Irvin Raschel, « Delie, l’écoute »
Il s’agira de se situer non sur le plan de l’énoncé, mais de l’énonciation : les poèmes de Délie font-ils de l’oralité, qu’en disent-ils ? Définie non pas dans l’opposition à l’écrit mais comme primat du rythme (Meschonnic), l’oralité est un autre régime du sens, qui pour raisonner doit résonner (d. 227) : l’activité rythmico-prosodique du poème est une sémantique spécifique. Les 449 dizains créent une écoute : celle du poème. Et pensent eux-mêmes cette écoute.
Jean Vignes, « Maurice Scève, Pernette Du Guillet et la musique »
Texte de présentation du récital d’Esther Labourdette, accompagnée au luth par Victorien Disse (amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, le 13 octobre 2016), cet article envisage les traces de l’intérêt personnel de Scève pour la musique, puis les différentes publications musicales inspirées par son œuvre au xvie siècle.
Richard Cooper, « Scève, Serlio et la Fête »
L’analyse de La Magnificence de la superbe et triumphante entree de la noble et antique cité de Lyon faicte au Treschrestien Roy de France Henry, deuxiesme de ce nom, et à la Royne Catherine son Espouse, le XXIII de Septembre M.D.XLVIII, récit 558officiel imprimé dû à deux humanistes, Maurice Scève et Guillaume Du Choul, avec l’aide de Sebastiano Serlio, et de Bernard Salomon pour les illustrations, révèle quelques surprises, comparé aux rapports des ambassadeurs présents.
Pierre Martin, « Erreurs et morts. La Delie en quête de “la sensation du fermé” ».
Le huitain liminaire est un coup de force par lequel Maurice Scève cherche à corriger par avance la perception d’une œuvre à l’évidence hétérogène. Tout en revendiquant le caractère bimédial de son œuvre, il fait des devises et des épigrammes deux modes d’expression d’un même objet, les morts ou erreurs amoureuses. Poèmes et devises y sont dits en outre aussi « durs » les uns que les autres, subordonnés qu’ils sont à la même poétique sans concession, une poétique exaspérée.
Gisèle Mathieu-Castellani, « Le jeu du texte et de l’image dans Delie. Une poétique de la tension et du conflit »
Par un examen approfondi des relations complexes qui font entrer en dialogue l’emblème, la devise et le poème qui les suit, cet article montre comment ce dialogue illustre à sa façon la tension qui marque la thématique et la poétique de Delie.
Claudie Balavoine, « Scève et la cohérence du langage emblématique »
Cet article examine les images de Délie à la lumière des pratiques emblématiques du xvie et début xviie siècles pour contester l’implication de Maurice Scève dans leur insertion. Et le langage « par images », tel qu’il se pratique à l’époque, et la poétique de Scève excluent les impertinences que présentent ces images.
Michael J. Giordano, « L’écu héraldique et le corps de la femme dans les Blasons anatomiques du corps féminin.Autour de deux blasons de Maurice Scève »
Dans son Art poétique françoys (1548) Thomas Sébillet suggère une filiation historique entre le blason en poésie et le blason héraldique. Cet essai s’intéresse aux termes héraldiques utilisés dans deux blasons anatomiques de Maurice 559Scève, « Le Front » et « La Gorge » : ils servent de modèle à une poétique du blason anatomique basée sur des structures de l’écu héraldique.
Tom Conley, « Lire Scève en perspective »
S’inspirant de la pensée de l’espace à une époque qui découvre la perspective linéaire, et se fondant sur la collaboration de Maurice Scève et de Bernard Salomon pour Saulsaye (1547) et pour La Magnificence, livret relatant l’entrée d’Henri II à Lyon en 1548, cet essai propose de lire et de voir Delie, recueil de poèmes illustré d’emblèmes, comme une composition en profondeur de champ, afin de cerner, dans ses aspects audio-visuels, ce qu’on pourrait appeler une stratigraphie mentale.
Nancy M. Frelick, « Delie et le langage des yeux »
Dans cet article nous examinons le langage des yeux dans Delie, object de plus haulte vertu (1544). Nous analysons donc quelques thèmes liés à l’œil et au regard dans l’univers poétique de Maurice Scève par le biais de diverses théories (sur l’optique, la contagion oculaire, la psychologie, etc.) pour voir ce que ces discours peuvent nous dire sur les aspects visuels de ce texte hybride, qui se situe quelque part entre le canzoniere et le livre d’emblèmes, tout en se distinguant de ces genres.
Hélène Steyer-Diebold, « “…celle en qui mourant je vis”. Le poète, l’Œuvre et la mort »
L’étude propose un parcours à travers les œuvres de Maurice Scève, de sa contribution au Tombeau du Dauphin au Microcosme et tente d’éclairer les rapports que l’Œuvre, pensée comme un tout, tisse avec la mort. Omniprésente et quasi-obsessionnelle, déclinée sous de multiples formes et visages, cette présence de la mort est liée à des enjeux esthétiques et poétiques.
James Helgeson, « Scève de mort à vie. Quelques “relectures” de Scève (Ronsard, Ashbery) »
À la suite de quelques réflexions sur les liens intertextuels et les contingences biographiques, en prenant comme point de départ le dizain 46 de Delie et 560le sonnet 75 du Premier Livre des Amours de Ronsard, l’auteur se penche sur l’un des rares textes inspirés directement et de façon avouée par la Delie de Scève : le poème « Fragment », qui clôt le quatrième recueil de John Ashbery (1927-2017), sans doute le poète américain le plus important de sa génération.
Richard Cooper, « Conclusions »
Les acquis du colloque sont rappelés, ponctués des motti de Délie, insérés dans la trame, riche, mais encore lacunaire et problématique de la biographie actuelle de Maurice Scève ; et ils sont mis en perspective, à la lumière des interrogations de la critique moderne sur son œuvre.