Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Littérature et politique. Factions et dissidences de la Ligue à la Fronde
- Pages : 237 à 242
- Collection : Rencontres, n° 134
- Série : Le Siècle classique, n° 3
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782812445927
- ISBN : 978-2-8124-4592-7
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4592-7.p.0237
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/11/2015
- Langue : Français
Résumés/Abstracts
Nicolas Le Roux, « Factions et associations nobiliaires à la naissance de la Ligue »
Selon la métaphore du corps du royaume, la société française du xvie siècle se pensait comme un grand corps dont l’intégrité était menacée par la constitution de partis ou de factions. Si la fidélité au roi apparaissait comme la condition première de l’unité, les guerres de Religion ont ébranlé ce système ; en 1584, la mort de l’héritier catholique de la couronne provoqua la création de la faction des Guise. Le spectre de la division hanterait encore longtemps les esprits.
According to the metaphor of the kingdom as a body, sixteenth-century French society considered itself a body whose integrity was threatened by the constitution of parts or factions. If loyalty to the king was one of the primary conditions of unity, the Wars of Religion shook this system; in 1584, the death of the Catholic heir to the throne provoked the creation of the Guise faction. The spectre of division would haunt the country for a long time.
Ruth Stawarz-Luginbühl, « “Un chacun et chacune, O Roy, t’honorera”. Factions et dramaturgie tragique dans l’Adonias de M. Philone (1586) »
Le présent article interroge les enjeux idéologiques complexes qui sous-tendent l’intrigue et le choix du sujet biblique de l’Adonias de M. Philone, tragédie parue en 1586. Si la provenance réformée de la pièce est certaine, la configuration successorale opposant les deux fils de David, Adonias et Salomon, est plus malaisée à décrypter. L’analyse suggère que l’Adonias s’adresserait ultimement à un public de réformés qui peinent à accepter le revirement politique de Henri IV.
This article examines the complex ideological stakes underpinning the plot and biblical subject matter of Adonias by M. Philone, a tragedy which first appeared in 1586. If the Reformist provenance of the play is certain, the successional configuration opposing the two sons of David, Adonias and Salomon, is less easy to decipher. This
analysis suggests that Adonias addressed a Reformist public who had difficulty accepting Henri IV’s political turnaround.
Amy Graves-Monroe, « La faction au féminin. La Montpensier, “gouvernante de la Ligue à Paris” »
La conduite de la duchesse de Montpensier pendant l’activité de la Ligue parisienne permet de sonder les modalités féminines pour nourrir et entretenir la faction. La duchesse se donne en spectacle, manipulant les gestes féminins du deuil et de la dévotion pour communiquer sa position politique, mais aussi pour favoriser la révolte qu’elle cautionne. Mais elle paie cette stratégie par la noire légende du fanatisme qui se construit autour d’elle.
The behaviour of the Duchess of Montpensier during the Parisian League allows us to probe the female means of sustaining and maintaining factions. The Duchess presented herself as a spectacle, manipulating “feminine” gestures of mourning and devotion in order to communicate her political position and favour the revolt she supported. Yet she paid for this strategy with the myth of fanaticism which grew around her.
Christopher M. Flood, « La France satirisée, satyrisée et fragmentée. L’autoreprésentation factionnelle au temps des guerres de Religion »
Réformés et catholiques engagés dans une guerre pamphlétaire incessante, usent d’une arme littéraire fort ancienne : la satire. L’homophonie fortuite qui relie la satire au satyre invite à postuler une perpétuation paisible du corps social, fondée sur un concept hybride. Là où les partisans de la majorité exigent l’extraction de la minorité corruptrice du corps social, ceux de la minorité factionnelle s’imaginaient membres d’un corpus mysticum composé : une France satyrisée.
