Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Littérature urbaine. Donnée culturelle médiévale ou concept de l'histoire littéraire ?
- Pages : 593 à 600
- Collection : Rencontres, n° 548
- Série : Civilisation médiévale, n° 48
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406132509
- ISBN : 978-2-406-13250-9
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13250-9.p.0593
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/09/2022
- Langue : Français
Résumés
Ludmilla Evdokimova et Françoise Laurent, « Introduction »
Les contributions s’inscrivent dans le cadre des études consacrées aux œuvres destinées aux citadins et des ouvrages sur la ville médiévale et sa culture. Elles montrent que, loin d’être enfermée dans les limites de genres spécifiques et de refléter une image urbaine, la littérature urbaine s’origine d’une tradition antérieure et, dans le même temps, touche à ce qui lui est contemporain, jusqu’à se faire porteuse d’une poétique et de données culturelles et sociales dont la Renaissance héritera.
Estelle Doudet, « Le théâtre, art des villes. Du récit des évolutions à l’exploration numérique des espaces »
Dès le xixe siècle, les historiens du théâtre ont pensé différemment son développement dans le cadre des villes médiévales : interprétée dans la perspective de la laïcisation en France, la notion de théâtre urbain a été utilisée pour éclairer la bürgerliche Weltsanchauung en Allemagne. Depuis la fin du xxe siècle, spatial turn et humanités numériques imposent un paradigme nouveau. L’article en étudie les enjeux à travers la géolocalisation des sources et le reenactment en réalité virtuelle.
Christine Ferlampin-Acher, « Artus de Bretagne et la ville. L’embourgeoisement du roman arthurien ? »
La ville est peu présente dans les romans arthuriens. Au xiiie siècle cependant, l’essor urbain fait « effet » sur les romans néo-arthuriens comme Artus de Bretagne. La ville y est double : l’auteur tient à l’écart la « commune » dans les épisodes de la Roche et la Broce, mais la ville d’Argençon est édifiée en haut lieu du récit, comme ville idéale, avec le personnage d’Aimeri le Bourgeois. On pourrait parler d’embourgeoisement du roman, mais une étude précise invite à nuancer cette hypothèse.
594Madeleine Jeay, « Mises en scène de l’oligarchie urbaine à Arras et Paris au xiiie siècle »
Dans les Chansons et Dits artésiens du xiiie siècle, édités par A. Jeanroy et H. Guy pour Arras, et le Tournoi des dames de Paris de Pierre Gencien pour Paris, les familles dominantes sont mises en scène. Associée à des scandales fiscaux et à l’usure, l’oligarchie d’Arras est la cible de dénonciations, alors que, dans le Tournoi des dames de Paris, la joute parodique entre les épouses ou les filles des dynasties bourgeoises célèbre la réussite des familles concernées.
Patrick Del Duca, « L’image de la ville dans la littérature allemande médiévale (xiie-xve siècles) »
Tandis que de nombreux textes des xiie et xiiie siècles ne font de la ville qu’un symbole abstrait de pouvoir ou, dans une autre perspective, condamnent la mentalité mercantile des citadins, il faut attendre le xve siècle pour qu’apparaisse une littérature urbaine dans laquelle s’affirment le sens du bien commun, la revendication à incarner la science et la culture, ainsi qu’une forme de gouvernement juste et sage.
Irina Staf, « La nouvelle et la chronique urbaine au Moyen Âge tardif. Franco Sacchetti et Philippe de Vigneulles »
Les Trecento novelle et les Cent nouvelles nouvelles sont une étape importante de l’évolution du novelliere post-boccaccien, marquée par l’interaction du récit bref et de la chronique urbaine renouvelée par Giovanni Villani. Le caractère local des événements exposés, l’accent mis sur le témoignage personnel de l’auteur, le je omniprésent du narrateur qui devient un élément essentiel de la structure du livre et de sa véridicité, sont dus à l’influence de cette forme neuve de la chronique.
