[Introduction à la première partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Madame de Murat et la « défense des dames ». Un discours au féminin à la fin du règne de Louis XIV
- Pages : 51 à 52
- Collection : Masculin/féminin dans l’Europe moderne, n° 2
- Série : xviie siècle, n° 1
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812441578
- ISBN : 978-2-8124-4157-8
- ISSN : 2261-5741
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-8124-4157-8.p.0051
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/06/2012
- Langue : Français
Si beaucoup d’œuvres de romancières, au xviie siècle, évoquent de façon topique des thèmes ou situations en lien avec le destin des femmes (contraintes matrimoniales, conception de l’amour, rêve de retraite, relation conjugale), la lecture de l’œuvre de Mme de Murat fait apparaître que la question féminine est non seulement une thématique dominante mais qu’elle constitue aussi un programme jamais achevé, annoncé dès le début des Mémoires sous-titrés « La Défense des Dames », et poursuivi d’un récit à l’autre. Cependant, il ne s’agit pas pour la comtesse, semble-t-il, de s’inscrire dans la « controverse des sexes » en faisant l’inventaire des qualités des femmes1, ou en proposant une argumentation sur l’égalité des sexes à la manière de Poullain de La Barre2. De façon plus complexe, elle juxtapose, au fil des pages, différentes formes d’écriture donnant lieu à un ensemble apparemment composite, comme le révèlent la diversité générique et celle des tonalités. Comment comprendre alors l’articulation entre la force du propos tel qu’il apparaît au fil des pages et la variété de l’œuvre ?
Il est possible de lire et relire l’œuvre de Mme de Murat à la lumière du projet de défense des femmes énoncé au début des Mémoires, et de se demander dans quelle mesure on peut considérer l’ensemble comme un discours au féminin, tant du point de vue des énoncés que de l’énonciation. Mais si la défense des femmes peut constituer un facteur d’unité pour cette œuvre variée, son caractère polymorphe et la profusion de son écriture ne sont-ils pas à mettre également au compte de ce projet ? La défense des femmes serait alors la clé de voûte de l’œuvre tout en étant le moteur d’une écriture ne cessant de s’auto-générer.
Dans cette perspective, nous verrons tout d’abord que si les visées apologétique et moraliste de l’œuvre révèlent une perspective argumentative explicite, elles entraînent aussi une inflexion des genres pour une meilleure adéquation de l’écriture au projet de défense des femmes. Puis nous évoquerons la puissance d’invention dont fait preuve 52la comtesse en quête d’une relation à autrui qui serait idéale. C’est en effet un foisonnement étonnant de scénarios qu’elle propose, dans un esprit de combat, pour remettre en cause le rapport de force entre les sexes. Par ailleurs, nous observerons les contours du je écrivant, afin de repérer les signes éventuels de l’émergence d’une conscience féminine. Nous nous interrogerons notamment, par le biais des marques du singulier et du pluriel, sur la multiplication des personnages féminins et sur la réitération des situations. Il sera temps alors de prêter attention au questionnement que la comtesse elle-même émet sur ce discours au féminin, travaillé par de nombreuses tensions qui apparaissent à nouveau comme autant d’occasions de redoubler le propos. Nous tenterons ainsi de montrer que les grandes caractéristiques du discours au féminin que Mme de Murat adresse au lecteur sont aussi à l’origine d’une écriture inventive marquée par l’amplification et l’expansion.