Annexe VII Jean Lorrain, « Pall-Mall Semaine », Le Journal, 13 juin 1898
- Prix Robert de Montesquiou 2023
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Littérature et Art nouveau. De Mallarmé à Proust
- Pages : 661 à 662
- Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 124
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406143260
- ISBN : 978-2-406-14326-0
- ISSN : 2258-4943
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14326-0.p.0661
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/02/2023
- Langue : Français
Annexe VII
Jean Lorrain, « Pall-Mall Semaine »,
Le Journal, 13 juin 1898
Lundi 6 juin. – La jeune école, nos petits chéris. Mizogynie [sic], le duc Herbert d’Hefleuranne est un chaste ; mais, comme il sied aux chastes, le duc Herbert est une vivante encyclopédie de connaissances, de savoir et de goût ; hormis la femme, rien ne lui est étranger ; il tourne le sonnet comme M. de Montesquiou, le meuble d’art comme Gallet [sic] lui-même, et sertit le bijou comme Lalique, céramiste à ses moments perdus et créateur de nouveaux flammés ; il protège à la fois Lachenal et Laherche, a inspiré souvent Carriés, et, s’il ne pétrit pas la glaise dans l’atelier Rodin, s’il n’a pas été joué à l’Opéra-Comique comme M. Raynoldo Hahn, c’est qu’il préfère, grand seigneur et Mécène, inspirer des portraits, des coiffures et des modes tant à MM. Doucet qu’à M. Boldini, tant à Paquin, délicieux chiffonneur, – qu’à M. A. de la Gandara.
Collectionneur et ébéniste, dieu de l’ameublement et du nœud de cravate, auteur de culs-de-lampe et de poteries de cuisine admirées au Champ de Mars, le duc d’Héfleuranne est un délicat, un affiné, un connaisseur, un grand esthète et un poète, mais le duc aime peu les femmes ; si en vrai dilettante il goûte leur élégance, la frivolité de leur attifage et le charme de leur frivolité, s’il daigne leur conseiller la nuance de leurs chapeaux, les peintres de leurs portraits et la coupe de leurs robes, il professe le plus noble mépris pour leur intellectualité. Le flirt l’assomme et en dehors de quelques garden-party où il veut bien s’amuser de leur plumage et de leur caquetage, comme un joli charmeur d’oiseaux, leur compagnie l’horripile et leur prétention l’exaspère. Cette mizogynie bien connue, le cher duc la laissait éclater dernièrement dans cette boutade.
– Oui, disait-il à un de ses peintres ordinaires qu’il avait à sa table, ce menu qui a paru vous plaire est l’œuvre de mon nouveau cuisinier. 662J’ai balayé la cuisinière ; c’est comme à la lingerie, plus de lingère, j’ai, un linger. Le service des femmes m’est odieux ; ici, je n’ai plus que des hommes ; j’ai supprimé l’élément noc de chez moi. – À quoi le peintre interpellé : – Un seul suffit.