Résumés

Daniel Bourmaud et Philippe Claret, « Avant-propos »

Maurice Duverger a exercé une influence centrale après 1945 au sein de l’université française et plus spécifiquement au sein des Facultés de droit et des Instituts d’Études politiques. Ses travaux, à la confluence du droit constitutionnel de la science politique, ont façonné ces deux disciplines. À travers des analyses, internationalement reconnues, sur les partis politiques, les modes de scrutin ou les régimes politiques, Maurice Duverger laisse un héritage toujours d’actualité.

Slobodan Milacic, « Maurice Duverger, le passeur culturel. Du positivisme classique à l’analyse politique moderne »

Depuis les années 1950 Maurice Duverger a exercé un véritable leadership intellectuel en tant que fondateur de l’Analyse politique moderne en France. Il a naturalisé la Science politique américaine à l’époque où les traductions ne suivaient pas ; en ouvrant la voie du comparatisme et de la pluridisciplinarité. Son impact était fort, aux allures de star, parfois. Ses publics, incluaient les auteurs, les acteurs et les intellectuels, lato sensu. Ses multiples fonctions institutionnelles y avaient contribué.

Frédéric Rouvillois, « Maurice Duverger, homme de gauche »

Maurice Duverger fut toujours un homme de gauche. Adolescent il flirte en Proudhonien avec le Doriotisme. En 1941, il use de « l’art d’écrire » pour analyser « la situation des fonctionnaires » depuis la révolution de 1940. Ses convictions de gauche paraissent remarquablement stables, même si elles peuvent sembler déroutantes, son socialisme de synthèse étant à la fois anti marxiste, démocratique à la façon de Mendès-France, réaliste jusqu’au pessimisme, et national sans être nationaliste.

Benjamin Fargeaud, « Maurice Duverger, journaliste au Monde sous la IVe République »

Cette contribution s’attache à présenter l’œuvre produite par Maurice Duverger, en tant qu’éditorialiste, dans les colonnes du journal Le Monde entre 1946 et 1958. Il ressort de cette étude tout à la fois la constance des objectifs politiques de long terme poursuivis par l’auteur et une certaine contingence dans le détail des analyses et positions prises par celui-ci pour parvenir à ses fins. Il n’apparaît ainsi pas toujours aisé d’allier la méthode du savant et la position de l’éditorialiste.

Pierre Sadran, « Maurice Duverger, contre-enquête »

Jamais Maurice Duverger n’aura réussi à se débarrasser de l’accusation de l’antisémitisme qu’il aurait professé pendant l’Occupation. Or l’acharnement dont il fut l’objet interroge. En revenant aux sources, aux faits et à un examen scrupuleux du dossier, on comprend que le jugement porté par ses accusateurs est biaisé par l’aura et la surface sociale acquises par le personnage qu’il était devenu après la guerre. Celui-ci suscite une rivalité mimétique qu’il alimente lui-même par son obstination à se justifier.

Christian Bidégaray, « Que reste-t-il du “duvergérisme” ? Maurice Duverger et le droit politique »

Entre 1945 et 1970, le « duvergérisme » mariant droit constitutionnel et sociologie politique (partis politiques, systèmes électoraux) s’est imposé comme mode d’analyse des systèmes politiques. Éclipsé et marginalisé ensuite par le droit constitutionnel contentieux chez les juristes (L. Favoreu et son école) et par un sociologisme survalorisant les « variables lourdes » chez les politistes (influence de P. Bourdieu), il aura été à l’origine du mariage puis du divorce de ces deux disciplines.

Didier Maus, « Relire Duverger, du cours de droit constitutionnel de 1944-1945 à la dernière édition du Thémis »

De 1944 à 1996 les 27 éditions du Manuel de droit constitutionnel de Maurice Duverger, sous ses dénominations successives, constituent le plus célèbre ouvrage en français relatif aux institutions politiques. En rupture avec les présentations traditionnelles, trop techniques, il situe les phénomènes 549constitutionnels dans l’univers de la science politique. L’article mesure les ambitions du projet, sa réalisation et replace le « Moment Duverger » dans l’histoire de la société juridique française.