The Reformists and Catholics who engaged in a never-ending war of pamphlets used an ancient literary weapon: satire. The fortuitous homophony which links satire with satyr encouraged the postulation of a peaceful perpetuation of the social body, founded on a hybrid concept. While partisans of the majority claimed that the corruptive minority should be extracted from the social body, the factional minority imagined themselves as members of a composed corpus mysticum: a satyrised France.
Jean-Raymond Fanlo, « “Les actions, les factions et les choses monstrueuses de ce temps-là”. La notion de faction chez Agrippa d’Aubigné »
Dans les Tragiques, Agrippa d’Aubigné évoque « les actions, les factions et les choses monstrueuses de ce temps là » pour les condamner. Pourtant, il défend les mots proches de parti et de partisan. Sa politique, fondée sur une opposition religieuse entre les élus menacés et les agents de l’Antéchrist qui veulent les exterminer, est en phase avec une poétique de la violence qui, loin de tout ethos rassembleur, transgresse et prend parti.
In the Tragiques, Agrippa d’Aubigné evokes “the actions, factions and monstrous things of that time”, in order to condemn them. Yet he defends the similar words of parti and partisan. His politics, founded on a religious opposition between the threatened elect and the agents of the Antichrist seeking to exterminate them, is in line with a poetics of violence which, far from constituting a unifying ethos, transgresses and takes sides.
Gilbert Schrenck, « La conjuration du maréchal de Biron dans l’œuvre d’Agrippa d’Aubigné. Récit et signification »
Agrippa d’Aubigné achève son Histoire universelle par le récit de la conjuration de Biron. Le complot du maréchal est révélateur de l’hostilité envers un roi nouvellement converti et un parti protestant affaibli après la proclamation de l’édit de Nantes. Les versions que l’auteur en donne successivement dans le récit historique, le pamphlet, l’autobiographie, et les Écrits politiques, opposent l’image emblématique du conspirateur à celle d’un « ferme » témoin de la « vérité » de l’histoire.
Agrippa d’Aubigné ends his Histoire universelle with an account of Biron’s conspiracy. The maréchal’s plot is indicative of the hostility which existed towards a newly converted king and a Protestant body weakened by the proclamation of the edict of Nantes. The versions that the author gives in his historical account, pamphlet, autobiography, and Écrits politiques opposes the emblematic image of the conspirator with that of a “firm” witness to the “truth” of history.
Malina Stefanovska, « “Une science dans laquelle l’on ne peut jamais être docteur”. La faction chez Bacon, Hobbes et Retz »
Cette analyse des groupements politiques, de leur rôle et leur dynamique interne chez Francis Bacon et Thomas Hobbes, philosophes qui ont pu
influencer la pensée de la dissidence en France, suit les recoupements et les rencontres entre leur critique des fractionnements politiques et la pensée d’un personnage qui voulut mettre en pratique pendant la Fronde l’impossible science de la faction : le cardinal de Retz.
This analysis of political groupings, their role, and their internal dynamics, by way of Francis Bacon and Thomas Hobbes, philosophers who were able to influence thinking about dissidence in France, traces the cross-referencing and points of contact which exist between their criticism of political factions and the thought of an individual who sought to put his knowledge of factions into practice during the Fronde: the cardinal de Retz.
Jean-Marie Constant, « “Partis”, “cabales”, “factions”. Étude des sensibilités politiques dans les Mémoires du temps de Louis XIII »
Chez les opposants à Richelieu et Mazarin, les liens d’amitié l’emportent souvent sur les idées politiques, même s’ils s’unissent pour défendre leur liberté contre la tyrannie des ministres. Pour eux, la « cabale » signifie un groupe de pression pour peser sur les décisions royales, la « faction » évoque l’action des opposants, le « parti » un mouvement de plus grande ampleur. L’alliance de deux grands princes Bourbon est qualifiée d’union comme si elle incarnait une part de légitimité monarchique.
