Introduction
- Type de publication : Article de revue
- Revue : LiCArC Littérature et culture arabes contemporaines
2020, Hors-série n° 2. Odeurs, saveurs et couleurs du Sud au Nord de la Méditerranée - Auteurs : Denooz (Laurence), Abi-Rached (Nehmetallah), Lachkar (Abdendi)
- Résumé : L’introduction présente les objectifs du volume, qui étudie les notions de saveurs, d’odeur et de couleur en Méditerranée, en tant que phénomènes de perception, faits sociétaux et constructions culturelles complexes en étroite relation avec les contextes culturel, historique et géographique.
- Pages : 11 à 19
- Revue : LiCArC (Littérature et culture arabes contemporaines)
- Thème CLIL : 4033 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Langues étrangères
- EAN : 9782406103851
- ISBN : 978-2-406-10385-1
- ISSN : 2426-8852
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10385-1.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/04/2020
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés :
Couleurs, odeurs, genres, linguistique, sensoriel, traduction
Introduction
Les textes réunis dans ce numéro spécial font suite aux travaux de la cinquième édition du congrès international Langues, cultures et médias en Méditerranée qui a eu lieu à Fès du 23 au 25 octobre 2018. Ils étudient les notions de saveurs d’odeur et de couleur en Méditerranée. Partie intégrante du lexique usuel, ces notions sont des phénomènes de perception, des faits sociétaux et des constructions culturelles complexes en étroite relation avec les contextes culturel, historique et géographique. Ces contextes participent à la construction de leur sens et leur donnent une définition et des représentations, influençant ainsi les codes et les systèmes de valeurs existants qui organisent leurs pratiques et déterminent leurs enjeux au niveau individuel et collectif.
Le choix d’étudier les saveurs, les odeurs et les couleurs n’est pas fortuit. Traditionnellement connue comme étant le carrefour du commerce international, la Méditerranée est le lieu, par excellence, de rencontre des cultures, en plus de la diversité de ses espaces et de leurs constituants ; ce qui a un impact direct sur les expériences humaines, psychologiques, sociales, environnementales et culturelles des individus et des groupes qui y vivent depuis de longues dates. La Méditerranée est aussi réputée pour ses couleurs (la pourpre de Tyr, le bleu et le vert d’Égypte, le rouge de Pompéi, le safran de Mycènes, etc.), ses senteurs, ses saveurs, ses arômes, ses odeurs, ses épices, sa botanique et son climat. Bref, une Méditerranée diverse, variée, de par ses langues, ses cultures, ses relations, ses croyances, ses religions, ses patrimoines, ses mémoires, ses espaces, ses identités.
L’identité méditerranéenne, dans sa singularité et sa pluralité, a toujours été liée aux identités et cultures du Moyen, Proche et Extrême-Orient (la porcelaine et le thé de Chine, les épices d’Inde, etc.) et de l’Afrique (l’or, les plaques en cuivre du Bénin, la sculpture africaine, l’art nègre, la broderie, le couscous, la babouche, le caftan, etc.). De cette manière, la Méditerranée constitue le bassin des civilisations, de 12voyage et de transfert des idées, du savoir et du savoir-faire ; elle est le lieu de rencontre de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Sud, alliant authenticité et modernité, capables d’édifier des liens et de rapprocher des cultures. Ces multiples propriétés constituent une partie de l’identité méditerranéenne, influencent ses productions linguistiques, littéraires, patrimoniales et socio-culturelles. Elles se concrétisent dans les différentes analyses, représentations et perceptions que les individus se font des saveurs, des odeurs et des couleurs. Et c’est précisément l’objet des travaux de ce numéro qui se servent des langues du nord pour transmettre le sens des mots du Sud.
