Marot, Rabelais, Montaigne : l’écriture comme présence
Type de publication : Ouvrage
Auteur :Defaux (Gérard)
Résumé : Lancée, dans les années 60, pour déconstruire les prétentions descriptives de la phénoménologie — et, par delà la phénoménologie, celles de toute la métaphysique occidentale du Sujet —, l'entreprise philosophique de J. Derrida a trouvé, notamment outre-Atlantique, des prolongements critiques et littéraires inattendus. Avant tout sensible à l'inquiétante autonomie du langage, cette nouvelle «école» reprend aujourd'hui à son compte la dénonciation derridienne du logocentrisme. Enfant sans père, signe de signe et simulacre muet, constamment suspecte et dévalorisée, l'écriture demeure naturellement pour elle une cible privilégiée — une cible trop mobile pour qu'il soit selon elle réellement possible d'y fixer la vérité de l'être et du sens. Et, dans cette perspective, la Présence, présence de la chose dans le mot, de l'esprit dans la lettre, de l'auteur dans son texte, reste plus que jamais la grande illusion, le leurre dont il s'agit de guérir et de se libérer. Le présent livre est né de la confrontation de cette pensée critique post-moderne avec la littérature humaniste française et néo-latine du XVIe siècle. D'Erasme à Montaigne, et en parfaite contradiction avec le pessimisme, voire le nihilisme, si caractéristiques de notre ère de soupçon, se met en place et se précise une foi dans le langage d'autant plus féconde et d'autant plus authentique qu'elle est alors inséparable de la foi en Dieu. Qu'il s'agisse de poétique (Marot), d'herméneutique (Rabelais) ou de représentation (Montaigne), un logocentrisme émerge, à la fois fragile et triomphant. Et la certitude, en ce siècle qui voit la multiplication du Livre, que, tout comme la parole, l'écriture peut elle aussi être un lieu de plénitude, une réalité spirituelle vivante, un miroir où s'inscrit l'âme même du sujet. Non pas «dangereux supplément», mais souffle et esprit, moyen de vaincre la mort. De cet affrontement, ou plutôt de ce dialogue, naît ainsi, une croyance éclairant l'autre, non seulement une meilleure perception de ce qui constitue l'essence même de notre littérature humaniste, mais encore une prise de conscience plus lucide des enjeux de notre post-modernité. Avec peut-être, au-delà de cet horizon que ne peut dépasser notre vue, la possibilité, encore incertaine, d'une autre Renaissance.