Catherine Vincent, « Y a-t-il un “théâtre hagiographique urbain” à la fin du Moyen Âge ? Exemples à Langres, Metz et Paris »
Fondée sur trois textes dramatiques du xve siècle, l’étude y examine la place de la ville. Nés en ville et pour la ville, ils s’adressent à un vaste public : bourgeois, gens de loi et de métier, miséreux, et glorifient la ville en ses monuments, en son histoire et en ses origines prestigieuses, et plus encore 595en son mode de gouvernement collégial nourri de l’idéal du bien commun. Mais la cité, évoquée dans de brefs passages stéréotypés, y reste avant tout le chef-lieu du diocèse.
Nelly Labère, « Quitter la ville… Des Cent Nouvelles aux Cent Nouvelles Nouvelles : la nouvelle urbaine »
Quitter la ville, le geste est fondateur, non seulement pour la littérature urbaine inscrite dans un chronotope contemporain (Bakhtine), mais plus encore pour la nouvelle qui se revendique « genre de l’actualité urbaine ». De Boccace aux Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles, en passant par les Cent Nouvelles Nouvelles anonymes, la nouvelle questionne les espaces sociaux et symboliques par la fabrique de son propre récit et invite à penser la ville comme un espace citoyen.
Ilsiona Nuh, « Performances théâtrales et formes littéraires dans les Miracles de Nostre Dame par personnages »
La littérature urbaine est étudiée comme une donnée culturelle propre au théâtre, à partir du recueil des Miracles de Nostre Dame par personnages (BnF, fr. 819-820) du xive siècle. L’article s’attache à montrer que la capitale du royaume est au centre de l’écriture des textes dramatiques comme motif et comme instance politique et religieuse. Son influence est sensible dans le traitement des sermons destinés à la scène, dont la forme est tributaire des pratiques oratoires de l’Université.
Claire Donnat-Aracil, « De la courtoisie à la bourgeoisie. La première Vie des Pères, une œuvre religieuse urbaine ? »
La première Vie des Pères reflète l’une des questions posée par la bourgeoisie émergente du xiiie siècle : comment concilier gain et salut ? Tout en différenciant marchand et usurier, le conteur appelle à une conversion de la vie citadine sur le modèle du monastère. La ville héberge ainsi une tension emblématisée par deux figures : l’usurier, incarnation du règne de l’argent dans un espace né des échanges monétaires ; le reclus, représentant d’une spiritualité nourrie par l’oubli de soi en Dieu.
596Karin Ueltschi, « Le livre de la parfaite bourgeoise. La discrétion comme urbanité (Le Mesnagier de Paris) »
Le Mesnagier de Paris se donne pour un manuel pratique qu’un bourgeois vieillissant adresse à sa jeune femme pour l’aider à devenir une bonne épouse et à éviter de commettre des impairs en société. La ville fait irruption dans le discours littéraire, et lui fournit sa matière, son esthétique et surtout son éthique dans une articulation originale avec les traditions et codes littéraires traditionnels.
Olga Togoeva, « La ville comme spelunca latronum dans le traité didactique Le Mesnagier de Paris »
L’article s’attache à analyser la figure de l’auteur du Mesnagier de Paris, son statut de citadin ou de villageois, sa relation à la ville, et sa connaissance de la topographie de Paris, qui est son habitat supposé. Compte tenu de la particularité des descriptions qu’offre l’ouvrage, il interroge la pertinence de classer celui-ci dans un corpus littéraire relevant de la littérature dite « urbaine ».
Yasmina Foehr-Janssens, « Culture urbaine et quête de sagesse. Rome, Constantinople et les mutations de la clergie dans le Roman des Sept Sages et ses continuations »
Rome et Constantinople jouent un rôle d’importance dans le cycle des Sept Sages. L’espace urbain y est associé à la sagesse, par opposition aux espaces extra-urbains, dévolus aux prouesses guerrières et aux vocations érémitiques. Cette étude vise à montrer comment cette représentation de la ville, lieu de la culture écrite, forge une sociabilité lettrée à laquelle se conforment les personnages, tant masculins que féminins, et informe les modèles politiques à l’œuvre dans le cycle.
