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Classiques Garnier

Avant-propos

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Avant-propos

Cest avec joie que nous annonçons la renaissance du périodique Libertinage et philosophie à lépoque classique (xvie-xviiie siècle). Il paraît désormais aux éditions Classiques Garnier, ce qui apporte non seulement la diffusion de la version papier mais aussi lédition électronique, garantie dun lectorat plus large. Ayant conduit la publication depuis le premier numéro en 2000, les directeurs actuels, Antony McKenna et Pierre-François Moreau, se retireront en passant le témoin à une nouvelle équipe constituée de plus jeunes chercheurs : Nicole Gengoux, Pierre Girard et Mogens Lærke, qui prendront les choses en main dès lannée 2018.

La renaissance de cette publication nous paraît utile dans la mesure où il constitue un espace dexpression et de débat ouvert à tous les chercheurs, jeunes et confirmés, qui sintéressent à tous les aspects de lhistoire de la philosophie et de lhistoire sociale des idées à lâge classique. Nous pensons avoir accompli une première étape de notre ambition initiale en mettant en question la tranquillité bien pensante et fervente de lâge classique et en mettant en évidence des conflits philosophiques et religieux qui ont régné tout au long de cette période. Les numéros déjà publiés nous ont convaincus que les conflits – sur le plan philosophique, religieux, moral et juridique – ont été permanents et très âpres. Libertinage et philosophie est un espace ouvert au débat sur toutes les questions liées à la sécularisation de la pensée et des mœurs : questions soulevées par la domination de lEglise à lâge classique, par les différents courants de la pensée religieuse et par les batailles internes à lÉglise chrétienne, par la lutte apologétique des théologiens contre le « libertinage » tel quils le concevaient, par la nature des résistances au pouvoir ecclésiastique, par les références philosophiques classiques qui permettaient de penser le monde sans Dieu (matérialisme, stoïcisme, épicurisme, scepticisme), par lévolution et la diffusion dune libre pensée (au sens où Anthony Collins emploie ce terme) que ce soit sur le plan de la polémique et de la parodie ou sur le plan philosophique 10de la métaphysique et de la morale, par les contraintes qui pesaient sur cette diffusion et enfin par lévolution des mœurs qui reflétait le refus de la discipline imposée par lÉglise. La perspective est volontairement très large, car elle correspond à toute la gamme des croyances et des résistances, à toutes la variété des doctrines et à toutes les nuances des philosophies en conflit. En effet, une des difficultés dans la réflexion sur les débats doctrinaux et sur les résistances à lautorité de lÉglise est constituée par la diversité des niveaux où cette autorité sexerce, car elle va des lieux communs de la foi superstitieuse et du conformisme des pratiques rituelles à la métaphysique la plus structurée et la plus exigeante. De même, la libre pensée, loin de se réduire à la simple licence des mœurs comme les théologiens ont voulu le croire, va du refus des lieux communs de la superstition et du conformisme des mœurs à la métaphysique la plus subtile et à la critique morale la plus ferme. En outre, elle témoigne de façon très dynamique de la dégénérescence et de la désagrégation des systèmes philosophiques, de leur morcellement, de leur transformation et de leur renaissance au moyen dun nouvel agencement dans dautres constructions conceptuelles. La bataille est engagée sur tous ces plans en même temps et lhistoire de la libre pensée ne saurait se réduire à une histoire de lérudition. Cest dans cet esprit que Libertinage et philosophie reste ouvert aux débats historiques et historiographiques les plus divers.

Antony McKenna
et Pierre-François Moreau