Jean-Claude Anscombre s’intéresse aux phénomènes de l’agentivité qui touche le système verbal de la langue, impliquant différentes classes de verbes et plusieurs manières d’action d’un humain animé sur le monde. En même temps, il propose d’étudier la classe des verbes renvoyant à l’expression des attitudes, des sentiments et des perceptions, et donc de la non agentivité (le cas d’écouter et entendre). Anscombre désigne la perception de trois manières différentes. Une première perception représentant les phénomènes psycho-physiologiques liés aux organes sensoriels tels que l’ouïe, la vision, le toucher, l’odorat et le goût. Une seconde perception contenue dans des mots de la langue servant à qualifier des phénomènes de la vie sociale des individus. Une troisième perception qui désigne la notion linguistique à construire et renvoyant à une catégorie précise des mots employés nécessitant l’intervention de la première perception pour avoir un sens. À l’aide de critères linguistiques précis, il propose d’établir une liste de termes faisant intervenir une perception, d’examiner leurs propriétés linguistiques afin de parvenir à en retenir certains comme étant définitoires d’une classe stable. Ce qui lui permet d’affirmer que les verbes de perception ne peuvent être que des verbes du troisième type de perception (perception 3) qui serait l’équivalent de la perception au sens linguistique. Cette dernière regroupe aussi bien les connaissances rangeables dans la première perception (perception 1) que les autres formes de savoirs reconnus par la collectivité de par leur accès direct parce qu’ils « vont de soi » et donc ils constituent des vérités indiscutables, historiquement inattaquables facilitant une « mise en contact » sans intermédiaire.
Georges Kleiber, dans la continuité des travaux qu’il a établis, seul ou en collaboration avec Vuillaume, se propose de faire le point sur la 13question linguistique de l’expression et de l’identification des odeurs. Il fonde sa recherche sur deux constats primordiaux pour aborder l’existence puis l’identification des odeurs : premièrement, l’absence de dénominations des odeurs ; deuxièmement, le recours au nom de la source de l’odeur (N de N) contenu de forme ou type Dét + odeur + de + (dét) N renvoyant au nom de la source (le cas de : une odeur de citron, etc.). Son questionnement sur l’existence réelle des noms d’odeurs dévoile l’absence de véritables odoronymes dans la mesure où les noms présentés généralement comme des noms d’odeurs sont partagés entre la classe des noms généraux ou superordonnés, et celle des noms servant à spécifier le type d’odeur. Cependant, pour répondre à son interrogation sur la manière d’identification des odeurs, il propose une analyse des constructions binominales avec odeur comme nom-tête. Il se focalise sur ce qu’il appelle les constructions de catégorisation des odeurs (CCO) de forme [Dét] odeur + de + N2 qu’il sépare, à travers la notion de source, de la construction Dét + odeur + de + Dét + N2. Cette approche met en évidence l’origine du pouvoir de catégorisation olfactive de la construction de catégorisation des odeurs et les raisons qui lui donnent la force dans l’identification des odeurs.
Faisant suite à ses précédents travaux portant sur les niveaux d’analyse des énoncés parémiques, notamment le projet ALIENTO, Guy Achard-Bayle engage une nouvelle étude qu’il inscrit dans le domaine de la parémiologie linguistique et de la linguistique comparée. En se basant sur le sens et la signification du proverbe « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas », il tente d’expliquer que tout est construit sur des relations « à deux » incluant forme et sens, voire l’organisation formelle et conceptuelle des énoncés parémiques ou d’énoncés exprimant « une vérité générale » ou un « sens commun ». Fondés souvent sur la binarité, les énoncés parémiques se partagent la notion de l’« universalité » comme point commun qui renvoie à un contact et à un voyage ou un transfert dans l’espace et tout au long de l’histoire. Ce phénomène rapproche, au-delà du temps et de l’espace, les expériences physiques, mentales, environnementales, culturelles, individuelles et collectives qui sont à l’origine de la production de ces énoncés et motive leur usage dans la société, notamment méditerranéenne. Guy Achard-Bayle prend comme base, pour cette recherche, les études logico-sémantiques engagées par Martin (Martin, 1983-1992, 1987, 2002, 2016), sur les représentations 14(univers de croyances) et leurs expressions (images d’univers). Il veut comprendre en quoi l’étude des parémies les plus « sensorielles » permet d’avancer dans la réflexion sur la question des divers universaux. Il fait donc appel en premier lieu aux niveaux de l’analyse parémique et les niveaux d’implication parémique. Dans un second temps, il aborde l’universalité dans les langues pour pouvoir traiter les universaux linguistiques. Enfin, il s’interroge sur les limites et les frontières du socle commun que semble partager un nombre important de langues et cultures, notamment la circulation et l’appropriation des énoncés de sagesse.