Alain Laquièze, « Maurice Duverger et la Ve République »

Maurice Duverger a un double regard de chroniqueur politique et de savant sur la Ve République. Il exprime ainsi sa vision de l’évolution souhaitable des institutions politiques de la France, impliquant un changement de régime, prétention qu’il abandonnera, surtout après 1962. Cette conception normative s’accompagne d’une analyse scientifique de la Ve République qui puise largement dans la pluridisciplinarité et vise notamment à qualifier le régime politique fondé par le général de Gaulle.

Miloš Jovanović, « De l’héritage permanent de Maurice Duverger. L’indispensable analyse de science politique en droit constitutionnel »

Après la mutation, induite à la fin du xxe siècle par le contentieux constitutionnel dans l’étude du Droit constitutionnel, l’article revient sur l’importance et la pleine actualité de la « Révolution Duverger ». L’auteur affirme que l’un des principaux objets du Droit constitutionnel – l’organisation des pouvoirs publics – nécessite une approche de science politique sans laquelle il est impossible d’expliquer et de rendre intelligible la façon dont le pouvoir s’acquiert, s’exerce et se transmet.

Frédérique Rueda-Despouey, « La typologie des régimes de Maurice Duverger. Analyse critique »

Maurice Duverger a proposé une approche structurante et in concreto de l’analyse des régimes politiques. Sa démarche pluridisciplinaire aboutit à une classification, souple et adaptable, des régimes dont les régimes dictatoriaux ou la ‘monarchie républicaine’ fournissent une illustration emblématique.

Armel Le Divellec, « Maurice Duverger et la notion de régime semi-présidentiel. Une analyse critique »

Maurice Duverger prétendait avoir inventé une nouvelle catégorie de système de gouvernement, qu’il a appelé le régime semi-présidentiel, se caractérisant 550par la juxtaposition d’un président de la république élu par le peuple et un gouvernement responsable devant le Parlement. Cette catégorie doctrinale, largement critiquée par la doctrine juridique, conserve une certaine réputation chez les politistes en dehors de la France. Elle ne résiste pourtant pas à un examen scientifique un peu rigoureux.

François Frison-Roche, « Le “régime semi-présidentiel”. Un concept heuristique ou taxinomique ? »

Maurice Duverger est le premier à utiliser la formule de régime semi-présidentiel car la Ve République échappe à la typologie classique des régimes figée par la Doctrine. Il ne se limite pas à une analyse juridique mais élargit la problématique en décortiquant les rapports d’interdépendances entre institutions et forces politiques. Tout système démocratique est en effet déterminé par la combinaison de deux sous-systèmes : constitutionnel et partisan. Alors, concept heuristique ou taxinomique ?

André Blais, Ruth Dassonneville et Michael Lewis-Beck, « La loi de Duverger est-elle valide ? Une perspective comparative »

Pour tester la loi de Maurice Duverger, on analyse le pourcentage de votes des tiers partis ainsi que le nombre effectif de partis politiques dans trois types de scrutins : uninominal pluralitaire à un tour (SP1), uninominal majoritaire à deux tours (SM2), proportionnel de liste (SPL). Sur la base de données électorales provenant de 76 pays, les tiers partis obtiennent de meilleurs scores sous les règles de la proportionnalité, surtout en comparaison avec le scrutin uninominal pluralitaire à un tour.

Éric Bélanger, « L’exception canadienne à la loi de Duverger se confirme-t-elle au niveau subétatique ? Un examen de la relation entre systèmes électoraux et systèmes partisans provinciaux au Canada »

Contrairement à ce qui est observé au niveau de la politique fédérale au Canada, les élections tenues dans les provinces canadiennes ont tendance à confirmer la loi de Duverger concernant la relation entre systèmes électoraux et systèmes de partis. Durant les périodes historiques où certaines provinces ont expérimenté avec des systèmes électoraux autres que celui majoritaire uninominal à un tour, on observe un bipartisme moins prononcé se traduisant par un appui plus élevé aux partis tiers.

