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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés

Marion Uhlig, « Introduction »

La présente introduction a vocation à éclairer le contexte dans lequel les articles qui constituent le volume ont vu le jour – celui dun projet de recherche sur les « Jeux de lettres et desprit dans la poésie manuscrite en français (xiie-xvie siècle) » financé par le Fonds national suisse –, ainsi quà envisager la fécondité et la richesse de la mise en dialogue dexpériences lettristes à toutes les périodes de la production poétique dexpression française.

Hubert van den Berg, “The (European) Middle Ages as a template of the European twentieth-century avant-garde(s). The case of Dada in Zurich”

Alors que lavant-garde européenne est souvent associée à un rejet du passé, le cas de Dada à Zurich indique le contraire. En témoigne lintérêt pour la culture médiévale comme source dinspiration pour les pratiques artistiques et littéraires davant-garde, dans Dada comme dans les mouvements davant-garde adjacents, mais aussi après la seconde guerre mondiale, comme le « vandalisme comparatif » dAsger Jorn dans le contexte de Cobra et des documents de lInternationale Situationniste.

Thierry Roger, « Le Coup de dés de Mallarmé. Conscience littérale et pratique littéraire »

Cette réflexion sur le Coup de dés (1897/1914) passe par trois moments : la « lettre-son » ou le dire ; la lettre-figure ou le montrer ; la lettre-force ou le faire. Cette perspective triadique entend compléter la vision trop binaire qui ferait de la lettre une forme abstraite et une substance concrète. De tels jeux de lettres, qui nont rien de purement ornemental, se font jeux de symétries contre le Hasard, jeux de contrastes pour la Nature, mais aussi jeux de pouvoir.

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Thomas Hunkeler, « Délit dinitié ? Tristan Tzara lit Villon »

Comment le cofondateur du mouvement Dada, Tristan Tzara, en est-il venu au courant des années 1950 à se muer en philologue cherchant un secret anagrammatique caché dans les poésies de Villon ? Alors quil avait affirmé, au début de sa carrière, quil suffisait de découper des mots dans un journal et de les rassembler selon la loi du hasard pour produire un poème, le dernier Tzara, lecteur, sest au contraire intéressé à un système de codage quil voyait à lœuvre dans le Lais et le Testament.

Isabelle Chol, « Le corps de la lettre. Jeux de lignes et saillances typographiques dans la poésie de langue française des années 1910-1920 »

Dans le contexte des avant-gardes, la poésie en français du début du xxe siècle nest pas à proprement parler lettriste. Pourtant, la spatialisation du poème, dans ses jeux de lignes et de blancs, témoigne de lintérêt porté à la matérialité du langage et à sa valeur signifiante. Larticle propose dobserver la place et le rôle de la lettre dans les pratiques qui font de la typographie un moyen de la création poétique, ainsi que les effets de saillance produits par les jeux sur leur corps typographique.

Sylvie Lefèvre, « Les mystères du X »

Introduit du grec en latin par les Étrusques, X est dans la scripta française un signe vide qui sert en finale aux scribes. Mais le Moyen Âge en usa aussi à linitiale, comme translittération du grec pour Christ. Resémantisé à lépoque moderne, X entre dans le vocabulaire technique et la langue commune. Les abécédaires montrent la variété de ses noms et prononciations face à sa relative pauvreté acrophonique et iconophorique tandis quen littérature, X multiplie les inventions.

Jean-Pierre Bobillot, « Entre auralité et lisualité, linsistance de la lettre dans le poème. De quelques expérimentations médiopoétiques (des premières décennies du xxie siècle aux dernières du xixe) »

Longtemps et systématiquement méprisée au nom de « lesprit », du « Verbe » ou de « la signification » (ou « Idée »), « la lettre » comme élément graphique ou phonique du langage y joue un rôle médiologique fondamental et, plus 319encore, un rôle médiopoétique protéiforme et crucial, au fil de lhistoire de la poésie – pas seulement « lettriste » : Rimbaud, Allais, Apollinaire, Fourest, Albert-Birot, Seuphor, Ponge, Bryen et même Trenet ont accepté – malgré Boileau, Breton, etc. – de témoigner…

Julien Gœury, « “Les lettres mesmes sentre…utent”. La typographie satyrique dans la poésie dexpression française (xvie-xviie siècle) »

Cet article vise à étudier les conditions dans lesquelles sapplique dans la poésie française des xvie et xviie siècles linterdit linguistique pesant sur certains mots quand ils désignent les parties génitales et leur fonction reproductrice. Il sagit danalyser en particulier les opérations de troncature mise en œuvre par les poètes et/ou les imprimeurs qui les publient. Loin de toute prudence vis-à-vis de la censure, cest une véritable typographie satyrique quon entend ici mettre au jour.