Amongst opponents of Richelieu and Mazarin, bonds of friendship often prevailed over political ideas, even if they had united in order to defend their freedom from the tyranny of the ministers. For them, “cabal” signified a pressure group seeking to impact royal decisions, “faction” evoked the actions of the opposition, and a “party” referred to a movement with an ever greater reach. The alliance of the two great Bourbon princes was qualified as a union, as if it embodied a monarchic legitimacy.
Ioana Manea, « La Mothe Le Vayer, membre d’une “cabale” ? »
Selon l’historien port-royaliste Godefroy Hermant l’ouvrage de La Mothe Le Vayer, De la Vertu des païens (1641) ferait partie d’une conspiration contre la morale chrétienne. Les rapprochements entre ce texte et l’une de ses sources peu mentionnées, l’Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (1625), de Gabriel Naudé, révèlent le contexte intellectuel du terme de « cabale » et une écriture ambiguë commune à l’égard du christianisme et de sa morale.
According to the Port-Royal historian Godefroy Hermant, the work of La Mothe Le Vayer, De la Vertu des païens (1641), was part of a conspiracy against Christian morality. A comparison between this text and one of its little-mentioned sources, the Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (1625), by Gabriel Naudé, reveals the intellectual context behind the term “cabal” and a similarly ambiguous mode of writing with regard to Christianity and its moral codes.
Éric Méchoulan, « Action, faction, fiction : le cas des frères Campion »
Une analyse des Entretiens de Nicolas de Campion permet de revenir sur la faction du comte de Soissons et sur les manières de penser la situation politique du moment. Il s’agit aussi de mieux comprendre les liens entre action et réflexion, faction et fiction. Cette analyse permet de sortir des contradictions fréquentes qui altèrent l’analyse historique de ces textes tardivement publiés de Campion.
An analysis of the Entretiens by Nicolas de Campion returns us to the question of the comte de Soissons’ faction, and the different ways of thinking about the political situation of the time. It also lets us better understand the links between action, faction, and fiction. This analysis can thus move beyond the frequent contradictions which impede the historical analysis of these texts, published by Campion a little belatedly.
Bruno Tribout, « Fronde et faction. Les leçons de la guerre civile dans la première historiographie de la Fronde (1653-1665) »
La notion de faction fut un enjeu pour l’historiographie de la Fronde. Avant d’être le produit d’une lecture des Mémoires par les Lumières, l’interprétation des troubles de la minorité comme une guerre de factions sans consistance politique et balayées par un pouvoir fort, fut largement programmée par les premières histoires du conflit. Or le discours de la faction y favorise l’émergence de nouvelles leçons morales et politiques, compliquant la relation entre écriture de l’histoire et service du pouvoir.
Faction is a significant concept in the historiography of the Fronde. Although later strengthened by the reception of the Frondeurs’ Memoirs in the 18th century, the interpretation of the Fronde as a war of factions without political consistency and overcome by strong monarchical power originates in good part in the first histories of the conflict. Yet, in these texts, the notion of faction contributes to promoting new ways of presenting history’s moral and political lessons, thereby complicating the relationship between the writing of history ad the service of power.
Adrien Paschoud, « Les factions de l’âme : Jean-Joseph Surin »
La notion de faction traverse l’œuvre spirituelle de Surin, notamment ses deux grands récits, le Triomphe de l’Amour divin sur les puissances de l’Enfer et la Science expérimentale des choses de l’autre vie. Cette notion essentiellement politique se voit infléchie au contact d’une optique mystique : importée dans le domaine de la démonologie, elle relève de la théologie, traduit une perception scindée du sujet écrivant et permet enfin de penser l’hétérodoxie au sein même de la sphère mystique.
The notion of the faction runs throughout the spiritual work of Surin, notably in his two major narratives, the Triomphe de l’Amour divin sur les puissances de l’Enfer and the Science expérimentale des choses de l’autre vie. This essentially political notion is transformed by its contact with mysticism: imported into the domain of demonology, it becomes a matter for theology, translates a divided perception of the writing subject, and provides a way of thinking about heterodoxy at the very heart of the mystic sphere.