Natalia Dolgorukova, « In taberna quando sumus. Chronotope de la taverne dans les textes des xiie-xive siècles »
Dans la ville médiévale, comme dans la littérature médiévale, deux espaces sont confrontés et opposés : celui sacré de l’église, celui profane de la taverne, qui se présente comme un temple renversé aux traits carnavalesques. La taverne, lieu emblématique urbain, gagne peu à peu en réalisme dans les fabliaux, les dits et les jeux dramatiques des xiiie et xive siècles.
597Jonathan Dumont, « Le prince et l’ethos marchand dans la littérature curiale des Anciens Pays-Bas »
Entre le xve et le xvie siècle, la littérature curiale des Anciens Pays-Bas absorbe une part de l’ethos marchand. Le portrait du souverain vertueux, propre aux miroirs au prince, est complété par celui du régulateur économique. Cette transformation, qui se comprend au regard de l’évolution du rapport de force entre le prince et les villes, s’inscrit dans un discours curial visant à rationaliser la production de richesses pour le prince, à mesure que se constitue la monarchie des Habsbourg.
Dominique Demartini, « Christine de Pizan, la reine, les nobles dames et les Parisiennes »
Replaçant Christine de Pizan à l’intersection de la ville et de la cour, cette contribution tente de mettre en évidence, à travers les jeux de reflets et d’anamorphoses, de distinction et de brouillage qu’entretiennent la reine, les nobles dames et les Parisiennes dans le Livre des Trois Vertus, les interactions complexes qui structurent la cour et la ville au début du xve siècle.
Fabienne Pomel, « L’architecte et l’oiseleur. Usages genrés de la ville et métaphore de la cité chez Christine de Pizan »
La définition aristotélicienne de la cité comme communauté de vie placée sous le signe de la raison et de la vertu dans le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V, éclaire le diptyque formé par La Cité des Dames et Le Livre des trois Vertus. Christine de Pizan y met en cause ou inversement reconduit des « territoires genrés » ou des « espaces sexués ». La métaphore matrice de la cité vient soutenir une esthétique allégorique qui appelle un décryptage.
Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « Géopoétique. Le dit et la ville »
Les œuvres qui prennent la ville comme sujet au xiiie siècle ne se livrent ni à un éloge ni à un récit ou description, mais à un dénombrement. Construites sur le nombre et le nom, sur l’énumération et le discontinu, elles relèvent du dit. Qui dit je ? L’auteur du Dit des rues se campe dans une posture moqueuse de fonctionnaire ; celui du Dit des moutiers se donne comme attaché à un commanditaire. Diversité de fonctions pour des textes où la ville et ses noms sont matière de poésie.
598Françoise Laurent, « Le salut du lépreux. Les Congés de Jean Bodel, une expression de la poésie urbaine ? »
Au tournant des xiie et xiiie siècles, Arras, capitale économique et politique de l’Artois, est un exemple du nouveau panorama de la société du temps, soucieuse d’élévation et de reconnaissance culturelle. La coïncidence entre les changements sociaux et la création de formes littéraires neuves s’illustre dans les Congés de Bodel dont l’écriture se fond dans l’entrelacs des codes issus de la production lyrique du temps qu’il adapte aux valeurs et à l’imaginaire du milieu urbain qui fut le sien.
Thierry Lassabatère et Miren Lacassagne, « Expression littéraire et sentiment politique de la ville. Pour une poésie urbaine d’Eustache Deschamps »
Eustache Deschamps, officier des rois et des princes, fut un poète prolixe qui participe de l’expression d’une « littérature urbaine », au sens où la bibliographie récente définit ce concept. Son œuvre déploie un arsenal rhétorique pour susciter l’émotion : énumérations de noms et de lieux ; scènes satiriques ou grivoises ; apostrophes de villes en langage amoureux ; prosopopées plaintives des villes victimes de la guerre ou révoltées, auxquelles Deschamps prête son « je » de poète intercesseur.