Matthieu Corpataux, « Oscillations dApollinaire entre typographie et calligraphie »

Une étude typographique des « versions » préparatoires ou éditées des Calligrammes reste à faire. En effet, le geste éditorial de transcription modifie lœuvre. Apollinaire, conscient de cette problématique, anticipe les interventions éditoriales, adapte son dessin, négocie avec les contraintes techniques. Il conditionne ses créations aux contextes éditoriaux, et parfois renonce à une transcription. Dès 1913, il oscille entre reproduction typographique et affirmation calligraphique.

Claire-Akiko Brisset, « Jeux graphiques et poésie lettriste vus du Japon (xe-xxe siècle) »

Dune grande richesse, la culture graphique japonaise se caractérise par lusage de syllabaires phonétiques parallèlement à lécriture chinoise dont ils proviennent. La conscience aiguë de lécart autant que de la proximité entre ces deux systèmes autorisera durant un millénaire de nombreux jeux graphiques dans tous les contextes, et notamment dans le vaste domaine poétique. Cet article revient sur un choix varié de tels jeux, pris pour leur exemplarité dans lensemble du corpus.

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Guillaume Peureux, « Les vers figurés (xvie-xviie siècle) et les limites de la poésie »

Largement rejetés parce quils sont jugés frivoles ou considérés comme de simples jeux de collégiens, les vers figurés (on ne les nomme pas encore « calligrammes ») ne disparaissent pourtant pas de la production poétique au tournant des xvie et xviie siècles. On en trouve en particulier chez Jean-Aimé de Chevigny, Jean Grisel et Angot de lÉperonnière. La permanence de cette production révèle les faiblesses institutionnelle et stratégique des auteurs concernés.

Michel Viegnes, « Variations hétérogrammatiques dans les Alphabets de Perec. Jeu gratuit ou création poétique ? »

Dans Alphabets (1976), Georges Perec utilise les dix lettres les plus fréquentes (e, s, a, r, t, u, l, i, n, o) auxquelles il ajoute une lettre parmi les seize restantes, pour composer des vers dont chacun est lanagramme de la série de départ. Sagit-il dun jeu gratuit, ou trouve-t-on dans cette contrainte une réponse à lobsession mallarméenne du « coup de dés », en lien avec les traumatismes qui hantent lauteur de W ou le souvenir denfance (1976) ?

Pierre Thévenin, « Les heures sonores de lalphabet. À propos dHenri Chopin et Paul Zumthor »

Le format médiéval du livre dheures sert au poète Henri Chopin, aidé du médiéviste Paul Zumthor, à investir lalphabet dune valeur originale. Les Riches Heures de lalphabet, qui marquent en 1993 laboutissement de leur collaboration, offrent une relance originale de la poésie sonore. La voix se trouve alors inscrite dans une boucle anachronique, qui met au contact lune de lautre la vocalité de la lyrique médiévale et « lévénement acoustique » des poèmes par les moyens de la musique électronique.

Florent Coste, « Quelles contre-mesures opposer à une langue hégémonique ? À propos de Un ABC de la barbarie de Jacques-Henri Michot »

Un ABC de la Barbarie de Jacques-Henri Michot relève dun montage postpoétique couplant le format de labécédaire à celui du florilège sur fond de jeux dexemplification typographique, pour mettre en place un ensemble 321de procédures de prélèvement et de dénaturalisation dune langue médiatique, quon peut légitimement assigner à une hégémonie néolibérale. Le présent article œuvre à exhiber les principaux ressorts et la portée critique et politique de ces jeux de lettres.

François Cornilliat, « Retour au “b-a ba”. Du symbolisme alphabétique et de son effet »

Cette étude est un retour critique sur lanalyse des jeux de lettres menée jadis dans « Or ne mens » (1994), notamment à partir de LABC des doubles de Guillaume Alecis. Elle sinterroge sur les postulats et sur les conditions culturelles ou intellectuelles qui, à lépoque, incitaient son auteur, paradoxalement, à éluder lexamen symbolique, a fortiori matériel, de la lettre comme telle, au profit (et à la faveur) dusages rhétoriques posés comme déterminants.