Zahra Zaid, en se basant sur son intuition et sa maîtrise de la langue, se charge de traiter les mots de couleurs, leur morphologie (noms, adjectifs, verbes, etc.) et leur fonctionnement ou comportement syntaxique en arabe marocain. Elle observe la morphologie des mots de couleur par le biais de la dérivation (affixation et suffixation) et la composition des formes générées : simples ou composées. Ces mots, d’un point de vue syntaxique, ont pour fonction soit de dénommer, soit d’argumenter, soit de qualifier les autres éléments auxquels ils sont associés au sein de la structure lexico-grammaticale et phrastique. D’où la nécessité de faire le lien ou la correspondance entre les structures morphosyntaxiques (nominales, verbales, adjectivales), la disposition de leurs actants et leur valence. En plus de fournir une représentation générale des mots de couleurs en arabe marocain, l’auteure étudie l’emprunt comme processus d’enrichissement de ces catégories lexicales dans les pratiques langagières des Marocains. Cela pour expliquer que la langue, qui entre en contact avec d’autres langues, notamment le français, emprunte ou perd des mots, impliquant un nouveau devenir de ses formes lexicales. L’établissement de listes de mots de couleurs est une démarche efficace pour rendre compte de l’évolution de la langue à travers l’évolution des formes empruntées puis adaptées pour construire du sens aussi bien dans la phrase que dans la pratique.
Salam Diab Duranton mène une étude philologique et lexicale portant sur l’importance de la nourriture, de l’art culinaire, de l’hygiène alimentaire et de son matériel chez les Arabes à travers l’analyse de quatre traités de cuisine allant du xe au xiiie siècles. Un grand intérêt aux mets prend place très tôt dans les traités de cuisine. L’auteure étudie certaines sourates et versets (al-Mā’ida, Muḥammad, Les croyants, etc.) 15faisant état du type d’aliments ou produits alimentaires à consommer (pain, huile, figues, dattes, grenades, olives, céréales lentilles, fèves, etc.). Les traités analysés exhibent un mode de vie, un code de conduite à adopter en société, notamment la société savante. Elle met ainsi en valeur le rôle et la place de la culture culinaire au sein du Califat musulman à Bagdad ainsi que le développement d’un jargon technique réservé au domaine alimentaire et à l’art de la table qui, au fur et à mesure des conquêtes arabes, devient un savoir-faire et une culture à prendre en compte parce qu’elle associe le bien-être physique et mental au mode de consommation alimentaire et hygiénique : un esprit sain dans un corps sain. D’où la richesse de cette étude qui intéressera aussi bien l’anthropologie, la sociologie, la médecine, la nutrition, la chimie que l’agriculture, la botanique ou autres disciplines connexes.
Marie-France Merger, en inscrivant sa recherche dans le cadre de la relation de voyage ou adab al-riḥla et des discours de célébration à caractère épidictique et évaluatif, mène une analyse diachronique et comparative sur l’expression des couleurs et des odeurs dans les guides touristiques. Elle démontre la manière dont ces supports de communication, producteurs d’images et d’imaginaire exotique et pittoresque, font la promotion de l’image du Maroc. En plus des odeurs et des couleurs senties, vues et proposées à l’Autre, le Maroc y est présenté comme une destination attractive avec des sites et des itinéraires divers et variés. Ces derniers, en associant le « superbe » à l’« admirable » et au « merveilleux », incitent à la découverte et à la consommation. D’où la fascination du récepteur par la diversité et l’abondance des lieux communs, des sites branchés, des clichés, etc., représentant le patrimoine matériel et immatériel marocain.
