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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés/Abstracts

Lorenzo Bianchi, « Libertinage et hétérodoxie chez Bayle. Quelques questions »

Bayle a entretenu des relations avec les « libertins érudits » : en témoignent sa correspondance, les articles dédiés à La Mothe le Vayer et à Guy Patin, ou son édition des Naudaeana et Patiniana (1703). On trouve trois sujets communs entre Bayle et les auteurs du « libertinage érudit » : celui de la critique historique, celui de la distinction entre raison et foi et celui de lathée vertueux. Bayle nopère pas un simple rétablissement de ces thèmes ; il les réélabore dans le nouveau cadre de la philosophie post-cartésienne.

Bayle had relations with the “erudite libertines,” as is testified by his correspondence, the articles dedicated to La Mothe le Vayer and Guy Patin, or his edition of the Naudaeana et Patiniana (1703). One can find common themes of Bayle and the authors of “erudite libertinism”, including those of historical critique, the distinction between reason and faith, and the virtuous atheist. Bayle did not simply repeat themes, but re-elaborated them within the new framework of post-Cartesian philosophy.

Isabelle Moreau, « Du “mot de gueule” aux “idées accessoires”. Pierre Bayle et les obscénités libertines »

Lorsque le Dictionnaire de Bayle est censuré par le consistoire de Rotterdam, la première accusation est celle dobscénité. La réponse de Bayle est très satirique à légard des censeurs. Elle met en question les compétences respectives des diverses instances de contrôle et de censure, pour mieux assurer lautonomie de la République des Lettres. Dotée dune forte dimension réflexive, elle interroge aussi le fonctionnement de la langue et réfléchit sur le « lieu » obscène et ses ambiguïtés.

When Bayles Dictionnaire was condemned by the Rotterdam Consistory, its first accusation was that of obscenity. Bayles response to the censors was highly satirical. It put into question the respective competencies of the different bodies of control and censorship, in order to defend the autonomy of the Republic of Letters. Displaying a 270strong reflexive dimension, it also questioned the functioning of language and reflects upon the topos of the obscene and its ambiguities.

Anne Staquet, « De lathée vicieux à lathée vertueux. Genèse du démontage dune idée toute faite »

Cest Bayle qui le premier, dans ses Pensées diverses sur la comète, a énoncé lidée de la viabilité dune société dathées. Sa proposition sappuie sur un long raisonnement au sein duquel il réhabilite la possibilité pour les athées dêtre vertueux. Or, plusieurs de ses arguments avaient déjà été présentés par dautres philosophes modernes : Cardan, Vanini, La Mothe le Vayer ou Hobbes. Ceux-ci seront soulignés au sein de largumentation de Bayle, afin den montrer loriginalité.

In the Pensées diverses sur la comète, Bayle was the first to put forward the idea of a society of atheists. His suggestion relies on an extended argument wherein he rehabilitates the notion that atheists can be virtuous. Many of his points had, however, already been put forward by other modern philosophers : Cardana, Vanini, La Mothe le Vayer or Hobbes. In this paper, I stress the presence of these thinkers within Bayles argumentation, and the originality of their positions.

Nicole Gengoux, « Le mal est-il un problème ? De lathéisme du Theophrastus redivivus à Bayle »

Une comparaison à partir de la question du mal entre Bayle et lauteur anonyme du Theophrastus redivivus (1659), un auteur proche sur de nombreux points mais radicalement athée, permet de proposer une hypothèse à propos du « pessimisme » de Bayle et de « loptimisme » de lAnonyme. Cette différence anthropologique a une conséquence paradoxale sur le plan politique : Bayle sera plus tolérant à légard de lathéisme, tandis que lAnonyme reste enfermé dans lidée de lutilité morale de la religion en politique.

A comparison, taking its departure in the question of evil, between Bayle and the anonymous author of the Theophrastus redivivus (1659), an author close to him on numerous point but radically atheist, allows us to propose a hypothesis regarding Bayles “pessimism” and the anonymous authors “optimism”. This anthropological difference leads to a paradoxical consequence on the political level : Bayle is more tolerant toward atheism, while the anonymous author remains committed to the idea of a moral utility of religion for politics.

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Jean-Michel Gros, « Bayle et les “Libertins graves” »

Dans la lettre centrale de Ce que cest que la France toute catholique, un jeune protestant « révolté » contre léglise de France, en vient à une critique radicale de la religion en elle-même. Quelle est la part de Bayle dans cette dénonciation de la nocivité intrinsèque à toutes les religions ? La question est dautant plus compliquée quen 1686, Bayle publie le Commentaire philosophique, où il définit les conditions dune tolérance philosophique des religions tandis que le texte précédent paraît invalider un tel espoir.

In the central letter of Ce que cest que la France toute catholique, a young Protestant, “appalled” by the French Church, formulates a radical criticism of religion itself. How much of Bayle should we see in this rejection of the intrinsic harmfulness of all religions ? This question is only the more complicated given the fact that during that in 1686, Bayle published the Commentaire philosophique, where he defined the conditions of philosophical tolerance of religion even though the first text seems to invalidate any such attempt.

Maxime Boutros-Jacqueline, « La liberté nest-elle quun mot ? Bayle et les controverses théologiques sur la liberté entre 1685 et 1688 »

Dans les années 1680, Bayle se prononce sur les controverses théologiques sur la liberté. Il dénonce leur vacuité, les réduisant à une querelle de noms. « Liberté » est traitée comme une étiquette applicable à toutes les positions en présence, y compris le spinozisme. Plutôt que de défendre positivement la compatibilité de la liberté et de la détermination, Bayle suggère que cette « liberté » pourrait aussi être décrite comme une absence de liberté.