Tanasije Marinkovic, « Actualité des leçons de droit électoral de Maurice Duverger »

Maurice Duverger est l’un des plus grands noms du droit électoral et de la sociologie électorale au monde. Ses leçons sur les manipulations électorales retrouvent toutes leur actualité aujourd’hui lorsque l’on dénonce la mort de la démocratie dans les urnes électorales. La crise contemporaine de la légitimité des élections résultant de l’arrivée au pouvoir des forces populistes nous invite à examiner de plus près les manipulations que Duverger relève dans l’histoire du droit électoral.

Karine Van Der Straeten, « Effets mécaniques et psychologiques des modes de scrutin. Que peut-on apprendre de la science politique expérimentale ? »

En 1951, Maurice Duverger publie Les Partis Politiques, ouvrage dans lequel il énonce notamment ce qui allait devenir la célèbre « Loi de Duverger » et introduit les concepts d’effets mécaniques et psychologiques des modes de scrutin. Cet article discute la postérité de ces notions, à travers quelques exemples de travaux contemporains en science politique. Ces concepts ont été repris, formalisés et généralisés, et ont donné lieu à de multiples analyses empiriques, y compris expérimentales.

Bernard Dolez, Annie Laurent et André Blais, « Les effets psychologiques du scrutin à deux tours. Retour sur le second tour des élections municipales 2014 et départementales 2015 en France »

Le scrutin à deux tours reste un angle mort de l’étude des effets psychologiques des modes de scrutin. L’analyse des élections municipales de 2014 et départementales de 2015 met en lumière l’existence d’un vote stratégique au second tour d’un scrutin à deux tours, fondé sur la connaissance des résultats du premier tour. Les deux premiers progressent, excluant ainsi tout effet « bandwagon ». Les électeurs du candidat arrivé troisième sont d’autant plus prompts à l’abandonner qu’il apparaît décroché.

Daniel-Louis Seiler, « Que reste-t-il de nos amours ? Bilan critique des thèses de Duverger sur les partis politiques »

Essai de réfutation de la thèse de Duverger sur l’invention de la proportionnelle faite à la demande du gouvernement belge au début du xxe siècle 552et visant à sauver le parti libéral afin d’éviter au parti catholique le face à face avec les socialistes.

Gilles Le Béguec, « Maurice Duverger et le fantasme du parti de masse »

La contribution examine les conditions politiques et intellectuelles dans lesquelles a été conçue la typologie opposant partis de cadres et partis de masse. Elle essaie de montrer comment, au moment de la publication du livre de Duverger, les thèses développées étaient en décalage avec les réalités françaises nées de la grande vague de la Libération.

Miroslav Novák, « De la typologie des systèmes de partis à la typologie des démocraties. Duverger, Sartori et Lijphart »

Duverger élabore progressivement une typologie des démocraties, liée à sa typologie des systèmes de partis pluralistes et aussi à ses soi-disant « lois » sur le rapport entre systèmes électoraux et systèmes de partis. Contrairement à la sagesse conventionnelle, Duverger ne prétend ni que le bipartisme soit la seule forme du système de partis qui fonctionne bien, ni que la démocratie de Westminster soit la seule forme qui fonctionne de façon satisfaisante.

Daniel Bourmaud, « Propos conclusifs. Maurice Duverger, l’héritage résistant d’un mal-aimé »

Le regard porté sur l’œuvre scientifique de Maurice Duverger est brouillé par une biographie encombrée par un passé contesté et disputé. Redonner à ce passé sa juste place permet de mesurer l’apport de l’universitaire à l’analyse politique. À travers ses travaux articulés autour d’un objet central, les partis politiques, Maurice Duverger a construit une œuvre majeure. Il laisse un héritage qui résiste au temps, de façon plus prégnante dans les universités étrangères que françaises.