Dans la continuité du traitement de l’itinérance initiatique par les saveurs, les odeurs et les couleurs, Laurence Denooz, en focalisant sa recherche sur l’analyse du roman Le marcheur de Fès d’Éric Fottorino (2013), propose une nouvelle approche ralliant quête de soi et itinérance, différence et ressemblance du message des cultures, voire des religions. C’est dans et entre les rues de la ville de Fès que le narrateur mène un voyage sensoriel qui lui permet de découvrir ses racines, de se découvrir et de se sentir à travers et dans l’histoire de la ville et les multiples souvenirs mémorisés du père dans les ruelles de Fès (échangés aussi par mails). Cette perception sensorielle de l’espace dans Le marcheur de Fès, 16d’un point de vue phénoménologique et narratif, montre comment les souvenirs du passé se transforment en objets sensibles du présent et deviennent un moyen de construction identitaire pour les générations futures. Les sons, les odeurs et les couleurs deviennent un pont entre le Père et le fils, entre l’Autre et Soi, entre le passé et le présent, entre le Maroc et la France et leurs cultures singulières s’étendant jusqu’au rapprochement entre le Maghreb et l’Europe.
Dans le prolongement de l’adab al-riḥla ou récits de voyages, Nancy Ballard s’intéresse aux récits de voyages en Orient des voyageurs occidentaux andalous et maghrébins. Elle prend les récits d’Ibn Baṭṭūṭa, s’intéressant à l’art de la table chinois, comme cas d’étude. En plus d’effectuer son pèlerinage à La Mecque, Ibn Baṭṭūṭa traverse les territoires de l’empire mongol, les territoires de la dynastie des Ilkhanides en Perse, en Irak et en Anatolie orientale, les territoires de la Horde d’Or dans les steppes russes, les territoires du khanat de Djaghataï en Asie Centrale et ceux du Grand Khanat en Mongolie et en Chine. L’auteure postule que, dans sa rihla, Ibn Baṭṭūṭa se serait limité à fréquenter uniquement les musulmans et leurs lieux à l’exception de Constantinople, de la Sardaigne et de la Chine. Elle propose ainsi de faire un relevé des mentions aux arts de la table chinois dans le texte d’Ibn Baṭṭūṭa et de les étudier en profondeur pour montrer le silence d’Ibn Baṭṭūṭa, par subjectivité ou par négligence, sur plusieurs aspects de la culture chinoise. Non seulement elle traite les aliments et la cuisine chinoise mais également les traditions, les usages alimentaires et les ustensiles, surtout en porcelaine utilisés dans une cuisine ancestrale, aidant à l’expression des saveurs et des odeurs, d’où la forte admiration de la Chine de la part des étrangers. L’auteure à travers la relation de voyage d’Ibn Baṭṭūṭa qui, en évitant de trop se servir du fabuleux, de l’extraordinaire et de l’incroyable, parvient à nous transférer une représentation plus ou moins erronée de la vie des communautés musulmanes de Quanzhou, Canton et Hangzhou au xive siècle, des descriptions qui demeurent, enfin, conformes à la réalité et aux sources chinoises.
Dans une approche traductologique et traductionnelle, Randa Saliba Chidiac s’interroge sur les défis, qui sont aussi des problèmes et des erreurs pouvant résulter de l’opération de traduction, auxquels s’expose un traducteur d’une recette de cuisine vers une autre langue et une 17autre culture. L’autre langue-culture sous-entend une différence de méthode de cuisine et de cuisson qui remet en cause le côté compliqué des dénominations des ingrédients des recettes de cuisine à préparer ; des dénominations qui changent d’une langue à une autre impliquant l’exotisme et le fabuleux de la culture source et son degré de réception dans la culture cible.