During the 1680s, Bayle is writing on the theological controversies about freedom. He denounces their emptiness, reducing them to mere disputes about words. “Freedom” was treated as a label applicable to all the positions present, including Spinozism. Rather than defending in a positive way the compatibility of freedom and determination, Bayles suggests that this “liberty” can also be described as absence of liberty.

Antony McKenna, « Pierre Bayle, les vérités évidentes et les vérités particulières »

Cet article conteste linterprétation courante de Bayle comme un sceptique pyrrhonien ou académique et souligne le rationalisme moral qui fonde sa 272conception de la tolérance religieuse. Bayle souligne la nécessaire concordance entre la raison et la foi sur le plan de la morale ; les autres articles de la doctrine (adiaphora) sont relégués au domaine de léducation, de lhabitude, du « goût » et du « zèle ». Les « droits de la conscience errante » ne concernent que les croyances irrationnelles (adiaphora).

This article goes against the traditional interpretation of Bayle as a Pyrrhonian or Academic sceptic and insists on the moral rationalism which founds his conception of religious toleration. Bayle underlines the necessary agreement between reason and faith in the field of ethics ; the other articles of religious doctrine (adiaphora) are relegated, to the field of education, habit, taste and “zeal”. The “rights of the erring conscience” concern only the irrational beliefs (adiaphora).

Elena Muceni, « Le grand marionnettiste et son apprenti. Leers et Bayle, les premières années »

Larticle propose un aperçu des modalités et des résultats de la collaboration entre Pierre Bayle et limprimeur de Rotterdam Reinier Leers pendant les années1680. Lanalyse de la correspondance permet détablir quau cours de ces années Bayle a travaillé pour Leers tant comme intermédiaire que comme éditeur et reviseur. Lhistoire éditoriale des pièces de la querelle Malebranche-Arnauld permet de cerner les mécanismes exploités par Bayle et Leers pour alimenter cette controverse et stimuler lintérêt du public.

This article provides an overview of the modalities and results of the collaboration between Pierre Bayle and the editor in Rotterdam, Reinier Leers during the 1680s. The analysis of their correspondence allows showing how, during those years, Bayle worked for Leers as an intermediary as well as an editor and reviewer. The editorial history of the pieces that make up the controversy between Malebranche and Arnauld gives an idea of the mechanisms deployed by Bayle and Leers in order to kindle the controversy and stimulate public interest.

Grazia Grasso, « Pietro Tamburini, chrétien éclairé et lecteur de Bayle »

À fin du xviiie siècle les œuvres de Bayle circulaient désormais librement en Europe mais en Italie elles rencontraient encore de fortes résistances. Face à la rareté des contributions sur la pensée baylienne dans ce pays, larticle propose une relecture de Bayle par Pietro Tamburini, janséniste, juriste et théologien lombard ; il veut montrer aussi la très grande proximité du philosophe au 273sujet de la tolérance civile, dans lactualité brûlante des nouveaux enjeux politiques et religieux.

Towards the end of the eighteenth century, Bayles works now circulate freely in Europe but still encounter staunch resistance in Italy. Considering the rarity of contributions on Bayles thought in this country, the article studies a reading of Bayle by Pietro Tamburini, a lombardian Jansenist, jurist and theologian. It also shows the striking affinity of the philosopher with the question of civic tolerance, within a new context of political and religious issues

Myriam Bernier, « La réception de Pascal par les libertins »

Cet article étudie la réception des Pensées de Pascal par les libertins, dabord par les amis de Pascal, Méré et Mitton, longtemps tenus pour les principaux destinataires de son œuvre ; mais plus largement par ceux du xviie-xviiie siècle dont on a pu trouver des traces. Cette étude nous amènera à réévaluer le statut des Pensées, à se demander si elles ont bien été écrites dans le but de convertir un lecteur extérieur ou si elles ne sont pas dabord pas destinées à Pascal lui-même.

This article studies the reception of Pascals Pensées by the libertines, primarily by Pascals friends, Méré and Mitton, who were for a long time considered the principal addressees of the work ; but also more broadly by such figures of the 17th an 18th century of whose reception we have some trace. The study leads toward a reevaluation of the status of Pensées, and to an interrogation about whether the work was written in view of converting an external reader of whether it was not rather destined for Pascal himself.

Anna Lisa Schino, « Hobbes et les libertins. Comparaison sur le rôle politique de la religion »

Dans les pages de Thomas Hobbes on retrouve un développement de la réflexion libertine sur la religion : lorigine de la religion est la même, mais sa fonction est très différente. Hobbes met en crise la conception libertine selon laquelle, sans religion, sont impossibles aussi bien la société humaine que le respect de la loi. Pour les libertins, seule la peur de Dieu peut tenir la bride aux instincts égoïstes ; Hobbes préfère sen remettre à la raison et à ses calculs, donc au libre consentement des citoyens.

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In Thomas Hobbes, one finds a development of the libertine conception of religion : the origin of religion is the same, but its function is quite different. Hobbes criticizes the libertine conception according to which, without religion, both human society and respect for laws are impossible. For the libertines, only the fear of God can curb egoistical instincts. Hobbes, for his part, prefers to defer to reason and its calculations, thus to the consent of citizens who commit themselves to obeying the sovereign.