Christopher Lucken, « Bruits et cris de la ville. Le “paysage sonore” de la “littérature urbaine” »
Jeu de saint Nicolas, Courtois d’Arras, Trois aveugles de Compiègne, Dit de l’Herberie, Dit du mercier, Dit des crieries de Paris et Dit des paintres, la « littérature urbaine » est « bruyante » si l’on en juge par les cris des marchands vantant leurs produits dans les rues. Ces textes qui sont le témoignage d’un « paysage sonore » urbain mettent aussi en scène la vacuité du discours publicitaire dont la prolixité verbale fait entendre les privations et la pauvreté dont la ville est le cadre.
Elsa Marguin-Hamon, « La ville, ses mots et ses choses selon Jean de Garlande (xiiie siècle). Pour une sociopoétique de l’écriture médiolatine »
Entre 1220 et 1240, Jean de Garlande rédige des ouvrages à portée lexicographique et théorique, parmi lesquels figurent la Parisiana Poetria, art d’écrire en vers, prose et rythme, et le Dictionarius, lexique fournissant les moyens 599de décrire le monde. La poétique garlandienne développe une approche des styles indexée sur une partition sociale distinguant gens de cour, gens de ville et gens de la campagne, auxquels trois formes d’expression sont associées, suivant la tripartition des styles.
Ludmilla Evdokimova, « Leys d’Amors et lois juridiques. La place du poète dans la ville idéale »
Les Leys d’Amors de Guillaume Molinier comportent un traité de philosophie où une large place est accordée à la rhétorique, à l’éthique et à l’art poétique. Inspiré des ouvrages italiens destinés à l’administration urbaine qui réunissent science du bon gouvernement et art rhétorique, ce texte valorise l’idée du « profit humain », essentielle pour l’administration, et intègre des notions juridiques, de façon à créer une synthèse entre la rhétorique, l’art poétique et la science juridique.
Denis Hüe, « Le Puy de Londres. Poésie française et bourgeoisie anglaise à la fin du xiiie siècle »
S’est tenu à Londres au tournant du xiiie et xive siècle un concours de poésie en français dont ont été conservés les statuts et, vraisemblablement, un poème primé. Ces documents permettent de comprendre le fonctionnement d’une institution bourgeoise qui s’efforce de s’intégrer dans l’évergétisme urbain, sur le modèle des Puys continentaux. Ce travail met en lumière un élément oublié de la poésie anglo-normande, et éclaire le fonctionnement de ce type d’institution, qui reste encore à découvrir.
Catherine Gaullier-Bougassas, « La bibliothèque des échevins de Rouen au xve siècle. Quelle littérature pour une élite urbaine laïque ? »
Le présent article est consacré à la naissance, au xve siècle, de la bibliothèque des échevins de Rouen, l’une des plus anciennes bibliothèques liées à une institution urbaine laïque en France, et aux premiers manuscrits qu’ils ont reçus en dons puis commandés. Il analyse la volonté des échevins de s’illustrer comme élite savante et riche et aussi de se rapprocher de la monarchie française.
600Vanessa Obry, « De la cour à la ville. Art du résumé et usage des textes dans le catalogue de Perot de Neele (Paris, BnF, fr. 375) »
La seconde unité codicologique du manuscrit Paris, BnF fr. 375 s’ouvre sur des résumés en vers attribués à Perot de Neele. Alors que le codex de contenu hétérogène présente de nombreux indices de son ancrage dans le milieu arrageois, l’étude des relations entre les résumés écrits par Perot et les œuvres contenues dans le manuscrit montre comment les présentations créent, à partir d’un ensemble divers, ce que l’on pourrait appeler un corpus de « littérature urbaine », adapté à un public élargi.
Valeria Russo, « La philosophie discrète de la bourgeoisie courtoise. Lire des traités d’amour à la fin du xiiie siècle dans le nord-est de la France »
Dans l’ensemble de textes qui abordent la matière amoureuse sous un angle théorique, une sous-catégorie de traités d’amour semble faire son apparition dans le nord-est de la France dans la seconde moitié du xiiie siècle. Dans ce cadre, seront analysés les enseignements d’amour contenus dans le ms. 2200 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, en relation avec L’Amistiés de vraie amour, Li houneurs et li vertus des dames de Jean Petit d’Arras et La Poissance d’Amours de Richard de Fournival.