Consciente que la recette de cuisine dépasse le stade des genres textuels construits sur l’assemblage de mots, groupes de mots et de structures phrastiques, Randa Saliba Chidiac explique que cette dernière, comme la traduction, est fondée sur un plan dont il faut respecter l’ordre des étapes pour parvenir à la préparation d’un plat réussi : le plat final dont les invités attendent le plaisir de la dégustation et de l’appréciation de ses saveurs. Le goût et les saveurs sont ici synonymes de réussite et d’échec participant dans le jugement et l’évaluation des effets sensoriels, sensationnels, voire sentimentaux causés par un plat sur les individus, et c’est à la traduction de produire ces effets dans la langue et la culture cibles. L’auteure démontre comment le type de recettes influence le contenu de la traduction qui doit rester le plus proche possible de l’originalité et créer un effet équivalent au contenu initial. Car si la traduction de la recette de cuisine est compliquée, elle peut transformer ou produire une recette plus complexe dont l’effet sera très dur à saisir par la réception. Cependant, elle parvient à faire le lien entre recettes et livres de cuisine et à comprendre que les livres de cuisine, constitués de plusieurs recettes et basés sur une terminologie spécifique, sont des mélanges et genres d’écritures divers et diversifiés que le traducteur doit prendre au sérieux, notamment dans leur côté instructif. L’instruction impose le respect du choix des mots, des étapes et des directives pour conserver l’âme, la texture et le goût reconnu ou produit du plat final. Cela implique la difficulté de l’opération de traduction qui se trouve confrontée en grande partie aux particularités linguistiques, culturelles et religieuses de la langue cible. Le traducteur assume ainsi la responsabilité, en traduisant le langage et les mots du goût, souvent complexes lexicalement et sémantiquement, de transférer ce goût dans la langue-culture d’accueil.
Souad Moudian, dans une approche lexicale transformant ou représentant les odeurs, les goûts et les saveurs en mots dans la culture 18amazighe rifaine, traite le goût comme un phénomène complexe dont l’étude nécessite l’intervention de plusieurs disciplines telles que la linguistique, la sociologie, la psychologie, etc. Le goût, en plus de participer à l’acte alimentaire, demeure le sens par lequel les individus découvrent l’essence des aliments, analysent et perçoivent leurs saveurs dans le contexte. Autrement dit, elle confronte la langue en tant que moyen d’expression et de communication sociale à la langue comme organe facilitant la perception et la distinction des saveurs pour atteindre son objectif. L’auteure se sert ainsi d’un corpus composé de mots, d’expressions figées et de proverbes employés par les usagers rifains pour l’appréciation du/des goût(s). Pour parvenir à la mise en place d’une liste des catégories grammaticales impliquant la notion du goût (nom, verbe, adjectif, etc.), elle classe ces unités linguistiques selon des procédés morphosyntaxiques et sémantiques précis. Cela lui permet d’étudier la valeur sensorielle et émotionnelle, voire symbolique du goût à travers l’étude des représentations socio-culturelles des mots du goût dans les pratiques individuelles et collectives de manière synchronique et diachronique. Les traces linguistiques de plusieurs expressions reflètent uniquement les goûts d’hier, d’autres se limitent à l’expression des goûts d’aujourd’hui impliquant une mise à jour de leur sens et de leur signification dans le discours et en société.
Pour conclure, l’étude linguistique, philologique, littéraire, anthropologique, historique des saveurs, des odeurs et des couleurs vues, senties ou goûtées ici et ailleurs en Méditerranée et en Orient, dévoile le poids et le pouvoir de ces notions dans les pratiques sociales et montre à quels points elles sont capables de rapprocher et fédérer les cultures. Les connaissances culinaires, olfactives et visuelles influencent la perception du goût qui augmente ou change avec l’intensité de sa couleur et de son organisation. C’est la raison pour laquelle les travaux de ce numéro, dans une vision plus instructive et plus constructive, se proposent d’expliquer comment la nourriture et l’alimentation ne représentent pas uniquement le fait de manger et de s’alimenter mais relèvent d’un code précis qui commande la préparation des produits à consommer. Ce code pratique du culinaire, de l’olfactif et du visuel se transforme en un art qui répond de façon plus raffinée aux besoins immédiats et durables d’apprécier et de partager un plat, un habit ou un parfum au 19sein de la collectivité. Ainsi code et art de la table et d’agencement des couleurs se font souvent dans le respect des règles dictées par le rang social et l’appartenance à une communauté ou une classe : les gens du pouvoir, les notables, les intellectuels, etc.
Abdenbi Lachkar,
Laurence Denooz
et Nehmetallah Abi-Rached